bande dessinée
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Sans censure
La bande dessinée est devenue assez adulte pour bien parler de l'enfance et de l'adolescence, des rapports pas si simples de ces âges avec la sexualité. Mais ces sujets sont peu traités à la première personne du singulier. Il est rare qu'un artiste de BD assume une autobiographie en dessous de la ceinture, à nu.Mission impossible ? Le pari est gagné avec deux belles œuvres en mode "je" où l'intime s'ouvre au partage, généreux: beaucoup de lectrices et de lecteurs se reconnaîtront, ou comprendront mieux des proches.Pucelle, de Florence Dupré la Tour, parle de ce dont justement on ne parle pas, dans le milieu bourgeois et catholique de la narratrice bientôt adolescente. Interdits et non dits: l'impossibilité de nommer rentre en conflit avec les évidences crues du corps.La scène d'ouverture pose avec brio le paradoxe: on raconte au repas de famille l’anecdote archétypale de la mariée trop naïve scandalisée à sa nuit de noce. Et les enfants de rire avec les adultes... sans rien y comprendre. Car, non consciemment, tout est organisé pour dire sans dire, pour ne rien expliquer. Laisser la jeune narratrice écartelée. Entre d'un coté l'image d'une femme idéale et immaculée, bien à sa place, toute sexualité escamotée. Et de l'autre des réalités forcement "sales": les animaux qui copulent frénétiquement, les corps qui changent, les connivences d'adultes qui humilient l'enfant. Quand vient l'heure des révélations solennelles et embarrassées, pour updater la version bébé dans les choux/petite graine, rien n'est résolu. Frayeurs, contradictions morales, culpabilité sont solidement implantées. La puberté, c'est mal parti pour la jeune Florence.Ce récit est vécu à hauteur d'enfant, avec émotion, effroi et indignation. Avec un humour décapant aussi. Il y a donc du sang (celui des règles, des animaux domestiques...) des larmes de frustrations, de la violence épidermique dans la cour de récrée. c'est intense et sensible. La fin du tome 1 nous laisse sur un cliffhanger: la possibilité d'une relation amoureuse.... patience!Extases de Jean Louis Tripp commence à peu prés à la période de la vie où le tome 1 de Pucelle s’arrête: au moment de la puberté. On est placé d'un point de vue masculin, une génération avant (à partir de la fin des années 60), dans un autre milieu (communiste) où la sexualité est abordée avec un peu moins de détours.Et pourtant....Le jeune Jean Louis a encore beaucoup a apprendre, sur ce que ne disent pas les planches d'anatomie interne. Découvrir, malgré ce qu'affirment les copains très surs d'eux, que le sexe des filles n'est pas en forme de X. Comprendre les subtilités des relations entre les genres: sens giratoires, feux rouge et feux verts, sens interdits. Et évidemment vivre ces expériences. On ne s'inquiète pas pour Jean-Louis: sa motivation est flagrante, dopée aux hormones, et le récit fébrile. Mais on est touché par ses maladresses, sa timidité. Ainsi, rien de grivois ou vulgaire, même en gros plan. Tout au long, aucune vantardise masculine. Que de l'humanité, dés que le parti-pris de franchise est accepté. De fait, les premières expériences surviennent tôt dés le tome 1... mais le temps des découvertes ne fait que commencer, ne semble jamais devoir s’arrêter au long de la vie sexuelle, sentimentale, amoureuse de jean-Louis. Celle-ci réserve bien des surprises aux lecteurs, et pour le narrateur toute la gamme des émotions, dilemmes et d'états d'âmes. On en revient, comme pour la petite Florence, aux conflits avec la morale et les conventions.Pour cette confession sans fierté ni remords, Jean Louis Tripp dessine avec un style réaliste dont l'expressivité va jusqu'à la caricature. Le trait est nerveux et chargé, frénétique, en érections chroniques, forcement explicite. L'intensité cosmique des orgasmes déborde souvent en pleine page.Passée la jolie couverture, faussement rassurante- Florence Dupré La Tour subverti les codes de la BD d'humour et jeunesse pour exprimer colères et angoisses, avec des exagérations quasi-manga. L'intensité des émotions vaut bien ça. La dominante rose ne rassurera personne, ce dessin est délicieusement dérangeant.Les deux artistes se rejoignent dans l'usage libre et réjouissant des cases métaphoriques, pour exprimer autant l'intériorité des personnages que raconter les situations. Tout est permis, tant mieux. Et ils rendent ça et là hommage à leurs maîtres, c'est bien.Florence Dupré La Tour: Pucelle tome 1(débutante) - DargaudJean Louis Tripp: Extases tomes 1 et 2- CastermanGuy -
Un mois en X
Octobre 2019 est un mois très gaulois. On fête le 60ème anniversaire de la naissance d'Asterix, le nouvel album de Conrad et Ferri, le relooking de stations de métro, même des timbres postaux....
