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  • La danse et la vie

    D’où viennent-elles? Pas de nulle part…. Ces deux danseuses qui lancent la soirée, dans le hall du L.M.P. , annoncées familièrement sous les noms d’Alexane & Elise… Ce qui soudain est touchant, c’est que ce duo contemporain glisse doucement, nous emmène, sans rupture, vers une danse populaire. Dans l’air, des boucles d’accordéon et rengaines de synthétiseur. Un spectateur, une autre spectatrice, puis plusieurs entrainés, pour danser avec elles des figures de « scottish », ou entre eux, un parfum de campagne, de bal du samedi soir, ou de beaujolais, les frontières abolies et le spectaculaire apprivoisé. Les portes de la salle s’ouvrent et elles nous invitent dans le même mouvement, à rentrer, difficile de résister….

    D’où vient- elle, elle aussi? Apre, d’une tradition d’autres rivages, au-delà la méditerranée… mais toute écorchée de rock n’ roll. Une chanson de Patti Smith nous précipite dans l’urgence. Florence le Dinh infléchit la danse orientale, fait muter la bande son du passé au futur sans discontinuer, dressée sur les racines le corps offert à cette révolte à s’en fouetter le sang. Viscéralement, à extrême, mais en économie, l’intensité est verticale, en dedans.

     

    Marinette Dozeville - C’est quelques jours avant- semble faire jaillir son inspiration de gestes à priori éloignés de la danse à voir sur scène, recycle mouvements des clips, des stades et des dancefloor, et nous propose d’écoute les témoignages de médecin, sportifs, sociologues à propos de performance… Et nous avoue se délecter d’organiser des bals disco, boules de lumière et paillettes.

    On se lache...

    C’était Scottish & Co(.ntemporain) d’Alexane & Elise, Emportés vers les constellations de Florence Le Dinh, présentées par les mouvements émergents prometteurs au Lavoir Moderne Parisien et des extraits de Perf ‘ de Marinette Dozeville au theatre au fil de l'eau, dans le cadre de Danse en Chantier.

    Guy

  • So sad about us

    Pourquoi est-ce si triste? Avec le champagne- quelques larmes- à l’entracte, tant d’émotions éparses, comme des lambeaux de brume sortis de la machine à fumée. Un collage de textes et d’images, comme sur un placard d’affiches jaunies et déchirées d’où des éclats vifs se détacheraient. Yves Noël Genod cette fois s’efface, laisse fuir le théâtre de peur qu’il ne se sauve, ouvre les fenêtres sur cet après midi d'hiver pour laisser passer air et lumière de l’extérieur. Nos portables laissés allumés dans cette salle de répétition-plutôt qu’un lieu attendu pour une représentation. Le théâtre revient par les portes, en souvenirs, incarné en ces corps dans un espace scénique indéfini, mais on dirait des fantômes, sinon des survivants. La grâce d’un enfant aux cheveux verts, l’effronterie d’un adolescent. Deux femmes pour bouffonneries  ou charme. Les vaines exhortations  au public d’un vieil acteur au public, comme un baroud d’honneur. Sous les auspices d’Emily Dickinson, des textes poétiques et des corps qui se refusent, des jeux et poursuites  aux répliques de boulevard sauvées de l’amnésie. Ils saluent en plein milieu de la piece, comme pour déja disparaitre. Celeste Alberet raconte les derniers jours de Proust, le mot « Fin » posé sur son œuvre, et cette mélancolie ressemble à celle où nous plongerait la mort du théâtre.

    C'était Je Peux d'Yves Noël Genod au théatre de la cité internationale.

    Je Peux (la pratique) est suivi de Oui (la théorie) encore ce dimanche à 14H30 pour la dernière au T.C.I.

    Guy

  • Sofia Fitas

    Rediffusion d'un texte du 29/7/2009 à l'occasion de la représentation d'experimento 2 samedi 10 décembre au théatre du fil de l'eau à Pantin, dans le cadre des journées Danse en chantier.

     

    Appuyée sur le dos de la main, c'est ainsi qu'elle progresse, c'est de cette manière qu'au sol à cet instant elle se maintient. Tous ses mouvements déformés à partir de ce point. Puis à partir des avant bras. Alors que la plupart des danseurs se reposeraient plutôt sur le plat, utiliseraient les doigts ou la paume, nous proposeraient de revoir une fois encore ce que l'on sait déjà du beau. Mais Sofia ne suit pas cette direction, nous déplace ailleurs, vers d'autres ensembles à explorer. Tout est là, de ce que je vois de Sofia. Ces gestes inattendus, obstinés, sans qu'en cet instant je puisse déterminer ce qui tient de la recherche, de la répétition, ou ce qui déjà à cet l'instant serait achevé.

