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  • Pouliches: Manon fait du cheval

    Pouliche, bien qu'en talons aiguilles, elle s'ébroue, piaffe et rue, s'arqueboute contre le mur, se roule au sol, arpente le manège à quatre pattes. Remarquable métamorphose, à un tel point qu'on ressent l'épaisseur molle de la chair, évidente, d'une lourde nervosité, lentement agitée de mouvements abêtis. Quelque chose à l'intérieur gronde, peut être quelque chose d'aussi banal qu'une sourde animalité. En tout cas rien de sexuel, ou alors qui ne pourrait intéresser que les vétérinaires.

     

    Mais il n'est pas indifférent d'être confronté à la bestialité chez l'autre, et par contrecoup chez soi même. Pourtant quand la pouliche progresse au sol, les gestes semblent alors plus humains, tels ceux d'une acrobate. Ici d'une lenteur et d'une application si grossière et obstinée que toute transcendance est lestée. Les postures s'étirent au delà du convenu. Et en deviennent originales. On reste comme figé dans l'univers d'un cirque sinistre- après les chevaux bridés l'écuyère triste-, tout le clinquant disparu, reste la pénibilité fascinante du geste athlétique. Le doublage vidéo nous propose une version en gros plan, plus littérale, assez terreuse de ces exercices. Puis la jument remontre le bout de ses naseaux. Impressionnant. L'exercice évite le piège de l'imitation. Il choisit le parti bien plus efficace de l'évocation: c'est donc d'emblée original et troublant.

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    Même si la démonstration appuie et dure un peu, même si le sens en reste un peu obscur. S'agit-il d'évoquer la femme sauvage, à en lire le programme? Pourquoi pas... On nous parle aussi de l'identité féminine: c'est réducteur sauf à n'en retenir parmi les mille potentialités que celle d'un anti-fantasme masculin. On nous parle aussi de sublimation du corps féminin: on la recherche ici en vain. Ou peut-être portée au second degré par la contrebassiste et la chanteuse lyrique, cette dernière d'une sophistication précieuse. Il est donc grand temps de jeter la feuille de salle à la poubelle, alors que la jument s'humanise ouvertement, en un long frémissement de plaisir, qui nous semble bien trop élaboré pour être chevalin.

     

    Suivi par des variations chorégraphiques plus familièrement anthropomorphiques malgré l'usage du harnais, et plus qu'allusives. Elle rie. Si on se lâche à scénariser, on tend à penser, à la vue de cette conclusion, que le précédent avatar de cette créature ne participait après tout que d'un jeu délibéré, et ouvertement pervers. Qu'il n'existe pas de retour innocent à la nature. Mais toutes les hypothèses restent ouvertes-tant mieux. Il parait que pour comprendre cette fascinante performance on peut trouver des pistes dans l'oeuvre de la photographe Cindy Shermann. 

    C'était Pouliches , de Manon Oligny(Manon fait de la danse),  dansé par Anne-Marie Boisvert, avec Mona Somm au chant et Anne Gouraudà la contrebasse, avec des videos de Thomas Israel, à Point Ephemere .

    Guy

     

    P.S. du 27/5: photo avec l'aimable autorisation de Thomas Israël

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  • Vous pouvez repéter la question?

    D'où cela vient-il que je reste en réserve. En spectateur détaché de ce procès. Ce qui pourtant saisit sans possibilité d'évasion, c'est la présence de Claude Degliame dans le rôle d'Eglantine, l'accusée. Une interprétation démesurée et déchirée, en clocharde à la voix gouailleuse et fêlée, au corps cru et comme lacéré par la vie, un portrait de l'humanité en misère nue. Le regard que nous fait poser J.M. Rabeux sur ce corps furieux et vieillissant est impitoyable et tendre comme jamais. Un personnage monstrueux, littéralement, véhicule de désirs qui le sont autant. Je comprends vers où Rabeux entend nous emmener: au plus profond. Dans le même temps, je regrette d'être exposé ainsi si radicalement, dés le début, à ces intentions. Je repense à la mise en scène des Charmilles, texte du même auteur et présenté dans le même lieu, qui m'emmenait dans des chemins tout aussi périlleux, mais plus progressivement.

