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cirque - Page 2

  • Cirque à la Villette: le fil renoué d'Antoine Rigot

    Les lignes s'entrecroisent sur tous axes, et à plusieurs hauteurs, bientôt peuplées dans toutes les directions par les sept fildeferistes. 

    Un Fil sous la neige 2 © Jean Nussy Saint-Saens.jpg

    On ressent vite que l'affaire sera moins simple qu'on aurait d'abord pu le penser, bien plus riche en histoires, poésies et étourdissements. Dans le temps tantôt tendue, tantôt relâchée par les rythmes jazz et rock d'un trio de musiciens. Rien de résumable ici à un défilé horizontal, mais on se souvient que les artistes de corde de la Part du Loup savaient de leur coté échapper à la stricte verticalité….

    L’acrobatie dans le cirque traditionnel joue avec le feu du danger, met en scène le risque comme ressort dramatique, suggère la peur trouble de la chute…Sauf qu'ici, l'accident a déjà eu lieu, qui n’était pas spectaculaire, simplement dramatique. Antoine Rigot, raconte le jour où sa vie est tombée, évoque les années consacrées à se redresser. Il marche désormais au sol, sur l'ombre du fil, mais fait voler là haut ses complices. Le spectacle ne parle donc pas de la peur, mais de la résilience, tout simplement de la vie.

    Les acrobaties ont ici plus qu'ailleurs valeur de métaphore. Les artistes marchent sur les fils en costume et robes de ville, courent et s’aiment, comme dans la vie condamnés à avancer, empressés. Dans les rues- (parole d’enfant)- d’une ville suspendue. Chaque personnage a sa propre démarche, sa propre énergie- (parole de voisine)- son propre caractère. Tous croisent ou rassemblent leurs trajectoires, ils se chahutent, se séduisent, rivalisent, se désirent, s’enlacent, se cherchent, se fuient, se soutiennent, se trahissent. La tendresse du public, des enfants, va comme toujours au faux maladroit. A s’habituer à leur aisance et d’élégance, on en oublie presque le fil: il leur faut parfois tout suspendre, et nous montrer, pour que notre regard rende sa juste part à l’exploit. 

    C'était "Le Fil sous la Neige" d'Antoine Rigot - Les colporteurs, au Parc de la Villette, jusqu'au 28 décembre.

    Guy

    Photo de Jean Nussy Saint Seans, avec l'aimable autorisation du Parc de la Villette

  • Ecole des arts du cirque: La Part des Rêves

    Au sol rôdent des félines toutes griffes dehors, qui jouent à faire peur sous les éclairs de néons. Il y a sept filles, deux garçons, donc ces derniers objets de sourdes convoitises. Et des duos amoureux, des disputes, des courses, des jeux de quatre coins, des réconciliations. Mais l'essentiel se joue en soli, dans les échappées verticales. Chacun à son tour a droit à son moment d'ascension.

    hd2_la_part_du_loup_elsa_caillat_cnac_02__nicolas_guichard.jpg

    L'acrobatie est alors la danse faite impossible. Sans emphase ni dramatisation, tout en fluidité et révêrie, cette succession d'évasions réussit à ne presque jamais lasser. Ambiances: les rêves se balancent aux échos d'un soprano, deux flutistes charment des femmes-cordes: une évocation elliptique d'Indes exotiques. Legers, legers comme l'imaginaire, les bras tendus font lignes avec le fil, l'équilibre prend des apparences désinvoltes de facilité. La verticalité est libérée. Enivrée par les accords d'une guitare poisseuse, une vamp en guépière et manteau fait se dresser droit un mat chinois. Au son de carrillons de minuit des désirs inexprimés flottent entre deux airs, entravés de cordes, et se laissent retomber, comme par abandons. Vu par ceux qui, lampe au poing, veillent d'en bas: des fantômes. Au sol une femme en robe de dentelle regarde et danse avec une feinte maladresse. C'est un vilain petit canard qui fait le lien entre nous et eux.

    Qui font leurs preuves, comme pour une épreuve d'initation, se rassemblent enfin pour le grand saut. Et assemblent une machinale infernale pour être projetés à travers le portail, vers le rêve ou la vie.

    C'était La Part du Loup, mis en piste et chorégraphié par Fatou Traoré avec les étudiants de la 19e promotion de l’Ecole nationale supérieure des arts du cirque (Ensac), à l'espace chapiteaux du parc de la Villette. Avec Paris Quartier d'été.

    Jusqu'au 16 Aout.

