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Voeux de bonheur
Nous avons poussé les meubles et mis les boissons au frais, fait place nette pour les 30 invités, improvisé des banquettes avec lits et matelas. Et gardé juste la place pour les artistes qui se préparent: Stéphanie s'approprie le piano, Marie place les lumières, elles répètent quelques mesures des chansons. Marie avait conçu ce spectacle avec Stéphanie à la demande d'une médiathèque, pour la création le 14 novembre 2015. Le 13 novembre tout s'arrêtait, la première était bien sur annulée. De mon coté je ne suis depuis ce jour retourné au théâtre que 2 fois- dont une rue de Charonne- sans écrire une ligne. Mais ce soir, pas d'état d'urgence et remise à zéro, pour la nouvelle année. Le théâtre revient, elles jouent chez nous et la création est titrée "Rien que du bonheur?".Les invités arrivent à l'heure dite, groupés et bras chargés: amis, voisins et futurs amis, dans une confusion plus ou moins contrôlée. Je pensais impossible de tous les faire assoir dans nos m2 parisiens. Je me trompais. Les premières mots et notes prennent place naturellement, sans laisser le temps à un 4° mur de se dresser. Où donc se cache ce bonheur dont tout le monde parle et qui se sauve, est-ce un cadeau, se mérite-t-il? Avec nous Marie cherche, de textes en textes, graves ou rieurs. Il y a au départ autant d'étonnement de la situation, sans barrière, que de plaisir à vivre ce moment. Un rien de timidité. Je devine du rire dans les yeux d'une jeune fille. Je vois un ami sourire en reconnaissant une chanson. Piano échauffé, les voix de Marie et Stéphanie se fondent. Marie nous transmet son énergie, vient à la rencontre, nous fait pétiller, ouvre. Le temps d'un texte jeté, hurle au mégaphone, entraine une amie dans une danse effrénée. Elle nous invite à nous bander les yeux, nous abandonner à l'unisson à d'autres rêveries.Et après, banquettes rangées, vient le temps de boire et rire, danser, s'embrasser à minuit. En 2016 tout est possible, tout est permis.Rien que du bonheur, de Marie Delmares accompagnée par Stéphanie Manus, chez nous le 31 décembre 2015.Guypour inviter le théâtre chez vous: http://www.mariedelmares.com/ -
La séquence du spectateur
Flirt… Qui peut nier que dans la relation entre acteur et spectateur il s’agit avant tout de séduction? Ces divins animaux font de cette relation la matière même de la pièce… ce qui n’est pas sans risque d’auto centrisme. Mais tout commence en douceur, la relation s’engage à reculons. Le tract rendu comiquement palpable avec murmures, mouvements de rideaux et de pudeur, mais soudain abolie, quand le 4ème mur se solidifie devant les coulisses. Aparté: la pianiste nous observe et prend de note: je me méfie. L’embarras change de camp quand les comédiens entreprennent de nous interroger. Chacun des spectateurs bien sur espère que cela va tomber sur son voisin. Raté: comme souvent je n’y coupe pas. Mais je ne m’en sors pas trop mal, non? Preuve est déjà faite que la relation se joue ce soir dans les deux sens, se construit et prend substance, émotion, sans le secours de la fiction. Les performances des 4 acteurs nous prennent ensuite à contrepied, entre rire et malaise, avant que d’en comprendre la cohérence : cela fait du bien de plus chercher à plaire, d’être affreux, sales et méchants. La séduction est bien déconstruite, avant d’être tendrement raccommodée. La pianiste lit ses notes, nous avons bel et bien été observés, tels qu'actifs tout du long, par postures, réactions. Ils nous invitent à rester et ne jamais partir, comment résister à une telle déclaration d’amour?
Flirt, conçu et mis en scène par Florian Pautasso, vu à Mains d’œuvres le 17 septembre 2015, jusqu’au 26 septembre.