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    Un drap est dressé en fond, comme un voile devant l'inconscient, mais ici est surtout évidente la surexposition: au sol des postes de télévision, sur la peau d'Eglantine lent des gros plans, minutieusement, comme pour froidement retransmettre et enregistrer, objectiver, attester, du point de vue neutre du greffier.

    Les aveux de l'accusée se font à la troisième personne, indifférents aux accusations, décalés, il s'agit des aveux de la part qu'Eglantine garde dans l'ombre, en une exploration toute baudelairienne des noirs recoins de l'humain. Posés de lourds enjeux: meurtres et d'enfantements, inceste, parricides, infanticides. Des crimes ancestraux. Je crois comprendre le défi que se pose Rabeux: moderniser la tragédie, au sens antique, en replongeant à ses sources. Du même coup j'en pressens le risque et ses limites: peut-on de front se rapprocher du mythe, sans qu'il ne tende vers sa propre caricature, sans qu'il se s'évanouisse? La mise en scène me semble hésiter entre froideur, en mouvements figés, et obscénité, peut-être au sens premier du terme. Dans la bouche d'Eglantine le texte se dérobe complexe, au moins survit un peu de sa beauté. Je me dis qu'à plus tard relire ce texte à froid, j'y trouverais mieux matière pour m'interroger.

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    Dans ce procès, Eugène Durif joue La Question, incarnation du Juge et de la Société. Il use habilement de son physique débonnaire, ses inquisitions s'insinuent sur un ton inexorablement tranquille et pénétrant. Cette mise en accusation des passions humaines, de la vie même, est d'autant plus implacable. Mais le personnage est grotesquement fardé. Sur cet effet comique je me focalise, il neutralise à mes yeux les éléments tragiques de la pièce. Me fait douter par d'autre aspects que la mise en scène s'assume jusqu'au bout. Et pour autant que les questions de la Question soient objectives et pénétrantes, elles trahissent, bloquées sur un mode objectif, son incompréhension du discours d'Eglantine et de son humanité même. Cette incompréhension dés le début me gagne aussi, moi-même perdu dans la confusion, sur ce point je rejoins la Question, me surprends à rester de son coté. Et contre la pièce, qui me parait longue. Quand Vimala Pons (la fille d'Eglantine) passe aux aveux, je ne suis pas son avocat, même plus concerné, je reste froid et éveillé.

    C'était le Cauchemar de Jean Michel Rabeux au Théatre de la Bastille

    Guy

    Lire aussi Neigeatokyo, allegro théâtre, théâtre du blog

    Photos par Denis Arlot avec l'aimable autorisation de la compagnie Rabeux.

  • Cecilia Bengolea et François Chaignaud : montrer.

    Peut on essayer d’oublier tout ce qu’avant on a lu à propos de Pâquerette, toutes attentes tues, curiosité remise à neuf?

     

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    Cecilia Bengolea et François Chaignaud doivent être satisfaits du buzz, et de la salle pleine à craquer. Avertis des risques aussi. Déjà présents sur la scène à notre arrivée, ils désamorcent. Familiers, chuchotent entre eux sourire aux lèvres, lancent un clin d’œil aux copines du premier rang. Parés de robes chatoyantes, elle yeux de biche, lui blond angélique, les genres sexuels convergent.
     

    Quand les deux danseurs glissent enfin dans le jeu, c’est par délicates suggestions: yeux vagues, râles étouffés, expressions de doigts de pied. Ces manifestations finissent vite par déraper, en sifflements de cocotte minute, interactions nerveuses et tremblements pâmés. Déjà on ne peut plus feindre d’ignorer ce que l’on sait: on sait qu’ils savent qu’on sait ce qui les tend. L’obscène- à la lettre- est hors de vue. La performance se concentre dans cette connivence. Avec des sensations sans sensationnalisme: le public est bon enfant, quelques rires réprimés. C’est joyeux et libérateur. Le spectacle pourrait tout autant se refermer sur cette première partie, homogène et bien maîtrisée, symptômes en pleine lumière et causes occultées.

     

    Puis les robes tombent, et les enjeux se déplacent.

