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Ici, presque maintenant

L'image trompe, décidement, ne laisse passer de la réalité que reflets et apparences. Devant nous quatre danseurs en vrai et sur trois écrans, leurs actions projetées quelques quarante secondes plus tard ( soit peu ou prou le délai de survie de la mémoire immédiate). Devant cette glace truquée, les grimaces suivent avec un effet retard. La performance se déroule comme un jeu, qui d'abord d'un peu froid devient vite rafraichissant, comme déroulé dans la cour de récré avec sérieux et insouciance, les gestes de l'un repris par l'autre comme balle au bond devant l'écran qui témoigne juste alors de l'action du premier, puis par le suivant, ainsi de suite. Jusqu'à un possible épuisement? Non, les protocoles se renouvellent, l'imitation est détournée en subtils glissements, surprises et décalages, comme dans un jeu de téléphone arabe, du chef d'orchestre, du cadavre exquis, du chant en canon. Ces partis-pris formels en agacent certains, mon regard s'amuse et travaille à les suivre danseurs et doubles, se souvenir et anticiper... le jeu est perdu d'avance, evidemment. Avec la jubilation de repérer les petites tricheries qui viennent pervertir les regles. Je suis placé de coté à saisir tout le relief et la profondeur de leurs mouvements, et d'un coup d'oeil mesurer tout ce que trahit l'écran, par artifices voulus ou impuissance, tout ce qu'il perd de la chaleur et de l'émotion des corps, l'aplatissement.

 

 

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La drôlerie laisse percer de l'inquiétude, peu à peu, affleurer peut-être un fond de panique. le tempo semble s'accélérer, et les interprêtes capturés en boucle semblent devenir les servants essoufflés d'une logique absurde, d'arithmétique déréglée. Démontrant, à petite échelle, la difficulté de rattraper le temps qui fuit. Est ce possible de laisser une trace derrière soi, de permettre un geste artistique-si mince soit-il- de survive dans la mémoire au delà des quarante secondes fatidiques? La disparition finit par s'imposer. Même pas grand chose, tout se déforme, tout se transforme, tout se transmet mais se dégrade aussi, tout s'échappe. Aussi les danseurs parfois à la surveillance froide de la caméra, libérés pour quelques instant de l'oeil de ce big brother, libérés du devoir de se souvenir et répéter, prêts alors à un peu danser l'instant sans avoir à conserver celui-ci. Mais la pièce revient vers de nouvelles boucles et séquences, sans peut-être l'ambition d'approfondir ces considérations, préfère s'autoriser encore de la légéreté. Les désabillages/rhabillages burlesques vers la fin affolent quelque peu le dispositif du départ, remettent au premier plan l'interactivité décalée entre danseurs et font oublier caméra et écrans: pied de nez, volontaire ou non, à la technologie et la captation.

 

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C'était Ici de Mylène Benoit et Olivier Norman, vu à la salle Panopée du théatre de Vanves, avec Artdanthé. 

Guy

Photos de Fabrice Poiteaux avec l'aimable autorisation de la compagnie

Commentaires

  • Merci Guy!
    J' aimerais juste ajouter les noms de interprètes:
    Matthieu Bajolet
    Denis Robert
    Nina Santes
    Beatriz Setien

  • Pardon Beatriz pour cet oubli, cela méritait d'être écrit. D'autant plus que les interprêtes ont bien du prendre ici leur part de création, j'y pensais en écoutant le chant en canon ;-).

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