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Je me souviens d’avoir été aussi jeune et affamé que les ados qui s’emparent ce soir de la scène de la Comédie Nation, avec peur de rien et l’envie de jouer à très haute voix, de tout être à la fois. J’aurai aimé rencontrer alors un bon professeur. Ce soir, il ne faut pas plus longtemps que la première seconde à chacun de ces jeunes acteurs pour exister à 100%. Chaque personnage sitôt dessiné. Pour rester après dans le rythme et aussi féroces que le texte. Pour parler vrai, j’aime voir enfin jouer des amateurs sans craindre de les voir jouer faux.
Je me souviens d’avoir bizarrement lu d’Anouilh, trop tôt et il y a très longtemps, les pièces roses, pièces noires et pièces grinçantes, avant même de comprendre que tout théâtre était avant tout fait pour être joué sur scène. Avant de savoir qu’Antigone avait d’abord été écrit par Sophocle. En lisant les pièces, je commençais au moins à comprendre le sens de l’ironie, la politesse du désespoir. Toute mise en scène d’Anouilh balance sans doute entre deux feux, c’est ce soir en surface moins noir que drôle, même burlesque. Quoiqu’à gratter un peu…
Je me souviens avoir vu une seule des ses pièces, la dernière (le Nombril) en 1981. Un jour Anouilh mourut- puis longtemps aprés, mon père- trente ans durant ses pièces disparurent des scènes. Trop écrites, trop datées, trop peu flexibles? Cette année il a 100 ans, il est temps. J’aime voir ce soir Anouilh non trahi mais un peu détourné, joué comme du Feydeau, en crescendo, tous quiproquos télescopés. J’aime le contraste entre le contexte suranné de l’après guerre (les « cher maitre », les réquisitions de m2 carrés), et l’énergie contemporaine, jubilatoire, cartoonesque des très jeunes acteurs. Pas de temps à perdre pour tout s’approprier: ils n’ont qu’une heure! J’aime voir une pièce qui fait rire sur un si grave sujet : les emmerdeurs…. Pour nous étourdir dans l’éternel tourbillon des égoïsmes.
Je me souviens de « Léon » (ne pas confondre avec « Léon »). Ca marche à tous les coups. Et j’aime voir mes propres fils rire pour la première fois des mots d’Anouilh. Je crois qu’ils s’en souviendront. L’un d’eux m’explique ce que le costume du plombier doit à Super Mario.
Je me souviens d’avoir lu (vers 1975 ?), trop tôt encore, les entretiens de Numa Sadoul avec Gotlib. Adolescent alors, découvrant pour la première fois que des œuvres pouvaient non seulement se lire avec plaisir, mais s’interpréter. Ignorant toutes les années d’après jusqu’à presque maintenant que l’interlocuteur sur papier d’Hergé, Franquin, Moebius, Tardi et les autres, mettait aussi le mouvement en scène, et Anouilh qui plus est. J’aime quand les univers sortent des cases.
Je me souviendrai d’Episodes de la vie d’un auteur, de Jean Anouilh, interprété par les Enfants Terribles et mis en scène par Numa Sadoul, à la Comedie Nation.
