Les nouveaux Tartuffes sevissent sur le web commercial: le chorégraphe Gilles Jobin vient de voir ses vidéos interdites de You Tube. Plus de détails sur Images de Danse.
Censure
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Ne vous laissez pas youtuber
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Baudelaire: l'éternel procés
Baudelaire est à terre. A genoux, défait, prostré, il fouille sa plaie du tranchant de ses mots, pendant que de l’ombre, émerge une future mariée. Sans visage, inaccessible. Sa montée silencieuse répond à l’implacable descente au cœur de l’âme dévastée de Baudelaire, dont la litanie déchire un silence devenu palpable. La blancheur virginale de sa robe est portée par l’acquiescement muet du fond noir. Le noir neutre de l’institutionnel, de la morale, celui de la décence. Derrière des paravents, les ombres jetées de la bêtise et de l’hypocrisie, sur fond gris. Au premier plan, Baudelaire lumineux se détache de l’obscurité qui emprunte ici au noir de l’exigence. Celui de l’absolu, de la solitude et du dépouillement. A ses côtés, juste une petite table, pour l’élégance. Entre ces deux conceptions du noir, deux cubes de scène pour le décalage permanent des niveaux de discours, car on ne s’adresse au poète que de haut. La justice d’abord, par le biais du procureur Pinard, puis les institutions, à travers « la jeune file assassin de l’art », celée sous son voile nuptial. La société, ses pairs, en groupes de vautours, toujours de biais. La pièce, emportée par un texte implacable prend toutes les allures d’une mise à mort. Le dialogue entre le procureur et le poète, celles d’un duel impossible, entre création et morale. Jeté hors la loi, hors le monde dans sa solitude et son isolement, le poète expie, vulnérable, presque enfantin dans sa souffrance.
C'était Le Procés des Fleurs du Mal de Philippe Blondeau, mis en scène par Georges Zaragoza, avec les Compagnons d’Eleusis au Théâtre Municipal d’Epinal, vendredi 9 mars, dans le cadre du printemps des poètes, 150 ans après les faits.
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Le Songe d'une nuit d'été: Un Shakespeare qui peine à faire réver
Sept erreurs:
- Jouer Le Songe d'Une Nuit d'Eté en noir et blanc
- Utiliser un caddie de supermarché sur scène (c'est éliminatoire)
- Commencer trés trés lent et en trop lourdes convinences.
- Laisser (la remarquable) Claude Degliameen faire beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Dans le genre "je refais Blaise Cendrard. Alors que Marie Vialle (non moins remarquable) se laisse oublier et redécouvrir.
- Moderniser la langue de Shakespeare(1564-1616)-de peur de sinon ne être compris?- mais ainsi la banaliser, en vocabulaire de discothèque et de reality show.
- Adopter un parti pris de travestissement et d'inversion systématique des sexes. Choix assez laborieux à l'usage. Sur Don Juana, celà fonctionnait meux.
- Annoncer du rire, de l'Eros, du rêve, de la jubilation, de l'ivresse dans la note d'intention... et sur scène commencer exactement à faire l'inverse, dans le décalage et la distanciation. La chair est chic, la chair est triste.
Sans doute les erreurs types que risque un théâtre qui affiche le nom du metteur en scène en aussi gros caractères que celui de Shakespeare. Heureusement, à la mi-temps, Shakespeare reprend l'avantage. On pourrait dire, pour être polémique, malgré tout. Au bout d'un temps avec, car en couleurs enfin, une Puck toute rousse et un Ane plus que truculent, on s'intéresse. Soyons juste: en prêchant le factice, J.M. Rabeuxfinit par toucher au vrai. L'exagération paye à la longue, le caddie finit par s'envoler aux cintres, le rimmel couler, la pièce dans la pièce se jouer en bouquet final, le grotesque se muer en poétique, comme suivant les intentions, mais in extremis.
C'était Le Songe d'Une Nuit d'Eté ♥♥♥ de Shakespeare, mis en scène par Jean Michel Rabeux à la MC 93 Bobigny. Jusqu'à début avril.
Guy
On a relu après l'interview de J.M. Rabeux dans La Terrasse. Grave erreur. Plus on lit, moins on comprend. "J'ai monté cette pièce pour des raisons politiques. Je suis effrayé par ce qui se passe aujourd'hui sur le plan des moeurs"? De quoi parle-t-il ? Si quelqu'un a compris, qu'il nous écrive d'urgence. Ou on va peut être ouvrir un débat sur Scènes 2.0. Mais la réponse est peut être contenue dans la question suivante de l'interview. "Votre relecture du Songe souffre-t-elle d'être en avance sur son temps?" Avec des questions d'une telle impertinence, tout les metteurs en scène doivent rêver d'être interrogé sur la Terrasse...
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Ann Liv Young: Blanche Neige sous surveillance
On est prévenu.
Mais de quoi au juste?
C'est que le Théatre de la Bastille a diffusé, par courrier envoyé aux abonnés et par affichage sur son site internet, un communiqué hors du commun, concernant "Snow White" d'Ann Liv Young.
Ce texte est si remarquable qu'on le reproduit ici in-extenso: "En l'état actuel du travail, nous vous informons que le spectacle comporte des scènes explicitement sexuelles, qui nous obligeront, au regard des réglementations, à en interdire l'accès aux mineurs de moins de moins de dix-huit ans."
Tout à fait surprenant, et à plusieurs titres.
