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nouveau théatre de montreuil

  • Le rythme et la peau

    Professor Excerts est joué au Regard du Cygne le dimanche 23 novembre- Rediffusion de la note du 6 décembre 2012

    La matière est-elle particule, ou plutôt vibration? En cet instant particulier le danseur-Julien Gallée-Ferré- matérialise le son. Il ramasse les notes de musique, les pétrit, les malaxe, les projette plus loin. Elles rebondissent et reviennent vivre en lui, s’incarner, le mouvoir et le bousculer.

    Il y a là quelque chose de rare et singulier. Il y a là bien plus que la musique utilisée par le mouvement comme un simple appui rythmique, ou une ambiance, un contrepoint. Et pour moi un heureux paradoxe: Poetry m’avait laissé froid et je me lasse vite d’ordinaire de l’effet Fantasia, de voir des danseurs bouger bien trop bien sur le temps. Pas du tout maintenant, peut-être parce que l’engagement physique s’exprime extrême à chaque son, le phase de la redondance dépassé pour atteindre le stade de l’identité, avec une incroyable précision. Parce qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle musique, mais celle de Fausto Romitelli, abrupte, foisonnante, dramatique, riche d’ambiguïtés rythmiques. Parce que les gestes sont à la fois inattendus et évidents aussitôt nés, dans la dynamique excitante de cette énergie maitrisée.

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    Le danseur est passeur, médium. Il dialogue de son corps avec l’intangible. Un pied de chaque côté, il amène la musique rendue visible jusqu’au spectateur, et fraye son chemin incertain avec un nouveau langage dans un monde musical angoissant où tout est amplifié. Il s’agit à n’en pas douter d’une aventure, avec sa part de danger.

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    Il est habillé de noir et le plateau nu, nous sommes concentré sur cette fusion, rien d’autre à regarder, il y a derrière des rideaux. Ceux-ci sont bientôt le prétexte à une course poursuite labyrinthique qui m’évoque furieusement l’univers de David Lynch, ils s’écartent pour découvrir en action le musicien Tom Pauwels. Le musicien rejoint la scène, puis le danseur Felix Ott: le jeu se joue à trois, à deux, de situation en situations. En rapports de force, en complicité, l’un porté par les deux autres tel un pantin projeté, tous trois mimes drolatiques, ensuite à éprouver ensemble l’élasticité du son, ses glissements et ses rebonds, suivre sa trajectoire à l’horizon. On sourit mais le drame et proche, la musique dangereuse dans toute sa force émotionnelle et sensible. Le danseur tombera sous les rafales de guitare comme un soldat sous le feu.

    C’était Professor chorégraphié par Maud Le Pladec, au Nouveau Théâtre de Montreuil jusqu’au 18 décembre.

    Guy

    Lire aussi Le tadorne

    photos de Caroline Ablain avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • La vie et le temps...

    A l'occasion de la présentation des épisodes 1 à 4 au Nouveau théâtre de Montreuil, Rediffusion d'un texte de notre ami François, à propos de Life and Times, mis en ligne le 12 décembre 2010...

    Life and Times Episode 1 proposé par la compagnie new-yorkaise Nature Theater of Oklahoma (NTO) est un spectacle étrange, long d’environ 3 heures, mis en scène sous forme de comédie musicale, tout le texte étant chanté. Il raconte l’histoire autobiographique de Kristin, une des actrices de la troupe, depuis l’âge de ses plus vieux souvenirs jusqu’à l’âge de 8 ans. Le spectacle commence avec une seule actrice, rejointe après un long moment par deux autres filles et enfin par 3 acteurs masculins. Aucun ne joue un personnage précis et chacun chante des morceaux de l’histoire personnelle et autobiographique de Kristin. Comme dans toute bonne comédie musicale, le chant s’accompagne d’une chorégraphie, qui dans ce cas précis, est inspirée de spectacles de masse comme la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ou un défilé des Spartakiades, les jeux sportifs qu’a connu le metteur en scène Pavol Liska dans son enfance en Slovaquie communiste. Les acteurs sont vêtus d’un uniforme identique, les femmes portent le foulard rouge des pionniers soviétiques.

    Life and Times est un projet gigantesque, conçu en 10 épisodes étalés sur 10 ans. Le 2ème épisode vient d’être monté le mois dernier à Vienne mais c’est le premier épisode qui sera à l’affiche en janvier prochain à Paris. Tous les spectacles du NTO ont pour point de départ une question portant sur la notion de récit et sont construits à partir d’histoires racontées par les membres de la troupe ou des proches, dans une logique de ‘ready-made’.

