Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mort des utopies

  • Le cabaret Durif

    "On n'arrête pas le théâtre" lit -on ce juillet sur les affiches de l'Etoile du Nord. C'est une évidence bienvenue, tant la pièce de ce soir se situe dans la continuité irrespectueuse d'un théâtre qui vient d'il y a longtemps, et depuis lors s'obstine à exister. Putains et mauvais garçons semblent sortir droit de l'Opéra de Quatre Sous; ukukulélé et accordéon rythment à l'unisson des complaintes décalées. C'est alors une bonne surprise que la gouaille distanciée ne sente ni le moisi, ni le fabriqué. Le jeu est moqueur, bien vivant, les archétypes flagrants, les phrasés exagérés. Surtout, si les poètes mentent mal, il est certain que ces poètes écrivent bien, et qu'ils renouvellent le genre, ouvrent grand les fenêtres. Car dans le texte d'Eugène Durif  il y a une vraie poésie, d'un potentiel presque populaire. On est trés rassuré, qu'il reste des poètes vivants. Dans la pièce, de quoi est il question? Plutôt d'amour et de désillusions, mais on perd vite le fil, les faits divers partent dans tous les sens et reste surtout le plaisir, avec des beaux dialogues deglingués et des épisodes déshabillés, une abondance de clins d'oeil et de références en coins, un grand bol d'air frais.

    Dommage que le format soit un poil court, on reste sur sa faim et la piece finit sur une pirouette. La mise en abime finale- derniers épisodes lus faute de temps et passage d'aspirateur sur le plateau- tourne un peu à l'exercice de style. S'agit il (une fois de plus) de se demander si la représentation est encore possible, puisque que l'on évoque la mort des utopies, politiques et amoureuses? Mais la chose est menée avec telle absence de serieux-en apparence-qu'on peut la supporter, voire bien mieux. Surtout avec assez de jeunesse, d'isolence et d'insouciance. En tout cas c'est pardonné volontiers, car tout finit par une chanson.

    C'était Les Poètes mentent mal d'Eugène Durif, m.e.s. par Sophie Loucacchevsky, au Théatre de l'Etoile du nord, avec "On arrête pas le théâtre".

    Et c'est encore ce soir, et Dimanche.

    Guy

  • Matthieu Hocquemiller recolle les morceaux

    Doit-on venir aux répétitions générales. Où doit on filer des filages? D'un coté on est trés heureux d'être invité, et avec des gens qu'on a plaisir à rencontrer. De l'autre, il y a toujours un projecteur ou autre chose en panne et qui sera réparé pour la générale, les photographes au premier rang qui font du boucan, sur scène une concentration qui se laisse encore trop voir et des enchaînements qui flottent un peu, derriere  la arton390.jpgconscience de l'absence de public, de son attente et de ses frémissements, et surtout partout la présence du chorégraphe, absolument sympathique mais absolument flippé, qui s'excuse d'avance de présenter tout sauf la pièce car elle ne sera bien vraiment réglée que le lendemain, nous demandant de ne pas trop juger mais nous laissant voir quand même, nous laissant confronté à l'injonction paradoxale parfaite. C'est d'autant plus perturbant pour une pièce qui s'efforce de réussir une juxtaposition de formes vers la synthèse. Ce soir, l'énergie semble encore trop retenue. Le danseur joue de la masse, bonne idée. Mais fracasser une chaise et deux paquets de céréales, c'est trop, ou trop peu. En conclusion, on a pas vraiment vu "J'arrive plus à mourir". Mais on va en parler quand même bien sur, ou au moins on va essayer de parler de ses morceaux.

    Mon tout parle du deuil de l'avenir, les parties sont constituées par autant de debris du monde qui reste. Les paradigmes sont ébranlés et les danseurs peinent à s'y raccrocher, tombent en belles glissades le long du toit de la maison. Se laissent aller à quelques pas de danse déglinguée et mains dans les poches, nous évoquent Joe Cocker à Woodstock, comme un pied de nez aux dernières utopies et idéologies du progrès. Ils se vautrent faute de mieux dans le consumérisme, infantilisés, renversant partout le pop corn, gavés de gelée rose jusqu'à la régurgitation. Encore un peu punk ou rock ou disco, bien que plutôt anesthésiés, trompent l'ennui en positions sexuelles dignes des pieces de Kataline Patkai, se laissent théoriser et commenter par Miguel Bénasayag. Même si à écouter le philosophe on reste sur sa faim, au moins ses interventions sont-elles intelligibles, et au coeur du sujet....

    Ce sujet est perilleux. Rodrigo Garciaest déja passé par là pour nous en dégouter. Ronan Cheneau et David Bobbé, bien que plus subtils quant à la mise en forme, ont achevé de nous déprimer. Heureusement, il y a ce soir des raisons d'espèrer. Déja dans les textes, d'un tout autre niveau. Dits au bord du gouffre et les yeux fermés, il y a dans ces mots l'ébauche de sourires même tristes, d'une élégance plus tout à fait desespérée. Déja de belles étincelles. Et quand tout est dit du marasme, reste ou nait l'envie de danser. Même avec inquiétude. Tout va mal peut-être, si le temps ne va plus en avant. Le théatre nous le fait juste constater, on veut croire que la danse peut nous sauver. 

    C'était "J'arrive plus à mourir" de Matthieu Hocquemiller, avec Elise Legros, Evguénia, Cyril Viallon et des entretiens en video avec Miguel Benasayag. C'était à Mains d'Oeuvres.

    Guy

    P.S. : A voir ici, le photos du gars bruyant au premier rang

  • Cannibales: à boire et à manger

    523409649.jpgDans le désordre: une déclaration d'amour drôle et émouvante à force d'être perdue d'avance, un salon/espace social (après la salle de bain solitaire et régressive de "Fées"),un plateau blême pour le portrait d'une unième génération perdue, l'élégance des gestes circassiens, une caméra sous la couette, de lassantes énumérations, une immolation par le feu( après le quasi-suicide par noyade de "Fées"), quelques rires, pas mal d'embarras, de spectaculaires acrobaties à la perche, du no-future en boucle, des chansons trop générationnelles, un couple embarrassant à rester planté au micro comme pour un discours de mariage, de belles répétitions de gestes, un peu de danse(juste un peu), trop de mots, mais sans beaucoup expliquer, du ton faux, (comme dans "Fées") des dizaines de flacons de produits de beauté, des longueurs et des bâillements, un rap remarquable, des beaux moments, une fête à tous danser sur le lit mais à laquelle on ne se sent pas invité, un spiderman, des groupes comme des additions de solitudes, des sous-vêtements noir et blancs, une sincérité touchante, de l'angoisse et de la précarité, des clins d'oeil téléphonés, de la jonglerie, des pas brusques et des luttes à la T.R.A.S.H., l'explication de la différence entre la blennorragie et la myxomatose, des projections d'images urbaines, une longue complainte de la gauche désabusée, des cascades en transparences, de la verticalité (après l'horizontalité de Fées), de la déprime à la tonne, une fin surprenante (un espace enfin approprié?)

    Au final, une ambiance: les trentenaires parlent des trentenaires aux trentenaires. On a compris. Et pour les autres?

    C'était Cannibales, ♥♥♥ texte de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, au Théatre de la Cité Internationale, jusqu'au 5 avril.

    Guy