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centre culturel suisse

  • Sous les soleils noirs

    Perrine Valli manipule les symboles avec légèreté, l'air sage de ne pas y toucher, juste les poser là, mais de tout leur poids, à nous d'en tirer des conséquences. Elle, constante dans l'économie sereine de ses gestes, en une géométrie apaisante et assurée. Ni affect ni effet de crescendo. Pourtant, il y a une transe, portée par la monotonie d'un thème percussif, lente mais même lancinante. A la manière d'une cérémonie, la pièce s'irrigue  d'un texte d'Artaud qui relate la danse du tutuguri: rite du soleil noir chez les indiens de la sierra taahuma. Ce point de départ imprime la scénographie: un cercle formé par six croix, ici formés de papiers où s’inscrivent des mots relatifs à Dieu. Cette inspiration installe un mystère qui ne pourra être résolu. Mais quand six danseuses rejoignent la chorégraphe- pour atteindre le nombre de participants de la cérémonie indienne, s'installe en toute évidence une puissante sororité. Leur ronde sans fin m'enivre. Ensemble elles font forme avec force, brisent le cercle des mots religieux, dispersent ces papiers comme autant d'injonctions, elles détachent leurs cheveux. A cet instant, j'ai le sentiment que Perrine Valli me parle de libération.

    La danse du Tutuguri de Perrine Valli, vu le 10 septembre 2016 au Centre Culturel Suisse dans le cadre du festival Extra ball.

    Guy

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  • Touchés

    Du peu nait l’attention, du presque rien. Juste cette femme, tasse et soucoupe à la main. Un mouvement du poignée s’amplifie, un faux tremblement qui résonnera dans le silence comme un solo de caisse claire. Toujours le même jeu de la représentation, nous sommes tendus et impatients, affamés de spectaculaire et de compréhension, à vouloir extraire la signification de l’apparent insignifiant. Mais nous échouons à anticiper à chaque fois ce qui va se transformer, se développer, et comment. D’un objet-une peau de bête- la performeuse va épuiser les possibilités, dialoguer, lui porter une intensité d’attention, même d’empathie, qui nous gagne. La nudité sans affect constitue sans doute l’évènement le plus prévisible de la performance, parachevant la prise de pouvoir sur l’auditoire capté. Mais au lieu du bleu de Klein elle s’abolit de noir.

    GiselaHochuli.m4v from sarina scheidegger on Vimeo.

    In touch with M.O., performance de Gisela Hochuli au Centre Culturel Suisse le 19 septembre 2015 dans le cadre du festival Extra Ball

     Guy

  • La tête et les jambes

    Il y aurait les danseuses, belles et physiques, légères dans tous les sens du terme. De l’autre côté Il y aurait les écrivain(e)s, maladroites et intellectuelles, qui tendraient vers le disgracieux, avec des lunettes moches selon toute probabilité….

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    Et surprennent des rencontres à contre-emploi. Merci Concordan(s)e et tant pis pour les rôles attribués d’avance. Pour commencer par des jeux de doubles dans l’obscurité, puis ces deux sœurs qui apparaissent, jumelles jusqu’au bout des ongles: même les perruques et lunettes sont raccords. La chorégraphe Perrine Valli prend la parole avec assurance, l’auteure Carla Demierre corps en avant se prend au jeu. Ensemble. Dans un exercice similaire quoique masculin, le chorégraphe Lionel Hoche et l’écrivain Emmanuel Rabu se répartissaient les rôles et moyens d’expressions de manière plus tranchée autour d’un même sujet. Ce soir le sujet tient avant tout dans la rencontre entre elles deux, chacune un pas l’une vers l’autre, vers un miroir dans lequel se considérer, au delà des apparences en leur vraie féminité. Elles s’interrogent sur le cousin machin de la famille Addams, qui ressemble plutôt à une cousine, à se réapproprier. Elles échangent les places, sur le tapis de danse ou fesses posées sur la chaise devant le bureau. L’une écrit sonorité, l’autre lit sororité.

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    A chacune son apport. Carla Demierre joue avec ou sans la langue, ouvre l’esprit de mots étranges, de réflexions à contre courant. Perrine Valli cadre de gestes doux et droits, prend la mesure de l’espace au mètre ruban, remet le monde en ordre. Cette femme exerce un grand pouvoir d’apaisement. Des pas simples sur une musique insouciante trouvent leur écho quelques phrases plus loin, les paroles se prolongent chez l’une et l’autre en langage des signes, corps et mains. Peu importe les rôles, seul compte l’échange: surprenons nous un peu!

    C’était La cousine machine de Perrine Valli et Carla Demierre au centre culturel suisse, créé dans le cadre de Concordan(s)e.

    guy

    Ma mère est humoriste, de Carla Demierre, est paru aux éditions Léo Scheer dans la collection Laureli en 2011. Perrine Valli crée Si dans cette chambre un ami attend le 4 et 5 mai aux rencontres chorégraphiques internationales de seine saint Denis.

