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  • Shakespeare: Windsor au T.N.O.

    D'abord on aborde cette pièce coté coulisses, bien obligé car cette pièce déborde chaque début de soirée dans la salle d'attente du T.N.O.. Là où l'on attend pour par exemple aller voir une autre pièce dans l'autre salle du bas. On attend là et 367a050c1daef11448ee05ecf9705138.jpgpar la porte de la salle du haut surgissent des comédiens qu'on ne peut pas ne pas remarquer- des ours, un curé, un juge, des dames en robes d'époque, des jeunes premiers, un Falstaff qui se saisit de bois de cerfs...- ils tournent en rond seuls ou à plusieurs, mais toujours un peu absents, et bientôt repartent dedans à l'assaut. Et chaque fois que la porte de la salle du haut s'ouvre, on entend d'où l'on est quelques répliques et des éclats de voix, des applaudissements.

    Difficile donc de longtemps résister à la curiosité d'aller voir la pièce à l'endroit. On retourne bientôt au T.N.O. dans la salle du haut, là où les fauteuils entourent les comédiens. Là on peut enfin mieux les compter, ils sont jusqu'à seize à se dépenser et on aurait jamais cru que la salle du haut du T.N.O. puisse les contenir tous à la fois. On comprend bientôt pourquoi ces "Joyeuses Commères de Windsor"embarrassent souvent les commentateurs, qui expédient l'affaire en deux pages de préfaces discrètement glissées avec le texte dans les oeuvres complètes. Il s'agit bien d'une farce, à mille lieues des élégances métaphysiques d'Hamlet. Avec Falstaff, vieux galant, berné par deux commères. On lit que, selon la tradition, William aurait écrit la chose en deux semaines pour plaire à Elisabeth La Première. Cette explication ressemble à des excuses. 

    Mais ce soir personne n'a rien à excuser, bien au contraire. On comprend aussi combien il faut d'énergie, de métier, d'humilité, pour mener sur scène cette affaire à bien, joyeusement assumée, pour tout forcer- accents, quiproquo, costumes, gouaille, gestuelle et mimiques- sans jamais agacer. Ne jamais perdre le rythme, tenu par les acteurs qui courent en annonçant sur des pancartes chaque changement de lieu. A l'approche de la fin, la bouffonnerie s'envole dans le merveilleux, avec une ronde narquoise d'elfes et de fées, avant que le vaniteux Falstaff ne s'éveille dans la désillusion, tout son ridicule dévoilé. Vieilli soudain jusqu'à ses propres yeux. Après cet instant cruel, c'est pour tous les personnages le temps de l'indulgence, il ne reste plus à Falstaff qu'à aller boire avec les maris à qui il a voulu faire porter des cornes: "ce que l'on ne peut éviter, mieux vaut s'y résoudre de bonne grâce"

    On rit, on applaudit. Pas trop longtemps quand même, afin de permettre à deux des comédiens de déjà s'échapper pour aller jouer Mesure pour Mesure, celà commence dans cinq minutes dans la salle du bas.

    C'était Les Joyeuses Commères de Windsor,  de William Shakespeare, mis en scene par Idriss au Théatre du Nord Ouest.

    Guy.

    En photo, on a reconnu en Falstaff l'immortel Orson Welles, version 1965.

     

  • Gare au Theatre: Magneto et Sisyphe

    Il a le texte, il y a la danse. La danse heureusement, et même de très jolis moments. Jocelyn Danchik et Gauthier 36e38846777c48fe933fe01bab668f4a.jpgRigoulot se découvrent l'un l'autre en un duo sensuel et amoureux, Malena Murua fait une avec un rideau de tente et on ne lasse pas de suivre la fébrile Blanka glisser tragiquement sur scène, aussi belle et impavide que Morticia de la famille Adams.