La musique évidemment est invisible, presque se devine. Elle semble pourtant ce soir être une matière. Surtout cette musique dite "concrète", est d'une grande qualité de densité, quasi à la toucher. D'où mon trouble également, de ne rien voir d'abord en rapport, ici assis. Je ne vois même pas les amis que j'étais censé retrouver. Essayer de renoncer alors à regarder. Déja les haut-parleurs, partout. Ne pas voir qui joue .Se focaliser sur-juste en face de moi- une petite photo du compositeur, sur une plaque au milieu de fils electriques et circuits intégrés, bobines et fragments de magnétophone, le tout dans une de ses nombreuses créations picturales, chacune un assemblage inédit. Imaginer Pierre Henry quelque part deux étages plus bas, barbe blanche et concentré, devant ses consoles, écouteurs aux oreilles, doigts sur des curseurs. Mais avec quoi joue-t-il vraiment? Chef d'un orchestre virtuel, dirigeant des fantômes, régnant sur les câbles et les amplis? De quelle manière, ici et maintenant, agit-il, sur ce qu'il a préalablement déja est conçu, pensé, enregistré? S'agit-il ce soir d'une simple transmission, d'une mise en situation. Ici à voir ni geste ni instrument. La main, la bouche ne rencontrent ni corde, ni embouchure, ni touche. Voire, à écouter la musique, difficile de visualiser à partir de quels instruments en a été produite la matière première, avant tout traitement, toutes transformations. On entend sortis des baffles, en rythmes et notes, des chocs, des grondements, des agitations, des vibrations, des soupirs, des foules et des évenements qui se bousculent comme des troupeaux impatients, des superpositions, des rencontres,des éclosions, des travaux, des émissions, des rémissions, des inquiétudes et des éclats de joie, des sautes d'humeurs et des traits d'humours, des bulles, des songes et des abandons. Mais ni piano ni violons (à l'exception de quelques samples de Schubert). Elle ne se vit jamais abstraite, cette musique libérée de sa source, qui d'autant plus directement nous touche.
Puis, à force d'ouvrir les yeux et bouche bée, je vois ce qui est évident depuis le début, comme une lettre cachée dans cette pièce. La maison, la musique ne font qu'une. L'expression de la même pensée, la même. Dans les airs et aux murs la beauté mis à nue, entre rigueur et hasard, matériaux mis en pièces, ré-agencés et ré-inventés, en profusions, accumulation, en contrastes et mouvements. De dedans je vois la musique en voyant la maison assis dans la chambre de Pierre Henry, au dernier étage de sa maison de sons.
C'était un concert chez Pierre Henry, chez lui à Paris, avec Phrases de Quatuor, Miroirs du temps, et Envol, deux programmes par soir jusqu'au 30 octobre.
As we hear the first lines, we're surprised! The theatre did let us know the performance was in english language, but it appears the french subtiles (that were announced on the program) are, for some technical reason, actually missing....Well, We've all got to adapt, and focus. As watching a danse performance. I remember reading that Orson Wells once said he rather attend a show in a language he didn't knew, to let him fully envoy the playing of the actors... The consistency and musicality of the work of the two actress on stage are indeed attractive. But I am frustrated. I sure miss a great part of the subtility of the play. I've got the feeling to always stay far behinds the meanings, being always to slow, unable to catch all of possible implications. Thanks to Barker's writing style, some words and sentences are often repeated. On the other side, placed into an accurated state on attention, I've to let my imagination work, forced to fill the gaps. Being aware that Barker's theatre can be interprated in many ways. All things considered, It's tonight quite an interesting expérience to live.
In addition, according to Barker's habits, the time and place of the plot are all but explicit. What did I hear, what did I see? It's as confused as the words I use to express it. After a mysterious "alteration", a catastrophe of some kind, they're only two women left on stage (and in the world?): that is a former contess and her servant. Lost in a no man's world, maybe in a no male's world. The relationships betweens these two women seem to be have been reversed, now upside-down. The former servant rules (but the situation is much more twisted than it seems at first glance). She wants her husband to have her former mistress (in a sexual way). The whole play is built on this strange request. But I'm not sure the invisible husband really exists off the stage, maybe he's only the expression of the two women's desire. Of the former servant thurst of social revenge, or of the former mistress secret fears and fantasy. It's no surprise we feel an heavy erotic atmosphère all along. The play deals strongly with social power, desire, dignity, dependence and cruallty. Sometimes a mecanic dogs appears, to claim some contess clothes, have her partly undressed. The dogs is beautifully played by a man, he frighteens the two women, it seems he is send by the husband. I ask myself if the dog could be the husband himself. There is a strong contrast between the elegance of the lines and pronunciation and the violence of their very physical relationships. What the language may be, the two women litteraly fight each other. I enjoy this harscheness. Most interesting, the former contess appears, by her way of speaking, not to be a victim, she dosn't act as submitted. The former servant domination is full of doubts. At last, the former contess disapears off the stage to have forced intercourses with the invisible husband. Or maybe it was just an fantasy. Anyway, she returns form this encounter placed an upper position. The dog nows obeys her, the roles are again reversed. The play could continue in a circular way from now on, with further alterations. Only one thing is sure: the two women need each other. It may have political implication, beyond phsycological meanings. I'm out of words now, so that'll be all, and sorry for the many mistakes. If anybody saw another story he's welcome to tell it.