Guy
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photo avec l'aimable autorisation de la maison jaune
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Les bonnes, vice versa
La confusion des rôles est nourrie à la perfection. Dans la première scène, assiste-t-on à un échange entre Madame et l’une de ses bonnes, ou à une cérémonie trouble entre les deux bonnes, chacune dans son rôle assigné? La savoureuse outrance de ce jeu fardé, si physique, appuyé, permet d’entretenir cette indécision dans la mise en abime théâtrale, et ceci tout du long. Tournures de langage et voix datent les situations des temps révolus des sœurs Papin et de la domesticité, mais la mise en scène laisse la pièce de Genet transcender ce contexte, et se renouveler en un exposé ambivalent des relations de pouvoirs et de fascination, comme celle qui s’est déplacée aujourd’hui entre peuple et people par trash-magazines interposés. Le mépris de soi, l’adulation et la haine des bonnes envers Madame dont elles enfilent les robes, l’attirance envers leur « maitresse », son insupportable bonne conscience s’exacerbent jusqu'au drame annoncé. Au-delà de la simple satire sociale, le parti pris ici, vif et charnel, permet poser un théâtre à la fois passionnel et politique.
Les bonnes de Jean Genet, mis en scène par Sophie Pincemaille, vu à la Loge le 10 juin.
Guy
photo (crédits en cours) avec l'aimable autorisation de la Loge
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Guerre et Amour
Les spectateurs sont mis en condition, désorientés dès l’entrée, sans place assignée, appelés à une certaine participation… mais juste pour un temps avant de rentrer dans les rangs, là où parfois les acteurs feront irruption. En l’espèce le désordre créatif n’est que relatif. Ainsi de la remise en jeu du texte d’Heinrich von Kleist ? Comment écouter la voix de ce romantique allemand- une langue exaltée- et les charges furieuses de ses amazones revisitées au prisme de luttes féministes plus contemporaines? Du processus que l’on devine collectif accouche de la tension à défaut d'unité, avec des frictions créatrices, du corps et du rythme, de la nervosité. Un entre-deux à l’instar du dilemme post féministe de la reine Penthésilée, déchirée entre sa passion pour Achille- que souligne avec ironie des violons mélo hollywoodiens- et ses engagements (dans cette lecture) politiques. Tant mieux, de quoi se laisser emporter dans cette contradiction sans la résoudre, dans un champ de bataille indéterminé dessiné par une scénographie fébrile. Ça foisonne. Essais et erreurs: des morceaux de papiers collés sur la peau nue de Penthesilée, certain se greffent, d’autres tombent. Les considérations glaçantes sur la guérilla et la violence politique, je n’achète pas. Je préfère faire l’amour que la guerre. Méditer au rôle de la femme dans le monde de demain, des amazones à Mad Max 2015.
Le Projet Penthesilée d’après Heinrich von Kleist mis en scène par Catherine Boscowitz vu le 15 mai au théâtre des quartiers d'Ivry. Jusqu'au 31 mai.
Guy
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The power of love
Ce 8 mars c’est la journée de la femme, mais dans la pièce une journée particulière pour Sylvia enlevée par le Prince qui-coup de foudre- a jeté son dévolu sur elle. Un obstacle subsiste: Sylvia et Arlequin sont amoureux-enfin ils le croient tous deux. Une chose est sure: ils sont du même milieu. Tous-serviteurs et courtisans- complotent pour séparer Arlequin et Sylvia. Autour de ce canevas, toute la pièce danse sur le fil entre l’amour et le raisonnement. La langue est délicieuse, les sentiments cruels, la mise en scène respectueuse, le jeu équilibré. Ce qui me charme d’un côté, et me prépare à une lecture politique de la pièce.
Dans ce décor rouge cœur et velours, mais clos comme une cellule de prison vip, Flaminia mandaté par le Prince intrigue pour séduire Arlequin et détourner de lui Sylvia. Les premières tentatives de corruption sur Arlequin pour l"amadouer ont tourné court. Le prince de Marivaux non seulement ne veut pas user de violence, mais-avec un temps d’avance sur le Big Brother de Georges Orwell- veut être aimé. Et je dirais autant par Arlequin que par Sylvia. L’exercice du pouvoir passe donc ici par la séduction et la manipulation, les jeux de l’amour deviennent jeux de pouvoir, avec la même précision mathématique, étourdissants de virtuosité. Arlequin armé de son bon sens paysan se rebelle contre le carcan de conventions et les jeux de langage avec lesquels on veut le contrôler. Il marque même des points dans un brillant duel oratoire avec le Prince qui lui demande de céder sa place d’amoureux, en rappelant à celui-ci ses devoirs envers ses sujets. La stratégie du faible au fort. C’est Flaminia qui l’emporte sur lui, mais la jolie surprise est de comprendre celle-ci subtilement prise à son jeu. L’intrigante s’avoue dans ce jeu amoureux avec Arlequin autant vaincue que victorieuse. Merci de faire briller ces instants de sensibilité, sans occulter la richesse psychologique, et politique de la pièce.
