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Le Songe d'une nuit d'été: Un Shakespeare qui peine à faire réver

Sept erreurs:

  1. Jouer Le Songe d'Une Nuit d'Eté en noir et blanc
  2. Utiliser un caddie de supermarché sur scène (c'est éliminatoire)
  3. Commencer trés trés lent et en trop lourdes convinences.
  4. Laisser (la remarquable) Claude Degliameen faire beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Dans le genre "je refais Blaise Cendrard. Alors que Marie Vialle (non moins remarquable) se laisse oublier et redécouvrir.
  5. Moderniser la langue de Shakespeare(1564-1616)-de peur de sinon ne être compris?- mais ainsi la banaliser, en vocabulaire de discothèque et de reality show.
  6. Adopter un parti pris de travestissement et d'inversion systématique des sexes. Choix assez laborieux à l'usage. Sur Don Juana, celà fonctionnait meux.
  7. Annoncer du rire, de l'Eros, du  rêve, de la jubilation, de l'ivresse dans la note d'intention... et sur scène commencer exactement à faire l'inverse, dans le décalage et la distanciation. La chair est chic, la chair est triste.

Sans doute les erreurs types que risque un théâtre qui affiche le nom du metteur en scène en aussi gros caractères que celui de Shakespeare.  Heureusement, à la mi-temps, Shakespeare reprend l'avantage. On pourrait dire, pour être polémique, malgré tout. Au bout d'un temps avec, car en couleurs enfin, une Puck toute rousse et un Ane plus que truculent, on s'intéresse. Soyons juste: en prêchant le factice, J.M. Rabeuxfinit par toucher au vrai. L'exagération paye à la longue, le caddie finit par s'envoler aux cintres, le rimmel couler, la pièce dans la pièce se jouer en bouquet final, le grotesque se muer en poétique, comme suivant les intentions, mais in extremis.

C'était Le Songe d'Une Nuit d'Eté de Shakespeare, mis en scène par Jean Michel Rabeux à la MC 93 Bobigny. Jusqu'à début avril.

Guy

On a relu après l'interview de J.M. Rabeux dans La Terrasse. Grave erreur. Plus on lit, moins on comprend. "J'ai monté cette pièce pour des raisons politiques. Je suis effrayé par ce qui se passe aujourd'hui sur le plan des moeurs"? De quoi parle-t-il ? Si quelqu'un a compris, qu'il nous écrive d'urgence. Ou on va peut être ouvrir un débat sur Scènes 2.0. Mais la réponse est peut être contenue dans la question suivante de l'interview.  "Votre relecture du Songe souffre-t-elle d'être en avance sur son temps?" Avec des questions d'une telle impertinence, tout les metteurs en scène doivent rêver d'être interrogé sur la Terrasse...

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Commentaires

  • Rabeux est passé à France Culture dernièrement à propos de cette mise en scène. Il se plaignait que des profs avaient renoncé à emmener ses élèves au spectacle à cause du zizi d'âne, d'où considérations sur la difficulté de plus en plus grande à monter des spectacles librement, sur l'esprit petit-bourgeois (si je me souviens bien) etc., discours rebattu qui ne me paraît guère correspondre à la réalité actuelle.
    Dans le même genre, notre ami Marc Goossens relayait dernièrement RE.AL (http://www.daprice.be/?p=688) qui a renoncé à monter une chorégraphie de Claudia Dias en Ecosse parce que celle-ci fumait sur scène et que l'Ecosse a interdit de fumer dans les espaces publics, y compris les théâtres. Ces petites tracasseries ridicules et d'autres du même acabit n'entravent pas véritablement la création. Le problème économique me paraît beaucoup plus sérieux.
    Voir un teaser vidéo du spectacle de Rabeux ici : http://www.youtube.com/watch?v=ZzwnE0Q0yuk

  • Compris.
    Et d'accord avec toi. Même si on peut toujours trouver des contre-exemples, il me semble aussi que la société est plus que jamais tolérante à l'expression de la sexualité en matière artistique.

