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  • Le Roi Lear d'heures en heures

    Pour ouvrir l'intégrale ShakespeareTroilus et Cressida étaient expédiés à très grande vitesse. Pour finir, le Roi Lear prend son temps pour mourir. Cinq heures d'errance, de folie, et de délitement. Pas plus, pas moins. 

    352405803.jpgC'est la première heure qui parait la plus longue. On écoute et on résiste. Comme contre tous les débuts de pièce? Malgré le Roi Philippe Desboeuf, magnétique, passé de l'autre coté de l'âge, osseux et aux longs cheveux d'argent, madré et reptilien. Mais tout au long de ces premières minutes, il n'y a rien à comprendre que l'on ne sache déjà: la grande scène du partage du royaume, les flagorneries de Gonerill et de Regane, la disgrâce de Cordelia, les premières manoeuvres d'Edmond, on connaît tout cela par coeur. Et le début de cette pièce chaque fois choque par trop d'invraisemblances. Qui peut croire à un Roi qui abdique avec tant de légèreté, et donne tout à ses filles? Il y a des difficultés insurmontables à rendre crédible la colère capricieuse de Lear contre la pudeur de Cordelia. Prétextes, fausse pistes... Pour nous mener où? Consolation: Philippe Desboeuf nous pétrifie de fascination, son interprétation du Roi Lear est dans notre esprit hantée du souvenir de celle du Roi Ferrante. Les deux personnages ont en commun d'avoir de sérieux problèmes avec le pouvoir et la vieillesse. Et chacun a sa stratégie propre pour échouer à les résoudre. Autour du phénomène Desboeuf, la distribution est homogène, ce qui n'a pas toujours été le cas durant cette intégrale.

    Seconde heure, des fourmis dans les jambes, mais l'affaire décolle pour de bon avec le retour de Kent (l'excellent Jérome Keen), qui entraîne Lear et son fou vers d'étonnants terrains bouffons. Joue-t-on souvent ces scènes là de cette façon si légère? Le roi Lear n'est pas si digne que cela, plutôt un enfant terrible, on en excuserait presque son hôtesse Gonerill d'exiger des coupes budgétaires dans cette escorte si tapageuse. Ces enfantillages constituent ils les premières manifestations de la folie de Lear? On ne ressent nulle pitié à être témoin de son aveuglement. La tension monte, c'est le retour chez Regane, enfin Lear est chassé, au dehors, dans la tempête, hors du monde. Les choses sérieuses vont commencer. Une dame ronfle sur son siège, mais c'est plutôt bon signe, car le reste de la salle en est agacé. On sort 10 minutes à l'entracte, rassuré d'avoir envie d'y retourner. On lit une interview de Jeener sur un mur, on y apprend qu'avec Shakespeare le T.N.O. a fait sa meilleure recette depuis sa création. Très bonne nouvelle, tant mieux pour les comédiens, on espère juste qu'il restera de quoi remplacer quelques fauteuils. 

    Retour pour la troisième heure, on est accueilli et ébranlé par la tempête. On s'abîme d'un coup dans une pièce devenue onirique, un aspect qu'on avait un peu oubliée. Les personnages sont dispersés par les éléments, les liens entre eux se brisent. Basculement et vertige au moment précis où, au milieu de fumées aux couleurs psychédéliques, Edgar/Tom apparaît. Créature chauve et nue, balbutiante, contrefaite, primitive. beuglante. Place à la folie, et dans notre regard une incompréhension jubilant et inquiète. Réplique celebrissime "Toi aussi tes filles t'ont tout pris?" Lear lui tend son manteau de peaux de bêtes, tous deux dansent nus, quitte à choquer silencieusement quelques vieilles barbes dans le public, qui viendront s'indigner sur le livre d'or. Faux problème: Jeeener n'est pas du genre à déshabiller Tartuffe pour épater. C'est juste qu'à lire W.S.,Tom doit être nu, donc il est nu: c'est aussi simple que cela. Et il est d'ailleurs toujours aussi difficile d'écrire quoique ce soit à propos des mises en scène de Jeener, tant celles-ci se caractérisent par leur humilité. Par un parti pris de transparence. Aucun effet déplacé, aucun procédé anecdotique qui donnerait prise à des commentaires faciles. Le regard est dirigé sur les acteurs, qui oublient de s'économiser. A défaut de décors, une utilisation quasi métaphysique des lumières... et un goût confirmé pour les "beaux" placements. Pas d'option fermée, la mise en scène reste ouverte sur les multiples sens de l'oeuvre, nous laisse libre. Mais, puisqu'il n'y a jamais de lecture vraiment neutre et objective, une interprétation spirituelle de la pièce est plus que suggérée...

