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J'ai retrouvé mon képi blanc

Le kepi blanc revient cette semaine, à Artdanthé, avec d'autres propositions d'Hubert Colas. Je rediffuse donc la note du 20/3/2010

 

Il y a des spectacles qu'on oublie deux heures aprés les avoir vus, sitôt évaporés de la pensée. Il y en a d'autres qui en souterrain font leur chemin, ne vous laissent pas en paix jusqu'à ce qu'on leur ait-dans un sens ou dans un autre, rendu justice. Dans cette seconde catégorie: Mon Kepi Blanc d'Hubert Colas, vu en novembre au Théatre de la Cité Internationale, qui sur le coup m'agace tout autant que la même soirée  CHTO  m'émeut d'emblée. Il me faut depuis lors quelques échanges avec Pascal Bely,  et hier encore une conversation avec Marion Franquet du T.C.I. pour formuler à ciel ouvert ce que jusqu'ici me trouble: j'ai jugé les propos prétés au personnage unique de la pièce- un légionnaire- trop outrés, jusqu'à en faire un archétype caricatural, un pantin raide derrière ses micros. Marion me fait judicieusement observer que, de même que pour CHTO, toute l'intégralité texte est d'origine documentaire, compilé par l'auteur Sonia Chiambretto à partir de conversations avec des militaires.

Cette évidence lève le malentendu... Mon point de vue est libéré, c'est à dire que rétrospectivement mon point de vue n'est plus géné par celui de la mise en scène. Est rendue possible une même empathie envers deux personnages aussi dissemblables que la petite tchétchène de TCHO, et ce légionnaire, pourtant à priori rebutant,  raide et sanglé dans son costume et son discours martial, effrayant de puérilité... et si fissuré. Deux personnages dissemblables seulement en apparence, mais en creux confondus dans la même perte d'identité, en fait tous deux étrangers. L'homme est d'ailleurs et sans nom, adopté par la légion étrangère, mais n'existe plus que dans l'abandon et le don à un imaginaire patriotique. Cet imaginaire aujourd'hui à notre société aussi lointain que la lointaine Tchéchénie, le légionnaire est doublement exilé. Le "ON" comiquement accentué lui tient lieu de Je, et les chansons de pensée. Des chants superbes et ridicules de soldats perdus ou abandonnés, chants gorgés d'une mystique qui glorifie de vains sacrifices. Le militaire et la tchétchene partagent la même solitude, la même soif éperdue de réparation, dans des mises en scène toutes aussi belles et fines. Les deux pièces dialoguent dans leurs espaces scéniques et leur construction, mêmes repétitions et paroxysmes, même travail sur la langue, même force de la voix, même superbe engagement des corps des acteurs. Ce monologue sensible nous rappelle qu'il est si dur d'exister seul, c'est là le plus beau théatre, celui qui nous fait poser sur l'autre un regard aigu mais fraternel, si différent l'autre apparaisse-t-il.

C'était Mon Kepi Blanc de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas, avec Manuel Vallade, au T.C.I. . A voir avec CHTO le 31 mars à la comedie de Caen.

Guy

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Commentaires

  • Monsieur Degeorges,
    Quelle critique ! Que n'avez vous écrit plus tôt lorsque le képi blanc vous agaçait, pourquoi attendre de comprendre et d'aimer pour enfin rédiger un article ?
    si je peux vous donner deux conseils;
    Gardez bien près de vous vos interlocuteurs (Marion Franquet et Pascal Bély) qui ont su vous faire reconsidérer le spectacle et vous faire entrevoir la lumière au bout du tunnel, mais surtout surtout vous auriez vraiment dû lire le programme ! Ce que vos comparses ont probablement fait, pour apprendre que l'auteure travaille toujours à partir de témoignages. Cela vous aurait fait gagner du temps et nous aurait épargné une critique aussi plate, axée essentiellement sur vous et sur les méandres dans lesquels vous vous êtes égarés. Vous auriez également appris chose non négligeable que le nom de l'auteure n'est ni Chambretto ni d'ailleurs Chambrietto et que l'acteur en question ne s'appelle pas Valadeau .
    Bien à vous Guy

