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erika zueneli

  • La dimension cachée

    Il y a ici beaucoup de suite dans la danse, dans les idées. Des sillons sont creusés d'année en année dans l'obstination, de semailles en récoltes, en floraisons.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Cet épisode encore en esquisse-Terre suspendue-suit obstiné le chemin de Champs, vu il y a trois ans. Grave les rapports sourds entre l'homme, le groupe, la terre, la matière. Je suis d'abord decontenancé: par des mouvements d'araignée, des personnages dispersés, perdus, d'autres mouvements tendus comme des prières, des notes de piano qui s'égrennent. Je retrouve de la force à l'ensemble alors qu'il semble emporté par les mouvements lourds d'un sac suspendu au plafond. Comme une épée de Damoclés. Celui-ci perturbe les équilibres, les polarise, d'une inquiétante gravité semble attirer les corps jusqu'alors épars au dessous. Certains courent, d'autres succombent. Quand le sac est crevé, la terre s'écoule, comme la vie, l'homme renversé.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Incontri fait écho à Incontro vu il y a deux ans. Le subtil face à face des deux femmes fait ici place à un duo masculin plus abrupt, qui s'organise autour de la même table pivot. Dans une même dynamique. Circulent et rebondissent dans cet espace jeux et enjeux, mimétisme et arrières pensées, rapports de forces au tac au tac. D'un pas en avant à un pas en arrière, au bras de fer, se dessinent les règles d'une drôle de proxémie. C'est l'invisible et l'essentiel des rapports humains-au plus profond en passant par des cris de chien, la défense du territoire, les manifestations élémentaires de soumission- qui est mis à jour de quelques gestes, dans un langage universel. Dans le public un enfant rit, incrédule. La grâce intempestive, contagieuse, de son intervention nous fait toucher dans cette performance tout le comique. D'autres éclats fusent. Avec lui, avec eux, on jubile.

     C'était Terre Suspendue d'Olivier Renouf et Incontri d'Erika Zueneli, compagnie L'Yeuse, vus en mai 2011 au Regard du Cygne.

    Guy

    Incontri est un extrait de Tournois, prochaines représentations:

    Incontri
    Le 23 septembre aux Plateau de la Biennale du Val de Marne www.alabriqueterie.com

    Tournois
    -Le 18 octobre Festival Odyssée de l'Espace www.espace-1789.com
    et
    Du 22 au 26 novembre À la chapelle des Brigittines (Biennale de Charleroi danses)
    www.brigittines.be / www.charleroi-danses.be

     

  • A propos d'Erika Zueneli

    Noon, Day-Break ou In-Contro: les intitulés allusifs, nous emmènent loin par des chemins détournés. Vers là où le mouvement fait sens. Pour percevoir l'indécision d'un tableau d'Hooper, matérialisée. Ou un corps inventaire, qui se décline en images de ciné, drôle et léger. Ou deux femmes qui se font face, attablées. Ce qu'elles dansent alors, en tensions et arrières pensées, c'est le sensible dévoilé, l'invisible mis à portée. Je vois ces deux femmes face à face se jauger, s'aimer et s'affronter, l'une après l'autre gagner et perdre, articuler leur gestes avec âpreté, je vois cela, et j'ai soudain le sentiment de saisir vraiment ce qui entre deux êtres se joue et se tend. Voire, grâce à cette silencieuse métaphore, je crois mieux comprendre ce que me montre cette danse, mais partout et ailleurs, hors de la scène, dans la rue, dans la vie, dans ce café, là où deux êtres parmi d'autres, avec leurs pensées et leurs gestes, se retrouvent face à face attablés.

     

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    Erika Zueneli remet la danse à sa place, au centre. Il n'y a peut-être que deux manières de danser. Soit à l'écoute d'un absolu qui surgirait de dedans, provenant de mystérieuses profondeurs. Soit en écho de notre rapport aux autres, de notre rapport au monde, ouvert à ce qui nous lie, ouvert sur le dehors. Cette seconde voie est périlleuse, tant elle peut mener au bavardage, aux évidences appuyées, au psychologisme, à la trivialité. Erika évite tous ces pièges, emprunte des sens interdits, des doubles sens, casse les évidences, met en œuvre sous la danse de redoutables énergies, de troublantes ironies. Sans toc ni pathos, ni aridité ni mièvrerie. Cet art sans révèle, comme rarement, sans qu'il soit jamais besoin d'expliquer.

