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  • On vote à Bertin Poirée

    Tous les ans en mars, on vote à Bertin Poirée. On dépose son bulletin dans l'urne aprés avoir pris son temps pour à regret cocher trois cases pour sept performances. Le taux de participation est de 100 %. La plupart des candidats nous sont jusqu'alors inconnus, ne nous font aucune promesse, plutôt offent déja tout, généreusement. Les applaudissements permettent de dégager des premières tendances, avec plus de fiabilité que des enquêtes d'opinion.

    Chacun a dix minutes pour convaincre. On ne tombe pas amoureux à tous les coups, mais dans l'exécution de cet exercice rigoureux personne ne démérite vraiment. Ni Marisa, nymphe rousse et lactée qui tourne aux sons d'une harpe plutôt new age, ni Sobue Yko qui pourtant n'est pas Moeno. Suprennent plus Volantin, qui juste commence à évoquer un voyage halluciné, nage en slip, se rhabille, mais surement manque de temps. Aussi Miki, qui sans temps mort laisse glisser un duo homme et balle raffraichissant de légerté.

    Tranchant, troublant, refléchi, d'actualité brûlante: le solo de Laurence Pages, qui danse les luttes. Et nous dresse l'inventaire des postures protestataires et politiques. Working class hero en T-shirt et baskett, corps tendu et éprouvé, en déchirements et tension, évoque l'imaginaire social à jusqu'à se se souvenir du Metropolis de Fritz Lang. Aussi grave et troublant, le Collectif des yeux. C'est un duo qui claque en noir, sec et méchant. Deux sombres personnages inspirés de Bekett qui progressent en symétrie vindicative, se rencontrent pour des affrontements cinglants. Belle surprise: c'est bien le discret Takashi Ueno, revenu de Fresque, qui clôt la soirée. On s'attend à des sauts de chat, de la virtuosité, et l'on voit l'inverse: scénarisée, une pièce très personnelle. Qui prend le risque du masque, le risque d'une danse panique, se tourne moins vers l'Asie que vers l'Afrique, instille l'inquiétude de l'indifférentiée...

    C'était la soirée d'ouverture de Danse Box- Version Clip, à l'espace culturel Bertin Poirée, avec Miki, Le Collectif des yeux, Volantan, Takashi Ueno, Marisa, Sobue Yoko et Laurence Pages.

    Guy

  • Le chorégraphe et l'interprête: je t'aime moi non plus!

    Interprètes ou chorégraphes: tous les invités-débatteurs se sont trouvés dans l'une ou l'autre de ces deux positions (ou s'y trouveront). Aujourd'hui pour juger de la relation qui lie ce couple, ils sont donc parties et parties. Et passent d'un point de vu à l'autre, avec agilité. Les discussions tournent un temps autour du sujet... mais vite appuient sur ce qui pose problème plutôt sur ce qui serait motif de satisfaction...

    Des composantes ou des déclinaisons de cette relation on évoque donc bientôt ce qui est violence plutôt que ce qui est amour. Ou l'on suggère que l'un n'irait pas sans l'autre! Le débat est dés lors impossible et passionnant, nourri avec un peu de gêne et un certain courage de la part des intervenants, comme on se décide à évoquer des secrets de famille ("Je peux en parler maintenant parcequ'il est mort, mais untel nous jetait des chaises à la figure"). Les non-dits pesent autant que les aveux et les réflexions. Certains, parlant en interprètes, avouent leur désir de soumission, le besoin de s'abandonner. A l'inverse, Olivia Grandville se satisfait qu'avec le temps l'on reconnaisse de plus en plus la part de création qu'apporte le danseur. Reconnaît que la liaison reste toujours dangereuse, sans objet interposé entre les deux partenaires, tel le texte pour l'acteur, la partition pour le musicien. Cette liaison ne peut s'affranchir de la séduction, jusqu'à l'explicite entre sexes opposés ou inclinaisons compatibles....Jusqu'où? Quelqu'un rappelle bien à propos une évidence: cette relation de travail si particulière porte sur le corps et sur l'esprit de l'interprête, l'exige donc entier. Olivier Dubois, Gael Depauw, racontent les exigences du travail avec Jan Fabre, l'engagement exigé, mais pour affirmer avoir consenti à tout et ne rien regretter. Assurent en avoir retiré un grand enrichissement, en étant contraint de repousser leurs limites. Sans remettre en cause leur sincérité, doit on les croire objectifs? N'idéalisent-ils pas l'expérience? Gael Depauw revendique, positivement, d'avoir été "traumatisée". Kataline Patkai, elle aussi, assume tout en tant qu'interprête. En tant que chorégraphe, fait son autocritique, regrette ne pas avoir su exiger assez de ses interpretes en certaines circonstances... ou en avoir trop demandé à d'autres occasions, mais sans en avoir eu l'intention!