    Hélas tout cela est rapiécé au fil d'une intrigue dont la puérilité nous plonge dans l'embarras. La thématique emprunte à l'univers des X-men de Marvel mais adapté pour classes maternelles. Il faut sans doute recommander la performance aux 5-10 ans, qui adoreront les dialogues ("Je suis un mutant", "Ah tu es un mouton!"), le costume de la femme sirène, et les apparitions de Maguy Ganiko habillé de côtes de maille, brandissant son épée en ombre chinoises derrière le rideau. C'est comme au guignol: attention gentils mutants, fuyez le méchant qui arrive pour vous couper en morceaux! Il faudra tout de même expliquer aux enfants que l'histoire racontée ici est pour rire: un créationniste ne peut pas, par définition même, considérer certaines espèces comme inférieures, car pour lui toutes sont censées être l'oeuvre de Dieu. C'est à l'inverse l'évolutionisme qui pourrait, mais par un développement perverti, prêter à ces dérives. Demandez donc au professeur Xavier. Pour inciter les enfants à venir jusqu'à Vitry, on pourra leur montrer des extraits du spectacle ici.

    On est heureux de revenir dans le monde adulte, avec la compagnie Sisyphe Heureux. Le nom est déjà tout un802253fad8bb58d82ae616a12b30dffe.jpg programme. Pourtant ici pas de rocher à pousser, mais sur scène un tas de gravats. Perchée au dessus, la condition humaine, à l'épreuve de sa vérité. Un danseur en costume de ville- Haïm Adri- au corps et la mémoire habités par le foisonnement des danses populaires, le coeur assailli par la surabondance des musiques et des images sonores. Les mains dans la poussière, se saisissant de la matière, cailloux après cailloux, le regard perdu et un peu fou. Pour une heure de course offerte, c'est grave et émouvant.


    C'était Mysteries of Love de la Cie FuryMoon Ultrabarroka Tanz-theater , par Maguy Ganiko avec Malena Murua, Jocelyn Danchick, Gauthier Rigoulot, Magy Ganiko et Blanka, à Gare au Theatre, jusqu'à dimanche. 

    C'était "Quelle est l'utilité d'une couverture", par la compagnie Sisyphe Heureux, dansé par Haïm Adri et mixé par Benoit Gazzal, à Gare au Theatre, jusqu'à dimanche.

    Guy 

  • Deux nuits, des rois

    Que notre boussole nous ait guidé jusque dans la salle de l'Etoile du Nord ou plus bas dans celle du Théatre du Nord Ouest, on débarque de toute manière sur les rivages d'une imaginaire Yllirie. Libre et naufragé. C'est dire que l'on entre dans le b6cab4885daf41539748acf8f5b50a1f.jpgpays de l'illusion, et de toutes les possibilités. On perd pied dans les sables mouvants de l'imaginaire amoureux, où chacun ose se rêver, sans interdit de rang ou de sexe, dans les bras de l'être aimé. Lui même reconstruit selon tous nos désirs. 

    L'intendant Malvolio se voit plus grand qu'il n'est, imagine sa noble maîtresse Olivia à ses pieds pour qu'il puisse mieux s'élever lui-même. Viola-Octavio, fille travestie en garçon, est aimée de cette même Olivia. Pour cette Olivia encore le Duc Orsino se languit, mais Viola travestie en secret n'a quant à elle d'yeux que pour le Duc. Qui en Viola ne voit que le garçon Octavio, un garçon chéri, mais un garçon quand même. De cet écheveau de désirs lancinants et frustrations ambiguës, personne ne sort indemne. Et surtout pas Viola, écartelée entre ses rôles et ses identités sexuelles, sérieusement névrosée. Il ne faudra pas moins que le retour d'outre tombe de Sébastien, son frère jumeau, pour que Viola puisse se dédoubler en deux sexes opposés, pour la satisfaction conciliée du Duc et d'Olivia. Remise au clair des genres masculin et féminin, attestée de visu par une mise à nue finale- sur la scène de l'Étoile du nord on s'en serait douté- mais si timide et triste, qu'elle ressemble à la mort de l'amour. Au moins entre temps Toby le bon vivant, oncle d'Olivia, aura copulé joyeusement avec Maria la servante, Sir Andrew naif et puceau aura courtisé Olivia mais sans désir 39196a342684be7c9c73741e781d86ce.jpgflagrant, à l'inverse d'un certain Fabien aimant Sebastien-le frère jumeau- jusqu'à se faire battre pour le défendre.