    Les deux femmes attablées se sont levées, le terrain s'élargit, d'autres êtres rentrent dans le jeu, dans de nouveaux conflits. J'attends Tournois, impatient.

    Guy

    Texte écrit à l'occasion de l'ouverture de saison du Théatre Paul Eluard de Bezon où sera créé Tournois (titre provisoire) en avril 2010

    photo (In-Contro) de Vincent Jeannot-Photodanse avec l'aimable autorisation d'Erika Zueneli.

  • Kataline sous le regard du Cygne

    Une histoire de femmes, essentiellement? Avec Kataline, Isabelle, Viviana,  Julie, Beatriz, Anna, Camille- Lucile, Gemma, Aude, Paloma, Lisa, Katia, Erika et les autres... Au fil des numéros de ce Cabaret des Signes signé Kataline Patkaï s'exprime la féminité, et à la quasi unanimité. C'est à noter, même s'agissant d'un domaine d'expression artistique où artistes et publics penchent majoritairement de ce coté. Unique exception de la soirée: un quart d'heure d'Ugo Dehaes mais qui symptomatiquement danse sa performance- Forces Leech- en rampant, littéralement piétiné, sa partenaire sur lui debout perchée: woman on top.

    Donc du début à la fin, la féminité se donne à voir en recherche, à commencer par l'adaptation d'un texte de Marguerite Duras. Forcement. Ses mots d'écrivain se démultiplient en 6 danseuses, 6 fausses sœurs: brunes, blondes, de toutes décades, physiques et  horizons. Duras, le texte, la danse.... D'emblée une question s'impose, sans trouver tout de suite de réponse: dans cette rencontre- ou dans cette introspection- comment un regard de la minorité masculine peut-il s'insinuer, s'installer? Forcement déplacé, comme un chien dans un jeu de filles? Revient le souvenir d'une brève visite lors d'un filage deux trois jours avant, dominé par la sensation de se retrouver par mégarde dans le vestiaire des dames. Presque autant que cet inconnu absolu, ce mâle étranger, qui, la même soirée, surgit en pleine répétition de ces sœurs en tenues de bain, profitant d'une porte mal fermée?

    Kataline dit: j'ai voulu adapter le texte de Duras, parce que c'est un auteur (Elle ne dit pas « auteure », d'ailleurs) qui a m'a marquée, comme il a marqué beaucoup de femmes. Même si des hommes tels que vous peuvent lire Duras, bien sur- s'excuse-t-elle opportunément (c'est une conversation qui a lieu quelques semaines avant, avec deux hommes justement : Jérôme et moi-même). Elle poursuit: Duras fait résonner en nous quelque chose de très violent, très sexuel. L'adapter c'est le moyen pour moi de travailler des thèmes qui me correspondent. Le désir selon toutes ses déclinaisons, l'engagement absolu, mais vers quelque chose que l'on ne peut jamais atteindre....

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    Sisters, d'après Marguerite D., ce soir on y est. Plutôt on y revient, pour un long extrait, après sa création plutôt précipitée lors du printemps dernier aux RCISSD.

    Je me relis....

    De ces notes d'alors, rien à retrancher: elles prenaient acte des thèmes déjà développés, ces thèmes ne se sont pas perdus en route. Depuis c'est le rythme qui a changé, s'est approfondi. Il y a plus de rondeur autour d'une violence toujours contenue. Avec les présences stabilisantes de nouvelles interprètes, telle Jesus Sevari. La créature monstrueuse, ambiguë, en construction ici- 6 corps fusionnés en une troublante chenille- respire mieux, les voix mieux ajustées. L'âpreté est intacte, mais les regards ont gagné en abandon, dans la chaleur du bois et de la pierre du studio du Regard du Cygne. Tout semble question de féminité, tout parait aussi autoportrait. Est-ce ici Kataline en maillots de bains? Un seul corps multiple et glissant, membres imbriqués et rapports, dans la lenteur pensante des étés de canicule, sous le soleil exactement. Le récit textuel et visuel renvoie à l'adolescence, à la naissance de la sexualité, à un suspend sensuel intense et en fuite. Comme à la recherche d'un instant particulier, on devine alors la chorégraphe plus attachée à la force des images- quasi arrêtées- qu'à celle des mouvements.

