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  • Anges au delà de l'Amérique

    Les années Reagan, les années sida... la pièce de Tony Kushner se date là, millésimée, mais s'en évade. C'est l'un des points forts de cette mise en scène, de s'arracher à cette temporalité, aux lieux, au final de parler plus des anges que d'une Amérique. Sur un fond de crises: de souffrance, de justice, de spiritualité. Ces personnages, surtout des hommes, essentiellement des homosexuels, sont essentiellement interprétés par des actrices, ce décalage laisse du jeu dès le départ. Une fois solidement caractérisés, le ton juste, ils échappent pourtant à des contours trop nets. Au fil du texte-fleuve, généreux, les lieux surgissent et s'effacent d'un coup de projecteur, éphémères, sans que la clarté des multiples lignes narratives n'en soit troublée. Tant que reste éclairé le plus important: le chemin-assez onirique- que les personnages font vers eux-mêmes, autant vers l'intime que le politique. Et le reste autour bouge sans cesse, tout particulièrement me grisent ces moments où je peux m'égarer entre ce qui tient de la convention scénique et des hallucinations qui guident les protagonistes: de l'apparition du fantôme d'Ethel Rosenberg au diorama mormon. L'un des enjeux majeurs du théâtre est de nous faire accepter de nous déplacer, et tout autant de laisser libres, même ivres, dans ce déplacement.

     

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    Angels in America de Tony Kushner; m.e.s. par Marcus Garzon, vu au Théatre de l'Ecole Normale Supérieure le 24 juin 2017

    Guy

     

  • Signaux forts

    Évoquer l'autisme et d'autres troubles mentaux, c'est le projet du solo de Sophie Blet. Le savoir change tout de mon regard, me guide dans ce que je perçois de cette danse, des apparents désordres qui s'y manifestent. L'être ici semble multiple, ses mouvements singuliers. Mais, au rebours des premières apparences, je peux y lire une cohérence. Le corps s'exprime fulgurant, en expressions de nécessités, autant de tentatives à vif de communiquer une souffrance réprimée. Intentions tenues: le langage articulé ici avec pudeur, en équilibre délicat entre l'étrangeté et la justesse, évite les pièges de la sensiblerie. Esquisse le dessin de l'hypersensibilité, renforcée par la  musique et vidéo: sur des surfaces blanches et froissées, comme tourmentées, sont projetées des sensations de fournaise. Ces murs de papiers seront fait pour être déchirés et franchis.

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    Cette expérience particulière me renvoie à la constante difficulté de percevoir ce que, non verbalement, la danse exprime, et ce qu'elle seule exprime. Rester en état d'écoute, pour recevoir, faiblement ou de plein fouet, ces signaux, les traduire, les reconstituer, se les approprier. Ou hélas s'agacer des redites dans le vocabulaire, échouer dans les malentendus, même dans une froide incompréhension. Comment jamais la danse réussit elle à communiquer avec nous?
     
    A-tique de Sophie Blet vu en fin de résidence le 23 juin à Micadanses
     
    Guy
     
    photo de Pauline Pénelon avec l'aimable autorisation de la compagnie