Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Point Eph%C3%A9m%C3%A8re

  • Des regrets: le cabinet des figures

    Mais à quoi bon? Ou va-t-on? Et aprés?... Que me reste-t-il de cette heure formelle, découpée en parcelles, par passages réguliers du noir à la lumière, avec deux corps morcélés sur fond géométrique, le tout égalisé par un bourdonnement hypnotique? Le temps d'un inventaire méthodique, millimétré, de centaines de postures, de points de vue. Je suis gagné par le même desintérêt qu'à la vision de la pièce de Charmatz consacrée à Cunnigham. Témoin d'une étape peut-être obligée dans l'évolution de la chorégraphe, mais que partage-t-elle avec moi, avec nous? Quelques instants d'amusements, de bizarre? Des poses "figure" cachée, dos en métaorphose, m'évoquent le travail de Sofia Fitas avant de s'en éloigner. Les dernières minutes, avec un duo presque de marionettes, font regretter ce qui aurait pu être, espérer ce qui sera peut-être.

    C'était le Cabinet des figures de Vanessa Le Mat, au Centre National de la Danse

    Guy

  • Aprés le Diable

    Comment se révèle-t-elle, cette étrangeté en nous, cette monstruosité, que Maxence Rey fouille de pièce en pièce? On ne croit plus au diable et en ses tentations, mais l'inexpliqué toujours nous inquiète, le point mort de notre rationalité, l'incontrôlé. C'est par le corps des interprètes qu'il surgit ici, entre grotesque et beauté. Ceux ci nous font toucher du doigt cet instant paniqué de la transformation, où la résistance abdique. De la fête de village selon Rubens à la la fête techno, le mouvement traverse les époques. Les pulsions se libèrent avec force, les visages grimacent, les ventres s'agitent et se tendent, les sens s'ouvrent, les regards s'aiguisent, avides. Quelques frôlements, des gestes francs, et explosent des orgasmes raides et muets. Les poses sont convulsées et les cris libérés, loin de la tête les bassins dansent. Dans sa troublante viscéralité, l'œuvre parait sévère jusqu'à ce que la drôlerie l'emporte, culminant irrésistiblement en une chanson folklorique réinventée.

    Teaser - LE MOULIN DES TENTATIONS - Cie Betula Lenta - Maxence Rey from Romain Kosellek on Vimeo.

    Le Moulin des tentations de Maxence Rey vu le 6 février au CDC-Atelier de Paris-Carolyn Carlson dans le cadre de faits d'hiver.

    Guy

  • Soldé

    Le théâtre à force de prétendre accomplir sa révolution en revient parfois à son point de départ, chargé de procédés et effets. La représentation du deuil est prétexte à dérision pour provoquer des rires mécaniques, suivi de chansons en chœurs pour jouer aussi sur l’émotion, la moindre action commentée pour verrouiller toute interprétation, des éclats et des pleurs peuvent passer pour de l’intensité, la platitude pour de la clarté, des pas pour de la danse, la mise en scène des conflits pour une réflexion politique, l’évocation de la pédophilie pour de l’audace, l’usage alterné de l’anglais et du français pour de l’internationalisme, l’accumulation visuelle pour de la densité, les vessies pour des lanternes, et un peu de neige prétend à toute la beauté de l’hiver. La mélodie du bonheur en amateur.

    Place du marché 76 mis en scène par Jan Lauwers, vu au théâtre de Genevilliers le 3 mars

    Guy

  • Tombée en enfance

    La Confusion, pièce de Marie Nimier mise en scène par Karelle Prugnaud, au Théatre du Rond Point jusqu'au 7 avril.

    C’est l’histoire d’une femme, mais dont l’identité se brouille, dont la voix se module, d’une jeune fille, d’une vieille femme. Qui parle à son chien crevé dans un appartement reclu où s’accumulent des souvenirs piégés dans les objets du quotidien: le fer à repasser, la tringle à rideaux, la machine à laver. Une enfant qui ressasse ces souvenirs d’une vieille voix mais qui retombe en enfance, une vieille fillette manga aux cheveux bleus noyée dans un cimetière de peluches.

    théatre,marie nimier,karelle prugnaug,théâtre du rond point

    L'actrice- Hélène Patarot- joue à nous perdre. On est pris dans ce trouble, dans cette confusion. Il est question d’elle-Sandra- et de son compagnon Simon, de jeux d’enfant, de jeux d’inceste, d’enjeux lourds et déçus. Il est question de tout cela, et d’une maison disparue. Puis volent les peluches, et les lambeaux de l’enfance comme des feuilles mortes, le temps d’un autre trouble. A la mise en scène, Karelle Prugnaud a le sens du cérémonial, de l’inquiétant et de l’inattendu. Tout au long les trouvailles visuelles fusent, denses comme rarement, oniriques, s’accumulent. Ceci force la beauté de la pièce, peut-être aussi la limite. L’histoire en est floue, les mots de Marie Nimier émergent comme des piques. Dans des cages, les mannequins immobiles se transforment en loups ou en hommes, et quand les masques commencent à tomber, en personnages indéfinis qui lui ressemblent et en musiciens qui jouent punk.