    On savait: maintenant on voit. Constat immédiat : ils sont mignons, pas scandaleux. On consacre un instant à apprécier l’audace de la démarche: aucune raison que la danse s'interdise de telles explorations. L’instant suivant on admet que montrer c’est dédramatiser. Voire desérotiser. Par cette simple démonstration le projet se justifie. La suite, c’est de la danse. Sous contrainte: les deux danseurs s’efforcent de conserver inchangée leur relation avec les objets, quitte à ce que l’équilibrisme fasse passer au second plan l'expression du plaisir. C’est une danse honnête, à tous points de vues, d’une poésie fraîche. Qui n'ouvre pas sur de grandes révélations, chacun jugera selon ses attentes. Ils sont beaux et fragiles, généreux et drôles, des statues nues dans un jardin d’hiver, avec quelque chose en plus.

    Mais après Pâquerette, que peuvent ils bien faire ? Sans doute tout autre chose…

     

    C'était Pâquerette, de et avec Cecilia Bengolea et François Chaignaud, dans le cadre du festival innacoutumés à la Ménagerie de Verre.

     

    A lire: le Tadorne, et bientôt Images de danse.

    Et un point de vue moraliste, dans Le Monde.

     

    Guy

     

    photo par Alain Monot, avec l'aimable autorisation de la Ménagerie de Verre.

     

    Paquerette fleurit au Dansoir mercredi 4 fevrier, et à Ardanthé le vendredi 20 fevrier

  • Deux mythes, une metamorphose

    danse,point ephemere,yasmine hugonnet,theatre de l'etoile du nord

    Elle trône femme, souveraine, ample et triomphante, tous volumes libérés. L’enfant est annoncé, mais non nommé, et le père absent. L’enfant encore n’est pas séparé mais pèse comme une partie d’elle. Il n’y a là à voir qu’un être, la future mère en ce paroxysme, sa force dédoublée par la présence en germe. Elle ne s'appartient plus entière, tout lui revient. Elle danse, d’ivresse, rend plus dense l’espace autour d’elle par ce trop-plein d’existence. La chorégraphe restitue par film ces images d’elle qui témoignent d’un moment si particulier. Je suis surpris et saisi de voir le thème si fort de la maternité abordé dans un processus artistique- et Katalin Patkaï l’évoquera à son tour quelques semaines plus tard. Je crois ce soir revoir des images d’une déesse de la fertilité, de la Venus de Willendorf, ressuscitée après des millénaires où l’image pourtant ommniprésente dans la vie quotidienne de la femme enceinte me semble disparaitre, à quelques exceptions près, de l’art occidental (la grossesse de Vierge semble si abstraite en peinture, sous la pudeur de ses drapés).

    danse,point ephemere,yasmine hugonnet,theatre de l'etoile du nord

     

    Mais c’est un faune, ou une nymphe, qui ensuite apparait en chair et en os. La même artiste pourtant, mais métamorphosée pour, à mes yeux, incarner un autre mythe, de l’antiquité, de la renaissance, de la danse. Le corps léger juste vêtu des mêmes fleurs, ici semblant adolescent, d’une finesse presque androgyne. Couverte de vert, première, se laissant traverser d’émotions élémentaires, je la vois comme une partie d’une nature ici immatérielle. Je pourrais entendre couler un ruisseau. Elle joue à la grenouille qui rêve. Ses bras font se balancer les saisons. Son équilibre est précaire.  Elle tire la langue, moqueuse et impassible, ignorante du péché, nargue les hommes et les dieux. Puis c’est l’hiver et elle tremble. Elle prend des poses statutaire, sa lenteur la sculpte. Dans la liberté d’une recherche toujours en cours, le sens de sa danse se laisse devenir un vaisseau des mythes.

    C'était, de Yasmine Hugonnet, le rituel des fausses fleurs (vu à Point Ephémère) et Fécond (vu à l'Etoile du Nord dans le cadre d'Open space et revu à Point Ephémère).

    Guy

    Photo 1 (droits réservés) avec l'aimable autorisation de l'Etoile du nord, photo 2 de Michael Nick avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Métamorphoses

    Merci à François Pluntz pour ce texte:

    Tout en présentant pour la première fois une pièce en duo, avec Alessia Pinto, Sofia Fitas poursuit le chemin entamé dans ses œuvres précédentes, avec constance, cohérence et une profonde intégrité.

