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toru iwashita

  • En attendant Sankai Juku

    Sankai Juku: le buto est-il un mysticisme?

    Texte mis pour la première fois en ligne le 17/05/2008

    Ce soir, on croirait retrouver la scène du Théâtre de la Ville dans l’état où Angelin Preljocaj l’avait laissée: avec sept stèles en demi cercle. Mais avec les danseurs de Sankai Junku, cette configuration à la Stonehedge prend tout son sens: c’est à une cérémonie qu’on a le sentiment d’assister.

    Le miracle est de nous faire accepter sans réserves cette invitation au passage de l‘autre coté. L’évidence et la dignité du mouvement apaisent en nous tous les soupçons qu’ésotérisme et exotisme pourraient susciter. C'est un tout, à prendre ou à laisser, on en accepte même la musique. Plutôt mise en doute dans le programme, la filiation buto de cet art s'impose  pourtant, évidente. Non seulement à reconnaître les techniques employées, les postures- l’équilibre sur le coccyx- et les mouvements de soli et de groupe- quatre à terre qui ensemble ondulent comme une pieuvre à seize tentacules… Non seulement à retrouver cette même esthétique de la lenteur, ce goût du mime et du grotesque. Mais, surtout, à faire l’expérience de cette in-analysable densité du geste. Cette proximité avec le buto est elle source de malentendu? Le terme n’a pas trop bonne presse- qui ne se semble pardonner à quelques rares chorégraphes de cette famille que si elle les juge assez talentueux pour se distinguer des modèles… alors qu’on devrait en juger de même pour n’importe quel chorégraphe de talent par rapport à n’importe quel genre. Sachant qu’au sein des familles issues de l’héritage buto, il existe d'ailleurs autant de mouvements que danseurs. Mais il est vrai que la réputation du buto s’alourdit de symboles bien pesant voire de malentendus, images d’Hiroshima en tête. Les évidences trop évidentes étant peut-être aussi fausses que les photos d’Hiroshima que Le Monde publie.

    Dans une tradition buto aussi: la neutralité androgyne de ces corps glabres et blanchis, vêtus de tuniques oranges. Cette indétermination permet aux danseurs d’incarner, de postures en postures, toute la gamme du vivant, du végétal à l’animal, de l’animal à l’humain, du masculin au féminin. Cette neutralité rend hors sujet le jugement qui partage le beau et le laid. On en revient à la vérité humaine, digne et douloureuse. Surtout on regarde au-delà. Ce soir le buto n’est pas un cynisme, c’est un mysticisme. D’évidence. Les regards tendent vers le haut. La bande son évoque matières, sable et eaux. Dans un paysage symbolisé, les mains dansent pour attraper les ombres, invoquent des dieux, ou tout autre mystère. Spiritualité n’est pas nécessairement religion. Les mouvements se répètent, sans heurts, ni violence. Mais le calme est trompeur. L’intensité est intériorisée, en une fausse sérénité. L’émotion est subtile, tout ce que la condition humaine transporte de douleur est pudiquement mise à distance. Ritualisé.

    Attardons nous sur le sous-titre de Toki : un instant dans les temps entrelacés. En six tableaux, par la médiation théâtrale, le passage du quotidien ordinaire vers des dimensions spirituelles. Qui coexistent, insoupçonnées. Un coin du voile soulevé. Sur... Tableaux après tableau, la lenteur tend vers l’instant absolu. Un temps mystique ou divin.

     "Le mouvement des corps n’est pas le temps » Saint Augustin.

    C’était Toki  ♥♥♥♥  d'Ushio Amagatsu par Sankai Juku au Theatre de la ville avec Ushio Amagatsu, Semimaru, Toru Iwashita, Sho Takeuchi, Akihito Ichihara, Taiyo Tochiaki, Ichiro Hasegawa, Dai Marsuoka.

    Comme en 2008, on retrouvera Toru Iwashita, en improvisation avec Claude Parle à l’accordeon,  à l'Espace Japon,  Samedi 8 Mai à 20h 12 rue de Nancy, M° Bonsergent; Château d'eau,  01 47 00 77 47 ,  Paf: 10 €

    Guy

    P.s : à lire, bien culturel 

  • Toru IWASHITA en direct

    Contrastes: on est derechef précipité en territoires improvisés, et très, très loin des paysages cérémonieux que le danseur nous faisait explorer en compagnie de Sankai Juku au Théatre de la Ville. Extrait et libre du contexte du groupe de Ushio Amagatsu, Toru Iwashita danse ce soir sa 1101355892.jpgdifférence. Au placard robes orange et maquillage blanc, oubliés les éclairages. Assis le long des murs de la Galerie Tampon, on est jamais pourtant dans une salle et presque dans la rue encore, où on voit les passants s'arrêter face à la vitre, regards happés dedans. Est-ce pour marquer la rupture avec toute esthétique de la lenteur ?- Toru attaque en un rythme physique et saccadé, par courses et bonds, exacerbé jusqu'à la chute. Il va court et vient au milieu de nous, on se colle contre le mur. Relié du regard, à distance de vibrations, il y a assis l'ami Claude Parle. Qui laisse fuser à coups d'accordéon quelques premières décharges énervées. Taquine d'une main le piano. Les notes chatouillent Toru, visiblement, s'amplifient dans ce corps qui se soulève de plus belle, s'agite et re-tombe, Toru n'est pas parti pour s'économiser. On ne peut pas ne pas remarquer jusqu'à quel point le quinquagénaire est mince et musculeux. Qui évoque un maître d'arts martiaux. Puissant à en être intimidant, jusqu'à ce qu'il rompe la théatralisation, soudain très bon enfant, de quelques traits d'humour et connivences.

    L'improvisation part sur de nombreuses pistes, et voltes-faces. En laissant rêver des moments de mélancoliques médiations, de vulnérabilité. Mini séquences, nouveaux débordements, humeurs variées, au gré de la matière sonore. Dans une attaque espiègle, Toru confisque au prix d'une brève lutte l'accordéon. Le câline comme un enfant. Ce qui oblige Claude a faire retraite pour étonner au piano. Enfin le voleur lui rend l'instrument. La performance se réinvente sans cesse, sans artifices et à portée de la main. Fait oublier derrière ce qui est déja passé. Mais il y a toujours des histoires qui surgissent, ou que chacun se raconte, en tout cas qui restent. Un voisin se fige, souffle coupé, chaque fois qu'il ne peut échapper à ce regard intense. Une voisine avoue avoir vu dans chacun des gestes depuis le début comme de déchirants efforts qui échoueraient contre la mort.

    C'était Ushio Amagatsu et Claude Parle, à la Galerie Tampon.

    Guy

    visuel: site de Claude Parle