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Theatre - Page 22

  • Jeanne d'Arc (de Maeterlinck)- l'épisode final

    Il est temps que le cycle "Jeanne d'Arc et d'autres femmes" (au T.N.O.) s'achève. C'est passionnant mais à la 4° Jeanne on s'y perd un peu, on commençe à croire voir des pucelles qui dansent du Buto.

    medium_jeanne_dreyer_1.3.jpgC'est sans doute par cette Jeanne là (version Pierre Pirol) qu'on aurait du commencer.

    Qui nous emmene droit au coeur de la thématique, sans s'égarer. Un théâtre intense mais stylisé qui ne perd pas un temps trop précieux à rechercher le réalisme. Parti pris dés l'introduction, quasi plasmodiée par un frere Martin saississant, puis à la première rencontre entre Jeanne et le Dauphin, confrontation traitée comme une scène d'amour sublimée. Un théâtre à hauteur d'homme, où la stricte narration s'assume en tant que telle, où l'émotion n'est jamais galvaudée, où la voix ne s'élève vraiment que quand il est temps. Mais alors elle porte vraiment.

    Et enfin un theatre servi par un vrai texte, depuis le temps qu'on attendait ça.

    Un vrai texte de scène, dont les répliques vont à l'essentiel: "Mon roi, il ne faut pas pendre les hommes: ils peuvent en mourir". 

    Un texte adapté de Maurice Maeterlinck(1862-1949), poète, dramaturge symboliste, ami de Rodin, Verlaine et Oscar Wilde, nègre de Salazar, prix Nobel de littérature, et belge aussi (Si,si ! On vous entend penser d'ici mais on confirme, il était tout ça à la fois).

    Mais Maeterlinck procède à de larges emprunts à une autre version: celle de Jeanne elle même, selon ses dépositions.  Ceux qui auront la chance d'assister cette semaine aux dernières du "Procés de Jeanne d'Arc" directement tiré par J.L. Jeener des minutes authentiques, pourront le confirmer.

    Extraits: - Question du juge: "Saint Michel vous est -il apparu nu ?" Réponse de Jeanne "Pensez vous que Dieu n'ait pas medium_jeanne_anais_ancel.gifde quoi le vêtir?" Le Juge"Etes vous en état de grâce?" Jeanne "Si je n'y suis, Dieu m'y mette. Si j'y suis, Dieu m'y tienne."

    Le bûcher nous a privé, à l'âge de 19 ans, d'un grand auteur de théâtre. De quoi rendre tout adaptateur modeste!

    Mais hier, le dernier prodige de Jeanne d'Arc était de rassembler, pour écouter un texte trés loin de toute mode, prés d'une centaine de personnes, des étudiants aux retraités, un lundi soir dans une salle exiguë et surchauffée.

    Guy

    P.S. : on avait pas de visuel, sauf de Mr Maeterlinck, beaucoup moins photogénique que Rénée Falconetti ( dans "La passion de Jeanne d'Arc" Dreyer, 1928, mais vous avez complété de vous même).

    P.P.S. Cela donne envie d'aller voir "Alladine et Palomides" du même Maeterlinck, cette semaine au Theatre de l'Opprimé. En tout cas on va essayer, rien que pour le titre.

    P.P.P.S du 26 février 2007: on s'est découvert un peu recopié mais pas cité ici. On est trés mal placé pour donner des leçons de propriété intellectuelle, ayant soi -même pillé tout plein d'images un peu partout avant de s'assagir un peu. Mais en représailles, on prend en otage une photo d'Anais Ancel, ravissante Jeanne. Na! Et on profite de l'occasion pour nommer Claude-Henri Rocquet , dont on ignorait jusqu'àlors le rôle d'adaptateur.

  • Jehanne, Une Fille en Prison: la Chair, le Sang et l'Esprit- beaucoup de verbe aussi

    On est retourné voir Jeanne d'Arc.

    Après déjà deux belles pièces, on n'allait tout de même pas lâchement l'abandonner. Jeanne est toujours en prison, et même plus que jamais. Cette fois ci les nuits, seule avec ses gardiens. Va-t-on assister à l'envers du procès?