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    Depuis un an, nous avons tous deux des discussions, parfois. Et Sofia m'a montré un cahier un peu déchiré qui jamais ne la quitte. Parmi des adresses, et d'autres listes de courses, des notes rédigées dans son portugais maternel, au jour le jour, des points de repère pour ce travail en cours: des idées générales, des descriptions très précises de séquences, de positions, m'a-t-elle expliqué. Des citations de Deleuze aussi, dont une en particulier que j'ai cru utile de recopier, et que j'ai égarée depuis. Mais Deleuze, je n'y comprends rien. Sinon, en rapport avec ce que je vois: l'idée de recompositions. Et les discussions souvent tournent court, se perdent en silence entre sympathie et un léger embarras. Puis Sofia retourne répéter. Alors j'oublie et je vois.

    En situation de création, la solitude de Sofia parait écrasante. Je le ressentais plus intensément à Micadanse. Sofia, silencieuse et concentrée, juste assistée de son cahier et d'une camera. Considérant elle-même son travail, le balisant jour après jour de ses points de repère. Hors de scène, Sofia a l'allure d'une absolue étrangère, plutôt timide. Mais a peu à peu réussi à s'imposer ici, de résidences en représentations. J'ai ainsi pu revoir Experimento 1 deux fois, chaque fois son impact intact. Aujourd'hui mon regard est aussi fragile que ce qui se crée. Sofia me fait confiance je crois, et chaque fois entre nous deux un espace d'attentes et d'attention se creuse. Peu avant une première présentation professionnelle àMicadanses, Sofia s'interroge à voix haute. J'intercepte ses questions. Il ne peut exister de spectateur neutre. Je suspends mes remarques, l'expression de mes impressions, illégitimes forcement, me retranche dans les encouragements.

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    C'est à Mains d'Oeuvres que je viens voir la dernière répétition à ce jour, en compagnie de Jérôme. Dans l'ambiance feutrée du studio de danse s'est dissipée toute l'agitation des quelques jours d'avant, avec les collégiennes de Jesus Sevari. Sofia semble plus sure d'elle-même qu'il y a deux mois. Se posent maintenant à elle des questions de structuration de son solo, la matière présente maintenant. Ma découverte de Sofia, je la dois à l'insistance d'Angela Conquet, pour une représentation d'Expérimento 1, ici même. Plus tard après cette répétition, je lis le texte de Jérôme, qui ouvre le sujet Sofia sur mode plutôt narratif. Il m'incite à prendre du recul, à contre-pied.

    Un jour à Micadanses, pressé par le rendez vous qui devait suivre, j'étais venu la voir trop tôt, surprise au début de son échauffement. Pour moi ce ne fût pas du temps perdu. Sofia pratiquait comme chaque matin une bonne heure de yoga, peut-être plus longtemps, membres en tous sens, étirés, à l'envers, à l'endroit, pieds au dessus de la tête, déja elle devenait méconnaissable. L' « expérience » commençait là, par ces transformations.

    Sofia a accepté assez vite que je vienne la voir répéter, dés ses premières résidences à Paris. Je n'avais jamais observé d'aussi tôt une création, si en amont. Mais pour vite renoncer à l'espoir de voir même dans cette situation les choses surgir avec évidence. Je dois revenir aux faits. Au départ du projet de Sofia, il y a la volonté de prolonger Experimento 1, en le dépassant. A la bâche de plastique noir succède ici le papier kraft brun. Une autre texture, une autre manière de ne d'abord présenter en lenteur le corps que fragmenté, voire de ne pas présenter ce corps en tant que corps. Sans le secours de ces voiles est ensuite développé ce qui dans le premier solo ne semblait qu'ébauché: des mouvements archaïques, déshumanisés. A l'aide d'un corps entier, mais un corps comme ré agencé, ressurgi d'une phase de déconstruction. C'est du moins de cette manière que je percois ce processus. Cette danse a quelque chose à voir avec la dissolution, l'effacement, dans ces conditions quelque chose de neuf est susceptible d'apparaître ensuite. Des choses au pluriel, qui interagissent en système. La disparition initiale, c'est l'une des grandes forces de cette démarche, également une source de difficultés. Il est bien sur exceptionnel que l'objectif de Jérôme puisse saisir des aperçus du visage de Sofia, qui se positionne le plus souvent de dos. Sofia nous confie qu'elle utilisera ses cheveux pour le cacher. Le costume pose problème également. Comment être tout à fait autrement? La peau, les muscles, jouent un rôle important, la nudité est exclue qui distrairait de même que des habits trop voyants. Des sous-vêtements neutres constituent un bon compromis, au moins pour le moment. Beaucoup de choses se résoudront avec la création  des lumières, du son.

