La ravissante metteur en scène, toute fière de sa première création au T.N.O. nous avait quand même prevenu au guichet que ça ne serait pas gai du tout. C'était peu dire. Et vu la dureté de cette matière artistique, on ne pourra lui reprocher sa fierté.
Autant entend-t-on encore dans "l'Amant'", du même Harold Pinter- (1930-) Nobel 2005-, une petite musique de vaudeville grinçant, autant ici, toute chair disparue, il ne reste du drame que le cassant des os.
Et dans le cadre ici oppressant du T.N.O., trois spectres -mère, père, fils- qui se parlent, s'écrivent sans s'écouter ni se répondre. 3 monologues étranglés de rancoeurs, de bouffées d'angoisse, de regrets inutiles, d'amour qui s'assèche en haine, et de culpabilité infectieuse. Autour de situations non dites, que l'on ne pourra appréhender que par allusions douloureuses. Le père semble lui mort pour de bon, et parle peut-être juste son ombre, qui conclue avec une cruelle indifférence pour les vivants en évoquant ce qui ne sera jamais dit et qui de toute manière n'a plus d'importance. Avant de disparaître (à jamais)? Cet instant poignant porte en lui-même toute la pièce, qui meurt bientôt, peut être un peu trop résignée, trop respectueuse. Mais d'une terrible efficacité: ils resteront longtemps plongés dans de sombres méditations, ceux qui à la sortie n'iront pas tout de suite se pendre,
C'était "Voix du sang (Family Voices)" d'Harold Pinter, mise en sçène par Elise Rouby, au T.N.O. dans le cadre du cycle (?) "Le coeur et l'esprit".
Guy