La Double Inconstance de Marivaux, mise en scène par René Loyon, vu le 8 mars à l’Atalante. Jusqu’au 29 mars.
Guy
Photo de Laurencine Lot avec l'aimable autorisation de la compagnie
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Mer agitée
La Grèce se cherche aujourd’hui, Ulysse erre dans nos têtes vers Ithaque depuis des millénaires. Et l’Odyssée est ici aussi celle d’une compagnie qui monte coute que coute sa pièce en période de vaches maigres. Et-l’économie ne fait pas tout- y parvient malgré angoisses et égos. Les personnages attendus : Ulysse, Circé, Hermès, les marins transformés en cochons… sont rejoints par un protagoniste d’actualité:"la crise économique", qui veille aux restrictions budgétaires. C’est drôle quand même, bien enlevé, et qui plus est démocratique: les dix rôles sont tirés au sort entre les 10 acteurs. Ce soir main innocente, je me charge personnellement de leur passer le chapeau pour qu’ils y prennent les petits papiers. Je peux témoigner qu’il n’y a pas de trucage, et plus important que tous ensuite se donnent à fond dans leur personnage. Contre vents et marées, le théâtre passe.
Quant au Théâtre La Loge, dédiée à la jeune création, il peine a trouver son équilibre financier en période basse de subventions et lance un appel à contributions ici.
Circé, écrit et mis en scène par Natalie Beder vu à la Loge le 20 février.
Guy
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Osez le boulevard
« T’as vu c’est un triomphe! » « Oui, mais la pièce n’était pas censée faire rire… « jugent deux voisins inconnus. Si cela était vrai, ce serait dommage. On regretterait que cette entreprise théâtrale se borne à révéler froidement les mécanismes du genre, ou se contente de divertir. La force de Ciel mon placard est de fonctionner excellemment à ces différents degrés.
La pièce suit la pente naturelle du théâtre de boulevard, qui souvent tend vers sa propre caricature par la recherche frénétique des effets, mais Nicole Genovese l’emmène plus loin encore. Et franchit les limites de ce genre où il n’est finalement question que des normes de l’économie de la libido, de dérèglements, et au final de retour à l’ordre. Dans l’intérêt suprême de la famille, l’inévitable adultère doit rester sous contrôle. Maitresses et amants retourneront in fine dans le placard. Les mensonges et quiproquo s’enchaineront certes crescendo, avant de résoudre in extremis en pirouettes improbables jusqu’au retour à la normale. Mais ici point. Pour commencer il y a deux papas, la femme clame ses infidélités et n’hésitera pas pourtant à trucider belle maman pour s’assurer un alibi mondain. Tout est à l’avenant (et hilarant). Ne reste que le mensonge sans enjeux. Mireille la bonne- une ennemie de classe dans un théâtre bourgeois ? - est le seul des personnages à dire la vérité, elle doit être exécutée. Dans le final les masques de maitres libidineux, policier demeuré, majordome dépassé, gamine délurée (et cantatrice finlandaise) tombent sur le vide. Pas de résolution. Il y a quelque chose délicieusement subversif à se vautrer intelligemment dans ce genre à contre-courant de l’intellectualisme, traité ici avec un amour évident mais avec encore plus de perversité. Le travail poétique effectué ici sur le langage permet de mettre à nu les clichés et implicites, à coup d’images absurdes et de belles audace. La mise en scène, avec robes criardes et décors délavés- c’était pas mieux avant !- évite l'hystérie et s'appuie sur le non-sens comme cet acteur qui se repose contre un mur inexistant. Les procédés dévoilés fonctionnent avec bonheur à ce 3° degré.