    Dès les premiers instants d’Experimento 4, je retrouve les éléments de son langage chorégraphique aperçus dans la pièce Que Ser ? Corps sans tête, emballés dans des vêtements sombres, figés dans leur obscure verticalité forestière. Timides rayons de lumière, vecteurs de mon regard ainsi aimanté en direction des mains et des doigts que l’imagination ne tarde pas à voir aussi bien en excroissances morbides et monstrueuses qu’en protubérances végétales ou coralliennes. Le corps ne se dévoile pas. La seule chair humaine offerte au regard est celle de ces quatre mains, qui soudain surgissent du noir dans un éclair incertain ou apparaissent au détour d’une épaule ou d’une hanche dans un mouvement aussi lent que celui d’un soleil levant. Chez Sofia, le visage n’existe pas, comme pour interroger une autre façon d’être homme ou femme, sans celui-ci.

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    Peu à peu les deux troncs humains, plantés à une distance respectable l’un de l’autre, abandonnent leur rigidité immobile ;  ça s’électrise, ça ondule, ça spasme. Sons épileptiques en accord. L’énergie sort de ces monolithes en saccades. Et ça se calme.

     Se produit alors ce que je n’avais pas vu dans les pièces précédentes de Sofia : le déplacement. Rien d’aérien néanmoins: écrasées par le poids de la gravité, les deux créatures devenues insectoïdes, rampent et se translatent avec lenteur vers leur point d’intersection. Elles se rejoignent, s’accouplent, fusionnent et donnent naissance à une nouvelle créature qui se fige, statique. Elles finissent pas se détacher l’une de l’autre pour repartir seules vers leur point d’origine, en ondulations reptiliennes.

    L’accompagnement sonore introduit les bruits de la mer et de ses vagues infinies (Mar Português ?) ou les sourds grondements telluriques d’un volcan en germe. Il renforce la puissance poétique de la pièce qui me laisse face au sentiment d’assister à la naissance du monde. Je remonte l’échelle du temps, là où terre et eau n’ont pas encore bien choisi leur territoires respectifs ; là où apparaît la vie et là où elle se transforme peu à peu, source de toutes les métamorphoses possibles, là où le minéral, le végétal, l’animal se mêlent encore dans un magma indistinct et provisoire, d’où un jour émergera l’humain.

     Dans une absence totale de procédés spectaculaires et aguicheurs, Experimento 4 nous transporte dans le monde des origines et nous met face au devenir incertain d’un vivant en transformation permanente. Les procédés employés plutôt minimalistes forcent à l’attention: la force d’évocation de la pièce n’en est que plus remarquable.

    François

    Experimento 4 – version courte, de Sofia Fitas, interprétation Sofia Fitas et Alessia Pinto, vu le 22 mars 2016 au théâtre le Colombier de Bagnolet, dans le cadre du festival Les Incandescences

    Photo de Ségolène Gessa avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Reflexions à propos de l'art de Maki Watanabe

    Je suis spectateur attentif du travail de Maki Watanabe depuis bientôt 10 ans. Sans m'en lasser. Où ce travail nous mène-t-il? Je sais au moins, j'en suis persuadé, que ce travail gagne toujours en intensité. Quelle œuvre ce travail construit-il? Pour elle la danseuse sur le chemin de son art, pour moi le spectateur dans mes perceptions et dans ma compréhension, sachant que chacune de ses performance est improvisée, et présente autant de résistance à l'analyse qu'elle suscite l'émotion? L'improvisation ne ramène pas t-elle chaque fois tout à zéro? L'expérience, dans le sens d’expérimentation, est-elle compatible avec l'expérience dans le sens de savoir accumulé? Dans le travail de Maki, la simplicité des moyens engagés est évidente. Avant tout le corps en jeu, souvent en l'absence de lumières, de son, de paroles, de scénographie, de scénario. Le corps prêt à se meurtrir s'enlaidir, s'exposer nu, se mettre en danger. En des performances décivilisées, que l'on considérerait comme instinctives. Ce que je comprends du buto, j'en parle puisque Maki Watanabe revendique comme maitre Kazuo Ohno, ce que j'en ressens, c'est un rapport entre visible et invisible. Une capacité de mettre à à jour ce qui est caché, réprimé, de fortes et douloureuses vérités.