    théatre,marie nimier,karelle prugnaug,théâtre du rond point

     

    Les rôles flottent. Au premier plan le solo s’invite en duo, par la visite- rêvée ? -de Simon l’ami, l’amant, de l’amour d’enfance. Les rites et souvenirs se rejouent une fois de plus encore entre eux deux comme la répétition infinie d’un vieux jeu. Mais l’heure tourne comme le tambour de la machine à laver, comme le temps qui décaperait sans pitié corps, illusions, masques et vieux vêtements pour ne laisser survivre que la vérité nue. C'est beau et fort, peut-être en manque d'économie.

    C'était La Confusion, pièce de Marie Nimier mise en scène par Karelle Prugnaud, au Théatre du  Rond Point jusqu'au 7 avril.

    Guy

    photo par Giovanni Cittadini Cesi avec l'aimable autorisation du théâtre du rond point

    lire aussi: Neige à Tokyo

  • La blonde et l'infini

    Au commencement : le silence, une lumière crue, un fond blanc, un être nu. C'est un solo absolu.

    11 BLONDES HAVE NO SOUL.jpg

    Au point zéro de la danse: sa nudité. Ni académique, ni triviale, ni érotique: de l’origine. Sa posture nait de rien, elle dépouillée et rien de caché, puisque rien ne semble y préexister. L’âme reste hypothétique. Juste, ses gestes la définissent, le premier instant et chaque instant d'aprés. Puis s’oublient, allégés de toute volonté de faire une histoire, de laisser des traces. Seule. Ses gestes surprennent. Elle frappe la terre, fouette les airs. Comment croire que tout ne se crée pas dans l’instant? D’où en elle? Les mouvements naissent comme animaux, buto. Bras, jambes, torse, ignorent toute convention, toute utilité motrice, sociale. Ils inventent de nouveaux appuis, des enchainements inédits. Pas de narration, d'émotions, de sentimentalité. Il nous faut renoncer. Un point de repère: s’évidence, sans tricheries, d’une pure anatomie. Les os, la chair, la peau, relâchements et tensions. La vie et la respiration. On voit des transmutations. Dans une forêt invisible, un chat, une biche, un poisson, un oiseau qui envole. Elle chante. Ample. Sa voix tenue suspend le rythme, prolonge le silence. Quelle musique en elle, quand elle se tait? Elle reprend. Elle s’invente. Les mains montrent, surprennent, tremblent. Le corps oscille, des fulgurances. Le temps se déroule, sans retour en arrière.

     

    Brusquement, du dehors, le fracas du monde fait irruption. Un bruit mâle, guerrier, percussif. Mais sitôt oublié, comme on aurait ouvert, puis refermé une fenêtre. Il n’a jamais existé. Elle poursuit en dedans, semble danser dans l’ivresse. Titube et apprend à naitre, retourne au silence, regarde l’invisible, s’échappe et bondit à faire bouger le ciel. L’ange blond, bras tendus, dort, nue, sans sens ni morale, se passe d’âme.

    c'était Blondes have no soul de Pé Vermeersch, vu à l'Avant Scène, théatre de Colombes

    Guy

    photo avec l'aimable autorisation du théatre de Colombes.

    lire aussi: Making the skies moves

  • Chaud!

    On pourrait se croire dans une salle de danse: au centre deux blues brothers, le blanc et le noir, qui assurent en costard et lunettes, noeux pap', impec'. Ils bougent à l'économie, multiplient les fausses entrées et vraies sorties. Plus qu'un message ou un état ou un récit, c'est l'apparence érigée en art. Ne pas trop en faire, et l'air de ne pas se fatiguer, cool avant tout cool, tout dans la sape et la classe.

    showtime1.jpg

    Ils s'approuvent et se renforcent du regard. Et font le show, efficaces et performants, se dépensent en danses afro, « coupé-décalé » et « warba » en lent, vitesse normale, accélérée. On est content et eux très contents d'eux? Ostensiblement, trop, mais la bonne humeur déborde et se communique à nous, mécanique. Jusqu à un certain point seulement. C'est-à-dire jusqu'à l'épuisement, thématique et physique, lorsque que cela se détraque, lasse, fatigue. Ils font le show, frénétiques, et on est emballé jusqu'à ce que cela s'emballe de trop, vers nous les projecteurs retournés. Pourquoi à un certain point, la magie spectaculaire doit elle s'évaporer. La question est habillement posée, drôlement, avec d'intéressantes correspondances avec « Paul est mort ? » vu dans le festival deux jours plus tard.