Une bonne occasion de revenir aux sources est de lire la réédition très augmentée (avec une superbe iconographie et une nouvelle interview de 2015) des entretiens du co-créateur Albert Uderzo avec Numa Sadoul. On trouve bien sur à cette lecture un fort intérêt historique et artistique avec une porte ouverte sur l'atelier d'un artisan modeste et consciencieux... et dessinateur de génie, qui livre sans réticences ses secrets de fabrication. Mais sentimental aussi. Non seulement parce que nous avons tous grandis avec Asterix et Obelix, mais aussi grâce à l'auto-portrait d'un artiste si discret, aussi attachant que ses personnages, sensible et ombrageux. Et au souvenir de sa forte relation avec René Goscinny, avec le récit d'une émouvante fidélité.
Il fallait la méthode éprouvée d'accoucheur de Numa Sadoul pour obtenir ce résultat. Numa Sadoul est écrivain et auteur de nombreux livres d'entretiens (Hergé, Franquin, Giraud/Moebius, Gotlib, Tardi...), metteur en scène d'opéra et de théâtre.
Uderzo l'irreductible- Entretiens avec Albert Uderzo l'irreductible par Numa Sadoul chez Hachette
Guy
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Pulpe et fictions
Jubilation, les expressions artistiques se croisent ici; scène et vidéo, bande dessinée et peinture, dessin et chanson, dans une joyeuse dé-catégorisation. Ils tissent les fils de récits intimes, d'intériorités qui s'expriment en variant les habits de leurs pudeurs. C'est en même temps pour nous une invitation aux voyages loin dans l'espace et le temps, mais juste à un quart d'heure de trajet de RER à la ferme du buisson.Posy Simmonds est une charmante lady, c'est un peu l’Angleterre qui nous rend visite içi. A l'heure du gros mot en "B" on lui dit merci. Sa politesse exquise contraste avec l'acuité drôle et sans merci de son regard et de son pinceau, cet understatement acide avec lequel son art traite des dures réalités de la vie, intimes et sociales. L'expo rend justice à son œuvre. Qui est loin de résumer à Tamara Drewe et Gemma Bovery (voire Cassandra Drake qui sort en France aujourd'hui) populaires de ce coté de la manche. On découvre ici la partie immergée de l'iceberg: 50 ans de dessins de presse, de livres pour enfants, de cartoon politique... De salle en salle les antagonismes témoignent de la richesse des thématiques: entre hommes et femmes, France et Royaume-uni, ville et campagne, richesse et pauvreté.Des cottages anglais aux Deux-Sèvres, de leur passion commune pour les œuvres littéraires sources inépuisables d'inspiration, des dessins de presse, Posy Simmonds et sa cadette Catherine Meurisse (Charlie-Hebdo, La legereté, Moderne Olympia..) auront surement beaucoup à se dire en conférence vendredi soir (et puis peut-être il y a -t-il plus d'un point commun entre Posy Simmonds et Claire Bretecher, un des modèles de C.M.)Dans l'espace consacré à l'auteure française, on ne verra pas de planches mais des surprises scénographiques qui évoquent les décors de son enfance rurale, tels que dessinés dans "Les grands Espaces". Une nouvelle manière pour Catherine Meurisse de raconter, mais cette fois sans se montrer, son retour aux sources salvateur après le drame de Charlie Hebdo (Lire la Legereté). On se ballade cette fois ci à rebours dans la campagne des années 80. Pas de mouvement: mais du relief. On en dit pas plus.Voyage au long court avec Alberto Breccia, direction l'Argentine, mais fini le plein air. Pour explorer des territoires d'audaces graphiques, noirs d'encre ou bariolés de délires, pour revivre comme moi-même des souvenirs d'ado délicieusement effrayé à la lecture de Mort Cinder... On peut aussi, mais à ses risques et périls explorer les profondeurs et l'innommable à la recherche de Cthulhu. Dans l'ombre, l'imaginaire déferle.Retour à la réalité, mais celle-ci peut-être déformée par le rêve, la légende, les souvenirs .... le Caire, Beyrouth , ces capitales telles que les années passées reviennent à la vie avec les Astres de l'Orient, album de Lamia Ziadé adaptée sur scène par Bachard Mar-Khalifé. 