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alain buffard

  • Anne Collod et Anna Halprin: times are (not) changing ?

    Parades & changes, replays est rejoué lundi 23 janvier au théatre de Vanves dans le cadre d'Artdanthé sous le titre parades & changes, replay in expansion , dans uine nouvelle version crée à la Villette en juin 2011 avec 6 danseurs et 4 circassiens.

    Ce texte a été initialement mis en ligne le 25 septembre 2008.

    L'entrée en matière nous engage d'emblée dans une démarche de souvenir, avec un hommage à Georges Perec: des "Je me souviens" clamés par les danseurs assis dans le public. C'est une manière de poser très exactement l'enjeu de l'entreprise: sachant qu'il s'agit d'une pièce de 1965, à la recréer que maintenant en reste-t-il? Comment peut on aujourd'hui la regarder? Qu'imagine-t-on de la manière dont à sa création elle était vue et perçue? En quoi la considère-t-on différement que d'autres la voyaient alors? Devant ces parades, le regard du public a-t-il changé? Ce travail de remise en perspective avait en fait été entamé au même endroit il y a 4 ans, avec déjà Alain Buffard et Anne Collod. Ce soir assez de temps est laissé au projet pour qu'il puisse vraiment se déployer.

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    Déjà, l'utopie est-elle d'hier ou d'aujourd'hui? Comme de danser dévêtu, en déchirant au ralenti de larges bandes de papier... De cette performance- Paper Danse-le contenu politique s'est sans doute évaporé. Reste la vision d'une lente fusion, des bandes de kraft en suspension et des corps nus confondus dans la même lumière dorée d'un soleil couchant. En toute évidence. La nudité valut un temps à la piece d'être interdite, on en a vu d'autres depuis. Le spectacle ne véhicule plus de transgression, il reste véhicule de libération, avec force et fraîcheur. Vite on lâche vite prise, plutôt que de garder l'acuité d'un regard d'historien. En cela désarmé par les harmonies douces- amères de the Warmth of the Sun, chanté par Brian Wilson et les Beach Boys. On est renvoyé en 1963. La chanson fût composée le soir du 22 novembre de cette année là, à la nouvelle de l'assassinat de John F. Kennedy. Alors, autant que maintenant, la nostalgie des innocences perdues et des soleils couchants.

    Dressing/undressing: on découvre / redecouvre les passionnantes ambiguïtés qu'introduit la démarche d'un performer. Analyse: il s'agit ici d'exécuter sur scène des activités fonctionnelles, comme les actions de s'habiller ou se déshabiller, c'est entendu. Mais il est vite évident que les gestes ne sont pas reproduits avec neutralité, plutôt réappropriés par les danseurs dans un acte artistique. Qui transforme ces actions. D'abord du fait du contexte, puisque sous le regard du public: sans commentaires. Surtout l'exécution est tout sauf naturelle. On n'a jamais vu personne se dévêtir de cette façon. La tâche est accomplie par chacun avec un soin ostensible, une exagération théâtrale, une lenteur lunaire. Chacun des artistes en fait sa propre interprétation. Dés lors la danse a commencé à exister. Enfin le processus apparaît sans finalité, libéré de toute fonction, circulaire, puisque chaque déshabillage est suivi d'un habillage, en flux continu. On en ressort convaincu, comme par une démonstration faite exprès, qu'à partir de n'importe quel matériel quotidien peut être construite la théâtralité.

    Les règles qui gouvernent la structure de la pièce nous échappent un peu, les scores- s'enchaînent avec une part évidente d'improvisation et de jubilation. Les interprètes introduisent dans ces trames parfois ironie, parfois sauvagerie. Les mêmes gestes qui composent le déshabillage changent radicalement de signification lorsqu'ils sont plus loin reproduits par intenses duo, en face à face. La musique de Morton Subotnick nous installe dans l'intemporel. Une parade colorée et onirique, pour laquelle les danseurs s'ornent d'accessoires incongrus, prend en route des allures d'inquiétante procession: le maintien sévère d'Alain Buffard n'est pas pour rien dans cette impression. Le dénouement est proche: les danseurs entreprennent le sabotage des rideaux de scènes, accessoires trop galvaudés. Pour une conclusion faciale et nue: quelques grammes de peinture colorée suffisent-ils à transformer et transporter ces corps dans l'espace de la représentation?

