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  • Sept voix en une

    Show funèbre à sept voix: de retour ce soir et demain à La Loge

    rediffusion du texte mis en ligne le 8 avril 2012

     

    Parfois, pas souvent, on accepte dès les premiers instants comme l’évidence une si belle présence. On accepte de suivre l’acteur où qu’il aille. Pour entendre toutes les voix de ce texte en une seule: celle d’Ava Hervier comédienne remarquable, débordante, la vie même avec ses fragilités, ses nuances et ses excès.

    théatre,la loge

    Il faut bien cela: ce « show funèbre» parle du deuil qui se cherche et soudain qui vous prend, du corps absent et de la vie qui s’en absente, de la chair qui alors ne signifie plus rien. La voix est d’abord avalée, hébétée, qui comprend encore moins que nous les spectateurs- face à la mort comme toujours la vie ne sait plus rien- puis se transforme, pour celle d’un autre des sept amis réunis qui boivent du vin assis autour des marronniers. Le texte, dans ses apparences désordonnées résiste à la mort dans tous sens, il est charnel, terrien. Mais sur la scène il n’y a rien, il n’y a qu’elle. Pourtant il suffit d’un œuf, d’un sac de terre, pour figurer toutes les textures, toutes les matières, les sensualités et les émotions. L’actrice sans trucs ni esbroufe, partage avec nous de plein pied, juste et inattendue, comme toutes les réactions autour du mystère irrésolu.

    C’est le Show funèbre à sept voix, texe et mise en scène de Florian Pautasso avec Ava Hervier à la Loge encore les 10, 11 et 12 avril.

    Guy

  • Histoires de familles

    Est-ce politique? Oui, non, peut-être… (Moi je dis d’abord: et après ?) Mais la spectatrice avec qui nous discutons à la sortie de ce triptyque est dépitée, aurait voulu un théâtre plus proche de ses attentes (je comprends: de l’actualité). Certes, la troisième pièce, encore en construction, ramène l’héritage des acteurs de mai 68 à une affaire de famille. De même que les personnages de Brecht, auteur pourtant politique par excellence. Mais ne s’agit ‘il  pas ici d’une noce, avant tout? Quant aux personnages écrits par Largarce, tout à leurs relations sentimentales déçues, peut-on les faire vivre autrement?  

    Théâtre distancié ou incarné, mon propre plaisir est de recevoir le texte, d’abord celui de Brecht, vivant et de plein pied. Les acteurs s’agitent autour de la table de la Noce, avec un naturel aussi drôle et travaillé que celui des chiens de Navarre. L’énergie semble plus collective que dirigée, comme dans la confusion du quotidien. On rit, on danse, on boit, on fume. On s’aime ou l’inverse. On vit, au premier degré. C’est la fête, alors il faut s’amuser. Mais que peut-on bien faire, quand on est fatigué de danser, ou d’écouter les anecdotes éculées du père? Ce ne sera pas le plus beau jour de la vie de la mariée, bien sûr. Plus les bouteilles se vident, et plus les jalousies, haines, concupiscences et mépris percent sous les convenances. Les meubles de l’appartement du jeune couple se cassent les uns après les autres sous les assauts des invités, comme pour dénoncer la fragilité de leur union et des apparences qu’ils voudraient sauvegarder. Autant pour la recherche du bonheur. Au moins les mariés prennent-ils une (brève) revanche sur la société dans la réconciliation des corps…

     

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    L’étude de caractère de Brecht est recadrée sans distorsion dans les seventies, avec E.L.P. sur la platine et fringues de rigueur. Mais l’action des Derniers remords avant l’oubli (1987) de Lagarce semble se dérouler un siècle plus tard. Plus question de se marier en robe comprimant une maternité honteuse, l’heure est déjà à la recomposition. Drôlement, les mêmes acteurs et actrices jouent les mêmes couples mais de personnages différents, qui ne souffrent plus de la même naïveté. Ou qui, sous notre regard, sont naïfs bien différemment même s’ils sont conscients d’eux-mêmes. L’énergie du jeu reste présente, en est tempérée. Pèse sur la pièce le poids insupportable d’évènements passés. Les années d’amour et d’amitié partagées autrefois dans cette maison de campagne par trois personnages, depuis séparés, maintenant inconciliables, entre indifférence et inimité. Pour des histoires d’argent et pour quelques heures, ils doivent se supporter. Mission impossible, ils gâchent le temps à ne pas dire, tenter de définir et dépasser leurs relations, seulement  pour prouver aux autres qu’ils sont incapables de changer, sous le regard impuissant des pièces rapportés, de facto hors du jeu. Mon plaisir là est surtout est de ressentir toute la force du théâtre pour montrer avec évidence des gens qui disent une chose et en pensent une autre…

     

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    La famille en action dans la troisième pièce, une création collective en cours, trouve son ascendance en Mai 68. Le langage est plus contemporain, les liens familiaux plus complexes, la dynamique semble être portée par les retournements entre conservatisme et libéralisme… et le reste est venir.

