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Breve - Page 9

  • Dans les nuages

    Cette salle qui fut celle du Grand Écran de la place d'Italie revient à la vie après 10 ans d'hibernation, consacrée désormais au spectacle vivant avec une programmation décloisonnée. C'est tant mieux. 
    En résonance avec le passé cinématographique des lieux, Cirkopolis du cirque Héloïse trouve de l'inspiration dans Metropolis de Fritz Lang, voire Brazil de Terry Giliam. Si le prétexte est simple- sur fond de décors gris et rétro-futuristes, un rond de cuir s'évade de la monotonie de son quotidien grâce à l'arrivée des acrobates- c'est la mise en œuvre qui émerveille. 
    Cirque, danse ou comédie aussi, le spectacle peaufiné avec le trublion de la danse contemporaine Dave Saint Pierre enchante au delà des disciplines. Parce que les prouesses des circassiens québécois volent le long du fil du récit, toujours dans le rythme. L'exploit- en sauts, jonglerie, corde, fils, cerceau, contorsion.... n'est jamais emphatique. A la fois il coupe le souffle, mais se laisse emporter dans l'euphorie de ce qui suit.   
    Filles et garçons sont légers comme des plumes, gais et fluides, sans un soupçon de gravité. Tout semble extraordinaire, pourtant tout semble facile: ce spectacle rend heureux.
    Et si la vie pouvait être aussi simple que cela, si légère? Ce soir on y croit, juste 1h30 durant, pouvoir d'un bond s'élever au dessus de tous ce qui nous retient vers le bas, monter à la corde d'un seul mouvement au dessus des sous-sols, des rues et du haut des buildings, et danser avec les nuages.
     

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    Cirkopolis du cirque Eloize par Jérome Painchaud et Dave Saint Pierre vu au 13eme art le 10 octobre 2017
     
    jusqu'au 29 octobre
     
    Guy
     
    photo (droits réservés) avec l'aimable autorisation du 13ème art
     
  • La rave est finie

    Fascination et malaise... C'est au moment où nous est furieusement décrit le portait d'un nouvel américain moyen, sous pression économique dans une entreprise de la nouvelle économie, drogué à la soif de réussite et de reconnaissance sur les réseaux sociaux, frustré, au bord de craquer et d'aller faire un carton sur la foule à l'arme automatique, qu'éclate la tragique actualité du texte de William T. Vollmann.

    On ne subit pas ici, comme souvent sur nos scènes, un florilège de poncifs anticapitalistes primaires. L'adaptation de Thierry Jolivet est construite, bien construite: une démonstration à charge d'un seul souffle, fresque accusatrice des U.S.A. modernes en dictature numérique et consumériste, toutes structures mises à mal par la compétition, la violence et l'individualisme.

    On pense au théâtre politique de Brecht, à un opéra de 4 US$ actualisé, avec les mêmes plongées dans les bas fonds, la musique d'un groupe rock sur scène à la place de celle de Kurt Weill. Ou à Angels in America de Tony Kuschner, dans ses perspectives religieuses et historiques. L'Amérique ici est double. Incarnée par deux frères, John et Tyler tels Caïn et Abel. Le décor mobile ne cesse de se retourner pour montrer les deux faces d'une même pièce: d'un coté l'image de la réussite clinquante comme dans un casino, lisse et design, virtuelle comme les flux financiers et les images de mode ou autres photos people, de l'autre son revers de misère: rues hyper-réalistes et chambres sordides peuplées de drogués et prostitués. Mais des deux cotés de ce même système à l'œuvre la même violence, la même exploitation sociale et sexuelle. Viols, bagarres, meurtres... sont représentés ici avec crudité, sans gratuité. Les démonstrations de violence verbale ne sont pas les moins saisissantes. 