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    On en revient toujours à ce constat: cette danse a une mémoire, que nous percevons plus ou moins, mais nous saisit chaque fois dans son immédiateté. Nous fige dans le même saisissement. Cette danse est elle là la même qu'elle était il y a plus de 40 ans? Nous mêmes, pris comme un tout, avons changé, politiquement, sociologiquement, en sensibilités. C'est sans doute plus le cas pour les arts de la scène que s'agissant d'autre disciplines: il est tout sauf évident que toutes les expériences artistiques auxquelles le public a assisté depuis 40 ans aient beaucoup d'influence sur la manière dont, chacun pris individuellement, nous avons vécu cette soirée là, juste hier.

    C'était parades & changes, replays-réinterprétation de la piece Parades and Changes (1965) d'Anna Halprin - par Anne Collod, avec Boaz Barkan, Nuno Bizarro, Alan Buffard, Anne Collod, DD Dorvillier, Vera Mantero, ainsi que Morton Subotnick. Vu au Centre Georges Pompidou,  dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.

    Guy

    divers P.S. entre le 25/9 et le 22/10: à lire, pour une fois tout à fait pertinente, la feuille de salle réalisée par le centre G.P.,  le spectateur turbulent.,  le même objet vu à travers des lunettes rouges , enfin le regard d'un enfant des seventies. Les photos d'images de danse sont enfin ici, et une carte postale de Berlin.

    Photos avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodanse (en haut DD Dorvillier, en bas Vera Mantero)

  • Self & others: Cecilia, Alain, François, Matthieu, Hanna et les autres...

    C'est foutraque et déroutant. Chacun des quatre danseurs à son tour a son moment, et tous à la fin rassemblés pour un défilé fait de bric et de broc (qui n'est pas sans évoquer dans le détournement celui de parades & changes). Oui: la succession de ces numéros agace jusqu'à la fascination. Mais cette dispersion est sans doute consubstantielle au projet, d'autoportraits. Ceux ci d'autant plus détournés que floutés derrière le voile qui sépare salle et scène. Ces personnages sont surtout ce qu'ils font. Se définissent par ce avec quoi ils jouent: des matériaux déglingués et disparates: musicaux, gestuels, textuel, scéniques... Les résultats ne sont pas tristes. Et les portraits surprenant, irrévérencieux, provocateurs forcement, allusifs, comme pour travestir d'inavouables aveux.

    C'est donc gonflé, toujours au bord d'être gonflant. Mais l'esthétique fait le liant, une touche Buffard dans le tout et dans les petits riens. A savoir, à travers ces errances dans un décor de lendemain de fête: des postures de dandy décadent, un pessimisme drôle et pudique, jusque même dans l'exhibitionnisme. Tous semblent en sursis. Mais tenus par une cohérence souterraine, un mouvement qui nous fait aimer ici ce qu'on rejetait chez Laâbissi. François Chaignaud ouvre les festivités en faune écossais, préside une veillée aux bougies comme un Barry Lydon du pauvre, prodigue des fellations et d'autres outrages à des poupées barbie. Il fait son effet, entonnant une chanson libertine d'une voix de tête et tête en bas. Toutes bornes dépassées, on sait où on se situe. Cecilia Bengolea s'engouffre dans la brèche, et s'enfourne des petits chevaux dans le décolleté et dans des culottes gigognes, crie "vanité", entame un dialogue- qui semble furieusement extrait d'un film français des années 70- avec Hanna Hedman. Qui blanchit sa peau noire de pâte à pain en lisant Marx, tandis que Cecilia se noircit. Mathieu Doze se fait désirer en statue et rentre tard dans le jeu, hiératique. Tout ce qu’on tente de décrire ne constituant qu'un échantillon des actions vues ce contexte, dans une ambiance à la fois bordélique et empreinte de préciosité. Avec nombre de références, et des saillies surréalistes pince sans rire, on est plus prêt de Bunuel que de Dali. Ou de Copi. Les excentriques finissent par se rassembler, en un drôle d'équipage, pour un boléro de gargouillis qui mène droit au fou rire, un défilé en rideaux de douche ou cuvette de chiottes, et un hommage final à Michael Jackson. Paradoxe: ce sont dans ces efforts collectifs, assez éloignés du thème du départ, que l'on goûte au plus jubilatoire du projet.