    Quatrième heure enchainée: ankylose certaine, mais on est passé au delà de la fatigue pour s'abandonner à l'ivresse de ressentir. Le sentiment intense de tout voir et tout comprendre par instants, la frustration de se perdre le moment d'aprés dans la confusion. Le sujet de la pièce s'est définitivement déplacé de l'étude du pouvoir et de l'ingratitude, pour essentiellement parler du dépouillement, de la mort. Desboeuf est toujours excellent, mieux que cela. Tant pis pour les brechtiens: on a depuis longtemps oublié qu'il joue. Sublimement, l'intrigue tourne à vide, malgré l'agitation des armées et les rebondissements des intrigues. Quelque part hors la scène, les soldats des différentes factions s'affrontent pour rien. Car Lear est ailleurs. Revenu à l'essentiel. Rien de plus, rien de moins, qu'un homme prés de mourir. Car Gloucester, qui avec ses yeux ne voyait jamais rien, est pour de bon énucléé. Jeener montre l'homme. Réduit à l'essentiel. Le fou et l'aveugle errent dans un monde qui se désagrège, privé de Roi, d'ordre et de raison. Tous deux restent cruellement hors d'atteinte des tentatives de leurs amis pour les faire revenir dans la société. Le langage obscurcit ce qui reste de réalité, il n'est plus besoin du fou. Le ciel est vide. On se perd. Pas de décors ici, ce qui ne fait que donner plus de force à l'impression d'irréalité spatiale, d''indéfinition des lieux, qui caractérise la pièce. Jusqu'au paroxysme de la scène de la falaise, où la convention théâtrale atteint son point d'abîme.

    Cinquième Heure: la bouteille d'eau est presque vide, mais le niveau de tension reste élevé. C'est comme du théâtre existentialiste avec des combats à l'épée. Lente décrue. Les "mauvais" personnages succombent à la logique de leurs ambitions et de leurs folies. Les "bons" aussi. Tous sont punis. On sent venir la fin, le taux de mortalité monte en flèche, les morts sont tristes et inutiles. N'ont même plus d'importance. Ovations. On sort, poursuivi par Lear pour longtemps encore, n tout cas plus que cinq heures.

    C'était Le Roi Lear ♥♥♥♥♥ de William Shakespeare, mis en scène par Jean Luc Jeener, avec Philippe Desboeuf, et quinze comédiens, au T.N.O

    Prochaine et dernière représentation dimanche 9 mars, dernier jour de l'intégrale W.S.

    Guy

  • Qui connait Cressida?

    C'est très excitant de découvrir une pièce de Shakespeare dont jusqu'alors on ignorait jusqu'à l'existence. La découvrir à la sortie d'une cure d'amaigrissement: J.L. Jeener a recompacté en un format d'une heure et quart et six acteurs cette 8866cb970881a33d0aad981aea574caa.jpghistoire d'amour à gros budget sur fond de guerre de Troie. En pratiquant des coupes radicales, ce qui explique sans doute pourquoi la sage Cressida couche dés le premier soir. Son troyen de Troïlus préfère faire l'amour que la guerre, on le comprend. On a droit à de belles scènes à deux et de hardies répliques. Comme c'est une tragédie, ça se complique: dans le cadre d'un obscur échange d'otages les habitants d'Illium envoient la belle se faire voir chez les grecs. La faute à la raison d'état!

    Que ceux qui veulent enfin voir une pièce de William S. sans en connaître d'avance la fin passent directement au paragraphe suivant: Troïlus se lamente, mais ne s'oppose pas à la transaction. Ce garçon est agaçant à force de naïveté. Il se contente d'échanger des serments avec sa bien aimée. Mal lui en prend car, une fois passée du bon coté de la muraille de Troie, Créssida se liquéfie sur pied sous le regard mâle et dominateur de son gardien Diomède. A moins qu'elle ne simule- mais vraiment très bien alors- et en pince toujours pour Troïlus. On a des doutes, toujours la faute aux coupes?