    Ce soir, le show est cassé. La rivalité, la jalousie s'insinue, entre les deux danseurs, sourires forcés et couteaux tirés, regards en coin, crocs en jambes et coups fourrés. Les gnons volent bas. Ca rigole plus entre les frères ennemis, on pourrait croire pour de vrai. Mais on a jamais rejoint la réalité. Artifice de théâtre, le sang n'a pas vraiment coulé. De là le show reprend ses droits. Poussé dans ses limites le noir danse magique et épate le blanc, qui se nourrit de ses mouvements. Enfin c'est champagne et musiques douces, derrière une facade bling-bling, un monde s'écroule.

     C'était ShowTime, de Philippe Ménard, avec Philippe Ménard et Boukary Sere, au théâtre de l'étoile du nord dans le cadre de faits d'hiver.

     Guy

     Photo par Christian Rausch

     

  • L'une danse, l'autre pas

    Au Point Ephémère, au bord du canal Saint Martin, on se retrouve dans une salle de concert de rock, une vraie. Sur scène un peu de magie enfumée, et des objets rituels, obligés: une guitare, des micros, des spots, des amplis. 

    SD 1.jpg

    Deux femmes: l'une joue, l'autre danse. Elles chantent. Elles se reflètent et se ressemblent. Les rôles troublés. On est placé hors des cadres esthétiques de la danse, pour y revenir par subtils glissements. Ceci est un concert, ceci n'est pas un concert. Les yeux de la danseuse se perdent dans la musique, hypnotique, qui évoque en boucles, effets et superpositions quelque chose du Robert Fripp des 70's. Désir et innocence semblent s'étirer en corps et notes, avec des gestes au ralenti, qui s'évanouissent, d'une douceur émerveillés, des gestes d'enfants. Cela ressemble à un morceau, mais conçu pour être vu, aussi languissant et suggestif qu'une chanson de Twins Peaks de David Lynch. Qui a toute la fragilité d'un travail en cours, d'un parfum délicat encore au bord de s'évaporer, dont on se demande avec curiosité s'il tiendra ou non sur la peau. On vit cette expérience de répétition ouverte avec curiosité, les thèmes ne sont que suggérés et indécis dans cette mise en ambiance évanescente, encore en reverie. D'autant plus que le parti pris s'en tient au minimalisme, dans l'exploration-évoquation d'une seule émotion par morceau. Cet après-midi "Innocence" et "Heaven",  deux "pistes" d'un album en devenir. D'autres sont en gestation, plus âpres sans doute, plus remuants, à propos de révolte ou d'enfermement.

    C'était une étape de création de Tracks par Sarah Degraeve et Christelle Sery (musique) au Point Ephémère.

    Guy

    photo par Jérome Delatour avec l'aimable autorisation de Sara Degraeve

  • Aude Lachaise: un Marlon nommé désir

    C'est bien joué. Elle nous a pris à contrepied: ni bal, ni danse ni tango, ou si peu, et tant de mots. Au pied des lettres, a one-woman show. Pour aborder des sujets dont la danse parle souvent mais presque tout aussi souvent sans en parler vraiment: l'amour et le désir. "Sexe", "cul"... les mots crus sont lachés, avec toutes leurs sonorités. Savourés avec gourmandise, decortiqués, avec une naïveté feinte mais quand même désarmante. De quoi faire ensuite accepter de la lucidité à haute dose.

     

    marlon.jpg

    Juste des mots joués: tout se tend et se developpe à partir de cette frustration initiale dont la danseuse s'amuse à nous distraire. Et y réussit. A force de pirouettes et reflets dans un oeil d'or. On écoute: seduit et agacé, amusé dans l'attente d'une danse qui ne vient toujours pas. Ou juste à l'improviste: à travers un self- portrait drolatique et pâmé d'Aude en Audition. Mais- rendons à Cesar ce qui est à Cesar- une fois le sujet bien posé, le corps revient dans le jeu, suit les mots, pour un traité des parties molles, une invitation à la contact improvisation. Texte et corps également maitrisés: deux visages de la séduction et un partout pour le score...La mayonnaise prend.

    Mais a- t on parlé de Marlon Brando, sinon par allusion ? Ni Superman ni Don Juan, plutot son ombre, un invisible partenaire, nous sommes tous des Marlons.

