Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

cecilia bengolea

  • Kataline à la ferme

    Ardanthé finit la saison en beautés, en audaces qui nous sourient. En début Sylvain Prunenec a dansé comme on pose un rébus, en un parcours drolatique et accidenté: toréador fou ou danseur de flamenco, cow-boy ou chanteur de blues... C'était court en juste un quart d'heure, mais assez pour annoncer le thême: connivences et jubilation. Et laisser Delgado et Fuchs enchaîner, irrésistibles et pinces sans rire.

    3307675896_dd743aae8e_o[1].jpg

    Plus tard, Yves-Noël Genod raconte. Qu'il est tombé amoureux d'un homme mais que les femmes lui manquent. Ensuite bien d'autres choses. Est ce sa vie ou fiction? On ne sait. Et on renonce vite à se poser la question. Ainsi qu' à catégoriser la chose en danse ou théatre. De même qu'on avait admis voir Y.N.G. arpenter la salle avant le début de la pièce, poser, avec superbe et affabilité. Quant au texte, il est avéré et en version intégrale sur son blog , où il ne détonne en rien avec les autres mots jetés au même endroit depuis des mois ou des années, avec une intarissable régularité. Autant de pièces en devenir? Ce monologue là est joliment désinvolte. Le disant Y.N.G. se balade, deguinguandé et décoloré, avec ce qu'il faut d'hésitation. Offre et force l'acception, en douceur et empathie, avant même de poser le sujet. Séduit en évoquant le poète vierge(1)- Baudelaire- qui allait au bordel sans consommer. Question scénographie, le bordel est plus étudié qu'à première vue. Factice assumé et scène sur tréteaux, neige artificielle comme juste échappée d'une boule de noël, en fond d'écran images de paysages hivernaux, fagots. L'ensemble aussi kitsch qu'une créche de noël, d'un état naturel et révé. Justement, Y.N.G. cite Jean Jacques Rousseau. L'utopie s'installe doucement devant nos yeux-peut-être même tient on là le sujet. Kataline Patkai dialogue en ingénue, apporte des lapins, puis un chat, puis un chevreau. Lui donne le biberon d'une main assurée, et parvient plus ou moins à se faire respecter par ses amis à poils. C'est la douce image de l'harmonie retrouvée. Y.N.G. poursuit sa promenade d'aphorismes de Tolstoi à Pompidou. Fait du name-droping. On lui pardonne. Du début jusqu'à la fin on passe du cop à l'âne, mais en beauté. La belle entourée des petites bêtes se dévet par morceaux: habits de fermière mais sous-vêtements sophistiqués. Puis en tenue de nature: telle Eve rejointe par un Adam pour quelques exercices de paradis terrestre. On y repensera l'heure d'aprés en voyant Cecilia Bengolea et François Chagneau délivrer leur propre version de l'innocence decomplexée. Le pianiste- nu lui aussi- se perd en arpèges, les lumières caressent, Y.N.G. ponctue le tout d'interventions épicées, installe le flou, et une pudeur imprévue. Des moments de rires et d'émerveillements, pas de regrets. L'ensemble a trouvé son tendre équilibre, decousu et sans leçons à donner. Un peu de gravité tempérée par beaucoup de dérision, du dandysme. Une grâce plane, inaccessible à l'analyse. On fond, tout autant qu'Hamlet nous avait crispé. Moralité énoncée au cours d'un déjeuner sur la neige: "L'art c'est la décadence". Voire: tout celà n'aurait il pas été trop gentil (quand le nu ne compte plus)? Il faut bien un peu de vraie provocation: Kataline découpe à cru un civet et quelques spectatrices détournent les yeux. A bas les tabous!

    3326184011_42e38c2744.jpg

     

     

    C'était C'est pas pour les cochons! de Kataline Patkai et Yves Noël Genod, avec aussi Yvonnick Muller et Pierre Courcelle au piano. Ainsi que Love me, love me, love me de Sylvain Prunenec. Et à nouveau Manteau Long en laine marine... de Delago Fuchs et Paquerette de François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Pour la soirée de cloture d'Artdanthé.

    Guy

    La saison d'Ardanthé n'est pas finie : épilogue avec Boris Charmatz et Médéric Collignon le 5 mars.

    (1) ainsi surnommé par Nadar

    photos de Jérome Delatour, les autres sur le flick'r d'Images de danse.

    lire l'article de Jérome Delatour. et celui de M.C Vernay dans Libération, repris par Y.N.G.

  • Self & others: Cecilia, Alain, François, Matthieu, Hanna et les autres...

    C'est foutraque et déroutant. Chacun des quatre danseurs à son tour a son moment, et tous à la fin rassemblés pour un défilé fait de bric et de broc (qui n'est pas sans évoquer dans le détournement celui de parades & changes). Oui: la succession de ces numéros agace jusqu'à la fascination. Mais cette dispersion est sans doute consubstantielle au projet, d'autoportraits. Ceux ci d'autant plus détournés que floutés derrière le voile qui sépare salle et scène. Ces personnages sont surtout ce qu'ils font. Se définissent par ce avec quoi ils jouent: des matériaux déglingués et disparates: musicaux, gestuels, textuel, scéniques... Les résultats ne sont pas tristes. Et les portraits surprenant, irrévérencieux, provocateurs forcement, allusifs, comme pour travestir d'inavouables aveux.