  • Quand Jean-Michel Rabeux dit qu’il a décidé de monter le Songe pour des raisons politiques c’est parce qu’il trouve qu’il y a un regain de puritanisme et que la nouvelle montée des extrémismes religieux installe un déni et une peur du corps qui s’immisce imperceptiblement dans la société, notamment chez les jeunes. Le sexe s’étale partout, sur les panneaux publicitaires, à la télévision et personne (ou presque personne) ne s’en offusquent, par contre, pour lui, dès que l’on met des corps sur un plateau, on est pris pour cible. En même temps, cela signifie que le théâtre a encore cette force et cette capacité à créer l’effroi chez le spectateur. Pour le songe, JM Rabeux s’est « limé » les ongles comme il dit et a pensé son adaptation aussi pour qu’elle puisse être entendue par les jeunes gens qui viendraient voir le spectacle. Il est donc très sincèrement surpris quand certains profs - ayant pourtant aimés le spectacle- annule une classe entière pour cause « d’éloge de l’homosexualité » ou parce-ce qu’un tel spectacle pourrait choquer. La peur des parents d’élèves, la peur d’être accusé de déviance fait que les profs s’autocensurent et que finalement aussi, les metteurs en scène aussi peuvent s’autocensurer. Son prochain spectacle sera donc interdit au moins de 18 ans – Puisqu’il en est ainsi…

    Jean-Michel Rabeux a une vraie démarche de relations avec les publics. Il va à la rencontre des spectateurs et nous essayons toujours, au sein de La Compagnie de proposer nos spectacles aussi improbables soient-ils aux spectateurs les plus improbables possibles.

  • Il y a 150 ans, à la parution des « Fleurs du Mal », Baudelaire est traîné par le procureur Pinard devant la 6° chambre correctionnelle, condamné à une amende et privé de ses droits civiques, et plusieurs de ses poèmes censurés. En 1913 Adorée Villany comparait en justice pour avoir dansé nue sur la scène de la Comédie Royale. En 1955 « Lolita » de Vladimir Nabokov est interdit peu après sa parution en France, à la demande de la brigade mondaine. Trop brève histoire de la censure. Mais c’est quand même bien de là d’où nous venons, et il me semble qu’aujourd’hui à contrario les corps peuvent faire à peu prés ce qu’ils veulent sur un plateau. Tant mieux. Même si vous avez mal vécu les épisodes que vous rapportez. Une scène menacée par la «nouvelle montée des extrémismes religieux»? Si vous pensez au traditionalisme catholique, il faut avoir une bonne ouie pour entendre ses dernières vitupérations, je doute qu’il menace encore quoique ce soit. Si vous pensez à l’islamisme, dites le franchement, mais je n’ai jamais entendu que des jeunes femmes en voile ou des « barbus » manifestent devant la MC93.
    Mais vous mettez le doigt sur le seul vrai enjeu qui reste ouvert aujourd’hui: que peut on montrer au public mineur? A partir de quel degré doit on le préserver de la nécessaire violence du théâtre, tant qu’il n’est pas prêt à la recevoir, tant que son jugement n’est pas formé, tant qu’il ne peut prendre de distance? A l’heure où dans le discours public et social l’enfant est intouchable, surprotégé ? Avant c’était la police ou les curés qui décidaient des limites, c’est donc les profs qui s’y collent aujourd’hui. Ou voulez vous tenir vous-même ce rôle? Il y a quelques mois, j’ai un peu brocardé le Théâtre de la Bastille pour avoir interdit au moins de 18 ans les exercices d’Ann Liv Young au sex-toy. Mais j’ai lâchement évité de répondre sur la question de fond: avertissement ? Restriction d’accès ? C’est que je n’avais pas la réponse, et je ne l’ai pas plus aujourd’hui…

    Après coup, c’est sûrement dommage que Jean Michel Rabeux se soit «limé les ongles», et sans pour autant rendre le spectacle acceptable par tous les publics. C’est peut être pour cela que je n’ai pas beaucoup aimé le résultat du compromis! En attendant de voir le prochain spectacle, très improbable j’espère.

    P.S. sources historiques quant à la censure: Isabelle Vieville Degeorges « Baudelaire Clandestin de lui-même, Philippe Verrièle,"La muse de mauvaise réputation" et « Le Monde » du 19/08/06

  • Et pendant qu'à Paris nous dissertons du sexe des anges, à Minsk la police ferme les théatre, à lire sur rue 89:

    http://www.rue89.com/2007/09/12/le-theatre-libre-de-minsk-interdit-de-spectateurs

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