C’était Ciel ! mon placard, de Nicole Genovese mis en scène par Claude Vanessa, crée à La Loge, vu à la MPAA, programmé au Théâtre de Vanves le 22 mai 2015
Guy
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Comédie longue durée
« Je suis dans la merde »: telle est l’une des premières répliques de Cher Trésor, la dernière pièce de Francis Weber avec Gérard Jugnot. L’acteur y incarne un chômeur de longue durée. Le ton est donnée, la comédie ne vise pas le fou rire. Plutôt douce-amère, elle résiste à la dépression qui guette. Le jeu est à l’avenant, plus complice que frénétique. Ma génération n’a pas oublié comment la bande du Splendid avait méchamment dynamité les comédies populaires de la fin des années 70. Pour sentir comment se porte la société, il est utile (en plus d’être agréable) d’aller voir Jugnot jouer. Le Père Noël de cette année n’est plus une ordure, ni un clochard inadapté, mais un déclassé, désabusé. Il reste propre, émarge au RSA, et ne squatte pas dans une roulotte mais dans un appartement d’emprunt. Plutôt que de méchants provocateurs, l’acteur incarne maintenant des consolateurs. D’un François Pignon à l’autre, depuis longtemps Francis Weber sait y faire, la mécanique comique tourne au bon rythme: répliques qui claquent et vraies surprises. Nos descendants jugeront s’il était le Molière ou le Feydeau de notre temps. Il sait en tout cas en peindre les vanités et les vénalités, en conjurer drôlement les angoisses, avec ces histoires de nouveaux pauvres sans perspectives qui s’inventent des contrôles fiscaux, des héritages, des problèmes de riches pour échapper à l’invisibilité. En ce 24 décembre, les chiffres mensuels du chômage viennent d’être publiées, avec un nouveau record de 5.176 millions de demandeurs d’emplois. Joyeux Noël.
Cher Trésor de Francis Veber avec Gérard Jugnot au Théâtre des Nouveautés (dernières jusqu’au 4 janvier)
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Dieu dans tout ça
Une nouvelle contribution de François:
Un gorille seul assis par terre sur la scène faite d’un plan très incliné percé de trois trappes. Le gorille est vert fluo ; c’est un homme revêtu d’un déguisement de gorille, masque compris. Un métronome posé sur le sol bat une mesure très lente. L’espace est également rempli d’une nappe sonore, indéterminée, plutôt synthétique, quelque chose qui évoque la bande-son d’un film de science-fiction. Quelques accidents scéniques viennent parfois hacher le cours de ce temps lent et plat : une modeste flamme surgit d’une des trappes et s’éteint lentement, une fumée colorée s’élève d’une autre trappe en explosant et se dissipe sans hâte dans l’univers (une fois verte, une fois rousse,…), des briques de carton remplies de talc tombent du ciel à intervalles réguliers en créant à chaque fois un petit nuage de poudre blanche ; une plante verte elle aussi tombée du ciel s’écrase sur la scène en faisant gicler de petits éclats de terreau.
Au bout de quelques minutes, un évènement majeur se produit. Une enseigne lumineuse, elle aussi descendue du ciel, se fige sur le fond de la scène avec ses quatre lettres de néon se détachant distinctement du fond sombre : D I E U.
Un peu plus tard ou peut-être un peu avant cette manifestation divine, le gorille se met à bouger, il se déshabille très lentement et devient un hommel âgé aux cheveux gris ; à l’aide de ruban adhésif l’homme colle sur son corps un micro et un ampli portable ; à l’aide de deux feuilles de papier et d’une paire de ciseaux il confectionne en tremblant une couronne qu’il pose sur sa tête. Une fois la tunique de gorille complètement enlevée, l’homme nu plie méticuleusement le déguisement et le laisse tomber dans la trappe la plus proche.
L’homme nu et couronné se déplace à pas comptés sur le plan incliné. Il se dirige vers les tas de talc et s’en asperge tout le corps. Il se met à parler : il raconte un très vieux souvenir d’enfance, lorsqu’il se retrouvait avec son père dans l’ambiance humide de la salle de bain familiale. Il conclut son récit par une phrase mettant en doute l’existence du temps et de l’espace. Il sort du plan incliné et se retrouve sur le devant de la scène ; le rideau s’abaisse derrière l’homme nu et couronné. Il se dirige à pas très lents vers la sortie de secours et disparaît.