    C'est donc gonflé, toujours au bord d'être gonflant. Mais l'esthétique fait le liant, une touche Buffard dans le tout et dans les petits riens. A savoir, à travers ces errances dans un décor de lendemain de fête: des postures de dandy décadent, un pessimisme drôle et pudique, jusque même dans l'exhibitionnisme. Tous semblent en sursis. Mais tenus par une cohérence souterraine, un mouvement qui nous fait aimer ici ce qu'on rejetait chez Laâbissi. François Chaignaud ouvre les festivités en faune écossais, préside une veillée aux bougies comme un Barry Lydon du pauvre, prodigue des fellations et d'autres outrages à des poupées barbie. Il fait son effet, entonnant une chanson libertine d'une voix de tête et tête en bas. Toutes bornes dépassées, on sait où on se situe. Cecilia Bengolea s'engouffre dans la brèche, et s'enfourne des petits chevaux dans le décolleté et dans des culottes gigognes, crie "vanité", entame un dialogue- qui semble furieusement extrait d'un film français des années 70- avec Hanna Hedman. Qui blanchit sa peau noire de pâte à pain en lisant Marx, tandis que Cecilia se noircit. Mathieu Doze se fait désirer en statue et rentre tard dans le jeu, hiératique. Tout ce qu’on tente de décrire ne constituant qu'un échantillon des actions vues ce contexte, dans une ambiance à la fois bordélique et empreinte de préciosité. Avec nombre de références, et des saillies surréalistes pince sans rire, on est plus prêt de Bunuel que de Dali. Ou de Copi. Les excentriques finissent par se rassembler, en un drôle d'équipage, pour un boléro de gargouillis qui mène droit au fou rire, un défilé en rideaux de douche ou cuvette de chiottes, et un hommage final à Michael Jackson. Paradoxe: ce sont dans ces efforts collectifs, assez éloignés du thème du départ, que l'on goûte au plus jubilatoire du projet.

    C'était Self & Others, d'Alain Buffard, avec Cecilia Bengolea, Mattthieu Doze, Francois Chaignaud, Hanna Hedman. Dans le cadre du festival innacoutumés, à la ménagerie de verre.

    Guy

    Lire aussi Libération, Spectateur turbulent, paris-art, Le beau vice. Et plus tard, le Tadorne.

    Pas de photos pour le moment, peut être un peu plus tard.

     

  • Cecilia Bengolea et François Chaignaud : montrer.

    Peut on essayer d’oublier tout ce qu’avant on a lu à propos de Pâquerette, toutes attentes tues, curiosité remise à neuf?

     

    pâquerette par Alain monot.jpg

     

    Cecilia Bengolea et François Chaignaud doivent être satisfaits du buzz, et de la salle pleine à craquer. Avertis des risques aussi. Déjà présents sur la scène à notre arrivée, ils désamorcent. Familiers, chuchotent entre eux sourire aux lèvres, lancent un clin d’œil aux copines du premier rang. Parés de robes chatoyantes, elle yeux de biche, lui blond angélique, les genres sexuels convergent.
     

    Quand les deux danseurs glissent enfin dans le jeu, c’est par délicates suggestions: yeux vagues, râles étouffés, expressions de doigts de pied. Ces manifestations finissent vite par déraper, en sifflements de cocotte minute, interactions nerveuses et tremblements pâmés. Déjà on ne peut plus feindre d’ignorer ce que l’on sait: on sait qu’ils savent qu’on sait ce qui les tend. L’obscène- à la lettre- est hors de vue. La performance se concentre dans cette connivence. Avec des sensations sans sensationnalisme: le public est bon enfant, quelques rires réprimés. C’est joyeux et libérateur. Le spectacle pourrait tout autant se refermer sur cette première partie, homogène et bien maîtrisée, symptômes en pleine lumière et causes occultées.

     

    Puis les robes tombent, et les enjeux se déplacent.

    On savait: maintenant on voit. Constat immédiat : ils sont mignons, pas scandaleux. On consacre un instant à apprécier l’audace de la démarche: aucune raison que la danse s'interdise de telles explorations. L’instant suivant on admet que montrer c’est dédramatiser. Voire desérotiser. Par cette simple démonstration le projet se justifie. La suite, c’est de la danse. Sous contrainte: les deux danseurs s’efforcent de conserver inchangée leur relation avec les objets, quitte à ce que l’équilibrisme fasse passer au second plan l'expression du plaisir. C’est une danse honnête, à tous points de vues, d’une poésie fraîche. Qui n'ouvre pas sur de grandes révélations, chacun jugera selon ses attentes. Ils sont beaux et fragiles, généreux et drôles, des statues nues dans un jardin d’hiver, avec quelque chose en plus.

    Mais après Pâquerette, que peuvent ils bien faire ? Sans doute tout autre chose…

     

    C'était Pâquerette, de et avec Cecilia Bengolea et François Chaignaud, dans le cadre du festival innacoutumés à la Ménagerie de Verre.

     

    A lire: le Tadorne, et bientôt Images de danse.

    Et un point de vue moraliste, dans Le Monde.

     

    Guy

     

    photo par Alain Monot, avec l'aimable autorisation de la Ménagerie de Verre.

     

    Paquerette fleurit au Dansoir mercredi 4 fevrier, et à Ardanthé le vendredi 20 fevrier