    C'était Marlon, de et avec Aude Lachaise, à Point Ephémère à Paris, sur les quais. Ce vendredi encore

    Guy

    photo de ? par Dominique Gilliot avec l'aimable autorisation de Point Ephémère.

    voir aussi les images et les mots hors cadre de Jerome Delatour

  • Cecile Saint Paul: tout est ailleurs

    Tout survient ailleurs, décentré. Dans notre angle mort. D'abord les personnages présentés de dos à ne pas regarder un film, qui d'ailleurs n'est pas projeté- juste des inter-titres elliptiques- à écouter une bande son évocatrice. De quoi déja nous faire savourer notre frustration. 

    cecilestpaul.gif

     

    Les interprètes cherchent leur place, se bousculent un peu, comme par accidents, glissent sur leur chaises, décalés. Un récit au micro s'embrouille avec une inintelligibilité travaillée. Des pas de danse se posent à l'unisson, sur des musiques désuettes, semblent echappés d'ailleurs. Les images paressent, se bloquent, se dissolvent. Des blancs surviennent, des poses, d'une jubilation sidérée. Du presque rien, ce qui fait déja beaucoup, pour sans relache nous ramener à l'ironique question de quoi regarder... Des entrées, des sorties? Vers deux écrans au murs qui montrent ce qui se passe dehors, ou nulle part peut-être, par gags et glissements, ce qui ne s'y passe ou non. Telle la feinte et spectaculaire disparition de l'artiste, on se gardera d'éventer la surprise du comment. A ce moment, on n'avait pas vu le lieu aussi intelligement utilisé, depuis le passage Eléonore Didier. Les personnages apparaissent et disparaissent en video, flottent entrainés dans une danse revée qui évoque le cinema de David Lynch, sur un mode ironique et poétique. C'est une belle leçon d'allusions, d'absurde, de non finalité.

    Un belle leçon C'était Anomalies et Perspectives, de Cecile Saint Paul, présenté en ouverture de résidence à Point Ephémère.

    Guy

    Image avec l'aimable autorisation de Point Ephémère

     

  • Le Maitre de Santiago

    On hésitait un peu, on n'osait pas vraiment, mais on s'est enfin décidé: à suivre hier soir Montherlant,sur la pointe des pieds, le long des chemins les plus austères, ceux qui mènent aux sommets les plus élevés. On a vu le Maitre de Santiago. Et on aura du mal, après, à oublier.

    medium_Montherlant.jpgLe contexte: l'Espagne du début XV°, juste libérée de la domination maure, tendue vers la conquête des Amériques, et de son or.

    Le sujet: Don Alvaro, héros de la bataille de Grenade, maître de l'ordre chevaleresque de Santagio, est sollicité pour partir s'enrichir dans le nouveau monde. Qu'il puisse ainsi doter sa fille Mariana, afin qu'elle se marie avec son bien aimé. Mais Don Alvaro refuse. Tout dans ce siècle ne lui inspire que dégoût, et plus que tout la vanité d'avides conquêtes, vouées à l'échec. Il n'aspire qu'au silence, qu'à la pauvreté et à la prière. Quitte à entrainer Mariana avec lui dans la voie de l'extrème dépouillement. Jusque vers le renoncement au monde, vers l'absolu, vers Dieu ou le néant.

    La religion est donc ici évoquée dans son acceptation la plus mystique, la plus austère, la plus pure. La plus dure et intransigeante aussi. Avec un texte grave, brillant, mais d'une clarté acérée. En aucun cas un plaidoyer ou une condamnation univoque. Dans la tradition du grand théâtre d'idées, se confrontent les positions morales par la voix des personnages. Les compagnons de Don Alvaro ne se privent pas de lui dire à quel point sa recherche solitaire du salut s'accompagne de froideur et d'égoïsme, d'indifférence vis à vis du prochain, y compris vis à vis de sa fille. De lui montrer à quel point sa charité ressemble à du mépris. Mais le spectateur est adulte, à lui de méditer, et de trancher. S'il peut.

    Mais il ne s'agit pas d'un débat froid et abstrait, il s'agit de doute et de souffrance. Jean Luc Jeener, le directeur du T.N.O., incarne Don Alvaro. Aurait-il organisé le cycle Montherlant dans son théâtre qu'à ce seul effet qu'on ne pourrait lui donner tort. S'il met de tout son corps en évidence la fragilité du personnage, ce que Don Alvaro a aussi d'effrayant, d'extrême, de presque monstrueux n'est pas pour autant occulté.

    Le texte est traité ici avec un grand respect, mais il ne pouvait être fait d'autre choix en vérité. La mise en lumière est admirable, l'espace organisé sur une diagonale avec en son extrémité une croix immense, vers laquelle jusqu'à la fin les personnage tendent.

    Guy