    Pour Life and Times, les deux metteurs en scène Pavol Liska et Kelly Cooper, fascinés par les enregistrements sonores, ont demandé à Kristin de leur raconter sa vie au téléphone, en la découpant en 10 portions d’une durée totale de 16 heures. Episode 1 est la restitution INTEGRALE de la première partie de cet enregistrement. Intégrale car absolument toutes les paroles prononcées sont restituées y compris les ‘aah…eeuh’,’ you know’ , ‘hummm’ dont est parsemé le récit. Rien n’est modifié, ajouté ou soustrait. La chorégraphie des acteurs se développe selon une programmation aléatoire, chaque acteur devant exécuter des instructions figurant sur un panneau pris au hasard dans une pile par une femme assise devant la scène.

    La forme chantée et musicale donne l’impression de se retrouver quelques siècles en arrière dans un château médiéval pour y assister à un spectacle de ménestrels chantant à la gloire de quelque héros oublié. Ou même à écouter les exploits épiques de l’Iliade et l’Odyssée. La tradition des récits oraux est une source d’inspiration certaine pour Kelly et Pavol. Chaque spectateur réagit à sa façon face à ce récit ordinaire amplifié jusqu’à en devenir lui aussi épique dans l’esprit de son auteur et des metteurs en scène, comme d’ailleurs face à tout ce qui se passe sur scène car tout est sujet à libre interprétation, aucune signification n’est imposée. Mais on imagine que chacun se retrouve plongé plus ou moins profondément dans sa propre enfance, confronté à des joies ou des douleurs depuis longtemps oubliées. Devant cette scène où défilent le récit de ces souvenirs accompagné de cette chorégraphie abstraite, nous nous retrouvons face à ce qui nous a constitué comme individus, engagés dans une sorte d’autoanalyse. La durée – longue-  du spectacle est manifestement un moyen utilisé par Pavol et Kelly pour nous toucher, pour que nos défenses naturelles face à l’apparemment insignifiant tombent et pour que nos sortions transformés par l’expérience.  

     Life and Times Episode 1, spectacle vu au Kaaitheater de Bruxelles.

    A l’affiche au théâtre des Abbesses à Paris du 11 au 15 janvier 2011.

    François

  • La Zampa en Apnée

    Nicolas, de Marseille, nous a accompagné dans La Tombe du plongeur

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    Le titre est à lui seul une promesse. La promesse de voir et de vivre une performance de danse toute en tension. Le plongeur est à la fois l’homme qui se jette dans le vide et celui qui nage sous l’eau: la respiration se bloque, puis l’apnée, la chute, l’angoisse, la mort. Le matériau est là, brut, à porté des danseurs qui voudront bien l’aspirer, comme on aspire en remontant à la surface une bouffée d’air qui va réanimer tout le corps. La vie et le sang affluent à nouveau, le cœur reprend sa course, la danse peut commencer… Des bruits de coups, d'un corps qui tombe, l’obscurité, lentement, presque imperceptiblement s’évanouie pour nous laisser gêné et mal à l’aise face à cet homme tabassé à mort. Le but est clair et tout le monde comprend où l’on veut nous emmener. L’homme va mourir, il est le plongeur. Lui est gracieux, sa danse est saccadée, violente, parfois sensuelle, jamais vulgaire. Elle, sa partenaire, est plus abrupte, plus prévisible. Sur la scène des écrans viennent, sous la forme de montages video, attirer notre œil. Ces scènes courtes de plongeons, passées et repassées, parfois à l’envers, donnent du rythme, et aussi la musique. Durant le spectacle de multiples idées sont là, les images projetées sur les murs nous suggèrent une sensation étrange d’isolement. Nous sommes dans une grotte et ces images sont le reflet des lumières que la surface de l’eau projette sur les parois. Nous sommes à l’intérieur, nous descendons. La danse revient dans un jaillissement de lumière, aveuglante, notre danseur court seul au milieu de la pièce, sur place, les lumières éclatent, disparaissent, reviennent, le bruit. Je me souviens encore de tambours, d’une tombe renversée, de danse, de bruit, d’images, de tambours, d’une tombe renversée, plus de danse, plus rien, je ne me souviens plus. Je sors, je suis à l’extérieur, je remonte. La performance se termine, les gens applaudissent.

