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Copi

  • Loretta Strong- variation

    Il y a des pièces dont jamais je ne me lasse, parce qu'objets étranges tels des météorites tombées de mondes inconnus, qui changent d’aspect lorsqu'on entreprend d'en faire le tour, énigmes sans solution. Irrésumables. Je me réjouis de chaque relecture tentée en mise en scène, de chaque tentative, escalade, déconstruction, restauration.... D'autant plus que je ne me réfère pour ma part, à aucun mètre étalon. J'ai deux de ces pièces en tête. Loretta Strong, de Copi, est l'une d'entre elle .
    Une fois rappelé qu'il s'agit d'un monologue échevelé, dans la bouche d'une astronaute en perdition (Qui m'évoque de plus en plus Barbarella, même époque), qu'il y a des vénusiens, des rats, etc.. je ne sais dire un pitch plus élaboré. Les repères implosent et la narration s'éclate sur les murs. Ce qui me plait: un texte absurde et jubilatoire, traversé d'éclats de désespoir, d'un mauvais gout sublime. Cette farce résonne dans mes oreilles comme le cri impuissant de l’inéducable désagrégation du corps.
    Ce soir ça commence fort, par très peu justement. A contre-courant. Par une habile résistance à la frénésie du texte, à laquelle beaucoup d'autres mises en scène cèdent d'emblée au risque de essouffler. Donc maintenant le silence. Très long. A son bureau, une femme contenue, habillée serrée, jupe et tailleur. Des gestes fonctionnaires. Enfin la voix, mais blanche, avec des annonnements qui retombent, gardent la panique à distance. Qui évitent l'engagement. Le visage, le corps, trahissent des signes avant-coureurs du déferlement, mais tout en nuances. 
    Évidemment, à un moment donné le barrage va céder, tout se dérégler. Mais là encore le travail du corps, de la voix crescendo, vont s'écarter du convenu. Inattendu, jubilatoire forcement.

    Loretta Strong - Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) -6235.jpg

     
    Loretta Strong de Copi, mis en scène par Florian Pautasso avec Stéphanie Aflalo, vu Théâtre de l’étoile du Nord le 23 mars 2019, ce soir encore, dans le cadre de Copiright jusqu'au 30 mars.
     
    Guy 
     
    photo par Vinciane Lebrun-Verguethen avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Copi 2010

    Le génie de Copi, c’est peut-être de savoir comment, jusqu’où et encore repousser les limites,  tabous tombés, nous faire accepter le mauvais goût porté au sublime. On rit jaune, mais on rit, en assistant à ce réveillon qui donne déjà la gueule de bois. Au menu très arrosé: anus de boa truffé aux couilles de rat, sur fond d’infanticide.

    image-666.jpg

    Dans la Tour de la Défense est suggéré un paysage mental seventies, s’y rencontrent les marginaux de l’époque: toxico, pédé, arabe, travelo…  comme dans un refrain de Gainsbourg/Dutronc. Ivres et paumés, bêtes et méchants, désespérés, attachants: dur de les faire exister en se réglant au bon niveau de caricature, mais cette toute jeune troupe réussit à ne pas faire regretter la pourtant mémorable version des lucioles. C’est ce soir brut et direct, emporté voire plus: douches chaudes, sexe, cris, larmes, danse, pied nus et verres cassés. Joué avec le juste ton dans l’inclassable, alors que dans la pièce sont recyclés et transgressés les codes du mélo, du tragique, du boulevard, du polard et du réalisme. Les mots osent et jouissent, les rebondissements emportent le jeu dans la transe et l’hystérie, sont alors bienvenus ces beaux soli en aparté, qui donnent soudain aux personnages une autre épaisseur en mode onirique: la jeune femme juste vêtue d’un grand collier de perles, le garçon qui chante France Gall pathétique… Avant de tous se replonger dans cette fête apocalyptique, rencontre sans issue de noirceurs et d’égoïsmes, jusqu’au denoument-forcement- tragique. La pièce, de 1977, contient en pure insolence, liberté, démesure, ce qui fut Copi-collé par des dizaines de suiveurs audiovisuels, en simple vulgarité. La charge ici est intacte, prête à exploser, laisse encore incrédule. Bon réveillon à tous !

