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  • Voulez vous jouer avec Dora?

    Dora dérange. Idiote et sexuée. En cela libre, confiante. Confiante en les mots, en tous les mots qu'elle croit, trop crus quand elle les repête, ne sachant comment les digérer. Ces mots, Dora les renvoie tels quels aux autres autour d'elle, s'y engageant entière corps et gestes. Ébranlant les hypocrisies de tous. Nature contre culture (second round)? Dora montre ce qu'il est convenable de cacher. Sans le savoir ainsi se conduit comme quand aux spectateurs l'on montre du théatre...

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    Dora est simple. Le "monsieur délicat" en abuse. De cet abus même, Dora jouit, se construit. D'où nait la pire des violences? De cet acte, ou dans la prison de bonnes intentions qu'autour de Dora ses protecteurs construisent? Sur le chemin de la mise en scène qui mène des personnages aux spectateurs, de cette violence l'insupportable nous est atténué. En clin d'oeils et sourires entendus, par un jeu à la fois chaud et léger, remarquable de subtilité. Cette violence est abritée par un humour froid, détourné sur des mannequins, qui prennent les coups en corps muets, mais sa portée n'est éludée en rien. Sans tapage ni facilité, sans tomber dans le piège de la dramatisation, malgré tout ce qui pourrait s'y préter: viol, avortement, médicalisation... L'approche est paradoxale,mais d'une troublante efficacité, jusqu'à susciter un rire blanc. Dora en ange passe, une case en moins. Autour d'elle, les trois acteurs s'échangent les rôles et les costumes, comme si le monde entier à ses yeux était flou. Tous les hommes- père, patron,médecin,amant..- interchangeables et objets égaux de son désir incorrect. Mais tous se defient de ces élans, tous d'une gentillesse presque jamais prise en défaut, d'une implacable tolérance. Laissant à Dora le choix, mais dans les apparences. La condammant à décider ce qu'elle ne peut comprendre. Et ne font pas de Dora une simple victime, ce qui serait trop caricatural. Dans ce jeu de société les bornes sont invisibles, le contrôle mou. Qu'y vaut la liberté, la différence? Encore par éclats, avant d'être castrée, Dora baise et danse, exulte déglinguée. Mais incertaine. La douleur cachée en dedans, qui déborde par instants. Les mannequins autour d'elle évoquent alors des corps morts, et les boites des cercueils. C'est fort, posé, acide, émouvant.

     

    C'était Les Névroses sexuelles de nos Parents  de Lukas Barfuss, mis en scène par Hauke Lanz, avec Frédéric Leidgens, Pierre Maillet, Murielle Martinelli, Laure Wolf. Au Théatre Paris Villette.

    Jusqu'au 14 mars.

    Guy

    Tous les jeudis, à 21H, les internautes interagissent avec le metteur en scène et les comédiens, pour un jeu dramaturgique sur scène et en ligne, sur http://www.lesnevrosessexuellesdenosparents-etvous.fr/ 

    Photos par Fred Khin, avec l'aimable autorisation du théatre Paris Villette

  • Kataline à la ferme

    Ardanthé finit la saison en beautés, en audaces qui nous sourient. En début Sylvain Prunenec a dansé comme on pose un rébus, en un parcours drolatique et accidenté: toréador fou ou danseur de flamenco, cow-boy ou chanteur de blues... C'était court en juste un quart d'heure, mais assez pour annoncer le thême: connivences et jubilation. Et laisser Delgado et Fuchs enchaîner, irrésistibles et pinces sans rire.

