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anna halprin

  • L'enfance de l'art

    Rediffusion de la chronique du 18/6/2011 à l'occasion de la programmation de Parades and Changes Replays à Ardanthé lundi prochain le 23/01/2012.

     

    Une recréation? Pas vraiment... Mais toujours une récréation, heureusement. Cette nouvelle version de Parades & Changes replays ne change pas tant que cela, mais rafraichit les souvenirs.

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    L'ordre des séquences se trouve bouleversé par rapport à la proposition du centre pompidou en 2008. Mais cet aléatoire faisait, parait-il, partie du jeu dès les origines. Les nouveaux venus, dont 4 circassiens, s'intégrent bien à jouer les performers... pour autant ces derniers n'infléchissent pas spécifiquement la performance par la pratique de leur discipline première. A l'exception d'une scène, mais qui du coup passe plutôt forcée: le montage express d'un échafaudage, un drôle de de jeu de construction, et son escalade ralentie et accélérée.

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    Il reste l'essentiel, que je ressens avec plus évidence encore qu'à la première vision: le plaisir et la fraîcheur de presques jeux d'enfants, organisés dans un bel esprit de dépouillement. Innocents! Les déambulations toniques, la cacophonie de voix qui fusent, les désabillages et rhabillages, les défilés baroques et bariolés avec les danseurs parés d'accessoires délirants, le magnifique final nu et libérateur. La simplicité rend caduque trop d'intellectualisation. Reste la jubilation, et c'est bon! Tout bien pesé, et allégé, un heureux hommage, qui n'a pas besoin de l'alibi d'être présenté comme un nouvelle création. Une reconstitution d'un genre bien spécial, puisque d'un art des années 60 alors fondé sur un désir fort d'expérimentation (tester des actions toutes simples) par définition évaporé depuis. Mais pourquoi pas? Reste le plaisir de la redécouverte et du témoignage...et peut-être la constitution d'un nouveau répertoire, celui de la performance, interprété avec plus (Cf Magical) ou moins de distance.

    Guy 

    C'était Parades & changes replays in expansion d'Anna Halprin, Morton Subotnick, Anne Collod & guest, à la grande Halle de la Villette jusqu'à ce soir.

    photos de Jérome Delatour- Images de danse avec l'aimable autorisation de la Villette

    lire aussi: Le Tadorne

  • Anne Collod et Anna Halprin: times are (not) changing ?

    Parades & changes, replays est rejoué lundi 23 janvier au théatre de Vanves dans le cadre d'Artdanthé sous le titre parades & changes, replay in expansion , dans uine nouvelle version crée à la Villette en juin 2011 avec 6 danseurs et 4 circassiens.

    Ce texte a été initialement mis en ligne le 25 septembre 2008.

    L'entrée en matière nous engage d'emblée dans une démarche de souvenir, avec un hommage à Georges Perec: des "Je me souviens" clamés par les danseurs assis dans le public. C'est une manière de poser très exactement l'enjeu de l'entreprise: sachant qu'il s'agit d'une pièce de 1965, à la recréer que maintenant en reste-t-il? Comment peut on aujourd'hui la regarder? Qu'imagine-t-on de la manière dont à sa création elle était vue et perçue? En quoi la considère-t-on différement que d'autres la voyaient alors? Devant ces parades, le regard du public a-t-il changé? Ce travail de remise en perspective avait en fait été entamé au même endroit il y a 4 ans, avec déjà Alain Buffard et Anne Collod. Ce soir assez de temps est laissé au projet pour qu'il puisse vraiment se déployer.

