Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

racine

  • Ni ancien ni moderne

    On aimerait pouvoir un jour en finir, avec l'éternelle querelle des anciens et des modernes. Ne plus lire dans le journal que c'est Shakespeare qu'on assassine, ou voir des metteurs en scène écrire leur nom en plus gros que celui de Molière. La proposition de Damien Chardonnet-Darmaillacq redonne de l'espoir. Le texte d''Andromaque de Racine est respecté, les alexandrins-implacables- avançant sur tous leurs pieds : c'est un signe de respect envers le spectateur contemporain, supposé assez curieux et intelligent pour l'entendre tel quel. Pour autant le metteur en scène relit la pièce à la l'aune de préoccupations contemporaines. Ne pas le faire serait utopique, sauf à ce que les spectateurs viennent assister au spectacle en perruque. La pièce est une séquelle, située après la guerre de Troie, les personnages n'en sont pas les héros mais leurs héritiers. Le temps est celui d'un après, chacun confronté aux écrasantes responsabilités du pouvoir, aux choix. Les logiques amoureuses cèdent le pas au politique. Dans cette guerre froide aux décors durs et métalliques, chaque personnage-Andromaque, Pyrrhus, Hermione, Oreste- est associé à une cité. Dictées par ces logiques de diplomatie sentimentale, les alliances se renversent, engagements reniés, et les corps jaloux, passionnés, se jaugent et s'attirent sans réussir à se toucher. La tension monte ainsi sans jamais se résoudre, exacerbée par les jeux de lumière, de son, de vidéo. Les erreurs ne seront pas réparées. Que pouvons-nous faire de la paix qui nous a été léguée ?

    Andromaque, de Racine, mis en scène, par Damien Chardonnet-Darmaillacq, vu au théâtre de la cité internationale, le 5 février 2018

    Guy

  • Voir, Jouir.

    Au commencement les gestes et voix flottent, obscurs, rêvés…  A rappeler les belles images des Murènes- la pièce précédente de la compagnie. Mais vite, une autre direction est prise: primauté au texte de Racine, implacable et linéaire, qui structure le récit sans répit. Autour de cette ligne de force, les images se fragmentent. Elles nous piègent au cœur du sujet: l’obsession du pouvoir, au point où la vérité se dissout et où s’assèche l’humanité. Les vers s’écoulent clairs et nets mais le rêve du pouvoir désincarné devient aussi onirique qu’en cauchemar.

     

    photo Britannicus 1 @ Svend Andersen.JPG

     

    La première des réussites est ici de conjuguer intelligence et intelligibilité : ce Britannicus abrégé en quelques plans rapprochés, concentré en 1H30 et 5 acteurs, se laisse saisir sans difficultés, et dans ses implications contemporaines. Le pouvoir jouit ici de voir, non de toucher. Néron exsangue manipule à distance ses pantins prisonniers de l’œil de la camera, agités et impuissants: une Junie charnelle et frémissante, un Britannicus physique, impétueux…. Les jeux et voix sont matures et bien ajustés. Dans cet espace concentré, les corps de ceux qui prétendent vivre libres ne peuvent échapper pas aux regards de ce nouveau docteur Mabuse. Ils n’échappent non plus à l'avidité de nos yeux, autant en chaleur et proximité que les vers de Racine s’élèvent vers l'esprit avec distance et hauteur. Le souverain entend tout et en dit de moins en moins, la possession maladive tenant lieu de passion, l’homme n’est rien et sa puissance ne se nourrit que de rester mystérieuse. Toute ressemblance avec le règne de souverains pas si lointains et informés de tous les secrets ne serait que le fruit de mon imagination. Dans l’ombre du palais se glissent les conseillers et visiteurs du soir, qui tissent des intrigues à tiroirs, au fil d’alexandrins qui scandent l’histoire sans espoir de retour.

    C’était Britannicus plans rapprochés de Racine m.e.s. par Laurent Bazin, à la loge, jusqu’au 19 mai.

    Photos de Svend Andersen avec l’aimable autorisation de la loge

  • Des courts encore en forme

    Prévenu depuis il y a deux ans déja, on est plus pris de court par ces formes courtes, qui se bousculent, audacieuses et abruptes. Avec des résultats contrastés- c'est forcé- mais sans jamais qu'on leur en veuille d'avoir tout essayé.

    L'exagération, pour commencer, avec la Sinistre Répétion. Pas si sinistre que celà: ça gueule trés fort maquillé blanc, dans une coméda dell arte d'un mauvais goût assumé. Le principe s'affirme ici d'étriller les codes de représentation. De l'acteur en cadavre las de rester allongé, aux lamentations de la veuve de théatre au delà du suraiguë, jusqu'au faux metteur en scène qui intervient à tout bout de champs. C'est une entreprise risquée, le rythme en est cassé. Mais à force d'excès et d'énergie, de grimaces, de boyaux brassés à pleines mains, on sourit, au moins.

    Pour continuer avec les codes à vue, il y a au début de Phèdre une accumulation telle que rarement osée de signes superposés sur les épaules d'un seul acteur: le récitatif, le travestissement en femme, le masque de clown, la gestuelle dansée, le tout sur une musique d'opéra...et c'est étonnant que le tout paraisse joliment cohérent! Quoiqu'à ce stade on ne fasse que sourire-encore!-, avant d'en revenir à une variation sur un spectacle en train de se faire. Ce qui laisse craindre un temps qu'on en revienne à une sinistre répétition de l'exercice précédent. Mais Eram Sobhani reste en juste équilibre, pince sans rire. Surtout Stéphane Auvray-Nauroy est tout Phèdre- généralisé en archétype de la passion amoureuse- digne et étonnant. Et finit par porter bien haut de beaux morceaux de texte, pour réhabiliter le sentimentalisme.

    C'était La Sinistre Répétition de la Dernière Scène de Florent Dorin, et Phedre, Pauvre Folle de Syvie Reteuna et Stéphane Auvray-Nauroy sur des textes de Racine et d'Eugène Durif, à L'Etoile du Nord.

    Deux des cinq propositions de cette semaine, dans le cadre d'A Court de Forme

    Guy