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    Plus tard, Yves-Noël Genod raconte. Qu'il est tombé amoureux d'un homme mais que les femmes lui manquent. Ensuite bien d'autres choses. Est ce sa vie ou fiction? On ne sait. Et on renonce vite à se poser la question. Ainsi qu' à catégoriser la chose en danse ou théatre. De même qu'on avait admis voir Y.N.G. arpenter la salle avant le début de la pièce, poser, avec superbe et affabilité. Quant au texte, il est avéré et en version intégrale sur son blog , où il ne détonne en rien avec les autres mots jetés au même endroit depuis des mois ou des années, avec une intarissable régularité. Autant de pièces en devenir? Ce monologue là est joliment désinvolte. Le disant Y.N.G. se balade, deguinguandé et décoloré, avec ce qu'il faut d'hésitation. Offre et force l'acception, en douceur et empathie, avant même de poser le sujet. Séduit en évoquant le poète vierge(1)- Baudelaire- qui allait au bordel sans consommer. Question scénographie, le bordel est plus étudié qu'à première vue. Factice assumé et scène sur tréteaux, neige artificielle comme juste échappée d'une boule de noël, en fond d'écran images de paysages hivernaux, fagots. L'ensemble aussi kitsch qu'une créche de noël, d'un état naturel et révé. Justement, Y.N.G. cite Jean Jacques Rousseau. L'utopie s'installe doucement devant nos yeux-peut-être même tient on là le sujet. Kataline Patkai dialogue en ingénue, apporte des lapins, puis un chat, puis un chevreau. Lui donne le biberon d'une main assurée, et parvient plus ou moins à se faire respecter par ses amis à poils. C'est la douce image de l'harmonie retrouvée. Y.N.G. poursuit sa promenade d'aphorismes de Tolstoi à Pompidou. Fait du name-droping. On lui pardonne. Du début jusqu'à la fin on passe du cop à l'âne, mais en beauté. La belle entourée des petites bêtes se dévet par morceaux: habits de fermière mais sous-vêtements sophistiqués. Puis en tenue de nature: telle Eve rejointe par un Adam pour quelques exercices de paradis terrestre. On y repensera l'heure d'aprés en voyant Cecilia Bengolea et François Chagneau délivrer leur propre version de l'innocence decomplexée. Le pianiste- nu lui aussi- se perd en arpèges, les lumières caressent, Y.N.G. ponctue le tout d'interventions épicées, installe le flou, et une pudeur imprévue. Des moments de rires et d'émerveillements, pas de regrets. L'ensemble a trouvé son tendre équilibre, decousu et sans leçons à donner. Un peu de gravité tempérée par beaucoup de dérision, du dandysme. Une grâce plane, inaccessible à l'analyse. On fond, tout autant qu'Hamlet nous avait crispé. Moralité énoncée au cours d'un déjeuner sur la neige: "L'art c'est la décadence". Voire: tout celà n'aurait il pas été trop gentil (quand le nu ne compte plus)? Il faut bien un peu de vraie provocation: Kataline découpe à cru un civet et quelques spectatrices détournent les yeux. A bas les tabous!

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    C'était C'est pas pour les cochons! de Kataline Patkai et Yves Noël Genod, avec aussi Yvonnick Muller et Pierre Courcelle au piano. Ainsi que Love me, love me, love me de Sylvain Prunenec. Et à nouveau Manteau Long en laine marine... de Delago Fuchs et Paquerette de François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Pour la soirée de cloture d'Artdanthé.

    Guy

    La saison d'Ardanthé n'est pas finie : épilogue avec Boris Charmatz et Médéric Collignon le 5 mars.

    (1) ainsi surnommé par Nadar

    photos de Jérome Delatour, les autres sur le flick'r d'Images de danse.

    lire l'article de Jérome Delatour. et celui de M.C Vernay dans Libération, repris par Y.N.G.

  • Celine Angèle

    Un besoin viscéral de transmettre et partager brûlerait l'acteur. Sur le chemin de théâtre que j'ai emprunté pendant une dizaine d'années, j'ai toujours recherché un théâtre total où le langage puiserait sa vérité dans sa nécessité organique. Le Butô  m'est apparu en 2003, et s'est révélé correspondre à cette recherche, interpellant le spectateur à écouter depuis sa peau et respirer depuis son âme chacune des cellules du corps en scène, il ouvre le chemin vers la catharsis.