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    Déjà, l'utopie est-elle d'hier ou d'aujourd'hui? Comme de danser dévêtu, en déchirant au ralenti de larges bandes de papier... De cette performance- Paper Danse-le contenu politique s'est sans doute évaporé. Reste la vision d'une lente fusion, des bandes de kraft en suspension et des corps nus confondus dans la même lumière dorée d'un soleil couchant. En toute évidence. La nudité valut un temps à la piece d'être interdite, on en a vu d'autres depuis. Le spectacle ne véhicule plus de transgression, il reste véhicule de libération, avec force et fraîcheur. Vite on lâche vite prise, plutôt que de garder l'acuité d'un regard d'historien. En cela désarmé par les harmonies douces- amères de the Warmth of the Sun, chanté par Brian Wilson et les Beach Boys. On est renvoyé en 1963. La chanson fût composée le soir du 22 novembre de cette année là, à la nouvelle de l'assassinat de John F. Kennedy. Alors, autant que maintenant, la nostalgie des innocences perdues et des soleils couchants.

    Dressing/undressing: on découvre / redecouvre les passionnantes ambiguïtés qu'introduit la démarche d'un performer. Analyse: il s'agit ici d'exécuter sur scène des activités fonctionnelles, comme les actions de s'habiller ou se déshabiller, c'est entendu. Mais il est vite évident que les gestes ne sont pas reproduits avec neutralité, plutôt réappropriés par les danseurs dans un acte artistique. Qui transforme ces actions. D'abord du fait du contexte, puisque sous le regard du public: sans commentaires. Surtout l'exécution est tout sauf naturelle. On n'a jamais vu personne se dévêtir de cette façon. La tâche est accomplie par chacun avec un soin ostensible, une exagération théâtrale, une lenteur lunaire. Chacun des artistes en fait sa propre interprétation. Dés lors la danse a commencé à exister. Enfin le processus apparaît sans finalité, libéré de toute fonction, circulaire, puisque chaque déshabillage est suivi d'un habillage, en flux continu. On en ressort convaincu, comme par une démonstration faite exprès, qu'à partir de n'importe quel matériel quotidien peut être construite la théâtralité.

    Les règles qui gouvernent la structure de la pièce nous échappent un peu, les scores- s'enchaînent avec une part évidente d'improvisation et de jubilation. Les interprètes introduisent dans ces trames parfois ironie, parfois sauvagerie. Les mêmes gestes qui composent le déshabillage changent radicalement de signification lorsqu'ils sont plus loin reproduits par intenses duo, en face à face. La musique de Morton Subotnick nous installe dans l'intemporel. Une parade colorée et onirique, pour laquelle les danseurs s'ornent d'accessoires incongrus, prend en route des allures d'inquiétante procession: le maintien sévère d'Alain Buffard n'est pas pour rien dans cette impression. Le dénouement est proche: les danseurs entreprennent le sabotage des rideaux de scènes, accessoires trop galvaudés. Pour une conclusion faciale et nue: quelques grammes de peinture colorée suffisent-ils à transformer et transporter ces corps dans l'espace de la représentation?

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    On en revient toujours à ce constat: cette danse a une mémoire, que nous percevons plus ou moins, mais nous saisit chaque fois dans son immédiateté. Nous fige dans le même saisissement. Cette danse est elle là la même qu'elle était il y a plus de 40 ans? Nous mêmes, pris comme un tout, avons changé, politiquement, sociologiquement, en sensibilités. C'est sans doute plus le cas pour les arts de la scène que s'agissant d'autre disciplines: il est tout sauf évident que toutes les expériences artistiques auxquelles le public a assisté depuis 40 ans aient beaucoup d'influence sur la manière dont, chacun pris individuellement, nous avons vécu cette soirée là, juste hier.

    C'était parades & changes, replays-réinterprétation de la piece Parades and Changes (1965) d'Anna Halprin - par Anne Collod, avec Boaz Barkan, Nuno Bizarro, Alan Buffard, Anne Collod, DD Dorvillier, Vera Mantero, ainsi que Morton Subotnick. Vu au Centre Georges Pompidou,  dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.

    Guy

    divers P.S. entre le 25/9 et le 22/10: à lire, pour une fois tout à fait pertinente, la feuille de salle réalisée par le centre G.P.,  le spectateur turbulent.,  le même objet vu à travers des lunettes rouges , enfin le regard d'un enfant des seventies. Les photos d'images de danse sont enfin ici, et une carte postale de Berlin.

    Photos avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodanse (en haut DD Dorvillier, en bas Vera Mantero)