    Echange aprés échange se dévoile un implicite majoritairement partagé. Qu'il ne peut y avoir de création artistique sans dépassement. Derrière cette assertion se profile une autre, plus contreversée: ce dépassement ne saurait être obtenu sans une dose de contrainte et de violence. J'en doute, mais ma propre expérience de témoin  est bien limitée. On en vient à avancer, un degré au dessus, que la création, trangressive par essence, devrait donc s'affranchir des règles du droit commun pour trouver les moyens de sa réalisation... Un autre débat à venir?

    C'était le débat Chorégraphe - interprète : une relation particulière. (Comment se module la relation entre le chorégraphe et l’interprète ? Jusqu’où le chorégraphe peut-il pousser l’interprète, physiquement et psychiquement ? Qu’en pense l’interprète? )  avec les danseurs et chorégraphes Olivier Dubois, Olivia Grandville (les Carnets Bagouet…), Thierry Malandain(CCN/Ballet de Biarritz), Kataline Patkaï, sans Loïc Touzé (excusé) et avec la performeuse Gaël Depauw, précédé par la projection de Véronique Doisneau de Jérôme Bel et Pierre Dupouey. Dans le cadre des rendez-vous du Dansoir Karine Saporta, animés par Sabrina Weldman.

    Guy

    Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L 1152-1).

  • Ouramdane/Rambert: vers l'identité.

    Solo, soli: deux propositions où fusionnent les expressions du théâtre et de la danse, entre autres. Mais d'un exercice à l'autre l'efficacité fluctue. 

    De mes propres mains Cybille Walter.jpg

    De la vision De mes propres mains le strict texte tend à s'estomper, même peine à exister. Manque-il de force, en deçà de l'évidence des mots du Début de l'A  ? Le texte est repoussé en périphérie du jeu, de la voix, des lumières, qui pour leur part captivent ensemble d'une main ferme. Nous tiennent, du récitatif ambulant et aveugle du début, au troublant dévoilement hermaphrodite du milieu, jusqu'au chant doux amer de la ballade qui clot. Mais on peine à retenir, en narration, de quoi il était question. Si le méta projet est de prouver qu'un texte créé il y a 15 ans pour un comédien homme pouvait se prêter à une autre identité sexuelle, voire rester d'un genre indifférencié, la demonstration est vite faite, et laisse en suspend. Le sujet en tant que texte même s'en retrouve plutôt sacrifié.

    Loin - Patrick Imbert.jpg

    A l'inverse, le sujet de Loin..., de Rachid Ouramdane s'impose d'emblée. Essentiel et émouvant: la quête par l'interprète de son identité. Individuelle, familiale, collective, historique... Pour remplir les vides lancinants, tous les moyens sont bons ici, et jamais faux. En vidéo, Les images de pays d'aujourd'hui laissent deviner en flou les images des origines. Quant les images ont disparus, sont recueillis les témoignages des témoins survivants, en un français hésitant, pudique. Leurs souvenirs blessés, broyés par les enjeux politiques. Toujours restent des espaces béants, dans les angles morts de l'histoire sacrifiée, en Algérie, en Indochine. Quant il le faut, masqué, démasqué, Ouramdane tente de combler ces absences d'un monologue inquiet. Quand les mots font défaut, danse et gestes prennent le relais, révoltés mais et s'apaisent peu à peu, s'ouvrent sur des dimensions plus personnelles. Quand la mémoire individuelle s'épuise, les souvenirs survivent collectifs restitués par une omniprésente musique. Avec les Stranglers, Ouramdane recherche les héros disparus. Quand le monde mute, le théâtre comble en profondeurs nos amnésies, nous permet de nous reconstruire.

    C'était De mes propres mains/solo de Pascal Rambert avec Kate Moran, et Loin... de Rachid Ouramdane. Au théatre2genevilliers. Portrait/Portrait continue jusqu'au 22 mars, avec Les morts pudiques et Un Garçon debout.

    Guy

    Photos de Cybille Walter (De mes propres mains) et de Patrick Imbert (Loin...) avec l'aimable autorisation du théatre2genevilliers

     

