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  • Métamorphoses du regard

    Par trois fois rien cela a commencé, ou continué d'avant, avec l'à peine présence de trois faibles lumières, des gouttes d'eau incertaines, l'immersion dans une obscurité d'encre. Il faudrait le silence. Mais aujourd'hui celui-ci est troublé- nous sommes l'après midi- par des hordes de scolaires, en grappes gloussantes.

    L'extérieur s'impose donc avec toutes ses agitations. Pourtant Maxence Rey nous abstrait, installe le ralentissement, son corps déposé là assez loin de nous, allongé sur le blanc. D'abord l'immobilité. Qui sourdement nous agit, persiste, nous engourdit. Il reste intangible, ce moment où s'amorce un mouvement. L'état initial à changé, infinitésimalement. La position du corps n'est peut-être plus tout à fait la même. Mais pour autant cela ne fait pas naitre le temps. Immobile. Immobile. Immobile. Immobile. Immobile. Immobile. Immobile... Ou presque pas. Peu à peu, à force de ce peu, l'interprète vient à bout de toutes les impatiences: de celles qui se manifestaient un peu bruyamment, même de la mienne plus intérieure et discrète, le bouillonnement des résidus de toutes les irritations et excitations qui constituent une journée ordinaire. Dans le déplacement qu'elle crée, c'est alors le regard qui se trouble, à force de tenter de se focaliser sur cette présence. Qui maintenant vit, mais autrement. La lumière- de Cyril Leclerc- nous trompe et recompose les formes, fait naitre de mystérieuses créatures sous la peau, sculpte le corps, désormais retourné, en trois entités séparées, indépendantes: buste, bassin, jambes. Ou transforme les coudes en visages, les mains et pieds en figures animales. Plus vraiment des postures, plutôt des transformations. Très loin de l'humain. La musique- de Bertrand Larrieu- crée une temporalité fluctuante et inquiète. Nous sommes pour de bon installés dans l'étrangeté. L'entité qui finit par s'ériger, et, soudain sujet, considère froidement les spectateurs hypnotisés, n'est pas plus rassurante pour autant. Par des chemins chaque fois renouvelés, Maxence Rey poursuit sa quête sardonique et troublante de la monstruosité.

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    C'était l'anatomie du silence de Maxence Rey, vu au théâtre Jean Vilar le 27 novembre 2017

    Guy

    Photo par Delphine Micheli, avec l'aimable autorisation de la compagnie

     

  • Entropie

    Je veux traduire sur scène notre manière de basculer (avec facebook et twitter) en un clic d’une ambiance à une autre, d’une vidéo de chat à une nouvelle tragique en passant par un tweet présidentiel, explique jan Martens à Rosita boisseau (le monde). Le danger serait alors qu'il ne résulte en terme de forme de ces intentions qu'un zapping, en déficit de construction et de concentration. Mais NAH, assis à la batterie, interprète live la bande son des actions des trois danseurs, comme une playlist qui accompagnerait nos activités plus ou moins dispersées sur le web. Et c'est sans doute d'abord cette musique présente et énergique, avec toutes ses fluctuations de couleurs, agencée en répétitions de motifs, qui en continue tend entre les scènes une forte unité, un fil rouge. Et d'une humeur à l'autre, l'écriture de Jan Martens dans les mouvements de ce trio reste homogène, reconnaissable. Tonicité, et géométrie dans la construction trouvent leur conciliation, équilibre sobre et sans raideur, bien raccord avec des boucles musicales omniprésentes. C'est donc ça, la règle de trois. Un texte projeté nous annonce le renoncement de l'écriture au profit de la vie-je ne suis pas sur que ça soit une bonne idée. Quoiqu'il en soit, la conclusion est douce, tous écrans débranchés, en pleine lumière et dans le silence de l'absence du batteur: totally unplugged et assez logiquement dévêtue. Les trois corps ramenés à leur simples nudités tentent patiemment de nouveaux agencements.
     

    jan martens,théâtre de la villette

     
    Rule of Three de Jan Martens vu le 11 novembre au Théâtre de la Ville (salle Espace Pierre Cardin) 
     
    Guy
     
    Photo (Phile Deprez) avec l'aimable aimable autorisation de la compagnie
     
     
  • Salomé, c'est moi

    Salomé ce soir, emporte tout sur son passage, rien ne résiste à sa danse ni à sa litanie -dans le français étrange et poétique utilisé par Oscar Wilde. Rien ne peut longtemps la retenir sur le chemin de ses sens. Surement pas le Tétrarque, Jean Baptiste encore moins, tous deux traités ici dos à dos sur le même mode grotesque, au laminoir d'un humour grinçant. Ce choix de mise en scène est bien audacieux, et il est très inhabituel de rire en voyant la pièce de Wilde. Le drame n'y perd rien pourtant, ancré dans une scénographie élégante et funèbre, l'ensemble y gagne même en sens. La jeunesse et la fougue des acteurs permet à l'érotisme sous ce texte fantasque de s'exacerber. Il s'agit vraiment ici du triomphe du désir, irrépressible et irraisonné, sur la morale étouffante que prêche le prophète, sur l'ordre hypocrite et corrompu que tente de faire régner le roi libidineux. Oscar Wilde a lui-même payé cher le prix de ses propres désirs, alors des transgressions. Salomé, c'était lui.

     

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    Salomé, d'Oscar Wilde par les Enfants Terribles, mis en scène par Numa Sadoul, vu au théâtre de Ménilmontant
     
    photo avec l'aimable autorisation de Numa Sadoul