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    Compte tenu de la nature du travail de Sofia, j'ai admis que pour voir celui-ci, il faut d'abord abandonner. Renoncer à comprendre. Et surtout à toute posture critique, à toute tentation d'échantillonnage culturel. L'observer est un déconditionnement. L'expérience du spectateur pourra ressembler à cela. Je m'autorise à laisser surgir des images, prudemment, me méfie de trop interpréter. Sans pouvoir m'empêcher de conceptualiser. Cela m'aide de la voir plusieurs fois. Je ne sais plus combien de fois je l'ai vu recommencer, peu à peu je m'y noie. Me soutient la conscience d'être témoin de quelque chose d'inédit. Ce n'est qu'après coup que je me risque à rationaliser. Et encore, ces réflexions m'apprennent plus sur ce que je veux, sur ce que je cherche, que sur ce que Sofia fait. Je réfléchis d'abord à ce qu'elle ne fait pas : pas de pathos, ni narration, ni esthétisme, ni glorification du corps, ni érotisme, ni discours, ni contextualisation. Ceci posé, je prends conscience qu'elle m'entraîne sur un nouveau plan d'émotions. Sofia semble s'enfoncer sous terre, encore déstructurée, en de nouvelles catégories, fonctions recombinées, retourne dans, contre, sous le papier. Un pied émerge, le rythme m'emporte. Sans comprendre le rapport, je pense à Eric Dolphy

    Observations de répétitions d'Experimento 2 de Sofia Fitas, à Micadanses et Mains D'œuvres, entre avril et juillet 2009. Filage destiné aux professionels à Mains d'Oeuvres, le 31 juillet

    Photos de Jérôme Delatour

    A lire: l'article d'images de danse, et la présentation d'experimento 2 

     

  • Fais du vélo, jardine à poil.

    Rediffusion de la chronique du 24/7/2010, à l'occasion de la programmation de la piece à l'Apostrophe de Cergy Pontoise du 2 au 4 décembre.

     

    A la Cité Internationale de Paris, lieu de grandes utopies, j'ai été invité à partager pour un soir un rêve plus modeste. Joué à l'échelle familiale ( mais dans le but de changer le monde tout autour c'est toujours un début). 

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    S'agissant de cirque et d'acrobatie, le spectacle est souvent une histoire de famille, et sur cette scène-ci la déclinaison du mode de vie décroissant des artistes: Simon Yates et Jo-Ann Lancaster et leurs enfants Grover et Fidel. A assister à l'arrosage des plantes vertes je pourrais me croire devant une annexe de leur jardin australien. Donc une pauvreté de moyens revendiquée, décors recyclés, simple mât monté à vu et vinyle rayé, basse jouée punk et costumes sommaires juste un poil au dessus de l'état de nature, le tout à la mesure d'une réjouissante sincérité. "Mange des légumes, Sois gentil, fais du vélo, aime ton ennemi, jardine à poil, ne consomme pas trop, éteins la télévision...", me conseille gentillement par écriteaux ce petit ange en suspension. Je pourrais m'agacer de la récitation de ce nouveau catéchisme écologique. Mais il y a cet humour second degré qui pourtant ne nuit pas à l'éfficacité de cette propagande avouée (jusque dans le titre), la gravité décalé de chants post-soviétique devant l'étoile verte, les barbes militantes et postiches, cette drôle de dignité candide... Et c'est l'engagement des corps qui convainc. Dans les acrobaties aucune facilité feinte et les éfforts à nu, en évidence la lutte contre les dures lois de la gravité. Le rapport renoué du corps et de l'esprit avec l'environnement est au coeur de la demarche. Pas si facile de pédaler, et pour de vrai, à contre courant. L'idéalisme se mérite dans la douleur et l'humour à la fois.  C'est l'endoctrinement par l'exemple. Aucune prouesse n'est gratuite, mais autant d'élément du vocabulaire de chacune de ces petites histoires un peu tristes aux morales tendres et naïves: une sirêne qui monte à la corde la queue dans les ordures, ces gestes oppréssés par des bruitages industriels, cette apre lutte entre les sexes, ce petit déjeuner en un périlleux équilibre menacé par la surconsommation, cette ballade à velo sous les quolibets, ou la démonstration que, littéralement, on ne peut se nourrir d'argent. Les demonstrations sont drôles avec, recyclée pour la cause, un peu de l'humanité cruelle du burlesque muet.

    c'est le cirque PROPAGANDA par acrobat, au théatre de la cité internationale jusqu'au 15 aout avec Paris quartier d'été, à voir en famille à partir de 10 ans.

    Guy

    Photo (Ponch Hawkes) avec l'aimable autorisation du théatre de la cité internationale