10 minutes de répétition, deux chansons, des mélodies plaintives suffisent pour s'orientaliser, partir.Et la grande expo des empreintes graphiques, consacrée aux lithographies et estampes, en regard des bandes déssinées permet d'explorer un champ plus conceptuel... et concret: les rapports entre l'art et l'artisan, les idées et la matière, les conditions de leur reproduction pour diffusion. les auteurs de bande dessinée passent parfois des cases au grand format, des librairies au galeries. Philippe Druillet exposé l'an dernier ici en est un exemple emblématique. En vedette et en action une grande presse à bras, qui rend humbles les grandes œuvres autour des géants tels que Baudouin, Art Spiegelman , David B, Loustal, Nicolas de Crecy, Lorenzo Mattotti...)Pulp Festival 2019 à la ferme du buisson du 5 ou 7 avril, expositions ouvertes jusqu'au 28 avril.GuyPhotos GD -
Le souvenir des images
La critique est un art à part entière, la bande dessinée est un art désormais pris au sérieux et une conférence à propos de cet art est, après tout, un spectacle vivant comme un autre. Ce soir présenté sur la scène d'un lieu bien particulier: le Musée des Arts et Métiers. La où tous les objets exposés invitent à une méditation sur le temps qui passe, ce temps qui donne à ces artefacts la qualité de devenir un jour extraordinaires et non plus simplement utilitaires. Le public est fervent, la salle- pleine- applaudira abondamment. L'auteur et interprète de la performance, c'est Benoît Peeters: professeur, écrivain et scénariste (les citées obscures..). Il utilise ce soir moins de moyens qu'on ne se permettrait dans la plus sobre des mises en scène contemporaines: le conférencier parle assis, sans mouvement, les images sont projetées. Dans un langage précis, vif, construit, les textes qu'il dit sonnent très écrits. Mais déjà le mode oral permet d'établir que Georges Remy se prononce "Reumy"... Alors que la précédente soirée du cycle était consacrée à l'exploration d'un continent pour beaucoup d'entre nous inconnu, et pourtant influent: celui des comics strips US, nous sommes maintenant invités à nous souvenir du " moment belge", l'enfance de la BD francophone. On pourrait craindre une certaine froideur, un excès d'objectivité. Mais vite, sous l'apparente neutralité de l'analyse, sous la pudeur du récit, perce une évidente tendresse et affection pour les artistes. C'est autant d'eux: E.P. Jacobs, Franquin, Cuvelier, Jacques Martin... personnages en tant que tels, que de leur art dont il est question ce soir. De leur talent, mais aussi de leurs naïvetés et de leurs faiblesses, leurs doutes et leurs grandeurs, leurs chemins et leurs éclairs de génies. Les nombreuses anecdotes sont essentielles en cela qu'elles donnent de la chair au récit. Les erreurs des hommes, fréquentes en cette terrible première moitié du XXème siècle où ils sont ballotés, ne sont pas occultées. Mais nous sommes appelés à ne pas en juger trop facilement. Le conférencier ne se prive pas de certains effets: un gag scatologique et peu connu du tout jeune Hergé, une planche de Jerry Spring par Jijé que l'on peinerait à distinguer des premiers épisodes de Blueberry que dessinera ensuite son élève Jean Giraud. Tous les personnages de cette fresque racontent ensemble une seule histoire: celle de l'enfance d'un art, d'un art encore pour les enfants, qui s'ignore comme tel longtemps. Ce moment belge se figera au passé quand la BD connaitra, mais plutôt en France, une turbulente adolescence. Alors viendra avec Yves Chaland, Ted Benoit, Floch, Rivière... le temps doux-amer de la nostalgie tels que les adultes se la racontent.C'était Pour une histoire de la bande dessinée: Le moment belge, de Hergé à Yves Chaland, conférence de Benoit Peeters, professeur associé au CNAM, le 14 décembre 2017 au Musée des Arts et Métiers.Prochaine conférence le 11 janvier : Le temps des revues, de Pilote à Lapin. (accès libre sur inscriptions)GuyIllustration: couverture des hebdomadaires Spirou et Tintin en 1946 (site du musée des arts et métiers) -
L'effet Papillon
Cette redifusion de la chronique du 23/09/2011 est réservée à mes proches de Toulon et environs: Mme butterfly y passe mi novembre à l'Opéra.