    Douze années de pratique de judo m'ont enseigné un engagement intégral du corps, portant en lui sa nécessité, dont le frémissement instinctif lui transmettrait un caractère imprévisible. Je retrouve au butô cette importance d'un corps libre et démultiplié, au service de son combat. Pour toute personne qui désire tendre vers toujours plus d'authenticité et de dépouillement, le butô offre une mise à nu des plus entières: revenir à l'être-corps, l'être organique, l'être sauvage, dépecé de son conditionnement social et de ses habitudes, s'abandonner à la respiration viscérale et tenter de se faire naître. Ne rien vouloir représenter: Devenir. Ne rien chercher à justifier: Etre.

    Cette danse évolue à travers les générations et les peuples qu'elle contamine. Avant de la mettre en scène, l'exigence de construire un corps. Suivre une pratique qui amène vers toujours plus de disponibilité et d'ouverture, où chaque expérience se révèle nourriture essentielle au corps traversé par la danse. Une exploration qui puise sa force dans son origine, son vécu, son souffle primordial et ainsi toucher l'universel. Une démarche honnête et consciente qui tend à embraser les corps, réveiller les consciences, et retrouver son cri, celui qui prend sa source dans la révolte d'un corps né de la terre. Le butô est une danse de la mémoire où la peau danse les sensations qui la traversent, où l'âme se souvient et délivre l'histoire de ses ancêtres, libère leurs voix et leur donne chair.

    J'ai dansé dans la performance « Prières » du groupe de Jean Daniel Fricker, dans les environs de Hampi, en Inde. Elle dura 6 semaines et 4 nuits. Pèlerins de la danse, nous avons vécu dans la naissance de chaque jour, où nous avons reçu du ciel son souffle, de la terre son sang, du vent sa prière. Auprès de Jean Daniel, j'approfondis ma recherche depuis plus de trois années. Nous travaillons à partir d'un corps-matériau, matière, en état d'urgence: n'être plus qu'une surface sensible et chercher à déceler la nécessité de sa danse, le mouvement naît de l'intérieur. A travers un laboratoire d'expériences directes ou de mémoires sensorielles, le corps, en éternelle mutation, s'imprègne de diverses qualités et matières. Traversée, la danse devient témoignage. Notre danse est aussi une exploration, une imprégnation de notre environnement quotidien ou lointain, une intégration du lieu et de l'espace, une perception cellulaire des éléments et du temps; un corps-réceptacle médiatisant ce qui le traverse, une exposition de corps en fusion.

    Le corps se fait instrument où résonne l'être humain touché dans sa chair la plus intime, dans ses silences et dans ses cris. L'espace devient extension du corps, lieu de rituel où se révèlent les métamorphoses de l'âme.

     Céline Angèle, 29 janvier 2009

    CELINE ANGELE passionnée de théâtre, tant à travers la force de la littérature classique, que l'engagement des auteurs contemporains, elle reçoit une formation en arts dramatiques et travaille sur Paris pendant une dizaine d'années. Double championne de france de judo et consciente de l'importance du corps chez l'acteur, elle mène une recherche sur la poétique du corps et son langage organique. Elle travaille un théâtre des extrêmes explorant le sublime et le monstrueux à travers l'univers d'œuvres diverses et variées, de Racine à Hugo, de Genet à Novarina, de Artaud à Kane. Un corps à la fois dense et sensible l'amène à rencontrer le butô, qu'elle pratique ces cinq dernières années avec de nombreux danseurs et danse pour différentes compagnies. Actuellement, elle poursuit sa recherche auprès de Jean Daniel Fricker en france et à l'étranger.

    http://celineangele.blogspot.com/ Jean Daniel Fricker  www.jonglorsion.com

    P.S. : Ce texte de Celine Angèle a été commandé pour un dossier buto à paraitre dans le web-magazine "Les petites feuilles" de l'association Art Levant.

