Confusion: le sol de la scéne est jonché de livres. On craindrait se retrouver à nouveau plongé dans le cauchemar éveillé de Das Chrom + & Du. On est soulagé: c'est bien du Feydeau (1862-1921). Mais dans la mise en scène de ce soir, d'un bout à l'autre, tout est délicieusement terrifiant. Il ne s'agit plus d'un attentat vaudevillesque contre l'ordre bourgeois: on est pas loin du théâtre de l'absurde. Pour exposer toute l'horreur de la vulgarité, qui n'est pas tant le fait d'aborder des sujets
intestinaux, mais de dénier, avec brutalité, tout signification au langage, tout ordre au monde, le réduire à la seule corporalité.
Quand Mme Follavoine hausse la voix, pour rendre impossible tout consensus avec son mari sur le sens des mots, on reste pétrifié dans son siège. Monsieur Follavoine est une victime erberluée, dont les rêves se brisent aussi cruellement que ses pots de chambre pourtant incassables. Voit son espace physique et mental envahi par les eaux sales de madame, alors qu'il tente de créer un ailleurs en imaginant les îles "zébrides". Dans le désordre de ses livres épars, y réussirait il d'ailleurs même sans cette opposition quasi démoniaque? Pas moyen de réconcilier corps et mots. Toto, l'enfant-roi, dépasse les parents d'une bonne tête, et hurle à les faire trembler. La bonne est ailleurs, hallucinée, perdue dans les chansons. Monsieur Choilloux est maladif et hystérique, et -pire- n'affiche pas d'hostilité ouverte en reaction aux agressions dont il est victime. Donc est d'une angoissante imprévisibilité, à l'inverse mesure des grandes attentes de Follavoine. Madame Choilloux et son amant viennent porter le coup de grâce avec les manifestations agressives d'une sexualité débordante, au bord de violer mari, femme, bonne et enfant. Madame Follavoine anéantit toutes les constructions sociales précaires d'un seul "Cocu" vulgaire et retentissant. On est bouche bée, le jeu est porté au delà des limites raisonnables de l'exagération: c'est hilarant, subtil pourtant, et dévastateur tout autant.
C'était On Purge Bébé, de Georges Feydeau, m.e.s. par Stéphane Auvray-Nauvroy , avec Aurélia Arto, Selim Clayssen, Johanna Cohen, Dianko Diaoune, Michèle Harfaut, Julien Kosellek, Eram Sobhani, au Théâtre de l'Etoile du Nord, avec On arrête Pas le Théâtre.
Jusqu'à dimanche, et aprés c'est fini.
escaliers, les spectateurs bien habillés dont des dames à visons, les rideaux très rouges et les dorures au plafond, le sentiment de s'y glisser sur la pointe des pieds et les places à 46 € en orchestre. Et sur scène, des acteurs comme à la télé jouant très pros des pièces à texte, textes qui respectent la règle d'or selon laquelle il faudra tôt ou tard absolument tout expliquer au spectateur. Si l'on préfère un spectacle qui laisse un peu à imaginer, mieux vaut aller voir ailleurs des personnages se taire et danser.
spontanées, et si systématiquement que cela à la longue peut agacer. Mais, si l'on est mieux disposé, la naïveté peut passer pour de la poésie. Et c'est, tous comptes faits, un mode d'expression approprié pour ces personnages tous un peu désoeuvrés, en quête de rêves et d'ailleurs, qui ont perdus le sens. Déboussolés par les "trous dans le ciel", la chaleur des nuits de polars et l'effacement des saisons. Des "essayeurs de vie". Qui forment une drôle de famille: un père travesti et en crise de larmes permanente, des frères détrousseurs de cadavres (pour marquer la dramatisation, faut il ouvrir sur du sordide?), leurs improbables amoureuses, et un poète alsacien en route vers la Californie. Une famille dont les liens échouent à consoler le mal-être de chacun.
dès cet instant presque gagné. Confirmation quand survient- comme toujours quand