    Non, car les gardiens bien sûr n'ont rien à dire, hormis ce que leur inspire de plus évident leur promiscuité avec la pucelle. Comme cela ne prend pas 2 heures à expliquer, ils se mettent donc bientôt à parler, entre deux visites aux latrines, comme parlent les juges et les théologiens. Et Jeanne leur répond. Admettons.

    Résultat: tout en brutalisant Jeanne, on refait le procès. Sur un texte contemporain, défendu par la troupe (Habaquq)avec fougue et conviction. De la Chair et du Sang, il est beaucoup question. De l'Esprit également, avec des préoccupations évidemment contemporaines, telles les droits de Jeanne en tant que "chrétienne et citoyenne". On concédera que l'anachronisme, disons la relecture du sujet, est un exercice imposé. Encore que cela sonne plus étrangement que d'entendre par exemple un texte du début XX° plaqué sur ce contexte moyenâgeux. Ce texte là nous réserve de belles envolées, peut être est-ce la fraîcheur de l'actrice qui nous convainc. Mais des lourdeurs aussi, on se surprend parfois même à regretter Thierry Maulnier.

    Le nouveau théâtre chrétien, qu'on se le dise, n'a pas peur des mots crus et des situations scabreuses. Surement pour ne pas paraître en reste par rapport au théâtre contemporain. Ou pour nous rappeler que l'esprit n'est rien sans la chair, et que c'est de la chair maltraitée dont on parle ici. Mais rien de nouveau sous le soleil: souvenons nous des peintures renaissance qui détaillent avec complaisance le martyre de Sainte Agathe dénudée.

    Et tout cela est très violent, plus violent même que "Jeanne et les juges"de Maulnier. Et à la différence de la "Jeanne"chantée de Jeener, définitivement pas pour les enfants. Les insultes fusent, les coups volent au son des ricanements. Oppressés avec Jeanne par cette atmosphère de virilité menaçante, on respire un peu lors de la visite de la duchesse anglaise. Une brise de féminité, la pièce y retrouve un nouvel intérêt. Mais la duchesse repart, nous restons avec les gardiens. Entrainés dans la surenchère, jusqu'à la fin nous abîmer tous ensemble dans le grotesque absolu: l'homme au masque de fer et au sexe d'acier s'est trompé de siècle et de pièce. Soyons bienveillants, oublions. Sans avoir compris pourquoi et comment Jeanne reprit l'habit d'homme après l'abjuration.

    Le nouveau théâtre chrétien a encore du chemin à faire. Tant mieux, car ils y croient, ils sont jeunes et ont tout le temps du monde, ils sont beaux, et on les applaudit à la fin.

    Cela se joue encore un peu jusqu'à mi-juin, au Theatre du nord ouest,c'est un festival, on vous l'a déja dit.

    Guy

  • Jeanne: mais ils vont la bruler!

    On a revu Jeanne ce dimanche, cette fois en version chantée. Celle de Jean Luc JeenerOn a réussi à ne pas pleurer, il est vrai qu'on connaissait déjà la fin, ayant vu "Jeanne et les juges"avant. Mais les petits, auxquels cette pièce était plutôt destinée, avaient les yeux embués. Les enfants ont de la chance: le chant d'une bergère suffit à les faire rêver. Mais ils sont exigeants aussi: ils n'auraient supporté ni fausse note, ni temps morts, ni rien de bêtifiant. 

    C'était toujours au Théatre du Nord Ouest.

    Guy

    P.S. : On a trouvé le site de la troupe de la "Torche Ardente", qui a monté "Jeanne et les Juges"de Maulnier . Avec entre autres choses des photos de la pièce, comme ci-contre.

     

     

  • Jeanne et les juges- l'éternel procés

    C’est bien en prison que nous pénétrons, conduit par un garde, pour y rejoindre Jeanne et les juges. Une prison intemporelle. L'interrogatoire a déja commencé. Celui de Jeanne d’Arc, prisonnière politique, aveuglée par une lumière crue, questionnée, rudoyée, maltraitée, chaînes aux pieds. 

    medium_Jeanne_et_les_juges.jpgC’est bien en prison que nous sommes: Jeanne n'échappe que de très peu à la torture, puis au viol, mais non aux brutalités infligées à son corps par les geôliers. Ni, plus encore, à toute la violence que l'on fait à son esprit. Mais elle résiste.