    Ici l'intensité vient de ce que l'éphémère de la performance est portée à son plus haut point sensible, à un point de perfection, en un don sans retenue à l'ici et à l'instant. Chaque performance cristallise cette rencontre unique entre l'artiste et le lieu. Chaque lieu est différent, ainsi chaque performance. Hier, au 6B, Maki Watanabe s'immerge dans le canal saint Denis, semble prête à s'y noyer. Surement pas une provocation, mais une évidence, une nécessité dictée par le territoire, le paysage. La dimension spectaculaire, voire déstabilisante de cet acte est évidente. Quel sens y prêter? On peut relier ce que l'on a vu hier aux images d'une actualité tragique. Je vois dans cette performance une mise en évidence de la situation de l’irréductible étranger, de l'autre vis à vis du territoire, vis à vis du monde, de ses efforts répétés pour s'y intégrer, s'y fondre.

    Comment l’œuvre de Maki Watanabe d'une performance à l'autre se construit-elle? Peut-être dans cette confrontation entre le corps et le lieu qui se répète d'une manière de plus en plus expérimentée dans de nouveaux territoires.

    Guy

     

  • Sacre d'hiver

    Où Camille Mutel se dirige-t-elle? Je ne sais, mais d'évidence elle poursuit avec Animaux de béance un virage artistique entamé avec Go Go said the bird- pièce présentée elle aussi à faits d'hiver, il y a 2 ans. Après des années de soli, passage aux trio- et cette fois-ci la chorégraphe s'affirme comme telle en s'abstrayant de la scène. Surgissement de la voix, avec un chant spectaculaire. Renoncement de cette l'obscurité sculptée où s'installait le trouble et l'onirisme pour exposer la scène de pleines lumières en aplats. Abandon de cette exploration obstinée de la nudité qui tend vers le point absolu de l'érotisme, jusqu'à l'épure, pour oser... une autre ambition. Non sans logique dans ce parcours artistique: ici un rite. Inspiré de la danse de l'argia de Sardaigne, aux vertus curatives, nous est -il expliqué dans la feuille de salle. Mais quel sens, ici, maintenant y trouver? Le parallèle est évident entre les cérémonies traditionnelles, et le fait, aujourd'hui, de représenter un spectacle. Mais cela ne me dit pas quelle est la fonction de la proposition de ce soir. De quoi peut-elle nous guérir? Puisque mon jeu est d'écrire, je ne peux me contenter de l'énumération des images fortes, mais dispersées, que la soirée a laissée dans ma mémoire. Quel est le fil rouge, à l'instar de celui qu'on voit sur scène? Je cherche. Mais sur scène il y a profusion. D'accessoires, de signes, d'actions. Elles étonnent et s'agencent en une belle synchronisation qui m'emporte mais dans le même temps m'égarent. Les personnages se transforment entre costumes et nudité, travestissement, entre le visage et le masque. Les esthétiques se télescopent du Japon à l'Italie, en passant par un déjeuner sur l'herbe. La lente solennité du propos, jusqu'à une cérémonie du saké, est désamorcée par un humour glacé avec samouraï en tricot et mouvements de pom pom girl. Le calme de la scène, régulé par des rythmes de percussions, est déchiré par les stridences du chant. Alors, j'en reviens au point de départ, trop évident: que se jouent ici en crises des transformations d'identités, et les actions du groupe pour les accompagner. Avec le paradoxe que peut-être la lisibilité de ces entreprises ferait obstacle à leur efficacité, empêcherait le social de venir au secours de l'intime.

     

    Camille Mutel, faits d'hiver, danse

    Les animaux de béance de Camille Mutel, vu le 25 février à Micadanses dans le cadre de Faits d'hiver

    Guy

    Photo de Paolo Porto avec l'aimable autorisation de faits d'hiver

     

  • Lisbeth, Hermione et Winifred sont dans un bateau...

    Ces trois filles là font toutes jeunes encore, mais elles ont déjà tout des grandes, et le quatrième -le jardinier- essaie brievement de danser Buto, un très bon point; on pourra tout lui pardonner ensuite. C'est au final sans reproche et sincère, juste encore un peu trop d'impatience medium_flyerlisbeth.jpgpeut-être, péché vertueux, l'envie de tout dire tout de suite, et fort, il manque juste encore un peu de silence ici et là.

    Pourtant qui va les voir chaque soir, pas loin derrière la place du Colonel Fabien? Qui va donc les voir, quand ce n'est pas l'anniversaire du technicien lumière? Les passants? C'est bien Winifred qui hier dans la rue nous a abordé pour venir voir le spectacle, trop tard on avait déjà réservé, attiré par le titre peut-être- " Lisbeth est completement pétée" -et par les yeux sur l'affiche aussi. 