    Sur scène Kataline, toujours à la voix douce, trop douce, parvient pourtant à faire entendre les mots de Duras. Mais de dos. Six bouches s'ouvrent pour les reprendre, les répéter. Texte et gestes s'articulent, mais de ce texte l'homme est absent. Forcement? Ou est-ce plus compliqué? Kataline dit, en privé: quand j'ai commencé à chorégraphier, j'ai créé un solo pour un garçon, mais c'est peut-être de la femme dont dés l'origine j'avais envie de parler...Car après il y a eu un duo homme/femme (qui s'appelait X-XY', tiens, tiens...)- , puis un trio avec deux femmes et un homme (Appropriate Clothing Must Be Worn), et pour finir Sister qui est une pièce pour six filles... Elle dit: entre temps j'ai fait Rock Identity : un solo en trois parties qui s'inspire de figures du rock masculin. Des figures qui ne sont pas si mâles que cela: Morrison est très androgyne, Kurt Cobain aussi, Bernard Cantat l'est franchement moins... mais j'interprète ce dernier en talons aiguilles.

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    C'est un angle d'attaque pour regarder Sisters... Lors de Rock Identity, Kataline, 100% femme et seins dehors parvenait à être homme, à être Jim Morrison. Est de même suggérée une part mâle cachée dans cette Duras dansé, cette femme surprise dans un moment flou de son identité, dispersée en doubles inquiétants, ses vêtements arrachés de l'une à l'autre, les corps de chacune traînés par les cheveux jusqu'à la conclusion: cette orgie de chairs rêvées, une exploration et une initiation, scène éminemment onirique et masturbante, dominée par l'absence du partenaire amoureux...On attend la suite.

    La thématique ainsi bien posée avec Sisters, le déroulé de la soirée peut se voir comme une suite de déclinaisons- déléguées à chacune des artistes et au gré des affinités- de la figure féminine en général et des choix artistiques de l'hôtesse en particulier... C'est varié et riches de respirations.

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    Ainsi avec Mystérious Skin, vigoureux solo de Julie Trouverie, qui trouve sa dynamique dans la dualité entre sauvagerie et sophistication, l'érotisme se trouvant au point de rencontre. C'est-à-dire que la créature se déchaîne en femme des cavernes vêtue d'un manteau de fourrure. Du titre le mystère est vite révélé, de même que la peau est mise à nue. Sur ses mouvements paniques les désirs ne peuvent qu'ouvertement converger.

     

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    La mise en situation de l'archétype social féminin est poussée ensuite bien plus loin avec un intelligent cynisme. La performance culinairequi vient est très particulière. Quatre belles femmes en robe de soirée, sexys et maquillées, s'offrent à déguster: sur dos et bras nus tranches de saumons et autres mets raffinés. C'est la réaction du public, confronté lors de cette performance à ces femmes objets, à ces biens de consommation haut de gamme, qui est intéressante.... Le regard masculin est pour le coup directement sollicité, mis au défi de prendre position. La main hésite à suivre les yeux, quant à la bouche...Est-ce que goûter, c'est tromper?

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    Plus- mais trop alors ?-de distance nous sépare de Krack, le duo de Viviana Moin et Jesus Sevari, l'une d'Argentine, l'autre du Chili, sur le mode des confidences dansées/parlées quant à la condition de l'artiste femme et étrangère. Hablas espanol? Si ce n'est pas le cas en l'état la rencontre reste frustrante, perdue sur la carte, mais c'est un travail encore en cours (à la prochaine occasion, se souvenir de demander à Mlle Patkaï, qui dirige ce duo d'«où » elle-même vient.).

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    Viviana Moin s'attaque elle aussi, avec Billy,au sujet de la sexualité. C'est à dire qu'elle l'aborde directement, sans prendre de gants. Brode à partir du récit d'une vision d'enfance possiblement tramautique, pour inventer des confidences drolatiques sur sa « vie de femme » (comme on dit dans les mauvais magazines) avec les hommes dotés d'un sexe-escargot. Scoop! Viviana nous réconcilie au son de Nina Simone autour d'une vision dédramatisée des relations entre les deux sexes. Nous sommes conviés par le rire.