    Rien dans le texte n’est anachronique, mais ce sont pourtant les juges des procès staliniens que nous voyons à l'oeuvre, ceux aussi de toutes les dictatures et des démocraties qui renient leurs principes, les mêmes juges de tous les procès politiques, acharnés à briser l'âme de l'ennemie.

    Possédés par la même logique pervertie, usant de toutes les mêmes et terribles stratégies. Il ne s’agit pas de faire avouer, ni même de punir. Il s’agit d'amener la rebelle à rejoindre le troupeau. En échange de la vie sauve. Publiquement, pour en permettre l'exploitation politique. Mais surtout qu'elle soit convaincue de ses fautes, le cœur vaincu. Et qu'elle renonce à sa relation personnelle avec Dieu.

    Dieu, à chaque instant présent dans la bouche de Jeanne. Qui en termes premiers, répète sa foi, son innocence, son bon droit. Mais les anges n’apparaissent désormais qu’au public, et sans jamais venir en aide à la pucelle. Pour nous expliquer que le temps est venu pour la sainte de vivre seule l'épreuve, de souffrir et de douter. Elle doute donc. Et souffre. Et doute tant qu'elle abjure.

    Mais après cette défaite qui la laisse humiliée, dépossédée de tout sauf de la vie, une apparition permet à Jeanne de retrouver sa dignité, de se réconcilier tragiquement avec elle-même. Jusqu'au bûcher. Mais non pas l’apparition d’un ange: celle du double de Jeanne, de son image idéale, rêvée. Une fois encore, le ciel est resté muet.

    Le sujet est donc terrible, l’interprétation, évidemment enflammée, en est presque digne. L'espace contemporain et sobrement maîtrisé, le traitement dur et dramatique, on l'a bien compris. Avec alternances d’audaces bienvenues et de regrettables lourdeurs. La faute au texte de l’académicien Thierry Maulnier (1908-1988), justement par moments trop académique et explicatif. N’est pas Montherlant qui veut.

    Guy

    P.S. : Jeanne d’Arc est déclinée sous la forme de plus d'une dizaine de pièces jusqu’au 18 juin au Théâtre du Nord Ouest. C’est incroyable et pourtant vrai. On y reviendra.

  • Quand le texte est parti, reste Gabegie

    L'accroche de Gabegie(7° édition) etait prometteuse: "3 jours d'écriture, 4 jours de répétitions, une représentation unique". 

    Un petit reve de liberté, tant mieux.
    Pari gagné? Oui, du moins s'il fallait démontrer, que même-surtout- quand il ne reste presque rien de préparé, le spectacle est toujours vivant.

    Et pourtant... le texte enfonce les portes ouvertes en enfilades à coup de lieux communs. Avec l'obsession évidente de bien montrer qu'on est dans le camps des gentils, tout en s'accordant le droit d'être un peu méchant. L'éclairage est basique, les déplacements quasi-inexistants, la direction d'acteurs minimale et chacun(e) sur scène en profite pour un peu nous jouer son fantasme préféré.

    Mais on connaissait la règle du jeu, le résultat est gore et très déluré, réjouissant pour les yeux, d'un mauvais goût assumé. Sous le ketchup, affleure un peu d'originalité et des souvenirs de Shakespeare surgissent au gré des répliques. On leur pardonne de brocarder Villepin-bien trop évident!- puisque, faute de poulet cru à se mettre sous la dent, ils dévorent le 1er ministre à la fin. C'est déjà plus inattendu.

    Bref, il vaut toujours mieux une improvisation baclée, qu'une piece d'Eric Emmanuel Schmidt proprement répétée. De plus la troupe s'est baptisée heautontimoroumenos, cela vaut bien un bonus.