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    Le tout est très esthétique peut-être trop, à vouloir marquer l’œil on en oublie d’imprimer le cœur. Je reste à la limite, à la surface. Parfois trop explicite, parfois inutile, la mise en scène est comme le reste, un peu lointaine, un peu prévisible. Sans non plus tomber dans le pathos ni le sentimentalisme, l’ensemble reste cohérent et rythmé. Esthétique mais loin, trop loin de l’essentiel et les quelques moments de grâce ne suffisent pas à faire un spectacle complet et aboutit. Une œuvre prometteuse.

    C'était La Tombe du Plongeur, de Magali Milian et Romuald Luydlin (La Zampa) , au Nouveau Théatre de Montreuil, avec les rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint Denis

    Nicolas

    photo par Erik Damiano avec l'aimable autorisation de La Zampa

  • Kataline Patkai: Six Fois Marguerite Duras

    On garde une image précise et fascinée de Marguerite Duras (1914-1996), quasi statue octogénaire au balcon de son appartement de l'Hôtel des Roches Noires, au dessus de la plage de Trouville-sur-mer. Marguerite Duras, postée là comme à jamais tous les jours des étés de ses dernières années 90. Ratatinée, ravinée, impénétrable et figée. Sans réactions perceptibles à nos regards de badauds ou à la pluie normande. Concentrée sur la conscience d'elle-même, ou dialoguant avec la mer et l'horizon. Paysanne et presque orientale, crapaud buffle déifié.

    Marguerite Duras qui à 25 ans s'écrit- et c'est déja la même- Kataline Patkai  nous la fait entendre, telle quelle, nous la fait rêver par la danse. Avec d'abord un texte de M.D. d'une simplicité trés travaillée qui prend le corps comme sujet- son propre corps en tant que manifestation de l'être. Un texte à rebours de beaucoup de lieux communs littéraires et autobiographiques: "Tout autre passé que le mien m'appartient d'avantage". Il est notoirement ardu de faire coexister textes et danses. On accompagne Kataline Patkai avec d'autant plus d'intérêt dans ce projet, plus fécond que que le dernier travail consacré à Jim Morrison qui s'épuisait à notre sens dans l'impasse de l'imitation. Ce soir la danse évoque (et non imite) un corps écrit, féminin, générique. Non celui de la jeune amante de l'Asie du Sud Est, ni le corps de la vieille des Roches Noires. Un corps commun, étonnamment ré-imaginé avec un humour glacé. Qui d'un devient six, se multiplie à force de s'auto-considérer, devient chenille sur le chemin de sa propre découverte, en retrait du monde. C'est une transposition intéressante du processus de création littéraire, qui aboutirait à se dédoubler en se réfléchissant. Pour viser à l'universel.

     

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    Sur un fond de décor d'une sophistication notable-colline de matière réfléchissante, couverte de langues caoutchouteuses, culminant au dessus d'un tunnel lumineux et originel-, se succèdent des évènements suprenants, des roulades, des duos en miroirs, des progressions au sol tirées par les cheveux. Le recit s'interrompt et resurgit où on ne l'attend pas. Ce qui est peu déstabilisant. Un texte mortifère sur la vague et la mer renvoie à des peurs essentielles. La conclusion paroxysmique au son d'un rock survolté marque une nette rupture de ton. De toutes ses images, celles d'une orgie métaphysique et sans jouissance prédominent. Comme une scéne d'onanisme entre les doubles de l'écrivain. La chorégraphe met plutôt en scene une sensualité plutôt distanciée. Cet inventaire paisible et apppliqué des positions sexuelles, il nous semble déja l'avoir vu sur scène quelque part, en ébauche et sous d'autres angles. Pas plus loin qu'à Mains d'oeuvres, avec Appropriate Clothing must be worn. De la pièce d'alors à ce soir Sister, en passant par les postures de Rock Identity. On ne peut nier que K.P. suive une vraie continuité dans les thématiques. Et dans le style: il y a toujours un moment dans ces pièces où cette grande interprète hieratique, impliquée au ralenti dans une situation incongrue, semble porter trés loin au delà un regard calme et détaché.  

    Il y a plus d'un point commun ici avec la proposition de Julie Nioche qui précédait dans cette même soirée des Rencontres: audaces visuelles, originalité, legers regrets d'inaboutissements, réflexions sur la féminité, approche plutôt intellectualisé de l'émotion, grande sophistication plastique... sauf que les résultats ne se ressemblent en rien, ce qui marque bien l'originalité de l'une et de l'autre. Tant mieux

    C'était la création de Sisters, de Kataline Patkai, avec Kataline Patkai, Aude Lachaise, Lisa Nogara, maxence Rey, Agnes Sourdillon, Erika Zueneli, au Nouveau Théatre de Montreuil, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photo avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour (au centre: kataline Patkai)

    extrait et interview, sur arte

  • Julie Nioche, d'âme et d'eau

    Dés qu'on voit on regrette d'avoir été prevenu d'avance du concept. Que ceux qui veulent vivre pleinement l'expérience que Julie Nioche propose ne lisent pas ce qui suit....

