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Boris Charmatz: Retour sur Herses?

Revoir Herses intéresse, fascine, mais sans rien éclaircir. On est pas plus avancé. Et encore moins à relire nos réflexions d'il y a un an. Naïvetés. On voit, on est frappé, mais sans en comprendre les raisons. Doit on renoncer à chercher un sens, d'ensemble? Tout juste persister à traquer des indices, pas plus? Pour commencer, on relit la feuille de salle: "Traversée critique des utopies (...) du corps naturel, du couple, de la communauté." Là on a quelques pistes: des oppositions. La seule approche possible serait-elle de tenter des définitions de la chose... mais en négatif? Par fragments. Sauf déja qu'il s'agit de danse, de toute évidence. Voilà pour le le positif. Mais à part ça? D'abord de quoi ne s'agit il pas?

Aucune narration déjà. Ce qui est peut-être une bonne chose, un espoir de durer. Pas d' "histoire de". Juste au début quelques gestes de semeurs (?), mimés, sans explication. Pas de métaphore forcée, ni Dieu, ni tragédie, ni évocation d'un destin, ni dénonciation. Juste quatre, cinq corps qui ne seraient qu'eux-mêmes. Jusqu'à la nudité? Mais pour quelle raison? Cette nudité est inexpressive. En soit il semble qu'elle ne vaut rien: ramenée presque à l'absence de costumes. Comme un refus. Le corps n'est pas glorifié. Plutôt pataud. Sans s'affirmer jusque dans le ridicule. Cette nudité peut elle être vue comme une représentation de la naissance? De l'innocence? On avait cru voir cela chez d'autres, ici on ne voit rien de tout cela. Il faudrait que les gestes soient simples, émergents, vierges, en découverte, en explorations de leur vérité. Mais ce soir ce n'est pas le cas, on distingue du maniérisme, accompli avec gaucherie. Des postures tarabiscotées et jambe en l'air, mais qui auraient oublié leur achèvement. On tient enfin le début de quelque chose: des souvenirs d'autres danses, mais comme engourdies, léthargiques. Le printemps ne s'éveille jamais pour de bon. Se suivent des mouvements qui ne mènent à rien, courses gauches seins en main, tout le superbe reste en plan. Pas d'envolée. Des débris esthétiques, qui ne seraient pas posés là par hasard...mais pourquoi?

Pour le second mouvement, toujours hasardeux, les corps se rencontrent. Un peu, mais dans une flagrante indifférence. Vagues frôlements, sans réactions, contacts incertains, rapprochements sans intentions. Tout sauf une représentation de l'attirance, de l'empathie, ni d'aucun autre sentiment. Puis des duos portés mous, danseuse balancée sur l'épaule comme un sac de linge. A nouveau une anti convention? Encore le refus du beau geste? Le pire pour finir: l'affalement de l'un sur l'autre, en une proximité inexpréssive, pour montrer ce qui ne se passe quand même pas quand le plus de peau s'épouse. Puis enfin le mouvement de groupe, mais en grappes. Les corps agglutinés et lents, englués ensemble. Tout au long-c'est un refus de plus- les lumières s'interdisent de montrer vraiment, économes jusque parfois aux limites de l'obscurité, pourtant créant à mi-parcours un soudain contraste, alors crues et blanches. Le véritable éclairage vient de la performance au violoncelle, qui pour l'essentiel prend place, après la danse. Une provocation comme le reste, provocation pas nécessairement à comprendre dans le sens agressif du terme, un dernier refus de l'interaction communément convenue entre la musique et le geste. Car pourtant les deux actes artistiques s'expliquent sans se rencontrer: comme chez Jean Pierre Robert l'instrument est utilisé au delà des approches  classiques, en explorant de nouvelles résonances, de nouvelles attaques, aux limites des cordes et du bois, de même que les gestes se jouent dans d'autres sens.  

C'est fini, pour nous une seconde fois, on est pas plus avancé, et le contraste est frappant de par hasard revivre cette expérience juste après avoir vu Pietragalla. Dans Sade, il y a des audaces, de la créativité, mais solidement installées sur un socle d'expressivité, une base de romantisme, irréfutable et rassurante. On sait où on est, où du moins on sait d'où on part. Avec Charmatz, table rase des conventions, et là dessus reprise de fragments de langage déja-vu, ou d'anti-langage, dénoncé, c'est selon. C'est délicieusement intriguant et laisse sur une intéressante insatisfaction. Mais où va t'on? Est ce un nouveau vocabulaire qui est en construction, ou juste la déconstruction de l'ancien qui est montrée? Peut être faudrait il continuer à représenter Herses tous les 10 ans, pour sortir de l'engourdissement, et recommencer.

C'était encore Herses(une lente introduction) ♥♥♥, de et avec Boris Charmatz, avec aussi Audrey Gaisan, Christophe Ives, Latifa laabissi, Alain Michard, cette fois avec Artdanthé.

Guy

P.S. : Boris Charmatz vient au Jeu de Paume (1 place de la Concorde Paris) présenter son film "Une Lente Introduction" mardi prochain 12 février à 19H, et en discuter. Avec les images de la création de Herses par la première distribution.  Et en attendant, Boris Charmatz s'explique un peu au CND .

Re-P.S. Les musiques étaient d'Helmut Lachenmann, au violoncelle Andreas Lindenbaum

PS. Aatt enen tionon est ici

Commentaires

  • Boris Charmatz interrogé par Laurent Goumarre (Danser, n°279): "Je n'ai pas de nostalgie, je n'ai pas le culte du passé, mais je pense qu'on doit absolument entretenir un rapport à l'histoire (...) la modernité s'est inventée sur l'histoire, et nn pas dans son ignorance".
    Retour en avant à la Biennale du Lyon, reprise de Parades and changes, intervention du directeur du CND aux débat des plateaux...il est beaucoup question de mémoire cette rentrée!

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