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  • Les bonnes, vice versa

    La confusion des rôles est nourrie à la perfection. Dans la première scène, assiste-t-on à un échange entre Madame et l’une de ses bonnes, ou à une cérémonie trouble entre les deux bonnes, chacune dans son rôle assigné? La savoureuse outrance de ce jeu fardé, si physique, appuyé, permet d’entretenir cette indécision dans la mise en abime théâtrale, et ceci tout du long. Tournures de langage et voix datent les situations des temps révolus des sœurs Papin et de la domesticité, mais la mise en scène laisse la pièce de Genet transcender ce contexte, et se renouveler en un exposé ambivalent des relations de pouvoirs et de fascination, comme celle qui s’est déplacée aujourd’hui entre peuple et people par trash-magazines interposés. Le mépris de soi, l’adulation et la haine des bonnes envers Madame dont elles enfilent les robes, l’attirance envers leur « maitresse », son insupportable bonne conscience s’exacerbent jusqu'au drame annoncé. Au-delà de la simple satire sociale, le parti pris ici, vif et charnel, permet poser un théâtre à la fois passionnel et politique.

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    Les bonnes de Jean Genet, mis en scène par Sophie Pincemaille, vu à la Loge le 10 juin.

    Guy

    photo (crédits en cours) avec l'aimable autorisation de la Loge

  • J'ai vu une légende

    Minuit: le concert s’achève par le tournoi de guitares électriques de The End, morceau qui clôt Abbey Road, le dernier album des Beatles. The End est aussi le tout dernier morceau que le groupe ait enregistré. Les quatre y chantent en chœur « Boys , you’re gonna carry that weight  a long time »- traduire : « être des ex-Beatles, va falloir vivre avec ». C’est là toute la malédiction de Paul McCartney (bien qu’il y ait pires fatalités): depuis plus de 40 ans s’efforcer de chanter, changer, créer, encore innover, s’aventurer coté classique ou techno, mais toujours avoir à en revenir aux sixties et au groupe qui a inventé la pop. Il doit- alors que d’autres luttent contre la pénurie mélodique et le peu d'inspiration-gérer l’abondance de ces chansons qui ne lui appartiennent plus-chaque mesure gravée dans des millions de têtes- autant de souvenirs qu’il faut encore et toujours rendre au public. Donc s’enchainent pendant près de 3 heures les one-two-three-four et chaque fois la fidèle bande son d’un souvenir, d’une émotion... Intacte l'émotion revient. La star n’oublie pas « I saw here standing there » qui ouvre le premier album de 1962, évoque l’époque en noir et blanc de Can’t Buy me love, ressuscite Eléonor Rigby, fait courir Lady Madonna, exhume des raretés (another girl)et fait reprendre en chœur Hey Jude au Stade de France entier... En ces moments le contrat est tenu, magnifié: réussir à abolir le temps, faire naitre chez moi et 50 000 autres le sentiment que le maintenant et l’intemporel peuvent se confondre. Pour cela il lui faut être et montrer un Paul McCartney à l’épreuve du temps, voix bien présente, infatigable et bondissant, silhouette immuable et juvénile qui concède juste ses 73 ans de rides, sa basse-violon Hoffner d’époque en bandoulière pour une garantie supplémentaire d’authenticité. Gagné: fasciné, je rajeunis avec lui, reviens au temps où ado j’écoutais en boucle sa musique déjà historique. J’accède même aux années rêvées d’avant, inexplicablement. McCartney convoque aussi les fantômes bienveillants: John avec son Mr Kite, Georges par un Something somptueux, prétexte à nous faire partager les instants d’intimité de deux amis jouant du ukulelé dans leur jardin. Ce don de soi fait partie du contrat de ce soir (au même titre que le feu d’artifice de Live & let it Die), l’homme laisse deviner de lui-même, entre deux blagues convenues en français, une désarmante simplicité, bien peu rock & roll. Le plus beau est atteint dans des moments dépouillés et sans intermédiaires: Blackbird seul à la guitare… L’orgueil du compositeur, du merveilleux mélodiste se devine aussi. Le démontrent s’il en était besoin toutes les chansons d’après, de Maybe I’m amazed à celles du dernier album New, qu'il s'autorise quand même aussi ce soir. Peu importe les fautes de goût, sitôt oubliées. Cette fierté explique-t-elle le fait que cet homme richissime et couvert d’honneur se mette encore ce soir en risque, en jeu? Est-ce juste le sentiment assez classe moyenne anglaise d’avoir simplement à faire son job? Où est-ce la malédiction de Paul Mccartney, rester à jamais un passeur de temps? Peu importe, je regrette un instant- c’est bête- de ne pas être le Stade de France entier pour chanter plus fort et plus longtemps, être à la hauteur de 3 heures d'immortalité. Sorry.

     

    Out There, concert de Paul McCartney le 11 juin au Stade de France

    Guy

    la playlist

  • Jean Daniel Fricker & Céline Angèle - Forêt de Fontainebleau le 31 mai 2015

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    Photos Guy Degeorges, droits réservés

    pour assister aux performances à venir les dimanches 7 et 14 juin: celineangele@gmail.com

  • Parts d'ombre

    Violence à tous degrés, dissection des dessous de nos actes vers l’animalité, pulsions de mort, déchirements douloureux du tissu de notre société qui se rêve vertueuse, ils tombent… Cette proposition théâtrale procède par pauses et éruptions, variations de tempo et de ton…. Le rendu à vif laisse supposer la liberté qui a du prévaloir lors de l’élaboration, le temps laissé à chaque contribution, et le pari gagné du collectif. Désordre dans le style: les corps s’affrontent et s’épuisent, les monologues montent en crescendo du comique jusqu’à l’explosion, le piano se fait mélancolique. S’exhibent au grand jour les maladies qui rongent les relations, avant que d’amples compositions visuelles et muettes ménagent des temps de suspension. Ton et thème à l’unisson, l’impression de profusion et d’incontrôlé trouble, mais le tableau d’ensemble se dessine par touches amères, contrastées, en une cruelle cohérence. Peu d’inutile, toujours la violence exprimé par les coups, les éclats et les pleurs, aussi par le silence, par cette glaçante énumération des massacres qui marquent notre histoire de taches sanglantes. Elle nous laisse sans voix, consolé par les Piéta. En vérité, les acteurs s’offrent ici, corps nus et intentions dévoilées, à la violence de nos regards prédateurs, notre amour et besoin d’émotion est dévorant.

     

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    Dévoration, par le collectif Théatre du Balèti, mis en scène par Maxime Franzetti, vu au 104 le 4 juin dans le cadre du festival Impatience.

    Guy

    photo de Yann Slama avec l'aimable autorisation du 104.