    Guy

  • Les mots au pinceau de Mark Crick

    Elle est debout. Elle regarde. Elle regarde l'évier, le robinet. Il s'avance vers elle. Elle le regarde venir. Elle regarde le robinet(...) Homme,femme,robinet. L'homme s'avance. Il ouvre le robinet. (...) Alors il lui montre le joint, devasté, le ravage du temps, l'effet du calcaire, la pression crée par le robinet toujours serré, se battant pour retenir le flot, le courant. l'accumulation brutale de la force. Alors elle comprend. Et elle se retient de pleurer.(1)

    Est-ce du Duras, ou le récit d'un robinet qui fuit ? Les deux à la fois, réunis en un irréstible détournement par Mark Crick. Rencontre bienvenue: on est heureux que la littérature pour un soir oublie un peu de se prendre au sérieux. Et d'entendre l'esprit de Ramond Queneau  souffler à nouveau, avec ces exercices de style. Qui sont contraints sous la forme d'histoires de bricolage, certaines à hurler de rirer. Voire, cette seule heure lue vaut bien des leçons de critique littéraire: on croit tout comprendre de l'existentialisme de Sartre confronté à la matière accumulée dans le siphon de l'évier, des moites émois d'Ainais Nin carressant les poils humides du pinceaux, de l'humble humanisme d'Hemingway décrivant le labeur du vieux poseur de papier peint. Et avec Beckett, plutôt que de vraiment bricoler, on attend....

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    Le rapprochement fait sens, à la réflexion. Il y a entre écriture et bricolage plus d'un point commun: à l'oeuvre beaucoup de pragmatisme, énormement de persevérance, d'essais et d'erreurs, au service d'un peu de génie. Un travail toujours en cours, comme celui ce soir des comédiens en arrière plan, affairés à peindre, fixer et poser.... Devant, les lectures donnent voix et vies aux textes, avec mesure et drôlerie. Ce travail est tout en justesse, évite un jeu trop ostensible, pour permettre avec les auteurs pastichés des rencontres complices. Commes autant d'hommages.

    C'était la lecture d'extraits de "La Baignoire de Goethe" de Mark Crick, mis en scène par Brice Cauvin, avec Laurence Roy, Marie-Christine Barrault, Anne Malraux, Arnaud Denis, Laurent Malraux, Joaquim Latzko, et Jean Marie Wilson au saxophone. Au théatre La Pépinière.

    "La Baignoire de Goethe" de Mark Crick est paru aux éditions Baker Street.
    (1) Les extraits du texte cité ici ont été traduits de l'anglais par Eliette Abécassis.
    Dédicace et lecture: le jeudi 19 février 2009 à 18 heures, à la librairie Les Cahiers de Colette, 23/25 rue Rambuteau 75004 PARIS – 01 42 72 95 06  Métro(s) RAMBUTEAU-HOTEL DE VILLE Annonce jeudi 19 fevrier
  • André Gingras: autopsie d'une performance

    Cette proposition, comment doit on la voir, où doit on la recevoir? On arrive curiosité toute aiguisée: Ardanthé a importé André Gingras pour ce soir seulement. Peu d'infos, hors un visuel ébouriffant. Dans cette salle toute nouvelle, électrique du retard et des travées surpeuplées, on est tendu d'attente....

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    Attentif à chacun des gestes, donc. Mais ces gestes vont-ils tous dans le même sens? A force ils nous font perplexe. Méfiant? Devant tout le grand jeu: du saut de l'ange à la nudité franche. Des sauts, des seins, des bonds. Les danseurs s'échauffent sur des échafaudages de trois mètres de haut, s'offrent sans filet. Une demoiselle en tenue de morgue est extraite d'un sac pour une partie de colin maillard en hauteur, et joue à nous faire peur. Impressionnant, mais cet athlétisme est à double tranchant. Semble suspect. Ce qu'on voit en cirque à la Villette semble souvent plus scénarisé. On regarde, mais on a du mal à s'abandonner, à se jetter soi-même dans le vide, tant on ne sait pas où on va. Plus tard on passe au sol, en mode urbain et hip hop....