    Et avec un texte, un vrai, qu'est ce que cela peut donner? On les avait déjà vu s'attaquer à Lautreamont. A la gorge, férocement, et on avait aimé. Le 19 juin prochain au même endroit, ils récidivent avec Copi. Trés intriguant, ils ne jouent pas "Eva Peron" ou "Loretta Strong" comme tout le monde. Mais "La Nuit de Madame Lucienne"(?). Bon, on verra....

  • Un seul être vous manque.... Sarah Kane

    On voulait voir "Manque" de Sarah Kane...

    - Désolé la réprésentation est annulée, sauf si vous êtes un groupe... Êtes-vous un groupe?

    - Non, je ne suis pas un groupe...

    Extrait de l'argument: "Manque est une pièce à quatre voix. Quatre voix intérieures qui disent la vie et le désir, et les forces qui les empêchent"

    Manqué. Parce-que l'on était pas quatre, on est donc resté à l'extérieur, empêché. Vivant quand même, mais n'osant plus désirer. Avec une seule voix intérieure, à imaginer ce qui aurait été dit de désespérant du texte de Sarah Kane. Disparue à 28 ans, suicide par pendaison, dans une clinique londonienne. Ça promettait pourtant. Mais comme l'on n'était pas un groupe, ce soir là le texte n'a même pas existé.

    Cela dit, dehors sur le trottoir, c'était triste quand même...

     

  • Formes courtes et Court de forme

    Ne le répétez pas, mais nous avons fait l'ecole buissonnière: nous avons séché le Théâtre de la Ville, pour nous infiltrer à l'Etoile du Nord

    Nous resistons à la tentation perverse mais hélas ordinaire de chroniquer le spectacle que nous n'avons pas vu et dirons plutôt quelques mots de A Court de Forme.  

    Le format: levé de rideau + cinq formes courtes + intermèdes chantés. L'idée est séduisante, mais comme peut-être toute les fausses bonnes idées.

    Car à tout vouloir dire en vingt minutes.... On crée de brillants exercices de style dans des genres imposés: démonstrations de multimédia, d'érotisme, le théâtre politique, etc.... 

    Avec trop d'idées, trop d'effets, trop de jeux de scène, trop de lumières, trop de virtuosité, trop de costumes et trop de nus, trop de talent même, trop de tout. 

    Tout cela s'accumule et s'annule. Au détriment des textes, dont il ne reste pas grand chose aprés ce traitement sur-vitaminé.

    Ou alors le choix des textes eux-même était aventureux: "La Mort" de G. Bataille prend des accents de roman porno d'avant guerre vendu sous le manteau à des des notaires honteux. Dans le registre de la bouffonnerie politique, la "Sainte Famille" d'Heinrich Müller, qu'il est urgent de relire pour s'interroger sur ce qu'il en reste, enfin pour qui aurait le courage de s'y intéresser en 2006. Peut-être tout juste encore Mel Brooks qui pourrait développer avec talent à l'écran le thème des flatulences hitlériennes.

    Illustration des choix malheureux: "l'Espece Humaine" d'Antelme. Notre troupe n'a pas obtenu l'autorisation de jouer le texte, et faute de pouvoir lire a choisi de marmonner bâillon sur la bouche des extraits.  Bon pas de panique, celà ne dure qu'une dizaine de minutes, juste le temps de quelques rires nerveux dans le public, nos amis ont bien saisi qu'ils n'étaient pas subventionnés et où étaient les limites.... Enfin tout cela a nous conduit, et sans s'en douter, à rire en ne l'écoutant pas d'un texte qui parle d'Auschwitz.

    Se détache d'autant du lot un texte remarquable et méconnu: "Monstres philosophiques" de Diogene Laerce. Le sujet est tout dans le titre, c'est surprenant et pour de bon audacieux. hilarant et antique. 

    Et quant aux autres pièces, il y a toujours quelque chose qui surprend et vaut la peine: un coup de projecteur soudain sur un morceau d'anatomie dans l'obscurité (La Mort), un lien particulier avec un public interpellé (No logo), une hystérie brillamment maîtrisée (La Sainte Famille).

    Bref tout ça est passionnant et bancal, il faut absolument y aller, jusqu'au 19 mai. Et retourner les voir, plus tard, dans un contexte plus développé.

    A un soir prochain, enfin peut-être...