C'est dans la convulsion des derniers instants que tout se précipite et se rassemble. Dans un vertige où tout prend (non une logique) mais force et sens, au paroxysme d’un tourbillon. La danse, d’abord enfermée dans un solo en boucle (A Conspiracy), s’est mise à contaminer tout l’espace autour d’elle, s’est propagée, par cercles successifs, de danseurs en danseurs, en expansion irréversible, par décharges, par déferlements de sons et sensations, par brusques possessions. Notre espace d’observateur est emporté, balayé, les fantômes parmi nous libérés. Le moment est saisissant, effrayant à dire vrai.
C’est dans ce dénouement en débordement que se justifie et trouve une cohérence ce qui a précédé, vécu jusque là comme un patchwork déroutant de danses (vues ou nouvelles), et théâtre, poésie, musique, performance: une étrange carte blanche(1). A commencer par ce long prélude qui sur le coup paraissait fastidieux: trois femmes, dont les robes lugubres et cérémonieuses contrastaient avec les poitrines dénudées, une combinaison comme sacrée. Elles semblaient devoir tournoyer lentement pour l’éternité au son des trois mêmes notes, tandis que trois sorcières de Macbeth lançaient leurs malédictions. C’était, rétrospectivement, un rituel, un envoutement. Aussi une manière de nous faire accepter le principe de répétitions et de subtiles variations comme moyen de faire apparaitre ce qui sinon resterait caché, la mise en œuvre d’une transe au ralenti, diluée. Circulaire également, la lutte ensuite de ces deux guerriers presque nus. Les corps s’attaquaient l’un l’autre en contacts exacerbés, leurs gestes accumulés, saturés, dans un combat d’abord à mort dont la violence s’épuisait peu à peu, en ralentissements, pour se transformer en étreintes amoureuses. Dans cette répétition de mouvements pouvait donc changer la signification de l'ensemble. Par contraste, le corps avait tout à fait disparu de la partie qui suivait: une pure évocation de l’invisible sous trois angles, tentée via trois sensations. La musique de Philippe Glass interprétée au piano, la voix portant la poésie d’Emily Dickinson, les images floues d’un film fantomatique (de Xavier Baërt). Durant cette absence le temps encore s’étirait. On en venait enfin à la dernière histoire, celle de la folie d’un prince- d’un fou-shakespearien(Lionel Hoche), condamné halluciné à répéter encore et encore mots et gestes, enfin à s’en libérer tout en nous entrainant avec lui dans ce cycle. Nous avons été invités à deviner toute cette soirée des recits de fantômes et de disparitions, d’exorcismes enfin. On peut comprendre ainsi le final, sur une variation d’Amazing Grace. Mais ne sommes- nous pas à notre tour,invités à danser, pris au piège, sommes nous vraiment libérés de ces démons? Je retrouve surtout, au terme de cette soirée rétrospective, ce qui me fascine dans l’art d’Alban Richard: la faculté de faire naitre des émotions brutes de la rigueur et géométrie des formes.
(1) bien que le déroulé de la soirée ai été quelque peu ralenti et dispersé par le parti-pris de la partager entre quatre lieux reliés par des trajets en car: l'Atelier de Paris Carolyn Carlson, le studio Le Regard du Cygne, L'étoile du nord et Micadanses. L'initiative a pour avantage de nous informer que ces structures constituent désormais un centre de développement chorégraphique en réseau (c'est surement une excellente chose), mais aussi pour inconvénient de nous faire mesurer toute la congestion de la circulation routière à Paris et petite couronne...
photo de Vincent Jeannot avec l'aimable autorisation de la compagnie.