    Si on nous lu jusqe là, on conviendra qe la pièce est trop impossible et embrouillée pour qu'on puisse la jouer littéralement. Nicole Gros au T.N.O. s'y essaie pourtant, et bien évidemment n'y réussit qu'à moitié. La moitié très réussie tient aux personnages comiques-Toby, Sir Andrew et le Bouffon- qui emportent leur partie à force de verve et de chansons. Alors que les autres personnages, cantonnés au registre de la gravité, s'épuisent à se heurter sans succès au scabreux et à l'invraisemblable des situations. En premier lieu la pauvre Viola, ici travesti tétanisé. Résultat: tout cela se traîne un peu, à force de trop de sagesse.

    Julien Kosellek et Cedric Orain à l'Etoile du Nord contournent la difficulté en adoptant d'un postulat inverse: les rôles sérieux sont traités d'emblée avec une distance grotesque. L'illusion théâtrale-projecteurs manipulés par les acteurs, costumes surchargés de références et autres conventions bousculées- est mise sur le même plan d'évidence que l'illusion amoureuse. Stratégie gagnante en l'éspèce: on peut s'en amuser sans être obligé d'y croire. Le Duc se languit en emphase. Viola (Céline Milliat-Baumgartner), tremblante, exude à chaque instant de confusion. Olivia à sa vue semble être illico gorgée d'hormones. On échappe pas à des facilités, dont un medley beatles laborieux, ainsi qu'à des incursions déprimantes dans une ambiance de backroom glauque- peut-être la marque d'un nouveau conformisme. Mais tout n'est pas gadget, une gazelle de chantier se prête à des exploitations scéniques appropriées. Plus audacieux, pour suivre jusqu'au bout la logique de l'inversion, les rôles comiques se chargent d'une nouvelle gravité. Toby devient plus voyou et pervers que débonnaire, et Malvolio surtout, humilié par tous pour avoir prétendu aimer plus haut que son rang, retrouve ici un tragique émouvant dans l'exposé de sa souffrance.

    C'était La Nuit des Rois de William Shakespearemis en scene par Julien Kosellec et Cedric Orain, au Théatre de l'Etoile du Nord, jusqu'au 4 août. C'était La Nuit des Rois de William Shakespearemis en scène par Nicole Gros assistée d'Elise Rouby au Theatre du Nord Ouest, en alternance jusqu'en février 2008.

    Guy

  • Clotilde du Nord: l'un parle, l'autre pas

    Certaines y vont à fond. On savait bien qu'on avait déjà vu la dynamique Alicia Roda dans d'autres habits que ceux de Cressida: c'était dans "Parce qu'ils vont crier / porque van a gritar" de Miranda Aboal, mis en scène par Marine Biton Chrysostome au Théatre de Nesle. Pour une performance moins mémorable qu'au T.N.O, malgré des efforts plus que méritoires: hurler à 110%, déclamer en équilibre sur une échelle, se faire tartiner de fromage blanc par les spectateurs (cela évoque du Rodriguo Garcia habillé), se laisser maintenir la tête dans un aquarium par son partenaire puis s'y tremper par morceaux variés, se livrer à un pugilat conclu par un spectaculaire rétablissement les pieds au mur...Cette fille sait tout faire, et c'est un dur métier, et sûrement pas assez payé.