    C’était La Tour De La Défense, de Copi, m.e.s. par Florian Pautasso et Maya Peillon.

    A la Loge, encore les 21/22/23 décembre.

    Guy

    lire aussi: le souffleur

     

  • Les Jumelles: Copi A 4

    Ca flingue pire que chez Tarantino, et on a bientôt renoncé à comprendre qui flingue qui et pourquoi. Aucune importance d'ailleurs, avant tout une manière pour Copi (1939-1987), à force d'outrances et de répétitions, d'épuiser jusqu'à la trame et medium_les_quatre_jumelles.jpgjusqu'à l'absurde les mécanismes du policier d'action: dollars, revolver, mensonges, trahison, meurtres, cadavres, cavales, compte en suisse, lingots d'or et cocaïne à gogo. De même que l'auteur fou furieux a dépecé sans pitié d'autres genres "mineurs": boulevard, whodonit, space opéra... (voir nos quelques soirs Copi d'avant).

    Qui dit répétitions en crescendo signifie un sacré défi en terme de mise en scène. il faut varier pour ne pas lasser tout en restant cohérent. Un cas d'école. Ici c'est gagné, avec un juste peu d'effets de lumière et beaucoup d'idées et d'énergie. Et des voix étonnantes dés les premiers instants. Copi est peut-être l'un des auteurs les plus exigeants qui soit pour les acteurs qui s'y frottent, qui leur demande un engagement physique de danseur. Oserait on être impitoyable et demander à nos quatre jumellesde grimper encore un degré plus loin dans la folie? Mais elles se démènent déja très généreusement pour essayer de fuir de ce lieu plus clos que la scène- une cabane en Alaska-  et ne jamais y réussir. On n'échappe pas à ses crimes. Ne leur reste qu'à régler leurs comptes sanglants- Je te tue, tu me tues..-en famille(s). Comme toujours chez Copi, cela commence en blessures et finit en agonies. Heureusement loufoques.

    C'était Les Quatre Jumelles  -♥-de Copi, mis en scène par Pierre Pirol, avec  Justine Assaf, Daphné Barbin, Alexandra Cahen et Eléonor Weiss , au theo theatre, et ça continue jusqu'à fin mars.

    Guy

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  • La Tour de la Défense: Daphné est completement pétée

    Hier soir, la Tour de la Défense se dressait à Bobigny. 1 boulevard Lénine, prés du boulevard Jean Jaurès, avant le boulevard Maurice Thorez.

    medium_tour_01.jpgNon, on plaisantait: cela ne se passait pas vraiment à Bobigny, ou géographiquement tout au plus: c'était plutôt à la MC93-Bobigny, qui est une enclave parisienne et bobo au coeur de la Seine Saint Denis, en compagnie d'un public dont la mixité sociale ne sautait pas aux yeux. Et, pour preuve qu'on n'était pas dans lez 9-3 pour de vrai, précisons qu'on avait acheté notre place via le Festival d'Automne à Paris.  "Parking gratuit et surveillé" nous rassurait la brochure. Alternative au Forum culturel du Blanc Mesnil qui affrète des cars pour aller chercher le public parisien place de la Nation. Mais on aurait pu être à Avignon, où n'importe où ailleurs, on était en tout cas en phase avec le contexte de la pièce: un réveillon bobo-homo de nouvel an, de l'an 1977, année disco.

    Représenté dans un décor, un vrai, splendide et sophistiqué, un décor d'appartement seventies, avec tous les accessoires, même les pires. Ce qui fait tout drôle, tant on s'est habitué au minimalisme contemporain. Réalisme plastique, et intrigue linéaire également, quasi-boulevard ou comédie policière, avec entrées, sorties, exclamations, portes qui claquent et évanouissements à répétition, mais tout est décalé. On croit entendre, en écoutant le texte de l'argentin Copi (1940 -1987) une fascination quasi-enfantine pour la langue française, peut être propre à un étranger qui apprend à la maîtriser, comme un nouveau jouet, et manie cependant cette langue avec une insaisissable étrangeté. 