Les plus courts chemins de Daniel Dobbels nous emmènent très haut, nous emmènent loin. A condition de soi-même accepter de ralentir, de prendre le temps, de se placer en état d'écoute, de se dégager de bien des conditionnements.
Pour s'approcher alors d'une utopie, celle de voir des corps qui s'exprimeraient en leurs émotions, en leurs verités, libérés de toute contrainte sociale, de toute obligation trop spectaculaire. Cela posé, de la danse elle même on ne se risquera donc pas à entreprendre de description, forcement de réduction. Sinon remarquer que les mouvements semblent se développer toujours sur un autre rythme que celui celui auquel on s'attendrait, à une autre vitesse. Il faut accepter de se couler dans une autre mesure du temps, un autre possible. Aussi ressentir que rien ici n'est appuyé, ni demonstratif, ni évident, la subtilité des rapports entre les êtres et les corps respectée, de la résilience à l'affirmation exaltée de la vitalité. Du silence à l'exacerbation des sentiments, de la musique de Cecilia Bartoli au blues de Jimi Hendrix, les corps se révèlent à eux même attentifs et yeux mi clos, maitrisent dans un espace appaisé d'invisibles objets. Cet art ressemble avant tout à une morale, à une attitude, c'est aussi une chance d'écouter parler quelques minutes le monsieur, à l'image de sa danse: intelligent, sensible, respectueux, passionné. Et de mieux comprendre son projet: faire découvrir à tous les publics que les gestes ne sont pas des armes mais des dons, des richesses.
Les plus courts chemins, de Daniel Dobbels (Compagnie de l'Entre Deux), suite composée de Les revenants (trio), Etre à même (duo), Effectif réduit (quintette) sera créé les 8 octobre et 9 octobre (aujourd'hui et demain) au Forum de Blanc Mesnil.
Guy
photo avec l'aimable autorisation de la compagnie.
Ce n’est ni à une répétition, ni à un spectacle, ni un festival, auquel j’assiste aujourd’hui, mais à des rencontres entre professionnels de la danse. Une vingtaine de compagnies, connues ou moins, présentent durant deux jours, à la Maison des Arts de Créteil, leurs créations à des programmateurs, en présentent plutôt des extraits. Pour la troisième année le CDC du Val de marne m’invite aux Plateaux, j’en suis content, attiré ici par la variété des propositions, m’y sentant toujours pourtant comme un peu clandestin, au milieu de professionnels. Il y a là plus d’une centaine de programmateurs, de représentants de lieux de spectacles et de création, qui viennent quant à eux autant pour le travail que pour le plaisir de la découverte. Je leur souhaite d’arriver à concilier les deux. Le rythme est soutenu. Afin de permettre à un maximum de compagnies d’être vues dans le temps par définition limité de la manifestation, ce sont des échantillons- idéalement représentatifs- des pièces qui sont proposées. Des teasing de 10 à 30 minutes, c’est quitte ou double. Cette contrainte est d’évidence réductrice pour le chorégraphe, et souvent frustrante pour le spectateur. Mais la curiosité est éveillée, tant les propositions, sur le fond et la forme, sont variées. L’essentiel est que cette louable initiative du CDC permette à des compagnies de gagner ici en visibilité. Se crée ici pour quelques heures tout à la fois un lieu de création et une place de marché, un lieu d’approches, d’étonnements et de rencontres. On devine que réputation et notoriété se construisent sans doute sur un plus long terme que ne souhaiteraient ici les artistes.
