L'état de suspension entre le désir et sa réalisation, l'impossibilité d'agir, voila où errent ces 3 sœurs, lointaines héritières de celles de Tchekhov. Parviendront-elles à s'accorder sur le devenir de la maison bretonne dont elles héritent, pourront-elles construire quelque chose sur ses ruines? Du psychologique, le sujet s'étend au politique. Au prologue, les 3 femmes se voient chacune assigner en monologue un point de vue à incarner, une attitude, face à la vie. Le procédé est classique, mais ici asséné radicalement. Les personnages et situations peinent ensuite à prendre vie, à échapper au piège de la dialectique, malgré le feu du jeu d'acteur, en un contraste bizarre avec un beau décor de ruines très construit et si réaliste. Mon attention peine à résister à un texte roboratif avec d'étranges embardées vers le drame familial. Ou suis-je rétif par principe à ces variations noires sur l'agonie des utopies, préférant croire aux minutes de danses qui peuvent sauver le monde? Je goute pourtant ensuite à une heureuse surprise: voir la pièce se saborder elle-même par des crises de folie, des brusques et brillantes saillies d'humour qui la rendent plus attachante, le texte moins prévisible. Et je pars sur une bonne impression, celles des dernières minutes, quand tout est sauvé par une belle litanie des envies. un feu d'artifice des désirs en une scène libératrice. Cette année allons voter.
Sidérées, écrit par Antonin Fadinard, mis en scène par Lena Paugam, vu au théâtre de Gennevilliers le 20 janvier.
Guy
Photo de Christian Berthelot