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  • Tout ça, c'est du cinéma (partie 2)

     

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    Geisha Fontaine et Pierre Cottreau jouent quant à eux, rassurants, au vrai faux documentaire. Pour partir chercher au Japon la trace d’un manuscrit de Spinoza… Et puis quoi encore? Plus qu'au sens propre, l’histoire se regarde à plusieurs niveaux, se goute comme une fantaisie philosophique. Le manuscrit perdu serait un traité d’optique. Il s'agirait pour nous d’exercer notre regard critique, au delà des apparences. Sur la plateau la chorégraphe est pour une fois vêtue selon son prénom, mais nous trompe de robes gigognes. Et plus tard, la Geisha n’est pas celle qu’on croit. Je renonce à m'impatienter, c'est une ballade. La narratrice, bonhomme et complice, nous mystifie. C'est une initiation, mine de rien, un chemin, parcouru à distance sur l'écran. L’enquête policière, de fausses en vrais pistes selon les lois du genre, est prétexte à nous inciter à changer de point de vue, savoir à quoi le monde ressemble vu à l’envers entre ses propres jambes. Les yeux trompent, les morales aussi, les nouvelles perspectives sont moins intenses qu'occasions de sourire.

     

    4 - Les yeux dans les yeux - Mille Plateaux Associ├®s (c) Pierre Cottreau.jpg

    C’était Les Yeux dans les yeux de Pierre Cottreau et Geisha Fontaine, vus au Centre National de la Danse dans le cadre du cycle danse et cinema

    Guy

    Photos de Pierre Cottreau avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Tout ça, c'est du cinéma (partie 1)

    danse,veronica vallecillo,centre national de la danse

    La pellicule est rayée, granulée comme dans les songes agités d’un chien andalou, en noir, en blanc, en sang. Les images rescapées s’enrayent et défilent, boucles sur les trois faces du cube éventré-  sous les pieds de Veronica Vallecillo, derrière elle, tout autour. L’ailleurs s’entrouvre, s’écoule dans l’imaginaire.  Elle se déplie au centre, dans ce flux lumineux d'un autre temps. Joue de contrastes primaires et crus: visage de craie et bottes vermeilles, comme les lèvres. Le film est muet, inquiétant. Elle, tout autant. L’exercice: difficile, tendu, extravaguant. Pas un son, pas un souffle. Rien qu’un silence insoutenable. A nous retenir sans respirer. Mais les images ont un rythme,  les pensées s’agitent. Comme son corps d’un flamenco outré, vital, qui sans sons enrage. Qui laisse imaginer douleurs et révoltes. Et puis à l’intérieur on devine les battements du cœur. Les images l’entourent et la soulignent, une prison ou une salle de danse, dessinent de fausses portes. Il ne reste que vertige farouche, sardonique, intense. Ca me heurte mais ça me parle.

     danse,veronica vallecillo,centre national de la danse

    C’était le vrai-faux film muet qui vous parle de Veronica Vallecillo, vu au Centre National de la Danse dans le cadre du cycle danse et cinema.

    Guy 

    photos par Elise Boual avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • J'ai retrouvé mon képi blanc

    Le kepi blanc revient cette semaine, à Artdanthé, avec d'autres propositions d'Hubert Colas. Je rediffuse donc la note du 20/3/2010

     

    Il y a des spectacles qu'on oublie deux heures aprés les avoir vus, sitôt évaporés de la pensée. Il y en a d'autres qui en souterrain font leur chemin, ne vous laissent pas en paix jusqu'à ce qu'on leur ait-dans un sens ou dans un autre, rendu justice. Dans cette seconde catégorie: Mon Kepi Blanc d'Hubert Colas, vu en novembre au Théatre de la Cité Internationale, qui sur le coup m'agace tout autant que la même soirée  CHTO  m'émeut d'emblée. Il me faut depuis lors quelques échanges avec Pascal Bely,  et hier encore une conversation avec Marion Franquet du T.C.I. pour formuler à ciel ouvert ce que jusqu'ici me trouble: j'ai jugé les propos prétés au personnage unique de la pièce- un légionnaire- trop outrés, jusqu'à en faire un archétype caricatural, un pantin raide derrière ses micros. Marion me fait judicieusement observer que, de même que pour CHTO, toute l'intégralité texte est d'origine documentaire, compilé par l'auteur Sonia Chiambretto à partir de conversations avec des militaires.