    On regrette donc de ne plus pouvoir être surpris. Comme ce qui ne surprennait plus disait l'essentiel, et que des significations plus subtiles ne pouvaient apparaitre ensuite que plus difficilement. Mais, bizarrement, c'est par la poésie des sons qu'on se laisse d'abord quand même séduire: le bruissement des robes, la chute mate de la goutte d'eau... Car voilà: les robes sont de papier, et l'eau peu à peu les délite. Voilà au moins pour ce qui se laisse voir de plus évident. Mais si le dispositif est original, quelles idées sert-il? Il est question de l'identité de chacune des quatre danseuses. De disparition et repères perdus. De fragilité. De féminité. Et l'on sait que le vêtement de tous temps à la fois opprime et protège. Qu'il soit rigide  ou, comme ici, léger. Pour autant, poser la simple équation nudité = libération (=vie=vérité) serait par trop simpliste, aussi réducteur qu'une commémoration de mai 68 sur la plaine des lieux communs.

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    Visuellement, les impressions sont fortes. Ambiguës aussi. Nous laissant suspendus entre fascination et impatience. Les danseuses se suivent en soli. Chaque solo affirme un rythme et un style propre, comme si le respect de la personnalité de chacune des interprètes devait l'emporter sur la cohérence de l'ensemble. Au risque que cette succession nous laisse par moments perdu, par effet de dispersion. Toutes restent enfermées dans les strictes limites marquées au sol par un beau dispositif scénique, que l'eau envahi. Le blanc sage des robes suggère d'inépuisables interprétations. Sur le visage de la première danseuse, un masque fait écran, nous fruste. Bien que l'on comprenne que c'est justement dans cet obstacle que réside l'enjeu. Avant que son histoire ne culmine en un déluge libérateur, qui fait, sous le papier prêt à se rompre, la chair se gonfler de vie et d'humidité. La seconde femme rêve yeux fermés. La raideur semble se concentrer en résistance, les pieds s'engluent dans une terrible marée noire. Puis la frénésie prend des échos de désespérance. De plus en plus, l'eau est d'encre. Par tâches, trouble le blanc. Le réfléchit. La troisième femme écarte larges les bras. Cambrée, yeux au ciel, comme dans l'apprentissage de nouveaux langages. Ou en extases. La quatrième, aveugle, déambule, essuie le choc de jets de sceaux d'eau. Avec une violence qu'on ne sait comment prendre. A chaque fois: un combat, une transformation, tout au long de la dissolution du faux tissu. On ne sait si elles accompagnent ou subissent ce dévoilement. Mais à l'issue de chacune de ces trajectoires, même la peau libérée du carcan de papier, chacune de ces femmes retombe au sol, semble tout autant vaincue qu'à moitié nue. Évasions sans succès, ou trop cher payées. Une assistante revient imposer à nouveau à chaque sujet une armure fragile, en de délicats agrafages. Mais fastidueux.

    Nous laissant avec le sentiment d'avoir chaque fois tout à recommencer ? Mais si le déroulement nous déroute, en commun de toutes ces singulières propositions se laisse voir à fleur de peau beaucoup de pudeur, une grande délicatesse. Même malgré parfois la violence des gestes. Et tout au long, une belle justesse et sobriété. Et les corps s'imposent avec évidence. S'épanouissent plutôt plus généreux que selon les carcans esthétiques: d'autant plus beaux de vérité, simplement. Surtout, en conclusion, après leurs réaminations et rabilllages les quatre femmes se mettent soudain, à exister ensemble. Les regards s'animent et se croisent. Sous une pluie nouvelle, les tissus se disolvent encore mais un groupe se crée.

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    Leur rencontre crée un lien avec nous, crée un sens. Alors que les lumières tombent, il y a un trés beau et court dernier moment, où toutes ensemble avancent vers nous, pour s'évader du cadre. Tout se joue au dernier instant.

    C'était Matter, de Julie Nioche, au Nouveau Théâtre de Montreuil, avec Mia Habib, Rani Nair, Julie Nioche, Bouchra Ouizguen, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour-images de danse. Toutes les autres sont ici

    P.S. D'autres réactions sur Images de Danse et Tadorne

    extrait et interview, sur arte