J’arrive pourtant en terrain connu. Je retrouve Veronica Vallecillo pour Redressage, Redresser, Redresse-toi. Et me retrouve saisi par l’intensité déjà vécue qu’il y a trois ans à Point Ephémère, gagné par des sensations lourdes déjà ressenties alors, par la même étrangeté. Le sol semble trembler sous le martèlement guerrier des talons de la danseuse, les vibrations s’insinuer dans mon inconscient, accompagnées par de graves chuchotements, et par le grain palpable de l’image et du son. Le noir domine, déchiré d'écarlate, l’espace dessiné libre pour des rêves troubles. Au fond le paysage s’enfuit, des banquises s’effondrent. Au centre, farouche, la figure féminine: corps raide et en défi, corseté en robe noire, voile et bottines, en pleine flamenco attitude. Entrainé dans un vertige érotique, dans une danse post-apocalyptique, entretenant avec les comparses vêtus de collant noirs et munis de trousseaux de clés des relations réversibles et ambigües. Fouets, baisers et étreintes avec la mort rouge: les scènes se chargent d’autres images fortes et fantasmatiques….et la création en reste là, inachevée, pour le moment en recherche de budget. Impossible d’oublier ici que la dance est aussi une activité économique, dont on connait la fragilité des paramètres (faiblesse des recettes de billetteries, complexité des soutiens publics, grande richesse de l’offre créative, précarité de la situation de beaucoup d’artistes…). En l’absence de financements beaucoup de créations restent longtemps à l’état d’ébauches, je souhaite que cela ne soit pas le cas de celle-ci.
La jauge est ensuite annoncée quasi complète pour Claudio Stellato, je m’efface pour laisser plus de place aux pros. Louves, de Christian Ben Aïm, ensuite me laisse perplexe. Au moins je ressens avec évidence un déluge inquiétant de piano et percussions. Il faut d’abord s’habituer à la féminisation du danseur, qui, dans ce songe de fées, se rêve petit chaperon rouge puis grand méchant loup, se débat dans sa robe. Le suivre, alors qu’il se déplace par mouvements paniqués, puis lorsqu’il évolue de personnage en personnage, sa hache brandie, du comique au menaçant. Le temps me manque, sans doute, pour m’adapter à ces changements de modes. Pourtant, il semble que la création-qui sera reprise cette saison à Artdanthé- aie été dés le départ prévue pour ce format: c’est l’exception qui confirme la règle.
Au retour du déjeuner Bruno Pradet, avec Des Cailloux sous la peau nous emmène déambuler aux quatre coins de la Maison des Arts. Afin de présenter en continu les différentes propositions des compagnies, une demi-douzaine de lieux du bâtiment du M.A.C. sont utilisés tout au long de la journée. Ce chorégraphe ci a choisi de mettre en mouvement avant tout les matières: sable, lumière, fumée, images projetés… Aux danseurs de s’y confronter, de glisser leurs corps dans ces environnements. A défaut de pouvoir en vingt minutes nous guider dans la profondeur, Pradet nous place dans un état de jubilation enfantine, impressionnés par le renversement des sensations et l’inventivité des effets. Et tire bien son épingle de ce jeu de démonstration accéléré.
Pas le temps de souffler- tout juste de saluer des visages connus, voire des personnes moins bien identifiées dans la cohue et qui ne m’ont peut être plus reconnu non plus, ou de reconnaitre d’autres personnes pour de bon mais sans avoir le temps de les saluer, et d’abord ne pas reconnaitre Veronica Vallecillo (qui sur scène était masquée)-il faut aller ensuite découvrir Palle Granhoj (Danemark), qui présente un extrait de 2men2mahler. Ce duo masculin joue d’abord drôlement des muscles, et à cache-cache avec la nudité, dans une suite de gags qui trouveraient leur place dans une salle de gym…mais la pièce passe progressivement du comique à la subtilité, les rapports entre les deux personnages gagnent en intensité et incertitudes… Leur relation muette semble riche et annonciatrice de futurs développements. Mais à dire vrai, ma concentration commence à se perdre, plus par l’effet de ma propre fatigue qu’à cause de la pièce, sa douceur permet d’agréablement m’évader ailleurs. Cette proposition est ouverte. Si j’étais programmateur, je voudrais en voir plus, mais plus tard peut-être.