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    Etc... Doit on tout décrire du reste, sans lier? Se cantonner à l'énumération? Rapporter les oppositions jouées entre corps inertes et corps réflexes? Et parler encore des fesses? Mais, tout voyeurisme mis à part, quelle utopie ces nudités peuvent elles dessiner? Celle d'une communauté primitive, ou post atomique? Cette question du sens apparaîrait sans doute sans importance, si la danse s'assumait en elle-même, hors de tout contexte. Mais il y a toutes ces ruptures de ton à la flamande: vidéo, séquences plus théâtrales, bavardages et chanson. Soudain muettes des chairs amollies sur arêtes métalliques: on laisse prendre et surprendre. Mais on zappe le reste, dispersé, surtout les situations de groupe: un lynchage qui tombe à plat, placé hors tension. Une autopsie qui n'apparaît comme telle qu'à force d'éclairage blafard. On cherche: doit on distinguer ici des rapports de pouvoirs? Voire, dés qu'il y a deux personnes ou plus ensemble, on peut y voir du pouvoir, forcement... Et un peu de ceci, et beaucoup de folie....

    Plus tard on aura lu Libé. Une fois, deux fois: pas plus avancé. Et ce soir là on a applaudi, toujours en réserve, ni énervé non plus. En pure reconnaissance de la belle énergie déployée, mais vers où? On avait finit d'attendre, ensuite, on a vite oublié. Qui dit mieux?

    C'était The Autopsy Project d'André Gingras. A Artdanthé

    Guy

    photos par Ben van Duin, avec l'aimable autorisation d'Artdanthé

     

  • A Court de Forme: no limits

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    Cette semaine, on s'aventure aux limites. Et c'est peu dire. Pour les abattre à coup de mots, à coups de pieds. Acmé en un discours rageur et politique qui ne s'embarrasse plus de fiction. Révolte, lumières, micros, c'est tout. Tabula rasa, sans regret. Après deux semaines d'attentats furieux le théâtre est à bas. Akun n'avait servi que de répétition. Coup de grâce, tout se précipite au crépuscule, pour ouvrir sur des lendemains audacieux et incertains.. Mais il faut avant en passer-en quatre parties et un peu plus- par la mort du théâtre. Voire la mort tout court, en toile de fond, en obsession. Même les complaintes du Moony band sonnent soudain plus lugubres. Une actrice se prête au jeu d'une interview faussement convenue, mais se désagrège en mouvements et répétitions circulaires, jusqu'à la décomposition de son insignifiance. Terrible lucidité: tout se joue en vain, tête de mort à la main. Avec des paroles affolées se déconstruit un langage hagard. Qui ne peut plus rien, distrait un moment par un slow hypnotique, puis perdu jusqu'aux mimiques, réduit aux gesticulations du désir. A voir la mort en face, tout touche au vif. Karelle Prugnaud et Eugène Durif ne font plus de théâtre, mais une "ciné performance". Qui déborde baroque et impudique dans le hall du théâtre. Puis se dédouble sur scène et sur l'écran, Diane erre mais ailes au dos en une danse déglinguée. Actéon doit être dévoré, Le spectateur-voyeur lui survit, mais sérieusement secoué. Jusqu'au final de la soirée, une profession de foi de stoïcisme qui remet la possibilité-même du spectacle en question: "Jouir c'est renoncer à la représentation, être sans visage c'est renoncer à la reconnaissance..."

    Aprés ?

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    C'était Ce qui peut coûter la tête à quelqu'un, de Stéphane Auvray-Nauroy avec Aurélia Arto et Jumien Kosellek, Memento Mori (Vanité 1) de Guillaume Clayssen avec Aurélia Arto, Frederik Hufnagel, Mélanie Menu, Paroles Affolées de Sophie Mourousi avec Mathilde Lecarpentier et Julien Varin, La Brûlure du Regard , texte d' Eugène Durif mise en scène de Karelle Prugnaud avec Elisa Benslimane, Cécile Chatignoux, Anna Gorensztejn, Mélanie Menu, Karelle Prugnaud. A L'étoile du Nord, avec A court de Forme. Jusqu'à samedi, aprés c'est fini!

    Guy

    photos de Nicolas Grandi, avec l'aimable autorisation de L'étoile du Nord

  • Blanche Neige: Le cas Barker

    Est elle jumelle de la reine Gertrude, cette (méchante?) reine de Blanche Neige?