    C'était Self & Others, d'Alain Buffard, avec Cecilia Bengolea, Mattthieu Doze, Francois Chaignaud, Hanna Hedman. Dans le cadre du festival innacoutumés, à la ménagerie de verre.

    Guy

    Lire aussi Libération, Spectateur turbulent, paris-art, Le beau vice. Et plus tard, le Tadorne.

    Pas de photos pour le moment, peut être un peu plus tard.

     

  • Alain Buffard: qui connait les chansons?

    1. I Wanna Be Your Dog (1969), d' Iggy Pop et des proto-punk The Stooges, ouvre le bal de (Not) A Love Song. Sur les trois accords habituels et à quatre pattes, pas besoin de traduction: il n'y a pas grand chose de plus dans les paroles que dans le titre. Retenons qu'on va parler d'amour avec humour, de passion avec distanciation. Tout un programme. Et Vera Mantero,  à défaut de faire star dans ce contexte, est très drôle quand elle fait le chien. Aux dernières nouvelles et contre toute logique, Iggy Pop est toujours vivant.
    2. S'installe ensuite, nonchalamment, la Femme Fatale (1966) de Lou Reed.  La chanson fut crée par l'anti-chanteuse Christa Päffgen, plus connue sous le nom de Nico (1943-1988). Dans l'album avec une banane en couverture. Sans ici dépayser: des Stooges au Velvet Underground, il n'y guère plus que la distance de quelques blocs du New-York de la fin des années soixante. La sophistication fait quand même la différence, et plus encore la caution snob d'Andy Warohl. Cette ballade aurait été inspirée à Lou Reed par l'actrice et mannequin à la trajectoire météorite Edie Sedgwick (1943-1971). Personnage également évoqué dans "Just like a woman" d'un certain Bob Dylan. Etre immortalisée par deux tubes planétaires, est- ce une raison pour disparaitre à 28 ans? Glamour, staritude, destinée tragique, cette sélection était en tout cas un must pour rentrer en plein dans la thématique de la pièce. Mais Lou Reed, comme Iggy Pop, survit.
    3. l'immense It's A Man's Man's World (1966) de l'immense James Brown (1933-2006), scie dont chacun pourrait réciter les paroles à l'endroit et à l'envers, s'avère ensuite un choix très -trop? - fédérateur. On pardonne pour deux raisons. D'abord l'interprétation par Claudia Triozzi  et sa partenaire est destructurée à l'extrême. Ensuite on a affaire, peut être, au premier hit féministe: Yes, it's a man world indeed, but it sure would be nothing without a woman or a girl. That's right, James.
    4. On ne rajeunit pas, avec Die Ballade Von Der Sexuellen Hörigkeit (1928) de Bertold Brecht (1898-1955) et Kurt Weill (1900-1950). Il était temps d'un peu s'aventurer musicalement hors des U.S.A.. Mais on est vite obligé de retourner là-bas, tant l'oeuvre commune aux deux allemands- qui s'exilèrent, mais séparement, en des temps dramatiques outre-atlantique  -a été acclimatée par les yankees. Mack The knife scatté par Louis Armstrong ou Ella Fitzgerald, Alabama Song électrifié par Jim Morrison, avant que le titre ne soit recyclé par un futur goncourt en chapeau d'une bio des Fitzgerald (Zelda et Scott, pas Ella). Jusqu'à Lou Reed qui s'est obligé à un September Song (de Weil sans Brecht) dans le bel hommage collectif Lost in the stars. Mais de quoi parlait cette "ballade de l'asservissement sexuel", dans le détail ? On a bien une petite idée, mais quelqu'un aurait il un Opera de Quatre Sous en V.F. sous la main? 
    5. Les paroles de Be My Husband (1966) de Nina Simone(1933-2003)- créditées à son mari Andy Stroud- sont juste un degré au dessus dans la complexité que celle de "I wanna be your dog". Quand même nettement au dessus sur le plan de la dignité. Une complainte en blues, un cri de désir, de passion déja déçue- on reste dans le sujet de la pièce- car on comprend vite que le mari en question ne va pas être digne de l'amour offert. Mais Nina Simone était une femme en colère, peut être parcequ'elle ne fut jamais la star qu'enfant elle aurait rêvée d'être. Doit on rappeler qu'elle était noire? Coup de théatre: on découvre que Nina aimait chanter Pirate Jenny et Alabama Song, écrits par nos vieilles connaissances Brecht et Weil. Il y a décidément beaucoup de correspondances dans cette playlist, cela ne doit sûrement rien au hasard...
    6. On revient dans les seventies, et sur notre continent, avec She's Lost Control (1979) de Ian Curtis (1956-1980) et des post-punk Joy Division. Alain Buffard joue avec les contrastes. Même si les arrangements reconstituent au tout une juste cohérence. Surprise: le groupe reprenait volontiers sur scène le Sister Ray de ses ancètres du Velvet Underground. Le nom "Joy Division" faisait référence aux femmes placées en situation de sexuellen Hörigkeit  par les nazi dans les camps. Tout à coup on ne rit plus. Oublions. Retenons plutôt que Ian Curtis choisit de mourir plus jeune encore qu'Edie Sedgwick. Plus jeune que Lou Reed et Iggy Pop, parce qu'eux sont toujours vivants. Quant à la chanson, elle nous rappelle qu'il n'y a pas de star sans une part d'hysterie et de déraison. Selon la morale dominante, un prix à payer.