    Quoiqu'il en soit, on entre et on écoute le texte d'Armando Llamas (1950-2003), une écriture excessive, violente, innocemment provocatrice, et l'on pense à Copi,en plus adulte -pourquoi? Les mêmes origines argentines? Une proximité partagée avec la mort en tout cas, qui ronge un monde gagné par une entropie croissante, ivre d'un trop plein de biens matériels et de références culturelles. Ici plus contemporaines que seventies. Mais la chanson reste la même.

    Guy

     

  • Claude Parle /Jean Pierre Robert: cordes, bois, lames, archet, maillet,etc...

    La musique contemporaine se prend-t -elle au sérieux? Ou a-t-elle pour objet de dynamiter les scléroses de la tradition, e96be098fb08736ac3d41d862a5f5458.jpgperruques, harmonies codifiées et noeuds papillon?

    La question tourne un peu autour de cela avant de s'en échapper vite incontrôlée par toutes les issues possibles. Tout est permis jusqu'à un certain point, c'est une jubilation de voir Jean Pierre Robert, qui a la virtuosité narquoise, frapper à coup de maillet les cordes de sa contrebasse tout en suivant scrupuleusement sa partition de Ferneyhough.

    Autant que de se concentrer sur la musique, on est fasciné de suivre les mouvements des64bd48812397d185718f9047ba580959.jpgmains, qui attaquent l'instrument par tous les angles possibles, histoire d'en sortir quelque chose d'inédit et d'abord percussif, coups de paume contre le bois, qui vont chercher des résonances inédites au plus près du chevalet. Le fait est que, de Giacinto Scelsi à Jacob Druckman, le résultat sonne inattendu, entêtant, urticant, réjouissant, abrasif. Mais sonne "juste" à chaque fois. Absolument libre en tout cas. Tout en restant très contrôlé, on s'en rend compte à postériori quand Claude Parle à l'accordéon vient taquiner le contrebassiste pour une improvisation partagée. Le jazz en prend un sérieux coup de vieux. 

    Pour nous laisser quand même avec une angoissante question. Comme pour le sexe, aprés avoir tout essayé, que reste-t-il?

    C'était Jean Pierre Robert, avec Claude Parleà la fond'action Boris Vian, invités par Moeno Wakamatsu dans le cadre du cycle Obscurité de Verre.  

  • Moeno Wakamatsu, Gyohei Zatsu - chronique d'une rencontre annoncée

    Est-ce bien un ange, blanc de lumière, qui yeux clos rêve? Un ange blafard et torse osseux à se briser, qui déploie lentement des bras aux manches telles des ailes démesurées puis qui se replient en dedans?

     

    Dés cette apparition s'installe une tension souffle coupé pour ne plus se relâcher, en un équilibre douloureux dans chaque mouvement appuyé sur la pointe des pieds. Tout au long du parcours accidenté, le temps se distend comme le corps de Moeno, jusqu’à l’immersion finale dans le vin. Absolu don ou abandon.

    Rien de faux, rien de vulgaire, rien de déplacé, rien d’inutile, rien d’insignifiant.

    On se souvient de Yumi Fujitanidans Kao, explosant en violentes éruptions. Ici tout reste retenu, intense et intérieur, au bord de la rupture, pour nous tenir en suspend.

     

    Difficile, après cette Annonciation, de reconstituer des réserves de concentration pour communier medium_002.jpgavec le danseur Gyohei Zaitsu, qui nous dit -"Il y a de l'amour". Ancré dans la tradition, campé au sol, mime triste et abstrait, d’une humanité travestie, pour une danse grotesque et tragique qui refuse toute facilité.

     

    Deux jeunes artistes pourtant d’une grave maturité, qui distance de très loin l’énergie encore brouillonne d’ In Between.

    C’était bien sur à l 'Espace Bertin Poiré.

    Et ce soir encore, pour le festival qui s'enchaîne jusqu’à la fin du mois.

     

    Guy

     

    P.S. Il semble qu' on reverra Gyohei Zaitsu, ainsi que Maki Watanabe et d'autres dans une création de Karry Kamal Karry au Café de la Danse les 29 et 30 juin