Risquer le pari de l’opéra? Pas évident. Surtout si l’on n’est pas tombé tout petit dedans. Je ne m’y plonge ce soir qu’à cause de Numa Sadoul. C’est d’abord intimidant, presque irritant. Dans un écrin d’or et de rouge, tant de couches de sens, de sensations en empilement, ces redondances qui peuvent laisser loin à distance, lasser. Tout à la fois: le décor et les lumières, dans les costumes les chanteurs et tant et plus de figurants, leur voix qui s’élèvent et doublent les instruments mais aussi le texte en même temps, et leurs gestes. En bas l’orchestre, et le chef qui à la baguette décide aussi ainsi du rythme des mouvements d’en haut, sur scène. L’Opéra est-ce l’art du plein trop, du plein?
Pourtant un bon présage en introduction de cette Madame Butterfly: des danseurs tourmentés d’une blancheur à la Sankai Juku traversent la scène- même si plus rapidement que l’on s’y attendrait, car c’est la partition qui commande. Le décor est simple comme une estampe. Une modeste maison de bois, un pont et une jonque, l’idée de la mer au loin. Comme un désert qui laisserait deviner la suite du drame. Voici pour le port de Nagasaki.
L’histoire tient, elle-aussi, en deux lignes. L’américain, vient, boit, prend et repart, oublie. Madame Butterfly, la geisha, a juste 15 ans, et bientôt porte leur enfant.
Et c’est la simplicité qui met l’affaire à ma portée. Et la sobre mise en scène qui allège tout le superflu qui pourrait peser. Ne reste plus qu’à laisser derrière les préjugés et regarder le drame avec des yeux d’enfant, accepter que l’émotion et le sens passent aussi par le chant. Écouter la musique de Puccini (1904) qui s’enjoue et brille, prend des accents de comédie musicale avant l’heure. La scène est envahie par une foule pour le mariage express du Marin Pinkerton et de Mademoiselle Butterfly, la comédie de l’amour se joue sous des chœurs enivrants, puis l’union est consommée…
Fin du premier acte.
Le destin de Mme B. se joue en creux durant l’entracte: le départ et la naissance, les trois ans d’absence…
Tout est joué dés le début du second acte pour la perte des dernières illusions, vers l’évidence de l’abandon, la désolation. La couleur des voix se teinte de plus sombres tonalités. Madame Butterfly n’est plus une enfant maintenant, mais les enfants sur scène deviennent omniprésents, avec eux la persistance de l’innocence. Ils rêvent, et se transforment en papillons, dans la nuit au milieu des bulles de savons et de la fumée des songes. Sous la neige, ou peut-être sous une pluie de cendre sur Nagasaki. Je me laisse moi aussi gagner par la naïveté. La sobriété permet la fusion de sensations de musique et visions. Sous l’esthétique la tristesse peut s’imposer. Un moment de recul vers le 3° acte et je prends conscience de la relative limitation des mouvements des chanteurs, sollicités par le chant, même si nous sommes un peu trompés par l’agitation de personnages par moments muets, tel l’infâme entremetteur. D’où cette construction en beaux plans quasi-fixes, qui ressemblent à des cases de B.D... Moins à des tableaux qu’à des vignettes qui pourraient être inspirées du Lotus Bleu d’Hergé, comme celle que le metteur en scène porte- sans surprise -à la boutonnière. Troisième acte : Mme Butterfly donne l’enfant et meurt. Paris gagné, une nouvelle découverte.