    Ce théâtre parle de la famille, bien sûr. Est-il politique ? Je ne sais pas. Il semble se créer plus dans une dynamique collective qu’autour d’un propos prédéterminé. A chacun de se l’approprier. Mais au-delà du grand plaisir qu’il m’inspire dans l’instant, j’y trouve un peu matière à repenser ce qu’est et devient la famille, loin des slogans et manifestations, à l’heure où le politique s’en saisit pour faire évoluer la loi.

    C’était La Noce de Berthold Brecht, Dernier Remords avant l’oubli de Jean Luc Lagarce et Nous sommes seuls maintenant, du collectif In Vitro, mis en scène par Julie Deliquet.

    Vu au Théâtre de Vanves , et à revoir le 4 fevrier 2013.

    Guy

    photos avec l'aimable autorisation du théatre de Vanves

     

    Lire aussi: Rue89 et Le Souffleur.

     

  • Rire de tout?

    Dans une semaine, Laétitia Dosch fait peter le Centre Culturel Suisse, on vous aura prévenu....

    Redifusion du texte mis en ligne le 6 fevrier 2012

    En robe noire lamée (« car la scène, c’est que du désir »), et sourire de commande, La performeuse joue un personnage... de performeuse cheap en configuration-stand up- one-woman-show. Qui fait le truc qui marche, économique: bonne soirée et rires garantis sinon remboursés, connivence préfabriquée avec le public. Et puisqu’on est ici pour s’amuser- insinue le personnage en sous texte- pourquoi se gêner de tabous et limites? On ne va se laisser emmerder par le politiquement correct… Dépassé même l’humour époque Hara- Kiri:d'emblée quelques vannes pas fines sur les handicapés, pour mettre de l’ambiance. C’est un premier problème pour les spectateurs, pourtant spectateurs avertis, pris à contrepied. Qui réagissent les uns par un silence prudent, les autres par des rires incrédules voire effarés. Une certaine jouissance, excitation, de la transgression pourrait-elle s’autoriser à cet instant à s’exprimer ouvertement? Si certains des spectateurs sont choqués, ceux-ci évitent de le manifester. Quitte à s’interroger in petto: ces horreurs reçues plein fouet sont-elles simplement dites…ou déjà dénoncées? A ce stade, à chacun sa réponse. Pour la performeuse, pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. Tout y passe sur un mode joué naïf et enjoué, de ce qui peut trainer dans les têtes d’indicible et idiot, de sous-entendus et de non dits. Faut que ça sorte, « par la bouche ou par un autre chemin ». Un peu de bonne conscience politique et engagée, les blagues sur l’holocauste et les juifs (« rancuniers »), sur les cancéreux, une chanson du fœtus avorté, des devinettes de pédophiles (« Que les pédophiles lèvent la main, il y a deux dans la salle, statistiquement »). On rit toujours, d’une manière plus réfléchie, plus compliquée. Dommage, le temps manque pour le sujet des religions…

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    Dans cette création choc et saissisante, sacrée prise de risque pour Laëtitia Dosch… et brillante entreprise de dénonciation. Débridée, la bêtise enfle jusqu’à exploser, s’emballe jusqu’à l’autodestruction. L’humour bête et méchant fait long feu, les tics se multiplient, comme les dérapages agressifs, la parole s’épuise. S’y substituent quelques pas de danse jusqu’au dérèglement. La machine tourne à vide, déraille jusqu’à se pisser dessus et pas de rire, se vautrer dedans autant que dans les déjections mentales. Pour tirer les dernières cartouches spectaculaires, le corps se dégrade dans le bouffon. Cheval, chien, cochon. Pourquoi, encore, rirait-on? Ne reste au moment du dernier compte à rebours, que vide, angoisse de mort et vertige. Le temps de se dire (position personnelle) que toute censure est contreproductive, qu’il faut laisser la bêtise se dénoncer d’elle-même. Elle a essayé: on peut. Rire de tout… mais pas avec tout le monde! Avec Laétitia Dosch, je veux.

