C'était l'idée de cette été, au départ à l'occasion du débat au forum du off d'Avignon avec Pascal Bely: "Quels espaces de parole pour le spectacle vivant?". Que quelques bloggeurs s'essaient à expliquer leur démarche, et tenter le portrait d'un autre blog... comme pour esquisser une cartographie des blogs consacrés au spectacle vivant.
Ainsi ici la contribution de Martine Silber, à lire aussi sur son blog Marsupilamima, suivi de ma reaction, et de l'évocation du Blog de l'Athénée
Martine Silber : D'abord merci pour la description du blog. Je l'ai démarré juste après avoir quitté le journal Le Monde, à l'automne 2008 et mes premiers billets font souvent part de ma découverte de la "blogosphère" et de mes interrogations. Bien entendu, cela est dépassé aujourd'hui. Mais l'objectif reste le même, un objectif principalement journalistique. Comment écrire et faire de la critique autrement que sur le papier?
Le constat est assez curieux: ne plus donner d'infos, c’est à dire ce qui fait l'essence même du journalisme. Pourquoi? Parce que ces infos sont sur les sites des théâtres, dans les dossiers de presse, sur d'autres blogs, dans les rubriques de la presse en ligne...Un exemple: pourquoi recopier le programme du festival d'Avignon puisqu'on peut le télécharger à partir du site du festival? Autre exemple, les infos pratiques (dates du spectacle, dates de tournée, adresse et téléphone des lieux, tarifs, durée de la pièce, sa distribution...tout cela est en ligne, il suffit de mettre le lien. Autrement dit, c'est utiliser ce que l'on appelle du journalisme de liens au sein du billet.
Reste le reste...c’est à dire faire partager des plaisirs et des émotions. Pour l'avoir trop fait, je n'éprouve aucun plaisir à descendre un spectacle raté. Je le passe sous silence. Mon objectif est d'amener des lecteurs à ce partage du bonheur que donne le spectacle vivant. Partager est le mot le plus important, tout comme on partage des liens sur les réseaux sociaux, je cherche à partager dans un billet un ressenti, une chaleur, une admiration.
J'ai un peu tendance à "négliger" les grands spectacles des grands théâtres, parce que j'aime les petits lieux, la banlieue, les gens qui se donnent un mal immense pour faire vivre le théâtre et qui méritent toute notre reconnaissance...
Mais je cherche aussi à soigner l'écriture, je me relis plusieurs fois, pas seulement pour éliminer les fautes de frappe, mais en travaillant la construction du billet, passant un paragraphe plus haut ou plus bas, je cherche les mots, les formules, j'évite les métaphores etc...
Je viens de passer un mois quasiment sans poster car j'ai été prise par d'autres activités puisque je viens d'animer plusieurs tables rondes (à Lyon pour les Archives Internationales du Roman, puis à paris Pour le festival Paris en toutes lettres) et j'ai lu une bonne vingtaine de bouquins pour les préparer ce qui prend du temps. Et mon blog me manque, je vais donc y revenir incessamment avant et pendant Avignon.
J'ai connu Un soir ou un autre grâce à des discussions avec le Tadorne et je partage justement avec son auteur Guy Degeorges, cette curiosité pour les endroits peu connus, les spectacles un peu bizarres, et une certaine mansuétude à l'égard des ratages! En revanche, plaçant le texte au cœur de mes découvertes, il peut m'arriver de parler de littérature mais l'éclectisme de Guy, toujours porté par sa curiosité, et qui se passionne pour toutes les formes de spectacle vivant m'enchante. Nous devrions aller au cirque ensemble....
Guy Degeorges : Merci à Martine pour ce passage de relais. Si elle revient assez tôt d'Avignon, elle peut m'accompagner au cirque à la Villette ou au T.C.I. en juillet...
Je ne parlerai pas plus avant d’Un Soir Ou Un Autre, sinon pour évoquer ma rencontre récente avec le sympathique Marc Molk. Marc est peintre, son projet est donc de créer des œuvres destinées à durer. Marc a également écrit un livre- Pertes Humaines – dans lequel il s’efforce de fixer le souvenir de personnes qu’il a perdues de vue. Le soir de cette rencontre, nous avons parlé spectacle vivant. Marc me confiait son trouble d’assister à la création d’œuvres qui, le temps de la représentation épuisé, ne pouvaient survivre que dans notre mémoire. Il me semblait quant à moi que beaucoup de l’intensité de ces rencontres artistiques se jouait dans cette éphémère même. Toutes les traces écrites tentées ensuite sur ce blog ou ailleurs, ne se résumant alors qu’à des échos déformés, juste des mercis, des adieux et des renoncements. C’est sans doute tout simplement de cela dont il s’agit ici.
Parlons plutôt de Clémence Hérout. Clémence accomplit chaque matin, sinon l’impossible, du moins l’inattendu. Quand, il y a deux ans, Clémence a annoncé qu’elle créait le blog de l’Athénée, et qu’elle y écrirait un billet quotidien, je l’ai félicitée comme tout le monde et lui ai souhaité bonne chance. Comme beaucoup, j’étais persuadé que son entreprise était vouée à l’échec, c'est-à-dire qu’elle ne pourrait jamais trouver chaque matin quelque chose de nouveau et d’intéressant à écrire sur son sujet.
Je me trompais.
Car il suffit aujourd’hui de lire le blog de Clémence pour se rendre compte qu’aucun matin n’y ressemble au précédent. Mais que l’on peut chaque jour y partager sa passion méticuleuse pour les grandes et les petites choses qui font que le théâtre existe : les textes, les idées, les lieux, les textes, les objets, les enjeux, surtout les gens… avec un regard qui sans cesse se déplace, une curiosité qui ne s’épuise pas. En évitant le piège de la critique de spectacle, mais en explorant tout ce qui rend le théâtre possible, bien au-delà de ce qui ce qui ne concernerait que le seul théâtre de l’Athénée.
Ce faisant, Clémence a créé un nouveau métier (ce qui en revanche n’arrive pas tous les matins!) : celui de bloggeur d’une salle de théâtre, et a établi une distance et une indépendance originale vis-à-vis de son institution.
Pour éviter d’embarrasser Clémence avec plus d’éloges, je vais donc conclure en exprimant un regret, ou du moins une frustration. Clémence écrit très bien. Elle est très jeune (c'est-à-dire qu’elle a bien moins de trente ans) donc est très sérieuse (à l’écrit du moins, mais il est vrai que sinon je la connais peu). Elle ne laisse dépasser aucune faute d’orthographe, emploie toujours des mots justes, et me vouvoie quand je laisse un commentaire sur son blog…. avec ce côté sciences-po-première-de-la-classe, toujours contrôlé et ne voulant à aucun prix être prise en faute, même si sous la pertinence pointe souvent l’impertinence. J’ai le sentiment de ne voir que la partie émergée de l’iceberg… quand lirai-je une Clémence réellement emportée?
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