    Les personnages, comme dans une recherche naîve pour appréhender la complexité de l'existence-c'est perdu d'avance-. enfilent les banalités avec medium_tour_02.jpgune drôlerie déconcertante. Presque une pré-figuration parodique des shows de télé-réalité de nos écrans d'aujourd'hui, promesses sexuelles comprises. Mais d'évidences approximatives en fausses évidences, c'est une manière imparable de nous accoutumer à un glissement très progressif d'un trash presque ordinaire vers l'absurde et l'horreur. Qui se manifestent avec les obsessions habituelles à Copi: rat, serpent, frigo et compagnie, mais aussi par de sinistres prémonitions: hélicoptère s'encastrant dans une tour en feu et enfant congelé au frigo. Soudain on ne rit plus.

    Tous les habitants du 13° étage de cette tour de la défonce sont passionnants, et entre autres Jean(Martial Di Fonzo Bo), étonnant de pédanterie et de de candide brutalité. Mais le pire viendra de Daphné, la seule femme présente, interprétée par Marina Fois, sublime et désinhibée. Daphné d'abord en marge de ce club masculin, celle dont chacun cherche à se débarrasser. Revanche morbide, toute l'action se réorganisera peu à peu autour d'elle. 

    Mais de toute manière, à la fin tout le monde meurt, évidemment.

    C'est "La Tour de la Défense" par la compagnie "les Lucioles", mis en scène par Martial di Fonzo Bo, à la MC93 Bobigny, encore pour quelques soirées

    Guy

  • Lisbeth, Hermione et Winifred sont dans un bateau...

    Ces trois filles là font toutes jeunes encore, mais elles ont déjà tout des grandes, et le quatrième -le jardinier- essaie brievement de danser Buto, un très bon point; on pourra tout lui pardonner ensuite. C'est au final sans reproche et sincère, juste encore un peu trop d'impatience medium_flyerlisbeth.jpgpeut-être, péché vertueux, l'envie de tout dire tout de suite, et fort, il manque juste encore un peu de silence ici et là.

    Pourtant qui va les voir chaque soir, pas loin derrière la place du Colonel Fabien? Qui va donc les voir, quand ce n'est pas l'anniversaire du technicien lumière? Les passants? C'est bien Winifred qui hier dans la rue nous a abordé pour venir voir le spectacle, trop tard on avait déjà réservé, attiré par le titre peut-être- " Lisbeth est completement pétée" -et par les yeux sur l'affiche aussi. 

    Quoiqu'il en soit, on entre et on écoute le texte d'Armando Llamas (1950-2003), une écriture excessive, violente, innocemment provocatrice, et l'on pense à Copi,en plus adulte -pourquoi? Les mêmes origines argentines? Une proximité partagée avec la mort en tout cas, qui ronge un monde gagné par une entropie croissante, ivre d'un trop plein de biens matériels et de références culturelles. Ici plus contemporaines que seventies. Mais la chanson reste la même.

    Guy

     

  • 6 fois Loretta Strong

    Dernière semaine pour le festival de Gare au théâtre , le programme d'hier soir (et qui se répetera jusqu'à dimanche) ne pouvait pas laisser indifférent.

    medium_nip06alpe.jpgOn a d'abord tendu l'oreille pour écouter "Alpe! Alpe! ou le cri du cochon dans la nuit d’hiver" de la compagnie Etcha Dvornik. Mais sans parvenir à entendre quoique ce soit d'intelligible. On s'est juste trouvé rétrospectivement bien sévère d'avoir jugé, dans le même lieu, Murmurs trop confus. Au moins la pièce de Furymoon avait-elle ses moments.

    Ici rien qui tienne debout et pourtant tout y passe: récitatifs graves et d'une naïveté désarmante, déhanchements douloureux, danse en transe, effondrements tragiques, visites dans les rangs du public, heurts contre les murs, entrées et sorties incessantes, accessoires à la pelle-pelles justement, râteaux et brouettes à volontés comme en fin de soldes au B.H.V.-, nudité intégrale comme par obligation syndicale, perruques et déguisements sans sens, effet de fesses et de seins, courses interminables et bruyantes perdues en fond de scène- le plateau de Gare au Théatre est hélas assez grand pour inspirer aux chorégraphes toujours les mêmes facilités- bref tout le bric à brac de la transgression convenue, et tout cela sans une seule fois nous surprendre.

    Heureusement le temps fait tout oublier: on retrouvera sûrement à la rentrée l'envie de voir de la danse. 

