Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Retour dans la forêt

    Comme le montre ce soir l'interview perplexe de Viviana Moin par une journaliste nommé Héléna Villovitch (d'ailleurs interprétée par Héléna Villovitch), son art de la scène échappe toujours aux catégorisations, faisant semblant de s'excuser, éternellement en travaux, en expérimentation sans prétendre être expérimenté. Les champignons, les sujets graves et chansons gaies prospèrent dans cette indétermination, au cœur de la forêt profonde de la création. Les placards en préfabriqué y retournent à l'état sauvage, déstructurés à coup de scie mécanique, à la recherche de nouveaux agencements. Moyennement rassurante, Viviana feint avec drôlerie de ne pas être ici en représentation, avant par surprise de nous y replonger. Il s'agit avant tout de savoir retourner dans un délicieux état d'enfance, avec assez innocence pour ne comprendre dans un discours politique que des absurdités, avec assez de simplicité pour faire semblant de boire du thé dans des tasses imaginaires. Jubilation.

    danse,théatre,performance,viviana moin,carreau du temple

    Passiflore et champignons dans la forêt profonde de Viviana Moin vu au carreau du temple le 14 septembre 2019 avec le festival Jerk Off

    Guy

    Photo Nicole Miquel

  • Aprés l'amour

    J'y repense encore.
     
    Parce que l'art que David noir est d'une absolue honnêteté. En plus d'être débordant, singulier. Rien en coulisse et maquillage à vue, tout déballé à nu. Les effets scéniques s'avouent (Par exemple pourquoi ne pas commencer par la regrettée Agnès Varda, puisque tout le monde aime les vieilles sympathiques).... Les masques restent des masques, les corps restent des corps, les sexes restent des sexes, les voix chantent en direct. Le tout imprévisible (plutôt qu'improvisé). Plus question ici de céder aux facilités de la fiction, de l'incarnation et de la continuité. Juste le poids des situations, le choc des images. Le résultat peut être vécu par certains comme provocant... Pour moi cet attitude témoigne d'une haute forme de respect pour le spectateur. Avec peu de moyens matériels une superproduction foisonne en 3D: des dizaines de personnages, plateau foutraque, vidéo, vrai gâteau, pianiste, poésie crue, et animaux.

    2019-05-20 20.58.49-1.jpg

     
    Parce que pourtant c'est émouvant. D'une tristesse infinie. Ce qui n'exclue pas les fous rires. Il est ici encore question d'amour. L'amour vrai, au bout de ses pulsions, jusqu'à l'obscène et la pornographie, jusqu'au delà du mauvais gout, une fois toute l'eau de rose décapée. La pièce est jouée en variations déchirantes sur la chanson "Un accident" de Michel Sardou. Souvent la nudité y dit ce que seule la nudité est capable de dire, et les costumes prennent la parole aussi.

     
    Parce que "Mobil'Homme" dit chaque instant, et en toute intensité, se passer "après". Après l'accident, après la séparation, après le divorce, après la fin des illusions, après la post modernité, après la fin de l'histoire, après la réduction des subventions et la mort de la culture, après la chute du mur, après le réchauffement climatique. Après la présentation de la veille, qui, parait-il, était plus forte encore. Une post-proposition. En ce moment, que reste-t-il à dire quand tout a déjà été dit ? Sinon le redire plus fort encore, et oser en tous sens. Extraire et remuer les souvenirs d'un passé qui s"éloigne hors de vue comme le rivage. Surgissent dans le désordre nombre de monstres sacrés, sublimes et surannés, qui ne font plus peur, encore rêver: Mister Hyde et Nosferatu, Marilyn et Dracula, Kirk Douglas et le monstre de Frankenstein, le tueur à la tronçonneuse et le requin des dents de la mer, d'autres encore... Peut être sans le savoir sommes-nous déjà tous morts, mais à regarder en arrière nous nous souvenons avoir été vivants.

    2019-05-20 21.54.24B.jpg

     
    Mobil'homme de David Noir vu au Générateur de Gentilly le 20 mai 2019
     
    Guy
     
    photos GD
  • Science, non fiction?

    Expo Scientifiction , Blake et Mortimer au musée des Arts et Musée des arts et métiers: on découvre avec émotion 60 planches (sauvées du pillage) , calques, story-board d'Edgar P. Jacobs, témoins de son travail minutieux et acharné, ainsi que des objets de sa collection: maquettes, documentation préparatoire. Ces œuvres d'art dialoguent avec les artefacts issues des collections du Musée, pour souligner l'omniprésence des sciences et techniques dans le travail d'EPJ. Mais dommage que la mise en scène de l'expo, structurée autour des 4 éléments (Terre, eau, feu, air) ne se saisisse pas d'enjeux évidents de la série au regard de notre sensibilité contemporaine et du lieu: les contradictions et tensions entre les "progrès" de la science, et le bien-être de l'humanité,la survie de la planète.

    2019-09-04 15.21.44.jpg

    2019-09-04 14.55.01.jpg

     

    Je développe: depuis le début de son œuvre de science fiction, Edgar P. Jacob joue les prophètes (de malheur). Le cycle de ''l'Espadon" commence fort avec la 3ème guerre mondiale où l'on voit la civilisation se consumer sous le feu des engins de destruction massive. Le professeur Mortimer rétablit l'équilibre dans la course aux armements par la mise au point de son arme secrète.

    2019-09-04 15.08.06.jpg

    2019-09-04 14.50.11.jpg

    Les albums suivants ne voient pas Mortimer se consacrer à quelque activité scientifique pour le bien de l'humanité mais s'opposer aux entreprises de savants fous qui entendent l'asservir par le contrôle mental (La marque jaune) ou dérégler le climat (SOS météores) avec des effets catastrophiques sur toute la planète: 60 ans plus tard, le monde en est là. Les happy-end de circonstance à la fin de chaque album, avec le concours du super-flic Blake, ne trompent personne: chez Jacob le pessimisme est implacable, obstiné. La technologie des atlantes (l’énigme de l’Atlantide) ne protègent pas ce peuple ci contre guerre et cataclysme, le seul salut possible est dans la fuite, vers les étoiles. La machine à voyager dans le temps du "Piège diabolique" nous révèle un avenir terrifiant, moins enviable encore que le darwinisme impitoyable de la préhistoire et les troubles sociaux du moyen-age vus avant: apocalypse nucléaire et masses humaines à nouveaux asservies par les moyens techniques sophistiqués de surveillance et de maintien de l'ordre. Et d'albums en albums, l’amoral Olrik joue avec le feu scientifique pour en retirer son profit à court terme. Jacob nous parle, plus que jamais, du monde qui vient et d'utopies qui meurent.

    Guy

    Au musée des arts et metiers