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    Un même goût pour les belles chaussures, une même quarantaine prête à s'exhiber, les mêmes manifestations d'un appétit sexuel, que ni roi ni bûcheron ni princes étrangers- père et fils- ne semblent pouvoir rassasier, la même fertilité inopinée... Mais cette reine de Grimm règne d'une séduction très glacée. Le pouvoir de la frigidité? Habillée robe bleu turquoise, démarche sophistiquée-qui évoque celle l'extra terrestre choucroutée du film de Tim Burton. On la verrait plutôt comme une obsédée du contrôle absolu, contrôle d'elle-même en objet figé et parfait, contrôle par cris supposés feints des mâles alentour. Où est-elle elle-même dépassée, victime? On ne sait, mais le résultat pétrifie: la fixité de son regard est l'aimant autour duquel se polarise la pièce. Les miroirs s'en brisent d'effroi.

    Soumise son attraction, ténanisée jusqu'au rire nerveux: Blanche Neige. En robe rouge primaire, avec autant de mal à exister qu'Hamlet. Et bien du mal à rivaliser en féminité, s'offre nue mais en vain au bûcheron. Une seule option: la fugue. Faire les 400 coups avec sept étrangers dans la forêt. La surenchère mimétique a ses limites: le jeune ventre se refuse à s'arrondir. Quant aux hommes, ils paraissent dérisoires confrontés aux forces et rivalités féminines. Le roi aussi éperdu comme Claudius ne sait réagir que par pleurs et supplices. Les apparences du pouvoir sont à ce prix. Tous succombaient autour de Gertrude, ici pour que Blanche Neige puisse grandir, il faut que la reine accepte de mourir. Plus ou moins métaphoriquement...vieillir tout au moins? Ou danser chaussures chauffées à blanc aux pieds, punie par où elle a péchée? Il faut souffrir pour être belle...

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    Les personnages de Barker, débarqués des mythes, s'efforcent à haute voix de se définir, étonnés d'y parvenir par bribes. Tout le reste, tout ce qu'on vient ou ce que l'on pourrait écrire n'est que suppositions. Le théâtre de Barker ne se soucie ni de morale ni d'explicite. Il pose sans supposer, nous laisse juste ressentir que le monde est aussi cruel et bouleversé de luttes souterraines que tel il le dessine. Il faut toute l'élégance de la mise en scène de Maragnani pour garder un peu à distance cette cruauté, par lignes claires et contrastes colorés, avec un jeu acidulé, aussi grinçant que le crissement des talons sur le gravier. Un peu froid, pince-sans-rire et admirablement contrôlé.

    C'était Le Cas Blanche Neige (comment le savoir vient aux filles) d'Howard Barker, mis en scène par Frédéric Maragnani au Théatre de l'Odéon-salle Berthier.

    Guy 

    photos par Frédéric Démesure avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

    A voir aussi: les photos d'Agathe Poupeney

  • Gertrude (Le cri): Maman et la Putain.

    Densité et confusion... Ce théâtre roboratif et ambigu laisse ouvertes pistes et interrogations.

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    Howard Baker organise l'inintelligibilité avec délectation, parasite l'Hamlet de Shakespeare. Il fait ainsi l'économie de la présentation des personnages...quitte à en faire surgir de nouveaux: Albert l'amant de Gertrude, le serviteur Cascan... Sitôt le sujet posé, le détourne, le pervertit, l'obscurcit: "Ce qui est intéressant dans les pièces classiques, ce sont les absences"(1). La perspective de la pièce se renverse, organisée autour de Gertrude. Gertrude dans l'oeil du cyclone, autour d'elle le chaos s'amplifie, emporte une à une ses victimes. L'intrigue progresse pas à pas, mais souterraine. Giorgi Barberio Corsetti renonce à simplifier quoi que ce soit par la mise en scène, sature le plateau d'effets et de signes, dont l’accumulation peut indisposer. Autant de résonances visuelles et sonores de l'étrangeté. Les arbres se replient dans la terre ou descendent du plafond, les linges s'envolent sur les cordes, les éléments de décor coulissent sur aiguillages jusqu’au vertige, ou se renversent de l'horizontal au vertical. Toujours à contre-pied, le langage se dérobe, heurté, coulé... Pour peindre passion et folie, d'un point de vue ni cynique, ni compassionnel mais.... comment dire? Judicieusement, l'interprétation reste à l'écart de toute hystérie, drôle et subtile. Juste Anne Alvaro (Gertrude) par moments noie le texte. Ce théâtre se mérite, se fait plus admirer qu'il n'emporte. C'est un extraordinaire objet d'étude, pour en premier lieu l’étude de Gertrude