Car ce genre d'avertissement est très inhabituel sous nos latitudes. Seules quelques rares salles de spectacle prennent l'initiative de renvoyer le public à ses responsabilités- mais sans rien interdire- en avertissant ce public de scènes de violence ou de nu. Qui, de manière générale '"peuvent choquer certaines sensibilités". Ces scènes ne sont pourtant pas rares dans les spectacles qui se définissent comme contemporains. Depuis la polémique d'Avignon d'il y a deux ans, on ne peut plus faire semblant de l'ignorer. Encore que... Mais n'anticipons pas.
Cet avertissement surprend d'autant plus qu'il émane du Théatre de la Bastille, où sont présentées chaque saison des productions- de J.M. Rabeux et bien d'autres- plutôt moins qu'ailleurs pudibondes. Devant un public, d'après nos quelques souvenirs, toujours adulte du premier au dernier rang. Mais peut être les scènes les plus audacieuses de ces spectacles passés n'étaient elles pas vraiment "explicitement sexuelles"? Peut être existe-t-il des critères techniques et objectifs pour en décider? Un code Hays du spectacle vivant?
Car quelles sont au juste les "réglementations"derrière les lequelles s'abrite le Théatre de la Bastille pour expliquer cette interdiction aux mineurs? A notre connaissance, ces reglementations, évoquées par ce pluriel si vague, n'existent tout simplement pas, en matière de spectacles de danse ou de théâtre. Qu'on le déplore ou qu'on s'en félicite. Liberté artistique contre ordre public: score 1-0. Ou plutôt victoire par forfait, l'ordre public regarde ailleurs. Et laisse en paix "l'élite culturelle", se livrer en paix à ses distractions habituelles.
Pourquoi la direction de la salle ne reconnaît elle pas alors ouvertement que cette décision -justifiée ou non- est la sienne? Non, elle se dit "obligée".
Evoquer enfin "l'état actuel du travail "est délicieusement évocateur. comme quoi l'art vivant est un monstre imprévisible, incontrôlable. On imagine l'organisateur qui observe les répétitions par l'entrebâillement de la porte, et ce qu'il a cru voir, et qu'il n'ose évoquer- des scènes "explicitement sexuelles" en tout cas- justifie d'en protéger les mineurs. S'il se garde bien d'intervenir sur l'objet en lui-même, au moins peut il en contenir l'exposition.
Quoiqu'il en soit,la journaliste de Liberationest, elle-aussi, venue aux répétitions. Et en est ressorti suffisamment intéréssée pour en rendre compte dans son édition de lundi dernier, le jour de la première On nous promet du cru, on apprend que le travail est toujours en cours, que tous les objets présents ne seront pas retenus- c'est assez suggestif- et que la chorégraphe, bien qu'américaine, est opposée à Bush: on respire.
Est ce à la suite de cet article, que la billetterie est "prise d'assaut" selon Le Monde, paru deux jours aprés?
La journaliste du Monde de nous expliquer qu'Ann Liv Young est "complètement inconnue en France", qu'elle n'a que 25 ans, que le spectacle ne dure que 40 minutes- qu'il "tire vers le bas". Et que d'alleurs la "minute sexe (...) risque" -c'est un brin contradictoire- de "frustrer ceux qui sont venus pour ça".Et qu'en plus Ann Liv Young chante faux. Tout donc pour dénier à la chose la moindre valeur artistique, avec une instance qu'on commence à trouver suspecte. Punition?
Et surtout, la journaliste de deviner chez l'équipe du théâtre: "un malaise (...) et pas mal de suspicion sur les mauvaises raisons du succés d'une pièce avant même la première."
Diable! C'est sûrement au "Monde" de nous expliquer quelles sont les "bonnes" raisons et les "mauvaises" raisons d'aller voir un spectacle. Celà donne envie de relire avec un nouvel oeil les critiques passées du Monde, relatives à d'autres spectacles que l'on pouvait sans doute juger audacieux. Peut-être la première de ces mauvaises raisons est elle de lire "Libération".
Mais, pour revenir au tout début, pourquoi, cet avertissement diffusé par le théâtre?
Le "Théatre de la Bastille"a-t-il du refuser des inscriptions en masse de bambins innocents, abusés par le titre, révant de douces princesses? De mamies chevrotantes, pressées de fêter d'avance Noël avec leurs petits enfants?
Et pourquoi ensuite cette polémique?
Alors que les acteurs et actrices des pièces de Rodrigo Garcia, pour ne prendre que cet exemple, peuvent uriner nus sur la scène de la Cité Internationale, sans faire retentir un tel écho. Est ce parce que l'attention s'est focalisée dés le communiqué du départ sur le coté supposé scandaleux de la chose, qu'on ne peut désormais ne parler que de cet aspect? Et que tout le reste est inaudible désormais? Et jugé à cet aune ? Le sexuel s'est manifesté avant l'artistique, au lieu d'avancer sagement dans son ombre. Dangereuse impolitesse!
Ou peut-être les nouvelles icônes culturelles que l'empire Disney s'est appropriées sont-elles devenues aussi intouchables que les icônes religieuses d'autrefois? On peut se le demander en lisant cette réaction indignée.
Ou alors, montre-t-on vraiment sur la scène de la Bastille des actes sexuels qu'on ne saurait montrer ? Et explicites, à un degré insupportable?
On le saura surement ce soir.
Et on dira tout demain....
Tout !
Guy