La proposition suivante commence avec du retard, de tels aléas techniques étant la rançon de cette course en flux tendu, et la transformation de tous les espaces d’ici en lieux de représentations. Toucher terre de Laura Nercy me lasse très vite, la fatigue y est peut –être pour quelque chose. C’est la cinquième proposition vue aujourd’hui, à chaque fois un effort d’adaptation à un univers différent, un exercice d’humilité. Mon empathie d’assèche, et le public de professionnels qui m’entoure me semble plus difficile et retenu qu’un public d’amateurs. Mais j’aurais eu, confronté à cette pièce dans un autre contexte, des réactions similaires: confinée sur une chaise la proposition me parait trop statique, introspective et auto-centrée, sans la grâce ou le mouvement qui pourrait la transcender. Ni la subtilité de la proposition d’avant, ni le spectaculaire de la précédente. Gros coup de fatigue et saturation, je sèche INAWTP de Kasja Sandström. Brève évasion dans le réel, dans un rade de la dalle-esplanade de Créteil, lieu vaste, vide, blanc, plat et venteux entre Hôtel de Ville, Commissariat, Chambre de Commerce, Préfecture et Maison des Arts et de la Culture. J’admire les pros, qui pendant ce temps enchainent sans sourciller (mais peut-être certains font-ils l’école buissonnière ?).
Retour à la M.A.C. Grand hall central encore désert, mais dans la fosse quatre jeunes femmes plus nues qu’en intégral, bronzées et huilés, aux physiques calibrés au poil prés selon les canons du jour, qui s’étirent alanguies sur un tapis de danse. Réveil instantané. Il s’agit de la mise en place de la prochaine performance, Broken Glass Performanced’United-C (Nl). Le show s’enclenche sans heurts ni ruptures à la sortie du public de la salle d’avant. Les belles évoluent en frôlant au sol des verres cassés, pour donner le sentiment de pouvoir se blesser durant l’exercice. Elles caressent les tessons du bout des doigts de pied, lentement se retournent, se fraient horizontales des chemins des les verres coupants en glissements charnels, étirements sensuels et pivotements luisants. Les verres tintent aussi agréablement. Personne ne m’en voudra de révéler que les belles s’en sortent indemnes, les amateurs de sang ou de coupures en restent pour leurs frais. A dire vrai, je ne parviens pas à avoir peur pour elles. Les danseuses semblent plus exposées aux regards qu’au danger (sinon au niveau symbolique). A défaut d’être vraiment intense ou cruel, c’est « plastique » et visuellement généreux. Et très lisible à la fin d’une journée bien remplie. A suivre: une autre création de la même série dans quelques mois à Artdanthé (décidément).
Ensuite, T.R.A.S.H. (Nl) délivre avec T+Bernadette ce qu’il faut, à 18H00 passé, d’adrénaline. Je connais leur style (et n’ose plus dire d’où), on ne peut plus physique et nerveux, on craint plus pour eux que pour les danseuses d’United-c. Courses et saccades, gestes tendus, pendus, tremblés, équilibres pénibles, corps qui se trainent et se heurtent, se saisissent et se culbutent cris et tremblements, agitation extrême, le sol en est secoué. Et un violoncelle est là pour taper sur les nerfs. L’Il et l’Elle du duo changent souvent de rôles et de costumes, mais je ne sais lesquels. Si je ne comprends rien à ce qu’ils disent, je goute à de belles fulgurances. J’en sors en n’ayant rien découvert de plus: ni conquis ni déçu.
Je commets une dernière erreur, aller voir, le regard épuisé, la représentation publique de Mais le diable marche à nos cotés d’Heddy Maalem mon regard épuisé. La pièce est nerveuse et intense, situé dans un désert aux couleurs rouges traversé de migrations inquiètes, la musique entêtante, le tout est trop oppressant, je ne suis plus, après cette journée, armé pour affronter cela. La rencontre n’a pas lieu. Les plateaux continuent le lendemain, ouverts au public. pour des raisons personnelles je ne peux assister à cette seconde journée et n’entend tirer ni bilan ni conclusion de la première. C’est un voyage express dans un paysage contrasté et morcelé, avec d’étonnant aperçus, un paysage modelé par les différents artistes, qui me donne envie d’encore marcher et découvrir. Sans règles, ni tendances lourdes qui se dégageraient, ni directions partagées: tant mieux.