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  • Etude en rouge

    Qualité rare: la maitrise du temps, savoir le suspendre et le libérer, le tordre en ruban de Möbius, le faire revenir sur lui-même. La lenteur est un risque, récompensé. L’homme assis à sa table semble prisonnier d’une boucle, condamné à répéter les mêmes actes échoués, comme préludes à des drames. Les femmes s’accouchent et dansent, folles en blanc, disparaissent et reviennent.  Les personnages se croisent sur différents plans, en d’émouvantes intersections, à se voir peut-être, sans pouvoir se toucher. Qualité rare: la simplicité, en rouge et blanc, laine et tâche de ketchup, robes et marcels. Qualité rare : la densité, une grande force d’évocation pour laisser couver la violence du réel.

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    Innommable n°3 – On dit que les chats ont 7 vies de Bino Sauitzvy vu à la Loge. Jusqu'au 28 février.

    Guy

  • Gestes secs sur sol mouillé

    T.R.A.S.H., à dire vrai,  j’appréhendais. Ses chutes, ses chocs, encore… répétés au risque de la dispersion. J’appréhendais à tort. Le discours s’est renouvelé. Mais l‘âpreté demeure, une énergie utilisée avec intelligence, et qui sous mine le propos apparent, l’esthétique des gestes. Ce que les deux danseuses exécutent pourrait être un discours sur la féminité. Avec l’opposition entre la beauté et le grotesque souligné de perruque et traits de fards. Le violon tend des boucles dures et sèches, les deux interprètes récitent express et sans ciller le catalogue à l'unisson, du classique au foxtrot. Mais c’est pieds dans l’eau, elles y luttent, glissent et chutent. Sur terrain instable, la danse est en danger, ainsi les clichés. Elles en émergent, rebondissent de plus belle, portée par cette tension l’énergie fuse en sauts. La danse est en sursis, au bord du vide, la fête belle et triste.

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    We must be willing to let go de Kristen van Issum vu au Théâtre de Vanves dans le cadre d’ Artdanthé le 29 janvier.

    Guy

    lire aussi:

    Pork in Loop vu en 2007, déjà à Vanves

    To file for chapter 11 vu en 2008

    Photo de Lisa Klappe avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • In vino veritas

    Autour de la table de famille, à chaque verre bu tombe un masque: cette création creuse le sillon des pièces de Brecht et de Largarce reprises par la même compagnie. La progression dramatique est vieille comme le théâtre, et d’une efficacité toujours redoutable. Années 90: une douzaine de personnage sont réunis pour le raout familial dans la maison de campagne: le grand père réactionnaire, le couple rescapé de mai 1968, la sœur un peu coincée, le voisin du cru, l’impossible pièce rapportée (chef d’entreprise)… La structure de la pièce apparait circulaire, cruelle et en spirale. Tous d’abord barricadés de conventions et d’enthousiasmes forcés,  mais peu à peu les résistances s’émoussent, à chaque tournée au jeu de la vérité les personnages rendent un peu plus les armes. Ils ont le vin mauvais. Et le rire jaune. Par petites touches reviennent au jour les espoirs déçus, les grandes et petites lâchetés, le grand soir au Chili qui fit long feu et le triste retour, les blessures familiales jamais refermées. Ne restent de ces passés en puzzle qu’amertumes, détestations et nouveaux préjugés, à présent la consolation de bien modestes utopies rurales. Que lèguent-ils d’espoirs à leurs héritiers en rase campagne? C’est la cohésion chorale des acteurs dans cette création collective qui m’épate, l’appropriation et création de chacun des personnages, assez typés pour tous trouver leur place, assez profonds pour ne pas se laisser épuiser. Qui nous posent cette question: par nos actes quelles valeurs laisse-t-on?

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    Nous sommes seuls maintenant, création collective de la compagnie In Vitro mise en scène par Julie Deliquet, vu au théâtre de Vanves le 3 février

    Guy

  • Le discours et la danse

    Présentations de "work in progress", ouvertures d’étapes de création, discussions en bord de scène avec les chorégraphes, créateurs lumière, musiciens et interprètes… Je ne sais pas ce qu’en retirent les artistes, mais j’y trouve mon compte en tant que spectateur. Pas tant que les échanges ne me réservent de grandes révélations, mais ils enrichissent mes premiers ressentis.  Ces expériences me confirment- avec toutes les réserves d’usage s’agissant de créations encore « fragiles »- qu’il n’est d’œuvres prometteuses qu’avec des idées fortes au départ, spécifiques et en urgence.

    Telle chorégraphe raconte avoir voulu montrer des corps (qu'"on oublierait dans notre société"), explorer des mouvements… Ambitions très générales, et je n’ai rien vu de plus dans l’extrait de sa création que ce que j’ai pu voir 10 fois par an auparavant, je reste sur l’impression d’avoir assisté à un cour de yoga avec des éclairages en plus.

    A l’inverse, Bleuène Madelaine creuse des intentions fermes. Elle travaille sur les figures de l’idiot, et du zombie, cite ses sources littéraires. Et avant qu’elle ne nous parle pour s’expliquer, j’avais été accroché par ses silly walks assymétriques, l’intensité de son regard et l’imprévisibilité de ses gestes, son humour discret, l’âpreté de son approche, à ce stade si rugueuse sans éclairage ni sons. J’avais été ému, avais vu les tentatives d’un corps inadapté pour s’imposer dans l’espace social. Création et commentaires sont raccords.

    Amorce (étape de travail) de Bleuène Madelaine , vu le 15 janvier dans le cadre des soirées Open Space programmées par Jean François Munier à l’Etoile du Nord.

    Guy