    7. Avec La Macorina d'Alfonso Camin (1890-1982),  Chavela Vargas (née en 1919) fait, par évocation, son entrée sur scène. Enfin une star absolue. Parce que facinante et unique, dans sa manière de troubler la définition des genres sexuels. Non pas en raison de son homosexualité, que la chanteuse a d'ailleurs attendue 81 ans avant de rendre publique. Non pas en raison de sa liason avec Frida Khalo. Mais parceque Chavela s'habillait, fumait, chantait- chante toujours- comme un homme, s'appropriant attributs et repertoire masculin. Ce qui définit une star, c'est d'une façon ou d'une autre, la singularité.
    8. You're My Thrill fut composé par Jay Gorney (1894-1990). Comme Kurt Weil, un immigrant à Broadway et hollywood. Un juif ayant fuit les pogrom de sa Russie natale, mais rapportant au moins dans ses bagages l'ébauche de la mélodie de "Brother, Can You Spare a Dime" devenu l'hymme officiel de la grande dépréssion des années trente, et que chantonnait encore Billy T. Jones au Louvre, il y a quelques mois. Jay Gorney n'était pas une star, c'était juste un auteur, et vit sa carrière brisée par le maccartysme. Dans la chanson, aux parôles écrites par Sidney Clare (1892-1972), interprétée entre toutes par Billy Holliday, de quoi on parle-t-on? D'amour, quelle surprise!
    9. I'll be your mirror (1966) est, comme "Femme Fatale", à Lou Reed-période-Velvet-chanté-par-Nico.  Avec une nouvelle chanson indispensable, forcement (mais il y avait sans doute quelques milliers de chansons indspensables que Buffard aurait pu choisir parmi quelques millions de chansons d'amour). Quoiqu'il en soit,  pas de portrait de star sans son miroir, essentiel accessoire. Pas d'amour sans narcissisme et le reflet de soi même dans l'oeil de l'être aimé. Pas de play-list de Buffard sans deux morceaux de Lou Reed
    10. On ne pouvait non plus faire l'impasse sur Fame (1975) de David Bowie. Pour plusieurs raisons: David Bowie était (est toujours ?) une star moderne, a émergé en tant qu'icone androgyne, cultivant le mauvais genre comme Chavela Varas ou Lou Reed. Il fût l'artisan de plusieurs resurrections artistiques d'un autre monstre sacré: Iggy Pop. La star cynique au secours de la star maudite, en un beau dédoublement de personnalité. Fame théorise sardoniquement la célébrité éphémere, avec le soutien vocal de John Lennon, qui s'y connaissait en célébrité. Et sur un rythme irrésistiblement funky, pour faire bondir et sauter Miguel Guitierrez et ses deux partenaires, ce qui ne gache rien.
    11. Le choix de Moi j'm'Ennuie de Camille François et  Wal Berg (1910-1994) pose un serieux problême: la chanson a été reprise par Arielle Dombasle. L'oeuvre survivra surement à cette mésaventure, car elle en a connu d'autres depuis sa création qui se perd dans les années trente. Avant d'abandonner notre enquête on a quand même rencontré sur notre chemin la starissime Marlene Dietrich, qui se situe par ailleurs à la source de plusieurs inspirations  cinématographiques du spectacle, l'Ange Bleu, etc...  
    12. Avec (This is not) a love song (1983) de John Lyndon (ex Johnny Rotten) avec Public Image Limited(et non avec The Sex Pistols), a au moins été trouvé un titre- paradoxal- pour le spectacle (titre d'une originalité relative: vient d'être édité un roman français intitulé pareillement). Surtout c'est un pretexte commer un autre pour permettre à l'excellent instrumentiste Vincent Séal de s'époummoner 3 minutes.
    13. All Tomorrow's parties (1966) est du à Lou Reed. Toujours issu du même disque velvet, on craque un peu. On commence à se douter de ce qu'on doit trouver sur l'Ipod d'Alain Buffard, et on se réjouit d'avoir échappé à Walk on the Wild Side. Mais au hasard d'une consultation d'un forum de discussion, on lit un défenseur de Nico comparer son chant las à celui de...Ian Curtis. Troublant.
    14. Mais on assiste à un beau rétablissement final avec Je ne t'aime pas (1934) collaboration de l'écrivain (un peu) maudit Maurice Magre (1877-1941) et de Kurt Weil, lors de son passage à Paris. On répond "Moi si".  On retrouve tout l'emportement désuet de la chanson réaliste française, complainte, tristes reflets dans l'eau du caniveau, et grandiloquence. Merci d'avoir osé.