  • Bonjour Manuel
    Merci de m’avoir signalé les coquilles, je les rectifie. Pour votre information, je m’efforce de continuer à faire vivre ce blog malgré d’autres activités qui me sollicitent de plus en plus, et c’est parfois au détriment de la relecture, j’en suis désolé. Et pour répondre à votre question, ne devant rien à personne, j’écris quand ça me plait, et quand je le sens.
    Pour le reste, j’avoue ne pas trop comprendre les raisons de votre acrimonie.
    Dans ce témoignage (qui n’est pas une critique) il ne s’agit jamais de moi (je ne vous raconte pas par exemple ce que j’ai mangé à midi, ou de qui je suis amoureux et tout ce genre de chose), il s’agit de la pièce d’Hubert Colas et du regard d’un spectateur parmi d’autres sur cette pièce. Du cheminement de ce spectateur, avec ses détours éventuellement, surtout raconté avec honnêteté. Cette honnêteté, c’est ma seule exigence, loin de tout à priori et toute autorité journalistique. Quitte agacer certains professionnels (… certains seulement !). Mais à persister dans cette voie, j’ai de plus en plus de retour de spectateurs qui se reconnaissent dans ce que j’écris, et que j’aide parfois à s’autoriser à prendre la parole. Aussi légitime que la mienne. Mes « comparses » partagent la même démarche, chacun avec leur sensibilité.
    Vous me parlez du programme de salle, je vais vous faire une révélation : d’après ce que je vois, bien peu de spectateurs le lisent. Hé, oui, il est comme ça le spectateur ! Il ne lit pas forcement ce qu’on lui donne à lire. Il n’est pas parfait ni professionnel, souvent distrait, parfois enflammé, d’autres fois indécis, l’opinion faite aussitôt ou bien six mois après. Mais il est le plus souvent impliqué dans ce qu’il voit, et respectueux. Et pour en revenir au Képi blanc, c’est une pièce riche et forte, mais qui ne se laisse pas approcher facilement, je ne pense pas être le seul spectateur à l’avoir ainsi ressenti.
    Tout ceci dit, je vous remercie pour votre belle interprétation, surement plus généreuse etmémorable que votre présent message.
    Guy

  • Monsieur Vallade,

    je ne surenchérirai pas sur la réponse de Guy, mais je me permets l'une ou l'autre observation :
    - je trouve curieux d'attendre du spectateur qu'il se soumette à un document écrit pour savoir quoi penser d'un spectacle vivant. C'est ce que font les plus fainéants/connivents/consensuels (rayez la mention inutile s'il y en a une, ce n'est pas toujours le cas) de nos critiques qui se contentent trop souvent de produire une resucée de dossier de presse.
    - Il est tout aussi curieux d'espérer autant d'unité et de perfection dans le retour émanant des spectateurs. Malgré la nature "militaire" du spectacle, on ne peut tout de même pas espérer en tant qu'artiste "ne voir qu'une tête" parmi les spectateurs: leur parole est trop rare pour être ignorée. Mais malheureusement, nous autres artistes avons une responsabilité certaine en ayant depuis de trop longues années "botté le spectateur en touche" (l'expression est de Mnouchkine) jusqu'à ne plus l'accepter autrement qu'en masse obscure durant la représentation.
    - Enfin, et ça reprend mon observation précédente, je suis de plus en plus persuadé que notre rôle au théâtre est précisément de susciter chez les spectateurs des "méandres" et de l'égarement, et que voir exister un retour (même imparfait) sur les processus que nous produisons est autrement plus important que notre "souffrance", toujours relative, face à des avis mitigés sur les travaux que nous livrons.

    J'ai vu le Képi et, bien qu'en étant sorti plutôt mitigé (ce qui était plutôt une progression par rapport au "Hamlet" du même H.C. que j'avais rageusement détesté), j'ai un souvenir encore aujourd'hui assez net de votre énergie dramatique qui, de mon très modeste point de vue, tient le spectacle debout.

    Bien à vous,
    Pierre-Jérôme

  • Pierre Jérome, ici et ailleurs j'apprécie beaucoup tes interventions lucides et pertinentes (et pas seulement quand elles vont dans mon sens ;-) )
    @ +
    guy

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