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    Gertrude donc au centre de l'attention, et au centre d'elle l'orgasme, la jouissance. Enfin: le cri. Entrée: Claudius copule avec Gertrude sur le cadavre du roi- à peine refroidi. Gertrude nue, le cri surgit. Cladius dés lors n'a de cesse que de le saisir, à nouveau le susciter. L'obsession est lâchée, le cri toujours guetté, même si en prés de trois heures de durée, il n'est pas question que de cela. Cette recherche est fatale, existentielle, désespérée: ce cri est cosmique, "le cri est plus que la femme, même s'il sort de la femme". La féminité reste mystérieuse à Claudius, inaccessible, telle le corps de Gertrude un moment au balcon, il bondit alors pour l'atteindre, sans succès. Gertrude théorise moins, constate pourtant "Pour toi, c'est Dieu, ma nudité". Mais surtout vit et jouit, inextiguible, aimante et souveraine, égoiste, enfante une fille, plutôt qu'à celle-ci offre le lait de son sein à l’amant, accumule robes et chaussures comme autant d’attributs, jusqu’à porter un « manteau de prostituée », se donne au jeune Albert. Hamlet en est pétrifié, petit garçon à jamais devant sa mère sur-sexualisée, moraliste impuissant, ne parvient à toucher sa fiancée qu'avec des mots. Cascan, le serviteur de Gertrude, se languit d'amour dévoué et boit la coupe entière de sa loyauté, porte des paroles d'une clairvoyance inutile. Isola, mère de Cladius, elle aussi jouisseuse mais refroidie par les ans, voit la catastrophe arriver, et tente d'éloigner Gertrude de Cladius pour le sauver, essaie de la jeter dans les bras d'Albert. Las, Gertrude et Claudius éperdus et passionnés baisent encore et toujours comme des lapins tragiques- disons "baiser" pour se mettre au diapason de la judicieuse obscénité du texte. Albert, de retour et tout autant fasciné, est plus déterminé et pragmatique : « Je ne suis plus un jeune homme, j’ai des armées massées à la frontière : montrez moi votre cul ! ». Le cri grince à nouveau à l'unisson du violon: cri de plaisir et douleur lors de l'enfantement, cri de désespoir à la mort d'Hamlet, cri arraché au prix des naissances et des vies. Donc tout finit dans le sang. Sex kills!

    C'était Gertrude (Le Cri), d'Howard Barker, mis en scène par Giorgi Barberio Corsetti Au théatre de l'Odéon, et c'est fini.

    Guy

    Tous en parlent le Spectateur Turbulent, Neigeàtokyo, Les trois coups, theatredu blog.

    Lire ici: Le Cas Blanche Neige

    Photos d'Alain Fonteray, avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

    (1) Howard Baker dans "Transfuge" de janvier

  • Gyohei Zaitsu livre la danse à domicile

    "Je viens danser chez vous''
          - livraison de danse butô en domicile par Gyohei Zaitsu-


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    Mesdames, Messieurs,


    En 2008, j'ai dansé une cinquantaine de lieux en plein air dans la ville de Paris, sous le nom du projet '' Une tache sur la terre de Paris''. 

    J'ai l'intention de continuer ce projet (car il y a encore des lieux qui me donnent envie de danser), mais je voudrais lancer un nouveau projet en même temps pour cette année 2009.