    Guy

    photo par Nicolas Guichard avec l'aimable autorisation de Paris quartier d'été

  • Cannibales: à boire et à manger

    523409649.jpgDans le désordre: une déclaration d'amour drôle et émouvante à force d'être perdue d'avance, un salon/espace social (après la salle de bain solitaire et régressive de "Fées"),un plateau blême pour le portrait d'une unième génération perdue, l'élégance des gestes circassiens, une caméra sous la couette, de lassantes énumérations, une immolation par le feu( après le quasi-suicide par noyade de "Fées"), quelques rires, pas mal d'embarras, de spectaculaires acrobaties à la perche, du no-future en boucle, des chansons trop générationnelles, un couple embarrassant à rester planté au micro comme pour un discours de mariage, de belles répétitions de gestes, un peu de danse(juste un peu), trop de mots, mais sans beaucoup expliquer, du ton faux, (comme dans "Fées") des dizaines de flacons de produits de beauté, des longueurs et des bâillements, un rap remarquable, des beaux moments, une fête à tous danser sur le lit mais à laquelle on ne se sent pas invité, un spiderman, des groupes comme des additions de solitudes, des sous-vêtements noir et blancs, une sincérité touchante, de l'angoisse et de la précarité, des clins d'oeil téléphonés, de la jonglerie, des pas brusques et des luttes à la T.R.A.S.H., l'explication de la différence entre la blennorragie et la myxomatose, des projections d'images urbaines, une longue complainte de la gauche désabusée, des cascades en transparences, de la verticalité (après l'horizontalité de Fées), de la déprime à la tonne, une fin surprenante (un espace enfin approprié?)

    Au final, une ambiance: les trentenaires parlent des trentenaires aux trentenaires. On a compris. Et pour les autres?

    C'était Cannibales, ♥♥♥ texte de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, au Théatre de la Cité Internationale, jusqu'au 5 avril.

    Guy

  • Plus ou moins l'infini: la ligne claire

    Flagrante rupture avec l'attitude narcissique, emphatique, sacrificielle, frontale, impudique, à laquelle nous habituent les danseurs. Les artistes circassiens ici s'effacent modestement au profit du geste, pour que celui ci soit simple, efficace, évident, absolu. Droit, net comme les lignes, qui tracent la direction de la pièce. Le corps n'est qu'un moyen du spectacle, en concours avec accessoires et lumières, et non plus son sujet central. Ce n'est pas un hasard si la pièce débute et s'achève en l'absence d'artistes sur scène, sur la mise en mouvements de simples tubes de métal, combinés en figures géométriques qu'animent les lumières. Troublante personnalisation de l'abstrait, tant le mouvement suffit à imposer l'idée de la vie. Les artistes prennent leur place quand même, d'abord une main, puis une tête qu'un corps sans tête poursuit. Les visages restent absents presque, pas des personnages vraiment, juste de fragiles silhouettes. Au service de l'image. Au même plan dramatique que perches, bâtons et ballons. On pense à la puissance expressive, de "La Linéa" ou celle de certains des dessins les plus épurés de Moebius. Attitudes raides, costumes strict comme ceux des musiciens de Krafwerkt, humour et stylisation géométrique.

    Poursuite des lignes de la nostalgie vers le futurisme : malgré le modernisme et les clins d'oeil aux cultures populaires de l'ère moderne -Star Wars, Atari, Space Invaders jusqu'à Matrix-, malgré les mises en situation de personnages confrontés à leurs propres images, réduites à l'essentiel numérique, pour des parties de jeux sur écran, malgré ces mises en abîmes qui- ne serait ce le traitement burlesque- pourraient évoquer le trouble d'une violence banalisée/virtualisée, le cauchemar de rapports humains anesthésiés en 2D, on pense à l'esprit du cinéma muet. En voyant ces acrobates qui progressent à contre courant sur les lignes mouvantes, qui accrochés à leur perche resistent au vertical contre la gravité, sans témoigner de la moindre indignation, sans effort apparent, sans trahir d'émotion. On pense, inévitablement à Buster Keaton, l'immortelle incarnation de la dignité humaine confronté à l'adversité. Le Buster Keaton de Steamboat Junior, fétu de paille au coeur du cyclone, mais frayant son chemin obstiné, chute après chute, contre les élements. Une calme et résolue révolte, d'un absolu géométrique, corps contre lignes, grain de sable, le propre du genre humain.

    C'était Plus ou moins l'infini , conçu et scénographie par Aurelien Bory-Compagnie 111, mis en scène par Phil Soltanoff, au theatre de la Ville.Sur invitation de BNP Paribas, ce qui démontre que le spectacle vivant sait parfois chercher l'argent là ou il est.

    Guy

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