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    Beatriz Setien Yeregui tente avec Beatriz chante l'expérience de l'exposé d'une femme démultipliée, en jouant simultanée des trois modes d'expression de la présence, de l'image, et du commentaire. Joue la candeur tranquille. S'agissant d'art conceptuel, c'est dans les premières minutes terriblement ennuyeux. Mais cela devient subitement terriblement drôle quand les niveaux de sens glissent ensemble, jusqu'à se télescoper en connivences, dans un grand écart entre Joseph Kosuth et chansons traditionnelles.

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    Les Vraoum's concluent en sourires la soirée avec leur girl's band au second degré, mais c'est Isabelle Esposito, qui aura proposé la figure féminine la plus audacieuse, et sans doute la plus prometteuse, quitte à dérouter une bonne partie du public, hommes et femmes confondus. En créant avec la Sombre Sautillante un personnage desexué d'un corps hasardeux, qui marmonne à tâtons, esquisse une progression incertaine de gestes ahuris et poussiéreux au milieu d'objets désenchantés. Dans la ligne désespérante, exaspérante et rigoureuse de Vieille Nuit, à l'autre extrémité de la gamme.

    C'était le Cabaret des Signes de Kataline Patkai: Sisters(extrait) de Kataline Patkaï, Reprise de la pièce créée en 2008 aux Rencontres Chorégraphiques de Saint-Denis, Avec Kataline Patkaï, Aude Lachaise, Jesus Sevari, Erika Zueneli, Julie Trouverie, Lisa Nogara, Krack (étape de travail) de Kataline Patkaï avec Viviana Moin, Jesus Sevari, Kataline Patkaï, Performance culinairede Kataline Patkaï avec Katia Petrowick, Paloma Moin, Camille Clerchon, Anna D'Annunzio, Lisa Nogara, Les Vraoums spectacle/concert de Maeva Cunci, Virginie Thomas, Pauline Curnier Jardin, Aude Lachaise, Forces-Leech de Ugo Dehaes - Avec Ugo Dehaes et Gemma Higgin Botham, La sombre sautillante(étape de travail) solo d'Isabelle Esposito, Beatriz chante solo de Beatriz Setien Yeregui, Billy , solo de Viviana Moin, Mysterious skin
    Solo de Julie Trouverie.

    Au Regard du Cygne.

    Guy

    Photos de Jérome Delatour- Images de Danse avec son aimable autorisation, sauf photo de la performance culinaire (DR) avec l'aimable autorisation de Kataline Patkaï

    Merci à Kataline Patkaï pour son accueil lors de nos premieres discussions.

    Lire: Images de danse

  • In-Contro d'Erika Zueneli: Duel et gestes

    Mère et fille ? Sœurs ? Amies ? Amantes ? Quoiqu’il en soit, assises en chien de faïence, et bien des comptes à régler, de toute évidence. Campés des deux cotés de la table, les regards d’abord s’affrontent, couteaux dans les yeux.

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    En silence la tension glisse vers la danse, encore retenue, vite en vivacité. Les deux elles ne vont pas abattre toutes leurs cartes d’emblée. Les visages restent impassibles et les bouches closes, les corps dialoguent et s’affrontent à coups de messages connivents. Avec des gestes articulés autour de la table et des deux chaises, pour qu'elles en glissent parfois, s’en éloignent souvent, toujours pour y revenir, comme pour se disputer le seul territoire qui soit synonyme de pouvoir. Les victoires sont précaires et les situations s’inversent, le duo passe en revue toute la gamme de la relation, en complémentarité ou domination, positions up et down, escalades et dérobades, élans ou indifférence, réconciliations et coups fourrés, dépendance ou affectivité étouffante, abandon ou regrets, tendresse ou cruauté. Sans que rien ne soit appuyé, tout en subtilité et tout en gestes, sans un mot ou presque.

     

    C’est acide et drôle, c’est surprenant, c'est stimulant, c’est créatif, c’est de la danse contemporaine. 

     

    C’était In-Contro d’  Erika Zueneli, avec Erika Zueneli et Kataline Patkai, au théâtre de l'étoile du nord, avec le festival Faits d’Hiver.