    Cette évidence lève le malentendu... Mon point de vue est libéré, c'est à dire que rétrospectivement mon point de vue n'est plus géné par celui de la mise en scène. Est rendue possible une même empathie envers deux personnages aussi dissemblables que la petite tchétchène de TCHO, et ce légionnaire, pourtant à priori rebutant,  raide et sanglé dans son costume et son discours martial, effrayant de puérilité... et si fissuré. Deux personnages dissemblables seulement en apparence, mais en creux confondus dans la même perte d'identité, en fait tous deux étrangers. L'homme est d'ailleurs et sans nom, adopté par la légion étrangère, mais n'existe plus que dans l'abandon et le don à un imaginaire patriotique. Cet imaginaire aujourd'hui à notre société aussi lointain que la lointaine Tchéchénie, le légionnaire est doublement exilé. Le "ON" comiquement accentué lui tient lieu de Je, et les chansons de pensée. Des chants superbes et ridicules de soldats perdus ou abandonnés, chants gorgés d'une mystique qui glorifie de vains sacrifices. Le militaire et la tchétchene partagent la même solitude, la même soif éperdue de réparation, dans des mises en scène toutes aussi belles et fines. Les deux pièces dialoguent dans leurs espaces scéniques et leur construction, mêmes repétitions et paroxysmes, même travail sur la langue, même force de la voix, même superbe engagement des corps des acteurs. Ce monologue sensible nous rappelle qu'il est si dur d'exister seul, c'est là le plus beau théatre, celui qui nous fait poser sur l'autre un regard aigu mais fraternel, si différent l'autre apparaisse-t-il.

    C'était Mon Kepi Blanc de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas, avec Manuel Vallade, au T.C.I. . A voir avec CHTO le 31 mars à la comedie de Caen.

    Guy

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    lire ici CHTO interdit aux moins de 15 ans

  • Passage

    J'avais vu une présentation de Requiem de la Zampa il y a deux ans . L'ami François a vu la représentation à Artdanthé, il raconte... Guy

    Proposer un Requiem sur scène sous forme de spectacle vivant dans un festival réputé pour défricher les territoires peu fréquentés, voilà qui me semblait un peu curieux et même paradoxal. Comment s’attaquer à un genre musical et chanté aussi codé, par la voie de la chorégraphie ?

    Le duo de la Zampa réalise avec son Requiem une prouesse étonnante en renouvelant totalement le genre tout en en gardant le sens fondamental d’une prière, d’une opposition entre la tristesse de la fin et l’espérance de la renaissance. Entre la mort du corps et la perspective espérée d’une vie éternelle. Bref ce qui a hanté l’être humain depuis au moins 4000 ans aux exceptions contemporaines près. 

    Quelques mots sur le dispositif : au fond, le guitariste Marc Sens avec ses outils. Il triture, il stridente, il module, il frotte, il frappe, il effleure, il arche, il hâche , il lâche les sons. Devant, derrière et devant, Romual Luydlin pour réciter au micro un texte de Casey. Devant et un peu derrière, Magali Milian, équipée d’un harnais et coiffée d’un masque tiré de je ne sais quelle mythologie, un peu à la Tolkien, (peut-être un masque de bête ou de chien ?), vit pleine d’une énergie saccadée rythmée par le claquement de ses talons. Elle nous offre une jolie cavalcade construite autour de gestes revenant comme une ritournelle.

    La danseuse s’effondre inanimée. Le danseur se coiffe à son tour d’un masque similaire et vient la rejoindre dans un tempo soudain devenu figé et ralenti. Il traîne le corps de sa compagne d’un bout à l’autre de la scène, la soulève du sol  à mains nus, fixe des cordes au harnais et finit ainsi par l’envoyer en l’air. Toute cette phase, très lente, constitue le moment fort du spectacle et offre une beauté fascinante et pleine de suggestions. Qu’elles soient érotiques face à ce corps de femme abandonné à celui de l’homme (je ne suis pourtant pas amateur de bondage japonais). Qu’elles soient picturales quand on y retrouve les motifs maintes fois représentés par les peintres du passé (Piéta, Descente de Croix). Qu’elles soient mythologiques quand on voit sur scène une sorte de Charon, passeur du fleuve Styx, faisant traverser un corps abandonné par la vie. Il faut souligner ici l’excellent jeu de lumière imaginée par Pascale Bongiovanni. Je ne sais pas si c’était intentionnel mais une fois le corps de la danseuse suspendu dans les airs par le mécanisme des attaches et des poulies, j’ai vu se détacher sur le sol l’ombre d’un pendu se balançant un bout de sa corde.

    Le passage à travers le tunnel de la nuit s’achève. Les danseurs ôtent leur masque. Lui se retire au fond de la scène. Elle, dyonisiaque, retrouve un rythme endiablé de mouvements répétitifs puis libérés, nourrie d’une musique énergétique. Nous voilà arrivés sur l’autre rive. En vie encore. Toujours.

     

    François Pluntz

     

    c'était Requiem de La Zampa au théatre de Vanves.