C'était Madame Butterfly, Opera de Puccini, livret de Giacosa et illica, mis en scène par Numa Sadoul et dirigé par Julia Jones.
A l'Opéra de Bordeaux jusqu'au 3 octobre.
Découvrez Madame Butterfly à l'Opéra de Bordeaux sur Culturebox !lire aussi ici(mise en scene de 2003)
photos G.Bonnaud
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Sur les plateaux la danse sort des cases
Coïncidence ou focalisation: quelques jours après avoir découvert un opéra presque en BD, je vois aux plateaux du Cdc du Val de Marne des chorégraphes tenter eux aussi des rencontres avec le dessin...
D’abord une première pièce avec une drôle de fille sexy qui danse en boucle dans une cage de plexiglas, comme dans une case en 3 D. Au plafond: des lampes de saloon. « Lucky Luck », la filiation avec le cow-boy de Morris est donc revendiquée dans le titre. Visuellement, c’est plus allusif, détourné. En tailleur et talons aiguilles, l’héroine ne semble pas vraiment venir du Far West. Des dessins sur les cotés du cube, comme en surimpression, mettent en commentaires la perplexité de l’interprète par rapport à son rôle et son costume. Mais elle assume, sur une drôle de partition de percussions, joue par gestes un duel au soleil dans les règles: tir, pistolet fumant et corps qui ploie avant de s’effondrer. Ce corps tombe comme fait de caoutchouc pour rappeler les inspirations cartoon du modèle. Et semble condamné à répéter sans cesse les mêmes séquences aux quatre coins de la case. Puisque que l’exercice reste court, c’est drôle et léger.
L’autre proposition est plus consistante: In the beginning. Donc au commencement: du blanc. La vie à venir comme une page blanche, et devant un corps immobile, lui aussi immaculé, tous les possibles désormais. Le mouvement commence d’un geste, ou d’un trait. La main de la dessinatrice, son crayon et le papier, sont filmés d’en haut, sont projetés sur un écran: c'est aussi l’espace de jeu de la danseuse. Qui des deux pense, qui obéit à l’idée? La main sur l’écran suit le corps en dessinant, en pose le contour, le réinvente très schématiquement. Le corps ne se laisse pas enfermer pour autant, se déplace avec son ombre, suivi par le crayon. Son passé est conservé (ou trahi ?), tracé, dans son emplacement d’ici, de maintenant et d’avant. Le mouvement est ainsi, plus ou moins, matérialisé. Le corps bouge, cela devient peu à peu une course poursuite. Je pense à toute la difficulté, dans la vie personnelle, sociale, professionnelle de satisfaire l’intellect, sans laisser le corps de coté, ignoré, sacrifié même. Ici le corps souvent dément l’idée, ne se laisse pas vraiment réduire, semble résister volontairement aux définitions, aux schématisations en noir et blanc. Un dialogue s’instaure, en un équilibre périlleux, dans la rationalisation des mouvements ou la projection des pensées. Les gestes, les arrêts suspendent le crayon, de marche en sauts. Il y a des accélérations, des retours en arrière. La femme court, le papier se déroule, nerveusement. La main rature. L’échange est excité. Il y a des pâtés noirs, sales, crachés, énervés. La vie en accéléré sur cette page blanche ne se laisse pas si facilement décrire d’un point A à un point B. La page blanche est devenu brouillon, presque illisible, vers une page noire, et le corps semble excédé, épuisé. La main noircit le corps au pinceau, réduit l’être à son ombre, jusqu’à l’anéantissement, la saturation.
C’était Lucky Luck (extrait de la trilogie Archipel) d'Emilio Calcagno dansé par Marie barbotin, musique d’Aurelien Richard.
et
In the beginning d’Andrea Bozic (danse) et Julia Willms (dessin live)
vus aux plateaux du Centre de developpement chorégraphique du Val de Marne.
photo 1 (Lucky Luck ) de Pascal Tomi avec l'aimable autorisation de la compagnie, photo 2(In the beginning) d'Anna von Kooij avec l'aimable autorisation de la compagnie