    Photos par Simon Letellier pour le CCS, avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Alexandra Bachzetsis mange des chips

    Une puis deux puis trois potiches qui mangent des chips, plantées face au public. Faute de mieux on scrute très attentivement le très peu qui est donné à regarder: micro-gestes et minimales mimiques, mouvements des sourcils et du poignet, comme autant de messages sociaux ordinaires et insignifiants, autant d'attitudes situées quelque part entre une effronterie gamine et une insouciance un peu idiote. Cela dure et pourrait- pourquoi pas- durer encore plus longtemps, c'est peut -être pourtant la séquence la plus significative de la performance: un exposé -catalogue de stéréotypes féminins, inscrits dans les gestes les plus infimes.

    On passe après très logiquement à l'audition des futures stars. La déclinaison des clichés devient plus choc et chic. Postures rocks et micro empoignés dans le vent, poses aguicheuses. Le désir est si manifestement mimé, version clip publicitaire, qu'il est clair que c'est la représentation qui est jouée, sans épaisseur aucune, et plus rien du tout de la chose en elle-même. On continue impeccablement dans la même veine cynique, par un sage effeuillage dansé, avec de jolis effets de noir et de lumière tels ceux que les usines d'érotisme pour cars de touristes ont depuis longtemps épuisés.

    Tout cela est bien vu mais bien vain. On touche vite aux limites du projet, que l'humour et la connivence ne suffisent pas à sauver. A vouloir représenter les codes sans prendre de distance, on ne construit plus de différence entre le stéréotype et sa représentation artistique. Sur un thème voisin, avec Beauté Plastique, Ferron et Unger réussissaient une vrai création, le trouble en plus. Ici veut-on nous amener à réfléchir sur des sujets qui nous paraissent déjà tout réfléchis? Nous conforter dans la résolution de ne jamais regarder la télévision, en nous montrant déclinés sur scène les mêmes clichés que sur écran, perdus quelque part entre premier et second degré? Ou est-ce pour démontrer que l'on peut nous transformer en misogyne en 40 minutes?

    C'était A.C.T. d'Alexandra Bachzetsis, avec Alexandra Bachzetsis, Lies Vanborm et Tina Bleuler, au Centre Culturel Suisse.

    Guy

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  • Puits sans fond

    On aurait jamais cru être un soir saisi de pulsions homicides au Centre Culturel Suisse.

    C'est pourtant l'effet qu'eut sur nous la "poésie sonore" de Vincent Barras et Jacques Demierre.A force de notes tenues s'achevant en onomatopées, d'halètements, surtout de râles étouffés, on se sentait soi-même devenir asthmatique, agressif, oppressé. Poétiquement, le concept ne tenait pas ses vagues promesses, malgré l'ânonnement final d'un lexique aux résonances presque kobaiennes. Sauf à illustrer l'inanité d'un art qui a volontairement oublié son passé et sa culture, pour réapprendre à parler tel un enfant, mais les spectateurs n'ont pas la complaisance attendrie des parents.

    Il restait un peu de place sur la scène: pour cette raison sans doute Perrine Valli y dansait, sur une chorégraphie de Cindy Van Acker.Sans que l'on perçoive vraiment les interactions  entre sa lente progression et la performance sonore qui se déroulait en parallèle. Ou alors c'est d'accablement que la danseuse restait plaquée au sol pour y ramper. De toutes manières on ne la vit pas beaucoup, ce "Puits"était trés bruyant mais peu éclairé.

    On attend donc avec curiosité de revoir Perrine Valli dans une autre pièce, bientôt à Mains d'oeuvres

    Non accompagnée.

    Guy

  • Suisse Panique, Suisse Beauté - Claudia Gradinger

    Il se passe souvent quelque chose au Centre Culturel Suisse.

    Surtout quand Claudia Gradinger y vient danser.

    La représentation se fait attendre, on y est certes habitué, dans ce lieu d'arts où le lieu de spectacle est caché. Mais ce soir des anomalies s'insinuent aux frontières de notre champ visuel. Ubik ? Toutes les spectatrices ne sont pas telles qu'elles semblent être. Brusque confirmation de ce soupçon, mais d'autres réponses ne seront jamais données: ce qui est dans la tête reste caché.

    Il est un temps rassurant de rentrer dans la salle, mais ensuite tout semble devoir encore se dérégler. Sons volontairement mal maîtrisés, corps décalés, les mamies investissent la scène, considérations sur l'âge des articulations, démonstrations et contrebasse maltraitée, apparaît une femme à l'oeil noir, jeune mais dans une robe démodée, les mamies se déchaînent et nous-même ne savons plus sur quel pied danser. Échanges de rôles, des territoires troublants et ruinés surgissent sur l'écran en fond de scène, qui se lève ensuite pour laisser place à un corps dérangeant et allongé.

    Après: peinture et verbe, la progression du discours échappe à toute rationalité. Mais-changement de direction- la suite se joue dans le registre de la beauté. Car hélas Claudia Gradinger est terriblement belle. Final dans la séduction, la sauvagerie, la virtuosité, et dans le classicisme même.

    Est ce dommage? Était-ce obligé ?

    Réponses plus tard peut-être.