    C'est en tous cas joué énergique, cure de minceur oblige. Les deux filles dominent le terrain et de très haut: déjà Ellyn Dargance en entremetteuse espiègle, et surtout Alicia Roda en Cressida, toujours intense, crédible le plus souvent, d'abord en vierge amoureuse et frémissante. Puis, dans la dernière scène, très joliment indécente. Même sans doute autant indécente qu'on peut l'être tout en restant habillée. Chez Shakespeare, derrière la verdeur des mots, la vérité des corps n'est jamais loin.

    C'était Troïlus et Cressida de William Shakespeare, mis en scène par Jean Luc Jeener au Théatre du Nord Ouest. En alternance jusqu'à mars 2008.

    Guy

    La grande nouvelle, c'est que l'intégrale Shakespeare a commencé au T.N.O..

    L'intégrale.

    Toutes les pièces de Shakespeare.

    Toutes.

  • Port Royal: encore un peu d'éternité

    Toujours sur la scène du T.N.O.,encore des femmes aux cheveux cachés sous des coiffes noires. Mais cette fois vetues de robes d'un blanc immaculé, et croix rouges sur la poitrine: donc des religieuses. Les soeurs du couvent de Port Royal en 1664, qui pour continuer à vivre leur foi à leur façon rentrent en rébellion. Et seront dispersées. medium_champaigne_portrait_angelique.jpgL'affrontement montré ici nous est bien familier: celui d'Antigone contre Créon, celui de de Jeanne d'Arc contre Cauchon, de Don Alvaro contre le matérialisme de son époque, de l'idéal contre le pouvoir, de la pureté intransigeante contre le compromis et le réalisme, du spirituel contre le temporel, de la foi personnelle contre celle qu'encadre les canons.

    Mais ce soir, autour de quel enjeu? En quoi les doctrines de ces soeurs sont elles à ce point insupportables aux pouvoirs de l'époque? Il est extraordinaire que jamais tout au long de sa pièce Montherlantne nous l'explique vraiment. Les religieuses évoquent, du dedans, les menaces du dehors. Mais rien qui nous éclaire quant au jansénisme, la grace et les controverses théologiques. Rien sur les sujets dont elles devraient parler. Un pari sur la culture du spectateur de 1954? Celui de 2007 risque de se désintéresser un peu du sort de ces femmes, qui s'apprêtent à souffrir pour des motifs auxquels il ne comprend rien. En attendant, à huit nonnes qui attendent, on peut créer de très beaux effets: les habits blancs prennent la lumière superbement. Mais même si la langue est belle, pure et élevée, jusqu'à presque faire oublier les rumeurs qui grondent dehors le cloître, dans ce couvent l'éternité commence au bout d'un temps à durer un peu longtemps, surtout au milieu. 

    Une seconde pièce commence opportunement sur un nouveau rythme avec l'irruption tonitruante en ce lieu du pouvoir temporel de l'archevêque medium_champaigne_exvoto.2.jpgde Paris- Hardouin de Péréfixe (Jean Claude Sachot)-. Rouge écarlate, corpulent et volume sonore réglé à fond. L'adversaire se montre enfin, brutal ou patelin, qui empoigne littéralement les soeurs ou les embrasse avec effusion. Mais obligé d'utiliser la force faute de convaincre, réduit à perdre pour l'emporter. Et les soeurs confrontées à la question centrale de la pièce: souffrir jusqu'au martyr cette persécution est il le sublime accomplissement de leur démarche spirituelle? Ou n'est ce que folie et désobéissance, péché d'orgueil? Ou pire encore, en l'absence de Dieu, une vaine douleur. Heureusement on est chez Montherlant: on reste libre de penser et de conclure comme on le veut.

    C'est Port Royal de Montherlant, mis en scène par Jean Luc Jeener, au T.N.O.

