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Five days in March: ma voisine et Okada

La salle est comble pour Okada, avec la présence d'une importante minorité asiatique. Japonaise, on présume. Ce qui n'est pas le cas de ma voisine de gauche, elle plutôt gênée par le phrasé japonais surtitré.

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Pas tant par le fait que la pièce soit jouée dans une langue étrangère- ma voisine, très parisienne, a l'habitude- mais par quelque chose d'indéterminé qui revient toujours dans la musique et le rythme des monologues, et dialogues. Une scansion courte, régulière, sans que ma voisine puisse apprécier ce qui dans ce ton serait ou non affecté, par rapport aux normes d'une discussion japonaise. Ma voisine cherche des correspondances dans les mots répétés en sur-titres, échoue. Alors comment voient-ils, entendent-ils cette pièce, les japonais autour de nous? On pourrait supposer qu'ils vivent en ce moment les mêmes sensations que nous-mêmes, quand ici-même nous regardions Le début de l'A. (de Pascal Rambert, le directeur du théâtre de Gennevilliers). Quand nous regardions la version française, pas l'adaptation japonaise surtitrée. Dans la mesure où la mise en scène partage le même parti pris de minimalisme. Mais l'analogie a ses limites: dans Le début de l'A. le jeu était retenu, milimétré, mais tout de même incarné. Ce soir les acteurs rentrent sur scéne sans jouer, puis racontent qu'ils racontent. Et ils bougent. Je repense à un autre voisin- ce soir absent- mais quelques mois avant séduit par le langage de leurs gestes. Cette gestuelle des acteurs est déconnectée du récit. Les mouvements hésitent, en déséquilibre, ânonnent, se repêtent. Avant- arrière. Debout-assis. Devant-derrière. Je comprends l'intention, je ne saisis pas le sens. C'est à dire que je conçois qu'il y ait là une manière d'envisager différement les rapports entre corps et texte, mais je ne ressens aucune des correspondances qui pourraient être initiées. Ma voisine de gauche en est presque oppressée, ressent ces mouvements comme étriqués, à l'échèlle de l'espace confiné de la chambre de Love Hotel dont il est question dans le récit.

Fives Days 2 par Naoki Onjo.jpg

A l'entracte ma voisine de gauche- quand j'écris "ma voisine de gauche", c'est un raccourci: il faut comprendre "la voisine qui est assise à ma gauche", sans aucune implication politique- lit le programme: Okada raconte qu'il a assisté, le jour de l'offensive de la coalition contre l'Irak, à un concert, comme le font les personnages de la pièce. Mais l'auteur écrit que la suite est fictive, dés le moment où la fille et le garçon qui se sont rencontré au concert s'enferment tous deux pour cinq jours dans un love hotel. Ma voisine, pragmatique, suppose que l'écriture de la pièce à quelque chose à voir avec la frustration de l'auteur qui est donc rentré seul du concert. Bien vu. La frustration est un puissant moteur de création. 

La pièce reprend. Avec les mots la même musique. Avec les mêmes balancements. Quelques instants d'assoupissement. Ma voisine veille...............................................Reveil. On reprend. Pour être honnête, il y a plus ici que l'histoire d'un couple qui se fait plaisir durant cinq jours en mars dans la chambre d'un love hotel. On saisit vite l'opposition montrée entre le vécu hédoniste d'une génération, et les échos de l'histoire, la guerre vue à la télévision, croisée par hasard lors d'une manifestation. La dilution du collectif dans l'individuel. Le constat est juste, et franchement déprimant. Toshiki Okada est-il le David Bobée japonais? On comprend vite le principe du récit, on en revient insensiblement à surtout en observer la forme. On s'y fait. Des répétitions qui bercent, les acteurs vont et viennent pour raconter, des points de vue variés sur les mêmes évènements. Mais on reste trés loin de Pirandello, même adapté en Rashomon. A force d'être médiocres, les personnages en deviennent attachants, et à leur exemple on oublie la guerre au dehors. L'évocation des chambres sans fenêtres du Love hotel influe sur notre perception du temps, nocturne et dilué. Dans toute la salle il y a un seul spectateur, qui rit tout au long. Il est absolument le seul à rire, il n'est pas asiatique et c'est mon voisin de droite. Ma voisine de gauche ne rit pas, elle rumine sa prochaine attaque. Prend note de la désinvolture très étudiée des lumières. D'une simplicité affectée, à l'image de tout le reste. Nous sortons, pensifs, et prenons quelques minutes et quelques discussion pour arrêter notre jugement. "Prétentieux" dit-elle. Le couperet est tombé.

C'était Five Days In March de Toshiki Okada au Théatre de Gennevilliers.

Guy

photos par Naoki Onjo avec l'aimable autorisation du Théatre de Gennevilliers

Commentaires

  • Il y a dans cet article quelque chose qui ne me plaît pas. Le contenu pourrait s'entendre (quoique); mais c'est la musique du texte qui me dérange, un ton au dessus, presque hautain. Genre public parisien qui ne se laisse pas surprendre. Je sais, cela paraît caricatural...Et pourtant, à Bruxelles, en mai 2007, le public avait fait un triomphe à ce spectacle.
    Il n'y a ni voisin de gauche, ni de droite (après tout, on peut leur faire dire ce que l'on veut) mais toi, Guy. Tu n'arrêtes pas de tourner autour, jusqu'à faire référence à Rambert, à Bobée, ...Tu te sens obligé de plaquer des références alors que le travail d'Okada se suffit pour le critiquer.
    Non, vraiment, je n'aime pas cet article qui prend de haut ce jeune artiste qui aurait mérité qu'on considère son travail pour ce qu'il est et non d'aller chercher ailleurs ce qui se joue, là, dans l'ici et maintenant.
    Nous n'avons pas fini d'entendre parler d'Okada. Paris sera passé à côté.

  • Ce n'est pas que je le prenne de haut. Plutôt de loin. A voir ce qui est à coté.

  • Je ne vois pas comment prendre de "haut" ce qui semble être naturellement disposé de gauche à droite et réciproquement ! ! C'est un très bel article sur les relations de voisinage ... topologique ! ! (ah ah ! )
    Mais ...j'y pense soudain ! .... Oka en japonais = colline non ?
    C'est bien à prendre de haut, en bas .... (da ! )
    Rillons (de lyon) un peu mes frères ! ! ....

  • Je me moque des voisins (si vous connaissiez les miens...) et de vos jeux de mots. Je repense à ce beau travail qui ne trouve pas d'écho en France; Paris étant plus attiré par la danse porno-cul-cul de François Chaignaud et Cecile Bengolea.
    Paris croule sous l'offre culturelle mais peine à créer le mouvement, l'événement. Bruxelles peut continuer à nous étonner, Berlin à fouiner...

  • Pour être plus explicite… :
    au contraire les voisins m’intéressent : je n’ai pas renoncé à rendre la parole aux spectateurs! Surtout lorsque j’espère qu’ils peuvent m’aider à saisir quelque chose dont je doute.
    Quant aux références, elles me sont de même venues à l’esprit surtout pour essayer de comprendre pourquoi je restais à distance du travail d’Okada. Pourquoi, malgré beaucoup de similitudes (nudité du plateau, dépouillement du jeu,…), le travail de Rambert m’avait beaucoup plus touché. Cette comparaison m’a conduit sur une piste: une utilisation de la gestuelle beaucoup plus pertinente chez Rambert que chez Okada. La barrière de la langue ? J’attends toujours un avis japonais !
    En revanche, je trouve le rapport entre Okada et Paquerette un peu tiré par les cheveux…

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