Les mots naissent émerveillés, d'une simplicité qui ne laisse pas le choix. De même eux-deux sur scène: lui, elle, les rangées de néons dessus, le tapis blanc dessous, au milieu d'eux une moto rutilante de rouge. Ce n'est presque rien, c'est tout. C'est le début: ils s'aiment, ils parlent, mais ils ne bougent pas. Pétrifiés. Au commencement, yeux fermés. N'osant y croire. Parlent l'un de l'autre, parlent l'un à l'autre, séparés au coeur de juillet de Brooklyn à la place Clichy. Entre eux deux on entend l'avion qui décolle. Evidence: c'est dans l'espace du désir et de l'absence que naît le début de l'Amour. Qui n'a jamais eu la chance d'être-un peu!-séparé de l'être aimé n'a pu jouir de ces conditions idéales pour créer dans l'attente son image rêvée. Déjà, l'inquiétude est là, lancinante, de savoir que ce merveilleux commencement peut un jour s'achever. Par moments il n'y a rien d'autre à dire, que s'arreter et chantonner le début de l'A. Les sensations brûlantes deviennent des souvenirs aussitôt. D'un continent l'autre les mots baisent beaucoup, trés joyeusement, empressés, d'un rythme enivrant. Les corps ne se touchent pas, bougent à peine. Sauf un court moment, au milieu, undressing/dressing des deux pour au milieu un baiser nu qui n'en finit jamais- en vrai une minute ou deux? Au present comme l'amour. Puis chacun renvoyé à la place et dans les habits de l'autre. Ce cantique des cantiques post- moderne et cru défile avec grâce et d'un souffle. Jamais appuyé. L'émotion est portée par les légères nuances, en texte et jeu, sans lesquelles le tout ne pourrait former qu'un exercice plat. C'est si gonflé de parler d'amour, si exposé au ridicule et pourtant si indispensable. Ici, on y croit, parceque c'est lui, parceque c'est elle, parceque c'est nous, c'est notre histoire à tous. Tout simplement, je crois.
C'était Le Début de l'A. , écrit et mis en scène par Pascal Rambert, avec Alexandre Pavloff et Audrey Bonnet, créé à la comédie Française.
Vu au Théatre2genevilliers, jusqu'au 5 octobre. Et, puisque l'amour ne connait pas de frontières, à nouveau au t2g du 15 au 19 octobre avec Yuri Ogino et Hideki Nagai, en japonais et surtitres français.
Photos par Cosimo Mirco Magliocca, avec l'aimable autorisation du théâtre de Genevilliers
P.s. : le théatre2genevilliers est un lieu calme et accueillant, avec plein d'ordinateurs en libre service, qui font jouer de la musique à un pleyel dans une pièce à coté quand on touche le clavier.
des chroniques de spectateurs, ici et là, et encore ici, en japonais surtitré.