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  • Fans de nus ? (réponse tardive à "l'épiphanie du nu" de Jerome Delatour)

    Des silhouettes féminines se laissent deviner derrière les rideaux, par morceaux, évaporées dans les rumeurs de la ville. Des chairs floues, déformées, précisées en un lent dévoilement, puis par un brusque éblouissement… Nu absolu: la couleur est annoncée. C'était le cas pour la performance présentée aux plateaux de la biennale il y a quelques mois. Et c’est toute la force et tout le problème de la proposition, un traité du nu en six études…

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    Sur le sujet du nu en général, je ne partage pas tout à fait l’analyse sociétale de mon ami Jérome Delatour (dans sa- trop rare- chronique à lire sur Images de Danse). Dans notre espace public, sur les écrans, les plages, les pelouses, les affiches, les corps me semblent plus que jamais (1) s’épanouir sans complexe, il est vrai à la concession prés du cache-sexe. Et c’est peu de dire que, dans l’espace du spectacle vivant, l’interdit est depuis longtemps tombé (disons depuis plus ou moins 68), ce qui reste toujours reçu diversement selon le contexte et le public. Il n’en reste pas moins que la nudité, quand elle se manifeste dans ce contexte, est rarement anodine ou innocente, d’une force qui ne se laisse pas épuiser…et surtout toujours un peu suspecte d’être instrumentalisée comme simple procédé de séduction, d’aucuns diraient de racolage. A bien les écouter on entend que les artistes sont loin d’être les derniers conscients de ce levier ou de ce risque…. On cède soi-même un peu à cette logique en partageant ici les photos prétées par la compagnie… Il faudrait toujours, dans les propositions concernées, un geste artistique fort et évident pour permettre de dépasser la relation d’exhibition et voyeurisme qui tendrait à s’établir entre artiste et public (je repense au passionnant Magical d’Annie Dorsen et Anne Juren): avec Who too d’United-C, c’est  parfois mais pas toujours le cas.

    En intégral et six chapitres, la nudité ne se laisse pas oublier, à l’avant plan. Fil rouge des propositions: cérébrale, sexuelle, académique, naturaliste, c’est selon. Il est en premier abord dérangeant, mais à la réflexion rassurant, que ces parties prises ensemble ne semblent pas pour autant former un tout homogène, l’inattendu dépassant parfois le parti pris de départ. Pour lire des impressions mieux ordonnées, on se reportera encore à Images de Danse. Je rejoins Jérome pour mettre à part des autres deux scènes qui s'en distinguent par la singularité du point de vue adopté.

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    D’abord Am I big, solo que je vois concentré sur la conscience de soi, matérialisée en monologue parlé. Pièce gorgée d’angoisse et traversée de panique, la femme saisit sa chair par poignées, tyrannisée par les normes. Puis Photograph, pièce dominée par la conscience des autres, la conscience du public. Les deux jeunes femmes sont assises immobiles et de coté sur des fauteuils, sexes dérobés à notre vue. Notre regard est interrogé par leur inactivité, trompé par des gestes d’une l'extrême lenteur. Est ce un défi, un refus, une lassitude? Une femme habillée vient, qui les détaille, nous regarde. Concession à notre attente, des mouvements des mains des danseuses immobiles annoncent d'imperceptibles affaissements, jusqu’à, enfin, la chute.

    Les autres pieces sont gagnées en commun par la violence des mouvements. Circulaires, répétés, urgents et traversés d’énergie. L’exécution d’une pièce à l’autre est inégale, mais c’est cette brutalité partagée et première qui gagne mon intérêt, cohérente avec la charge visuelle du nu, tout en parvenant par moment à s’en échapper. L’âpreté des gestes contraste avec la vulnérabilité des corps des danseuses, étourdies et étourdissantes. L’une d’entre elle évoque un archétype juvénile de Cranach, c’est de saison. Les soli se transforment en ensembles, entre décharges et temps lents, de la transe à l’unisson, sous le regard sévère et intermittent d’une femme habillée, qui semble jeter sur ce spectacle un regard sévère et distancié du haut de siècles de civilisation, pour jauger et accuser. Des mouvements incessants tournoient à contre jour. La fureur ou la frustration manifestent, s’épuisent en chutes, les jambes rougissent et la peau marque. Dans la mise à l’épreuve de l’interprète, on approche quelque chose de l’ordre de la performance, aussi vrai que la chair dévoilée. Si les corps présentés en eux-mêmes ne laissent plus rien imaginer, les gestes font deviner les tempêtes qui les agitent en dedans. Avec détermination, La danse apparait ici tout sauf sophistiquée: frustre et corporelle à un point qui peut troubler, voire susciter le rejet. D’un dépouillement entêté, l’énergie travaille le sujet jusqu’à l’épuisement, pratique une politique de terre brulée. C’est à prendre ou à laisser.

    Guy

    C’était Who Too d’United C, présenté en Mars à Vanves au festival Artdanthé

    Photo de Van Der Put avec l’aimable autorisation de la companie