    D'autres montent sur scène comme ils s'allongeraient chez le psy. Carlos Tinoco se raconte en auto-fiction dans Idi Amin Dada, mis en scène par Marie-Clair Peretti à Gare au Théatre, et l'on s'endort un peu. Le garçon, bien qu'(ex?) prof. nous semble tout sympathique, et il ne débite pas que des banalités. Il nous touche et juste quand il évoque les désarrois des enfants surdoués. On lui payerait volontiers un verre. Mais nous sommes le public, et lui est sur scène, et il ne nous donne pas l'impression de vraiment maitriser ce qu'il entend y faire. 

    b815aaf4954e494b0f55115396bdd6a2.jpgCertaines se taisent, et ainsi existent d'autant plus, avec force. Avec une évidence subliminale. Telle Aurore Monicard, interprétant Clotilde du Nord, mis en scène par Sarah Doignon. Sans dire un mot. Le texte de Louis Calaferte, est porté seul par son partenaire Karim Lagati d'un bout à l'autre. Cette parole permet à l'homme, mot après mot, d'installer une domination étouffante. La victime, l'étrangère, a elle droit au silence. Mais la parole de l'homme ne vaut qu'en raison de sa présence. Emprisonnée.

    Soyons franc: le théatre social n'est pas notre tasse de thé. Mais il y a là, formellement, un tour de force, et en parfait accord avec le sujet. On l'avait vu la pièce il y a quelques mois sous la forme d'une étape de travail et présentation publique. La création c'est à Gare au Théatre jusqu'à dimanche.

     Guy

  • Qui connait Cressida?

    C'est très excitant de découvrir une pièce de Shakespeare dont jusqu'alors on ignorait jusqu'à l'existence. La découvrir à la sortie d'une cure d'amaigrissement: J.L. Jeener a recompacté en un format d'une heure et quart et six acteurs cette 8866cb970881a33d0aad981aea574caa.jpghistoire d'amour à gros budget sur fond de guerre de Troie. En pratiquant des coupes radicales, ce qui explique sans doute pourquoi la sage Cressida couche dés le premier soir. Son troyen de Troïlus préfère faire l'amour que la guerre, on le comprend. On a droit à de belles scènes à deux et de hardies répliques. Comme c'est une tragédie, ça se complique: dans le cadre d'un obscur échange d'otages les habitants d'Illium envoient la belle se faire voir chez les grecs. La faute à la raison d'état!

    Que ceux qui veulent enfin voir une pièce de William S. sans en connaître d'avance la fin passent directement au paragraphe suivant: Troïlus se lamente, mais ne s'oppose pas à la transaction. Ce garçon est agaçant à force de naïveté. Il se contente d'échanger des serments avec sa bien aimée. Mal lui en prend car, une fois passée du bon coté de la muraille de Troie, Créssida se liquéfie sur pied sous le regard mâle et dominateur de son gardien Diomède. A moins qu'elle ne simule- mais vraiment très bien alors- et en pince toujours pour Troïlus. On a des doutes, toujours la faute aux coupes?

    C'est en tous cas joué énergique, cure de minceur oblige. Les deux filles dominent le terrain et de très haut: déjà Ellyn Dargance en entremetteuse espiègle, et surtout Alicia Roda en Cressida, toujours intense, crédible le plus souvent, d'abord en vierge amoureuse et frémissante. Puis, dans la dernière scène, très joliment indécente. Même sans doute autant indécente qu'on peut l'être tout en restant habillée. Chez Shakespeare, derrière la verdeur des mots, la vérité des corps n'est jamais loin.

    C'était Troïlus et Cressida de William Shakespeare, mis en scène par Jean Luc Jeener au Théatre du Nord Ouest. En alternance jusqu'à mars 2008.

    Guy

    La grande nouvelle, c'est que l'intégrale Shakespeare a commencé au T.N.O..

    L'intégrale.

    Toutes les pièces de Shakespeare.

    Toutes.