  • Inusable Antigone

    Sophocle parle à 2 500 années de nous. D'un monde qui n'est plus, mais dont les tourments pourtant nous troublent, encore. Donc, est-on sensé jouer et voir jouer son Antigone comme de l'ancien ou du moderne? C'est un dilemme-piège: On doit surtout jouer Antigone tout court. Pourquoi pas de la manière dont Réné Loyon la met en scène: sobre et in extenso, sans coupes, ni facilités, ni gadgets. Scénographie minimale, costumes sobres, lumières concentrées. Denudée de repères temporels. De ce traitement la pièce ressort affutée, d'une beauté un peu séche. Qui s'impose à nous peu à peu, le temps que l'écoute se fasse à ces partis-pris. Des esprits routiniers pourront s'offusquer de la traduction vigoureuse et leste de Florence Dupont. Contresens. Le pire des anachronismes consisterait à faire parler Sophocle en français du XIX°. Quitte ne pas jouer Antigone en grec ancien comme devant des spectateurs d'époque ressucités, autant utiliser des mots contemporains et directs. Qui nous interpellent aujourd'hui, mais aussi d'une certaine manière comme si nous étions des contemporains de Sophocle. C'est que les acteurs jouent en proximité, le choeur nous prend à témoin, avec familiarité, s'adresse à nous en qualité de citoyens de Thèbes. Nous appelle à prendre position. Mais ce théatre, de quelle manière peut-on d'aujourd'hui l'écouter et le comprendre?

     

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    (Pour ceux qui ne seraient pas allés au théatre depuis 500 avant JC, il faut resumer l'intrigue: Créon, nouveau Roi de Thèbe, interdit qu'une sépulture soit donné à son neveu et traitre à la cité, Polynice. Ceci pour des motifs moraux et politiques mais à l'encontre de toutes les règles et traditions sacrées. Antigone, soeur de Polynice, désobeit, et accomplit les rites funéraires pour son frère. Créon condamne Antigone à mort, contre tous les avis persiste dans sa décision. Son obstination entraîne les évenements les plus funestes...)

    On peut donc écouter la pièce comme elle n'a pas été écrite, selon notre sensibilité contemporaine: comme un éloge de la révolte et de l'insoumission. Contre un ordre politique jugé arbitraire. Le monde est désacralisé, la légimité contestée, c'est morale contre morale désormais, Antigone se sacrifie pour une cause. On peut sinon considérer la pièce en puriste: ne reconnaitre que l'hubris de Créon, qui entend placer son propre jugement dessus des lois divines, qui rompt ainsi un ordre immuable, ouvre grandes les digues de la violence et des calamités- Malgré de dérisoires précautions: laisser Antigone mourir de faim plutôt que de la tuer, afin de ne pas être contaminé par le meutre. Et puis on peut ne pas choisir, et jouir de toutes les significations imbriquées. Ce théatre fondateur introduit sur la scène le dilemme moral, et ses affrontements en arguments et émotions. Le procédé donnera matière à des siècles de théatre dramatique. Et on peut regarder les personnages vivre dans leurs excès, douter et souffrir au delà de leurs principes. Tous, du roi au garde, sont vivants, Antigone et Créon dos à dos dans la folie, les autres entrainés dans la destruction, l'intensité du jeu confère à tous de la psychologie et de la profondeur. On peut prendre et comprendre cette  Antigone comme l'on veut, ce n'est pas la moindre des qualités de cette mise en scène.

    C'était Antigone de Sophocle, traduit par Florence Dupont, mis en scène par René Loyon avec Jacques Brucher, Marie Delmarès, Yedwart Ingey, René Loyon, Adrien Popineau, Claire Puygrenier. Au théatre de l'Atalante. Jusqu'au 31 mars.

    Guy

    photos de Laurencine Lot avec l'aimable autorisation de Marie Delmares

  • Cecile Saint Paul: tout est ailleurs

    Tout survient ailleurs, décentré. Dans notre angle mort. D'abord les personnages présentés de dos à ne pas regarder un film, qui d'ailleurs n'est pas projeté- juste des inter-titres elliptiques- à écouter une bande son évocatrice. De quoi déja nous faire savourer notre frustration. 

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    Les interprètes cherchent leur place, se bousculent un peu, comme par accidents, glissent sur leur chaises, décalés. Un récit au micro s'embrouille avec une inintelligibilité travaillée. Des pas de danse se posent à l'unisson, sur des musiques désuettes, semblent echappés d'ailleurs. Les images paressent, se bloquent, se dissolvent. Des blancs surviennent, des poses, d'une jubilation sidérée. Du presque rien, ce qui fait déja beaucoup, pour sans relache nous ramener à l'ironique question de quoi regarder... Des entrées, des sorties? Vers deux écrans au murs qui montrent ce qui se passe dehors, ou nulle part peut-être, par gags et glissements, ce qui ne s'y passe ou non. Telle la feinte et spectaculaire disparition de l'artiste, on se gardera d'éventer la surprise du comment. A ce moment, on n'avait pas vu le lieu aussi intelligement utilisé, depuis le passage Eléonore Didier. Les personnages apparaissent et disparaissent en video, flottent entrainés dans une danse revée qui évoque le cinema de David Lynch, sur un mode ironique et poétique. C'est une belle leçon d'allusions, d'absurde, de non finalité.

    Un belle leçon C'était Anomalies et Perspectives, de Cecile Saint Paul, présenté en ouverture de résidence à Point Ephémère.

    Guy

    Image avec l'aimable autorisation de Point Ephémère