Trop crevante la Môme Crevette, et toujours increvable le Feydeau, encore aujourd'hui à la rescousse des billetteries. Bien plus fort que la recession, valeur refuge dans l'économie de la scène. Pour paradoxalement y représenter paroxysmes, crises, et déreglements. Comme par catharsis? Ici le trou noir né d'une soirée trop arrosée dans la vie paisible du bourgeois Petypon, susceptible par inflation d'emporter l'univers entier.
Dans le lit de Petypon le lendemain matin de migraine la môme crevette- danseuse au moulin rouge- matérialisation de désirs refoulés ou témoignage invavouable d'une autre vie qui aurait du rester cachée. Le bordel fait irruption au foyer...rien ne va plus. Sous les quiproquos c'est la réalité qui pans aprés pans s'altère. Les voiles qui font le décor se retournent pour ne plus rien cacher, les portes suspendues à de fragiles conventions s'envolent et les limites n'en finissent plus de s'effacer. Rien ne tient en place. Difficille de contenir chacun dans son espace réservé: la domestique à l'office, La môme dans le lit, les visiteurs au salon, le vieil oncle en Afrique... Petypon aux abois tente de gagner quelques minutes en pétrifiant les protagonistes sur un fauteuil extatique reduit à sa plus simple expression. Peine perdue: on ne ralenti pas l'entropie. Le langage n'arrange rien, embrouille: "les parôles ne signifient rien, c'est l'intonation qui fait le sens". La Môme Crévette-d'un naturel inaltérable- fait irruption dans ce monde bien reglé comme un élement perturbant que chacun choisit de voir comme il l'entend: ange venu du ciel, bonne nièce, femme honnête, élégante parisienne ou putain... Son langage leste et ses gestes osés donnent le la aux rombières de province, qui avalent tout et de concert remuent de la croupe et des seins par mimétisme parisien. Ou écoutent religieusement cinquante manières imagées de dire comment on se fait plaisir. C'est alors le paroxysme, tout cul par dessus tête, durant cette fête de sous-prefecture soudain onirique, où notables, dames, militaires et curé dansent en arrière fond une bacchanalle libératrice. Sydavier pousse cet exercice de metaboulevard jusqu'à ses limites, drôle et distancié à la fois. Le désordre est parfait, les comédiens "épatants" investissent dans le désordre et jusque dans la salle le cadre si précieux et surchargé de l'Odéon. Entre deux spectateurs, comme par contagion, une breve altercation. Aprés l'orgie, le dernier acte prend des allures de gueule de bois. Pas de salut possible sinon par une résolution bien factice, jusqu'au bout Mr Petypon aussi secoué que l'intrigue, Mme Petypon aveugle et pathétique, réfugiée dans la religion. Pas de fin possible, ni de retablissement de l'ordre sauf dans l'épuisement.
C'était La Dame de chez Maxim de GEORGES FEYDEAU
mise en scène JEAN-FRANCOIS SIVADIER, collaboration artistique : Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit, Nadia Vonderheyden
scénographie : Daniel Jeanneteau, Jean-François Sivadier, Christian Tirole, lumière : Philippe Berthomé assisté de Jean-Jacques Beaudouin, costumes : Virginie Gervaise, décor : Amélia Holland, maquillage, perruques : Arnaud Ventura, son : Cédric Alaïs, Jean-Louis Imbert, chant : Pierre-Michel Sivadier, travail sensible : Vincent Rouche et Anne , assistante à la mise en scène : Véronique Timsit, régisseur général : Dominique Brillault, avec Nicolas Bouchaud, Cécile Bouillot, Stephen Butel, Raoul Fernandez, Corinne Fischer, Norah Krief, Nicolas Lê Quang, Catherine Morlot, Gilles Privat, Anne de Queiroz, Nadia Vonderheyden, Rachid Zanouda et Jean-Jacques Beaudouin, Christian Tirole.
A l'Odéon, jusqu'au 25 juin.
Photo par Brigitte Enguérand avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon
Prochain Feydeau: Le Didon à L'étoile du nord!
Commentaires
Vu sur Arte l'autre soir. Son détestable, cadrages improvisés. La télévision n'a rien pu faire face à ce naufrage théâtral.
Bref, l'ennui. J'ai éteins le poste au bout d'une heure.
Ce serait quand même pas mal que la télévision offre aux téléspectateurs une autre image du théâtre; à croire que l'on en serait resté aux années 70!
J'ai toujours trouvé ennuyeuses et déflorées ces captations tv...mais c'est vrai que j'en regarde trop peu pour juger.
pascal tjrs d'avant garde, mais sivadier n'a pas fait une mes 70, mais bien 2009 et j'adore les cheveux de nicolas bouchaud (si je me souviens bien on en causé sur mon blog ma voisine et moi)
Le Monsieur Bouchaud joue qui déja ? Petypon?
Mon premier "Sivadier", c'était en 2005 en Avignon. Mon deuxième en 2007, mon troisième en 2008. Les ressorts du jeu d'acteurs et de sa mise en scène se répètent à l'infini. Sur Arte, j'avais l'impression qu'il radotait!
A l'inverse, je n'ai pas vu les prédédentes m.e.s. de Syvadier, mais d'aucuns pourraient juger qu'il s'agit de cohérence...Et s'agissant d'adaptations d'auteurs différents, cela doit il forcement lasser? Quelles étaient les pièces que tu as vues?
Mise en scène forte et speciale mais belle prestations d'acteurs. Nicolas Bouchaud "Petypon", Norah Krief "La môme" et Raoul Fernandez "l'Abée" quel régal!
Le décor est excellent mais les costumes d'une grande laideur.