     

    Guy

     

    Photo par Vincent Jeannot, avec l'aimable autorisation d'Erika Zueneli

     

    P.S. : le même soir, autour d'une autre table, il y avait Solides Lisboa

  • Erika Zueneli fait son beau cinema

    Il y a tout à voir, et des milliers d’autres choses. En l’espace d’un clin d’œil ou dans la respiration d’une pose. Le corps sans relâche est traversé d’images et de souvenirs, personnels ou partagés. Mais justement, tout aussitôt se partage...

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    Comment? Par quels moyens? On admet et on renonce à expliquer ce qu’on ressent avec évidence. Cette qualité d’adaptation à l’univers visuel des autres, déjà à l’oeuvre dans Noon, sans jamais que le travail n’apparaisse ostensible. Une empathie extrême. Le fond peint vient discrètement rappeler qu’il s’agit là de représentation, et aussitôt s’impose une danse caméléon. Erika Zueneli dirige ou libère sa mémoire, ouvre la notre dans le même temps. Evoque avec telle force et une telle économie qui n’est besoin de rien raconter. Etats animaux, marche à quatre pattes et drôles d’oiseaux, réminiscences  juste entre-aperçues de propositions passées, danse exotiques et surannées, morceaux de quotidien, scènes de cinéma qui s’égrènent et se répètent de Métropolis à James Bond, avec un humour qui relance la pièce plus loin, là où on ne l’attend pas… Même fugitives, populaires ou non, les références invitent au lieu d’intimider. Pourquoi? C’est un autre mystère, la bobine touche à sa fin, le projecteur éclaire encore quelques instants à blanc, en un commentaire ironique sur cette entreprise de représentations et métamorphoses.

    C'était Daybreak d' Erika Zueneli, assistée d'Olivier Renouf. Au Théatre de l'Etoile du Nord avec Avis de turbulences. Jusqu'à samedi, avec H2O, et précédé de Champs à Mains d'Oeuvres

     photo par Philippe Noisette avec l'aimable autorisation du Théatre de l'Etoile du Nord

  • Kataline Patkai: Six Fois Marguerite Duras

    On garde une image précise et fascinée de Marguerite Duras (1914-1996), quasi statue octogénaire au balcon de son appartement de l'Hôtel des Roches Noires, au dessus de la plage de Trouville-sur-mer. Marguerite Duras, postée là comme à jamais tous les jours des étés de ses dernières années 90. Ratatinée, ravinée, impénétrable et figée. Sans réactions perceptibles à nos regards de badauds ou à la pluie normande. Concentrée sur la conscience d'elle-même, ou dialoguant avec la mer et l'horizon. Paysanne et presque orientale, crapaud buffle déifié.

    Marguerite Duras qui à 25 ans s'écrit- et c'est déja la même- Kataline Patkai  nous la fait entendre, telle quelle, nous la fait rêver par la danse. Avec d'abord un texte de M.D. d'une simplicité trés travaillée qui prend le corps comme sujet- son propre corps en tant que manifestation de l'être. Un texte à rebours de beaucoup de lieux communs littéraires et autobiographiques: "Tout autre passé que le mien m'appartient d'avantage". Il est notoirement ardu de faire coexister textes et danses. On accompagne Kataline Patkai avec d'autant plus d'intérêt dans ce projet, plus fécond que que le dernier travail consacré à Jim Morrison qui s'épuisait à notre sens dans l'impasse de l'imitation. Ce soir la danse évoque (et non imite) un corps écrit, féminin, générique. Non celui de la jeune amante de l'Asie du Sud Est, ni le corps de la vieille des Roches Noires. Un corps commun, étonnamment ré-imaginé avec un humour glacé. Qui d'un devient six, se multiplie à force de s'auto-considérer, devient chenille sur le chemin de sa propre découverte, en retrait du monde. C'est une transposition intéressante du processus de création littéraire, qui aboutirait à se dédoubler en se réfléchissant. Pour viser à l'universel.