    Dans le projet '' Je viens danser chez vous'', je voudrais apporter mon corps dansant chez un individu (ou ailleurs, selon la demande) comme une livraison de toutes autres matières.

    Ca fonctionnera sur rendez-vous entre vous et moi, donc appelez-moi ou envoyez-moi un e-mail pour prendre rendez-vous si cela vous intéresse.

    Je viendrai danser pour une seule ou plusieurs personnes. Le prix de la livraison n'est pas défini. Il peut être payé selon vos moyens (l'argent, le repas, l'objet, e.t.c...).

    Je crois encore à la valeur de l'art vivant et de l'échange direct dans notre société. L'art vivant est souvent mis à part (dans les théâtres, expos, ou sous forme de spectacle de rue, e.t.c...), mais il pourrait apparître n'importe où.

    Si vous voulez voir autre chose que la télé ou le DVD à la maison, n'hésitez pas à me contacter, s'il vous plaît.

    Cordialement,

    Gyohei Zaitsu (danseur du Butô)  email
  • A Court de Forme: le mage a bu

    (Suite..)

    Après cette mise en tension, il ne faut rien de moins qu'un vaudeville effréné pour se relâcher. Les Octavio s'y collent sur un mode outré, très Monthy Python. En 5/10 minutes, les stéréotypes théâtreux sont exagérés jusqu'à l'absurde, le triangle amoureux tourne à pleine vitesse, plantée nulle part la porte claque sans discontinuer, "Ciel mon mari" s'exclame l'épouse, tout y est.

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    On revient ensuite de plus belle sur les chemins de l'identité: Le mage aux fiats 500 est annoncé, avec toute la grandiloquence et le pathétique qui sied au cabaret. Maquillage et turban. Le personnage surnaturel doit, de son pouvoir divinatoire, mettre à nu le spectateur victime, décider impitoyablement qui doit rire et qui doit être moqué. Mais rien ne va plus, le mage a bu, le mage est usé: autant pour l'illusion. Ne cherche plus à faire croire en sa magie, ni à cacher ses trucs. In vino veritas, le désenchantement, cependant, ouvre par surprise  la voie à la poésie. Le magicien détraqué explore ses souvenirs en dedans. Tout surgit dans le désordre, les images cachées se précipitent par coq à l'âne, à la résurgence d'une interprétation de Bad to the Bone de Georges Thorogood, à l'évocation d'un amour perdu. Au gré de ses visions, le mage ne parvient qu'à se dévoiler lui -même, blessé, dessine ainsi un bel imaginaire retrouvé. C'est surprenant et prenant, bien que la proposition semble encore en devenir, avec des articulations qui flottent et cela gêne un peu: à suivre.

    Il est d'autant plus savoureux après écouter le chant des gueuses, les stéréotypes surgies de la mythologie de la rue, par la voix du Moony band...

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    Enfin l'amour fou, Ovide en gros plan. Histoires de corps qui se veulent mais disent: pas d'amour d'heureux. On va droit à l'essentiel, avec une économie d'effets qui à cette proposition fait frôler la témérité: on craint un petit moment assister à une lecture en slip. Mais le facial s'assume- expressions en sursis, le texte est concentré, la mélodie au piano entête, le chant émeut, les rires sont tristes, les mots se suspendent, chauffés à blanc les mouvements tendent vers la danse, jusqu'à se fondre en une mélancolique orgie: bien osé!

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    Le tout finit encore en chanson: Mélanie Menu et le moony band revisitent Sam Cooke, c'est une bonne nouvelle.

    C'était Le mage aux fiats 500 de Christian Siméon mise en scène Jean Macqueron / avec Christophe Garcia, Thomas Matalou, Un presque rien création à partir de textes d’Ovide, mise en scène Elise Lahouassa / avec Vincent Brunol, Coraline Chambet, SophieMourousi et Serge Ryschenkow.  A L'étoile du Nord, avec A court de Forme.

    Guy

    photos par Nicolas Grandi (droits réservés) avec l'aimable autorisation du Théatre de L'étoile du Nord