    Guy

    Portrait de Mere Angélique et Ex votopar Philippe de Champaigne (1602-1674)

  • La Ville des Enfants Perdus

    Il faut ouvrir les portes de "La Ville dont le Prince est un Enfant", entrer sur la pointe des pieds dans cet espace clos, aujourd’hui disparu, une institution catholique d'avant guerre. Un lieu confiné, masculin des maîtres aux élèves, un lieu codifié, les règles y sont dites, ou seulement implicites. Lieu d’abnégations, de devoir, de dévouement, de pouvoir, et d'abus de pouvoir. medium_Montherlant.3.jpg

    Un lieu où l'on forge les âmes, où l'on contrôle les cœurs, et les amitiés. Les enfants sont insouciants parfois, terriblement graves le plus souvent, presque autant que leurs maîtres. Ces amitiés naissent et s’enflamment, particulières parfois, tout est dans la litote, mais rien ne porte ici à ricaner. Car quelle est la vraie nature de l'amour ? Et qui sera autorisé à dire, qui sera autorisé à décider, si cet amour est pur, ou condamnable? Celui qui en juge sera appelé plus tard à lui-même être jugé.

    Il faudra toute la pièce pour que cette réflexion- à chaque réplique sous-jacente, s'exprime au grand jour. Mais de manière assez subtile et ambiguë alors, pour que chacun puisse en tirer sa propre morale.

    Pourtant, comme toujours chez Montherlant, l'amour- qu’il soit filial, ou presque, ou non- se vit en terme de pouvoir. Cet amour est emprunt de dureté, toujours dangereusement proche de la déception et du mépris. Les personnages de Montherlant, décidément, ne savent aimer sans vaincre, ou sinon tout perdre, muets, meurtris, foudroyés. La religion est ici tout sauf une consolation, bien au contraire. Plutôt une manière de vivre le sacrifice que l’on fait ou que l’on vous impose, dans le dépassement de soi, sinon dans l'amertume et le regret.

    La construction est rigoureuse, linéaire, acétique. Le texte est joué sans affectation, au plus prés de la vérité, et en oubliant tout le reste, par trois générations de comédiens qui s'affrontent ici en duels successifs, jusqu'au final. Trois âges de l’acteur: de tout jeunes gens fougueux qui incarnent les élèves, Pascal Parsat(l'abbé de Pradts), dans la force de l’art et de l’age, technique, physique, hallucinant, enfin Robert Marcy (le père supérieur) imposant de retenue et d'intensité, à qui il suffit d’un regard pour jouer une situation.

    Au T.N.O. encore, et toujours dans le cadre de l’intégrale Montherlant, mis en scène par Jean-Luc Jeener.

    Guy

  • La Reine morte

    Ines de Castro doit mourir.

    Coupable d'être secrètement mariée à Pedro, fils du vieux Roi Ferrante et héritier de la couronne du Portugal. Pedro promis, pour le bien de l'État, et pour son propre malheur, à l'Infante d'Espagne.

    medium_180px-Inecastro.jpgInes de Castro doit mourir, et c'est le Roi Ferrante qui seul doit en décider. Lui même au seuil du tombeau, desséché de pouvoir et de vieillesse, fatigué de l'espoir, et même de la méchanceté.

    La puissance irraisonnée de la passion (Pasiphae), le dégoût du monde et du vulgaire (Le Maitre de Santiago), l'impossiblité des rapports père-fils (Fils de personne)... les thèmes que l'on a déjà vu abordés dans ce cycle Montherlant s'entremèlent à nouveau ici. Liées par cette terrible noirceur, qui fuse en aphorismes cinglants et venimeux: "En prison pour médiocrité!".

    Pourtant, autant que le pessimisme, l'amour, l'innocence trouvent aussi à s'exprimer, par la voix d'Ines, et cette voix est douce et belle. La pièce s'allège ainsi peu à peu jusqu'à son épure, en un dialogue crépusculaire et intime entre Ines et Ferrante. Ce dernier au bord de se laisser aller à ressentir, presque vivre, une dernière fois.

    S'agissant de la mise en scène de Jean Luc Jeener, on hésite même à en parler. Tant elle est invisible, parfaite d'humilité, et ne cède à aucun effet gratuit. Souligner visuellement les pulsions charnelles qu'éprouve l'Infante pour Ines ne relève que de la lucidité. Tout se concentre sur la force de l'interprétation, dans ce lieu-le T.N.O. -qui organise une proximité extrême avec les acteurs.

    En premier lieu avec Philippe Desboeuf, qui incarne Ferrante. Extraordinaire.

