Dans une semaine, Laétitia Dosch fait peter le Centre Culturel Suisse, on vous aura prévenu....
Redifusion du texte mis en ligne le 6 fevrier 2012
En robe noire lamée (« car la scène, c’est que du désir »), et sourire de commande, La performeuse joue un personnage... de performeuse cheap en configuration-stand up- one-woman-show. Qui fait le truc qui marche, économique: bonne soirée et rires garantis sinon remboursés, connivence préfabriquée avec le public. Et puisqu’on est ici pour s’amuser- insinue le personnage en sous texte- pourquoi se gêner de tabous et limites? On ne va se laisser emmerder par le politiquement correct… Dépassé même l’humour époque Hara- Kiri:d'emblée quelques vannes pas fines sur les handicapés, pour mettre de l’ambiance. C’est un premier problème pour les spectateurs, pourtant spectateurs avertis, pris à contrepied. Qui réagissent les uns par un silence prudent, les autres par des rires incrédules voire effarés. Une certaine jouissance, excitation, de la transgression pourrait-elle s’autoriser à cet instant à s’exprimer ouvertement? Si certains des spectateurs sont choqués, ceux-ci évitent de le manifester. Quitte à s’interroger in petto: ces horreurs reçues plein fouet sont-elles simplement dites…ou déjà dénoncées? A ce stade, à chacun sa réponse. Pour la performeuse, pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. Tout y passe sur un mode joué naïf et enjoué, de ce qui peut trainer dans les têtes d’indicible et idiot, de sous-entendus et de non dits. Faut que ça sorte, « par la bouche ou par un autre chemin ». Un peu de bonne conscience politique et engagée, les blagues sur l’holocauste et les juifs (« rancuniers »), sur les cancéreux, une chanson du fœtus avorté, des devinettes de pédophiles (« Que les pédophiles lèvent la main, il y a deux dans la salle, statistiquement »). On rit toujours, d’une manière plus réfléchie, plus compliquée. Dommage, le temps manque pour le sujet des religions…
Dans cette création choc et saissisante, sacrée prise de risque pour Laëtitia Dosch… et brillante entreprise de dénonciation. Débridée, la bêtise enfle jusqu’à exploser, s’emballe jusqu’à l’autodestruction. L’humour bête et méchant fait long feu, les tics se multiplient, comme les dérapages agressifs, la parole s’épuise. S’y substituent quelques pas de danse jusqu’au dérèglement. La machine tourne à vide, déraille jusqu’à se pisser dessus et pas de rire, se vautrer dedans autant que dans les déjections mentales. Pour tirer les dernières cartouches spectaculaires, le corps se dégrade dans le bouffon. Cheval, chien, cochon. Pourquoi, encore, rirait-on? Ne reste au moment du dernier compte à rebours, que vide, angoisse de mort et vertige. Le temps de se dire (position personnelle) que toute censure est contreproductive, qu’il faut laisser la bêtise se dénoncer d’elle-même. Elle a essayé: on peut. Rire de tout… mais pas avec tout le monde! Avec Laétitia Dosch, je veux.
C’était Laetitia fait péter Artdanthé de Laetitia Dosch, au théâtre de Vanves dans le cadre du festival Artdanthé.
Guy
photo avec l'aimable autorisation du théatre