    On poursuivait avec la Tentative Intime de Sabine Revillet, laquelle avait mobilisé pas moins de cinq metteurs en medium_tentative_intime.2.jpgscène pour son projet. Qui consistait à adapter ses journaux intimes écrits depuis l'âge de douze ans. Pour confirmer ce que l'on a pu déjà souvent constater: dés qu'on voit écrit le mot "intime"s'agissant d'un spectacle, ce n'est pas très bon signe. Car, malgré tous nos efforts pour accepter nous aussi la naïveté assumée du concept, moins de vingt quatre heures après avoir entendu un texte de Montherlant, le contraste était cruel.

    Cela dit, on souriait quand même. On appréciait la distance ironique que l'actrice établissait avec son auto-sujet, et dans le même temps l'empathie qu'elle suscitait. On saisissait de bon coeur les rubans de robe qu'elle nous tendait. En un mot on se laissait émouvoir. Mais sans réussir à entrevoir, quoi que soit d'universel. 

    Heureusement à 20 heures, décollai(en)t Loretta Strong.

    La medium_affiche1.gifLoretta Strong de Copi (1940-1987),mais au pluriel, en la personne de 6 actrices à la fois, pour saisir ensemble le rôle à bras le corps et l'agiter en tous sens, le répandre sur le plateau membre par membre. En une folie démultipliée, en une hystérie croissante, version cours de récréation après que les enfants aient étranglé les surveillants, pour nous faire partager une heure de terrible régression.

    Car la troupe- Infraktus-, en une surenchère parfaitement réglée de ballons en plastiques, de bruitages, de hurlements, d'éructations, de contorsions, de chewing-gums, de positions grotesques, de mimiques appuyées, de tirs de pistolets jouets, réussit à situer la pièce à sa juste place: dans le domaine de l'enfance.

    L'enfance des peurs indicibles, de la peur de se perdre, celle du sexe, de la mort, de la dévoration, de la mutilation. Transposées en aventures spatiales, grotesques et obscènes, de Loretta Strong, perdue dans un espace paniqué où tout s'effondre et disparait en de sanglantes explosions. Jusqu'en dernier son corps. Tout cela suscite medium_63533.jpgun ricanement qui s'étrangle dans la gorge.

    Mais pourrait il en être autrement? Les histoires que nous racontent les enfants ne nous font jamais rire, et celle là encore moins. Surtout ce soir parfaitement mise en mouvements, en une performance physique étonnante et tout à fait maîtrisée. Et on a eu personnellement le plaisir d'être affublé quelques instants de la perruque verte de Linda. On était content, car on avait rien porté de tel depuis mai 1986. Mais il s'agissait d'une autre soirée, évidemment...

  • Voyage au bout de Copi- La Nuit de Madame Lucienne

    On avait promis, on a tenu: aprés Gabegie, ce soir on a vu "La Nuit de Madame Lucienne". De Copi (1940-1987). Cela change de Jeanne d'Arc. Cela change beaucoup, même. medium_affiche_lucienne.jpg

    Tout dans le ton, dans le visuel est criard, vulgaire, baclé, laid, cruel. A dessein. Façon de plonger dans l'univers de Copi, rats, références seventies, carton-pâte, dégoût et hystérie, travesti. 

    Non-histoire: on répète une pièce, et quelqu'un a tué Madame Lucienne. Juste un prétexte pour malmener les conventions du theatre de boulevard et de la pièce policière, étirées, mises à mal, retournées, distendues. On rit au premier degré-un peu, ou on rit jaune, ou on ne rit pas du tout, car comme souvent la parodie menace toujours de trop ressembler à son modèle. La machine ricane et tourne sur elle-même jusqu'à s'épuiser, mécanismes mis à nu. Seules quelques parenthèses musicales et moqueuses ré-enchantent la scène. 

    Jusqu'à ce que, de mise en abîmes en variations piradeliennes, nos derniers repères soient perdus. Et que Madame Lucienne surgisse, pour tuer le théâtre, d'un faux coup de revolver.

    Ce coup là, qui laisse un goût amer, trop dangereux, trop désespère, trop cynique, on n'a le droit de nous le faire qu'une fois.

    Mais la représentation était unique, c'était juste pour ce soir là.

    Soit.

    Guy