     

     

    Et tout au long du spectacle, des extraits de "Des orchidées au clair de lune” (1984) de Carlos Fuentes, écrivain et diplomate mexicain. Dernier ouvrage paru en France: "En inquiétante Companie"  (Gallimard).

    Conclusion: le temps de (Not) a love song, la danse post-moderne-post-non-danse contemporaine se ressource, se sur-référence, s'abreuve d'images, de littérature, de culture populaire, de chansons. Se guérit de la sécheresse du nombrilisme conceptuel. Tant mieux. Vera Mantero est habillée par Chanel, Claudia Triozzi par Christian Lacroix, et Alain Buffard inspiré par Broadway et par un répertoire musical à prépondérance anglo saxonne. Toute l'équipe artistique emmène la qualité vocale, chorégraphique, musicale, scénique, à haut niveau. Avec ce qu'il faut de recul et d'ironie. Pour aller vers des lendemains qui chantent? On voit ce soir- ce n'est pas par hasard- des personnages qui pleurent de ne plus être star (ou peut être de ne jamais l'avoir été ). Ne nous demandons même plus s'il s'agit ou non de divertissement, c'est de la possibilité même de l'enchantement dont il est question ici.

    P.S. : Et Sunset Boulevard... Il etait plus question, dans les interviews, de Sunset Boulevard que des autres sources d'inspiration cinématographiques. Et pourtant...si Alain Buffard voulait au départ s'inspirer de Sunset Boulevard, le projet a surement depuis évolué. Et pour cause: Sunset Boulevard (1950) n'est pas reproductible: l'essence du projet de Billy Wilder était de faire interpréter une fiction par les personnages mêmes. Que cruellement fiction et réalité se confondent: le rôle de Norma Desmond, ex star du cinéma muet, était interprété par Gloria Swanson, véritable ex star du muet. Norma Desmond vivant dans les réves de sa splendeur passée, et regardant, dans sa salle de cinéma privée, Queen Kelly. Queen Kelly, film megalo-sado-masoshiste réalisé à l'aube du parlant par Eric Von Stroheim, avant qu'on ne ne lui retire, et qu'il ne puisse plus jamais tourner. Eric Von Stroheim interprete bien evidemment, dans Sunset Boulevard, le rôle de Max von Mayerling, ex metteur en scène de Gloria Swanson, ex mari de Gloria Swanson, et desormais son domestique dévoué. Cecil De Mille joue son propre rôle, et Buster Keaton vient jouer aux cartes avec Gloria, sans desormais se soucier de ne faire rire qui que se soit.... Tout cela pour dire que ni Vera Mantero ni Claudia Triozzi ne peuvent être Norma Desmond/Gloria Swanson: elle ne peuvent être que Vera Mantero et Claudia Triozzi- ce qui déja est beaucoup- et jouer à être star dans le miroir.

    C'était (l'an dernier déja), (Not) A love Song  ♥♥ d'Alain Buffard, avec Miguel Gutierrez , Vera Mantero, Claudia Triozzi , Vincent Ségal au Centre Georges Pompidou, avec le Festival d'automne à Paris

    Guy

    L'article du Tadorne ici, et un extrait sur images de danse, l'article de Clochette bientôt