    C’était Laetitia fait péter Artdanthé de Laetitia Dosch, au théâtre de Vanves dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    photo avec l'aimable autorisation du théatre

  • L'effet Papillon

    Cette redifusion de la chronique du 23/09/2011 est réservée à mes proches de Toulon et environs: Mme butterfly y passe mi novembre à l'Opéra.


    Risquer le pari de l’opéra? Pas évident. Surtout si l’on n’est pas tombé tout petit dedans. Je ne m’y plonge ce soir qu’à cause de Numa Sadoul. C’est d’abord intimidant, presque irritant. Dans un écrin d’or et de rouge, tant de couches de sens, de sensations en empilement, ces redondances qui peuvent laisser loin à distance, lasser. Tout à la fois: le décor et les lumières, dans les costumes les chanteurs et tant et plus de figurants, leur voix qui s’élèvent et doublent les instruments mais aussi le texte en même temps, et leurs gestes. En bas l’orchestre, et le chef qui à la baguette décide aussi ainsi du rythme des mouvements d’en haut, sur scène. L’Opéra est-ce l’art du plein trop, du plein?

    Pourtant un bon présage en introduction de cette Madame Butterfly: des danseurs tourmentés d’une blancheur à la Sankai Juku traversent la scène- même si plus rapidement que l’on s’y attendrait, car c’est la partition qui commande. Le décor est simple comme une estampe. Une modeste maison de bois, un pont et une jonque, l’idée de la mer au loin. Comme un désert qui laisserait deviner la suite du drame. Voici pour le port de Nagasaki.

     

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    L’histoire tient, elle-aussi, en deux lignes. L’américain, vient, boit, prend et repart, oublie. Madame Butterfly, la geisha, a juste 15 ans, et bientôt porte leur enfant.

    Et c’est la simplicité qui met l’affaire à ma portée. Et la sobre mise en scène qui allège tout le superflu qui pourrait  peser. Ne reste plus qu’à laisser derrière les préjugés et regarder le drame avec des yeux d’enfant, accepter que l’émotion et le sens passent aussi par le chant. Écouter la musique de Puccini (1904) qui s’enjoue et brille, prend des accents de comédie musicale avant l’heure. La scène est envahie par une foule pour le mariage express du Marin Pinkerton et de Mademoiselle Butterfly, la comédie de l’amour se joue sous des chœurs enivrants, puis l’union est consommée…

    Fin du premier acte.

    Le destin de Mme B. se joue en creux durant l’entracte: le départ et la naissance, les trois ans d’absence…

     

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    Tout est joué dés le début du second acte pour la perte des dernières illusions, vers l’évidence de l’abandon, la désolation. La couleur des voix se teinte de plus sombres tonalités. Madame Butterfly n’est plus une enfant maintenant, mais les enfants sur scène deviennent omniprésents, avec eux la persistance de l’innocence. Ils rêvent, et se transforment en papillons, dans la nuit au milieu des bulles de savons et de la fumée des songes. Sous la neige, ou peut-être sous une pluie de cendre sur Nagasaki. Je me laisse moi aussi gagner par la naïveté. La sobriété permet la fusion de sensations de musique et visions. Sous l’esthétique la tristesse peut s’imposer. Un moment de recul vers le 3° acte et je prends conscience de la relative limitation des mouvements des chanteurs, sollicités par le chant, même si nous sommes un peu trompés par l’agitation de personnages par moments muets, tel l’infâme entremetteur. D’où cette construction en beaux plans quasi-fixes, qui ressemblent à des cases de B.D... Moins à des tableaux qu’à des vignettes qui pourraient être inspirées du Lotus Bleu d’Hergé, comme celle que le metteur en scène porte- sans surprise -à la boutonnière. Troisième acte : Mme Butterfly donne l’enfant et meurt. Paris gagné, une nouvelle découverte.

    Guy

    C'était Madame Butterfly, Opera de Puccini, livret de Giacosa et illica, mis en scène par Numa Sadoul et dirigé par Julia Jones.

    A l'Opéra de Bordeaux jusqu'au 3 octobre.



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    lire aussi ici(mise en scene de 2003)

    photos G.Bonnaud