    ♥♥♥♥♥♥ 

    Guy

    P.S. Pour en savoir plus sur l'Ines historique, lire ici .

    Ce qui nous fait revenir un instant au "Maitre de Santiago":on a vu cet été dans une vitrine de musée à Key West (Floride) une médaille de l'ordre de Santagio. Présumée portée par Bartolomé Garcia de Nodal, chevalier de l'ordre, parti sur ordre de Philippe IV aux Amériques. Disparu en 1622 au large de Cuba avec le "Nuestra Senora de Atocha" et sa cargaison d'or. Repéché plus de trois siècles plus tard.

    Le chevalier aurait du écouter Don Alvaro. Bien fait!  

     

  • Le Maitre de Santiago

    On hésitait un peu, on n'osait pas vraiment, mais on s'est enfin décidé: à suivre hier soir Montherlant,sur la pointe des pieds, le long des chemins les plus austères, ceux qui mènent aux sommets les plus élevés. On a vu le Maitre de Santiago. Et on aura du mal, après, à oublier.

    medium_Montherlant.jpgLe contexte: l'Espagne du début XV°, juste libérée de la domination maure, tendue vers la conquête des Amériques, et de son or.

    Le sujet: Don Alvaro, héros de la bataille de Grenade, maître de l'ordre chevaleresque de Santagio, est sollicité pour partir s'enrichir dans le nouveau monde. Qu'il puisse ainsi doter sa fille Mariana, afin qu'elle se marie avec son bien aimé. Mais Don Alvaro refuse. Tout dans ce siècle ne lui inspire que dégoût, et plus que tout la vanité d'avides conquêtes, vouées à l'échec. Il n'aspire qu'au silence, qu'à la pauvreté et à la prière. Quitte à entrainer Mariana avec lui dans la voie de l'extrème dépouillement. Jusque vers le renoncement au monde, vers l'absolu, vers Dieu ou le néant.

    La religion est donc ici évoquée dans son acceptation la plus mystique, la plus austère, la plus pure. La plus dure et intransigeante aussi. Avec un texte grave, brillant, mais d'une clarté acérée. En aucun cas un plaidoyer ou une condamnation univoque. Dans la tradition du grand théâtre d'idées, se confrontent les positions morales par la voix des personnages. Les compagnons de Don Alvaro ne se privent pas de lui dire à quel point sa recherche solitaire du salut s'accompagne de froideur et d'égoïsme, d'indifférence vis à vis du prochain, y compris vis à vis de sa fille. De lui montrer à quel point sa charité ressemble à du mépris. Mais le spectateur est adulte, à lui de méditer, et de trancher. S'il peut.

    Mais il ne s'agit pas d'un débat froid et abstrait, il s'agit de doute et de souffrance. Jean Luc Jeener, le directeur du T.N.O., incarne Don Alvaro. Aurait-il organisé le cycle Montherlant dans son théâtre qu'à ce seul effet qu'on ne pourrait lui donner tort. S'il met de tout son corps en évidence la fragilité du personnage, ce que Don Alvaro a aussi d'effrayant, d'extrême, de presque monstrueux n'est pas pour autant occulté.

    Le texte est traité ici avec un grand respect, mais il ne pouvait être fait d'autre choix en vérité. La mise en lumière est admirable, l'espace organisé sur une diagonale avec en son extrémité une croix immense, vers laquelle jusqu'à la fin les personnage tendent.

    Guy

  • Jeanne: mais ils vont la bruler!

    On a revu Jeanne ce dimanche, cette fois en version chantée. Celle de Jean Luc JeenerOn a réussi à ne pas pleurer, il est vrai qu'on connaissait déjà la fin, ayant vu "Jeanne et les juges"avant. Mais les petits, auxquels cette pièce était plutôt destinée, avaient les yeux embués. Les enfants ont de la chance: le chant d'une bergère suffit à les faire rêver. Mais ils sont exigeants aussi: ils n'auraient supporté ni fausse note, ni temps morts, ni rien de bêtifiant. 

    C'était toujours au Théatre du Nord Ouest.

    Guy

    P.S. : On a trouvé le site de la troupe de la "Torche Ardente", qui a monté "Jeanne et les Juges"de Maulnier . Avec entre autres choses des photos de la pièce, comme ci-contre.