Une escapade parmi d’autres
Thomas Ferrand a repris quelques éléments scéniques d’ «une excellente pièce de danse », son spectacle précédent (la couronne, le talc, la flamme…). Il introduit une gravité supplémentaire dans l’écoulement du temps qui, notamment grâce au métronome, devient physiquement perceptible par nos sens. Et il réduit encore le spectre de l’action jouée par l’acteur. Celle-ci, minimaliste, tient en quelques gestes. Elle prend forme par l’intermédiaire d’un roi nu. Le roi nu évoque la fameuse phrase du conte d’Andersen prononcée par un enfant, seul à dire ce que chacun voit tout en faisant semblant de voir autre chose, parce que la pesanteur sociale étouffe la manifestation de la vérité.
Dieu est omniprésent dans cette pièce, même si ce n’est que sous la forme d’un affichage promotionnel fait en tubes de néon ou peut-être surtout parce qu’il n’est plus qu’une enseigne lumineuse, un slogan. L’homme-gorille assis au pied du néon Dieu, à ne (presque) rien faire, fait penser aux deux personnages de la pièce de Beckett ‘en attendant Godot’. Beckett a certes nié avoir caché Dieu derrière l’identité de son personnage invisible God(ot). Mais la pièce de Thomas Ferrand s’inscrit dans la veine qu’a ouverte Beckett : montrer une existence humaine sur une scène déserte, une solitude dans un monde où rien ne se passe si ce n’est périodiquement quelques ravages , une attente de sens qui ne vient pas. Dans cette vie là, Dieu ne se manifeste pas plus que des tubes de néon et il n’est pas d’un grand secours pour notre roi nu qui après ses ablutions rituelles au talc décide finalement de s’échapper par la porte de secours.
Le titre vɔɪədʒəʳ III fait référence à une sonde envoyée dans l’espace par la NASA en 1977. Elle suggère un au-delà ou même un univers fictionnel où tout serait illusion. Mais finalement tout dans cette pièce ramène à la condition humaine ici et maintenant.
C’était vɔɪədʒəʳ III de Thomas Ferrand, les 13 et 14 novembre 2014 au Théâtre d’Orléans – scène nationale, à l’occasion du mini festival ‘Des Floraisons‘
François
photo de Marion Poussier avec l'aimable autorisation de la compagnie
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Elle a tout d'une grande
On a eu le temps de s’habituer, d'emprunter les jouets de Sophie sur la scène devenue chambre… Des bruits de miroirs qui se brisent; on passe sans tarder de l’autre côté. En remontant peu à peu aux sources de notre trouble: Sophie, à l’instar d’Alice, a du prendre une potion pour grandir en femme tout en restant fille. Ou aussi c’est l’artiste qui explore les fantasmes en germe dans l’enfance. Elle joue dans l’entre –deux, la connivence travestie en naïveté. Les martinets sont sans surprise des jouets pour adultes, et d’autres objets sont détournés dans tous sens… Dans ces conditions il est remarquable que le résultat soit tout sauf scabreux. C’est autant une question d’intelligence que charme, d’ironie bien placée, de poésie tout autant. Le vertige se partage quand elle tourne à s’en étourdir, ou devient poupée mécanique. Les poses languides ou étonnées renvoient à des images familières. A force de jeu de miroirs entre les âges, d’effets de contraste et de tailles on se dit qu’il ne peut ce soir exister d’innocence dans cet espace clos. L’insouciance d’un après-midi de canicule est menacée par le bruit des essaims d’abeilles, la robe blanche menacée par un scorpion noir.
Sophie grandit sous les patronages de Balthus, Hans Bellmer, Paul Eluard. Un autre poète a écrit que le génie n’est que l’enfance nettement formulée, douée maintenant, pour s’exprimer, d’organes virils et puissants.
Sophie de Christine Armanger, vu à la Loge le 18 novembre 2014, encore jusqu’à vendredi
Guy
Photo de Clément Briend avec l'aimable autorisation de la compagnie