     

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    Sur un fond de décor d'une sophistication notable-colline de matière réfléchissante, couverte de langues caoutchouteuses, culminant au dessus d'un tunnel lumineux et originel-, se succèdent des évènements suprenants, des roulades, des duos en miroirs, des progressions au sol tirées par les cheveux. Le recit s'interrompt et resurgit où on ne l'attend pas. Ce qui est peu déstabilisant. Un texte mortifère sur la vague et la mer renvoie à des peurs essentielles. La conclusion paroxysmique au son d'un rock survolté marque une nette rupture de ton. De toutes ses images, celles d'une orgie métaphysique et sans jouissance prédominent. Comme une scéne d'onanisme entre les doubles de l'écrivain. La chorégraphe met plutôt en scene une sensualité plutôt distanciée. Cet inventaire paisible et apppliqué des positions sexuelles, il nous semble déja l'avoir vu sur scène quelque part, en ébauche et sous d'autres angles. Pas plus loin qu'à Mains d'oeuvres, avec Appropriate Clothing must be worn. De la pièce d'alors à ce soir Sister, en passant par les postures de Rock Identity. On ne peut nier que K.P. suive une vraie continuité dans les thématiques. Et dans le style: il y a toujours un moment dans ces pièces où cette grande interprète hieratique, impliquée au ralenti dans une situation incongrue, semble porter trés loin au delà un regard calme et détaché.  

    Il y a plus d'un point commun ici avec la proposition de Julie Nioche qui précédait dans cette même soirée des Rencontres: audaces visuelles, originalité, legers regrets d'inaboutissements, réflexions sur la féminité, approche plutôt intellectualisé de l'émotion, grande sophistication plastique... sauf que les résultats ne se ressemblent en rien, ce qui marque bien l'originalité de l'une et de l'autre. Tant mieux

    C'était la création de Sisters, de Kataline Patkai, avec Kataline Patkai, Aude Lachaise, Lisa Nogara, maxence Rey, Agnes Sourdillon, Erika Zueneli, au Nouveau Théatre de Montreuil, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photo avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour (au centre: kataline Patkai)

    extrait et interview, sur arte

  • Indigestion a l'Echangeur

    Hier soir menu varié à l’Echangeur, avec quatre danseurs, quatre soli.

    L' entrée en matière est pourtant un peu maigre avec les « Peaux » de Pedro Pauwels. Qui nous propose un régime très conceptuel et contemporain, impossible rébus sur une esthétique de déambulations/immobilisations et bâches plastiques.

    On est quand même séduit en seconde partie, par le tutu mélancolique et le projecteur à main, manié avec une pudeur qui laisse deviner une immense sensibilité, à fleur de peau justement. Le tout avec une remarquable économie de moyens.     

    En guise de plat de résistance, Erika Zueneli danse « Noon », pour évoquer Edward Hopper. La ressemblance est saisissante, dés le premier tableau. Mais il faut bien que la danseuse danse ensuite, et tant mieux, car ce point de départ n'a sans doute été que prétexte pour développer, sur une partition de Denis Chouillet, des variations plus personnelles. Où il est question de confrontation au social, de frénésie, de spasmes et de tensions, de désirs et de frustrations, de troubles émotions. Après divers dérèglements, on conclut par un nouveau tableau immobile, tout naturellement.

    Mais comme souvent, tout se gâte au dessert pour que l’on reste sur sa faim.

    D’abord huit minutes encore trop indigestes, à regarder Hélène Marquié larmoyer, et à subir en boucle la même chanson de Colette Magny. Le procédé est exaspérant: est-ce pour bien s’assurer que l’on comprenne? Où pour nous distraire de cette progression pathétique, ponctuée d’un triste dégagé de décolleté. Déjà le titre agaçait: « Vos lacunes font émerger nos rêves »Qui est le Vous ? Qui est le Nous? Peut-être nous-mêmes, hermétiques, et qui ne remercions pas l’Unesco, pour avoir commandé ce chef- d’œuvre. Qui a pour ambition d’évoquer les violences faites aux femmes, elles s’en sont sûrement trouvés réconfortées.

    Cela ecrit, comme on n'a pas été trés gentil, ceux qui voudront en juger par eux-même, pourront regarder ici.

    Quant à Yukiko Nakamura….On aurait du fuir dés la lecture du programme : « …Et encore au loin regarde une vue de mon dos. Elle regarde quelqu’un qui n’est plus là. Et moi non plus ».Hélas on est resté, à regarder, et elle aussi, au loin.

     Guy 

    P.S. Le programme continue ce w.e. avec changements de plats. Et entre autres Elena de Renzio, pour "Ah! Ah!", qu’on avait aimé une autre soirée cette année à Bertin Poirée.