    Alimenté par les ambitions du sujet, ce torrent théâtral et immersif déferle durant presque 4 heures. Donc c'est long. Excessif, hystérique, bavard, halluciné, ivre, obscur parfois... mais fort, en cohérence avec l'œuvre. Et les moyens de mise en scène, avec les changements de perspective, les ponctuations du groupe rock, l'engagement des acteurs, la tension des lumières... maintiennent un haut niveau d'énergie et préviennent notre attention de trop se disperser. Au cœur de cette tempête, pourtant, d'inattendues accalmies de poésie et de tendresse.

     

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    La Famille royale, d’après William T. Vollmann mis en scène par Thierry Jolivet, vu au théâtre de la cité internationale le 5 octobre 2017.
    Jusqu'au 10 octobre
     
    Guy
     
    photo d'Anne Sophie Grac avec l'aimable autorisation du théâtre
  • Summer's almost gone

    Woodstock est dans notre mémoire collective un symbole fort, focalisant en un événement de 3 jours des années de transformation sociale, culturelle et musicale. Tout ce qui se passe autour, avant, après ... est plus important que le concert pop en lui-même. Le fait n'a pas échappé aux créateurs de cette comédie musicale, qui choisissent de raconter le voyage de jeunes français vers le festival. Les dialogues de ces apprentis hippies visent sans doute à recontextualiser l'époque. Quand, après de mains détours, le groupe parvient à destination, c'est sans surprise pour ne pas voir grand chose de Woodstock, mais être transformé par le voyage, évidement. Belles intentions, mais dans la réalisation, l'histoire semble racontée comme déja désenchantée, vue de 2017, avec trop de recul dans l'ironie, le rêve déjà fini. 
    Heureusement le spectacle fonctionne mieux quand il revient se placer au premier degré, celui des chansons et du psychédélisme ambiant, innocent, avec force jeux de lumière, de fumée et de décors, avec tout l'engagement des chanteurs et musiciens. Quand il ose planer. Les voix rendent hommage à Joplin, la guitare à Hendrix, la rythmique aux riffs de Canned Head. Alors on s'y croirait presque, happy together en toute naïveté, même aux histoires d'aveugle sourd et muet jouant du flipper, à tomber amoureux de Suzie Q, à rêver en regardant des poissons multicolores voler dans la forêt, sans besoin de prendre de LSD. 
     
     
    Welcome to Woodstock, de Jean-Marc Ghanassia mis en scène par Laurent Serrano vu au Comedia le 27 septembre 2017
     
    Guy

  • Bonsoir l'angoisse

    Est-on, soi, toujours dans l'état adéquat pour voir, recevoir, une proposition artistique qui parle de l'angoisse, de ses manifestations physiques? Même, peut-on rester immobile sur sa chaise à regarder, lorsque les danseurs, traversés de gestes, s'agitent sur les leurs? En quoi cette expérience pourrait-elle nous aider? Peut-on en attendre une prise de conscience, ou une mise à distance, une meilleure, profonde, compréhension? Loin de cela nous paralyse une sensation d'inéluctabilité à les voir prisonniers de répétitions sans issues, écrasés par le son des halètements. C'est illustratif. Il y a la possibilité d'une résolution, pourtant, quand les deux corps parviennent à se rejoindre pour s'aider, se soutenir, se consoler. Ce moment là se partage. Mais les personnages se laissent à nouveau emporter par ces mouvement plus forts qu'eux, les mêmes encore, en une systématique qui empêche tout le reste. Au fond les murs se ferment. Alors quel espace nous reste-t-il?

    Lisbeth Gruwez, We're pretty fuckin for from okay, 2016, danse contemporaine, 60mn© Leif Firnhaber.jpg

     
    We're pretty fuckin' far from okay de Lisbeth Gruwez à la Briqueterie pour l'ouverture des plateaux à la briqueterie le 28 septembre 2017.
     
    Guy
     
    photo par Leif Firnhaber avec l'aimable autorisation des plateaux
  • Comme on pousse un rocher

    Oui, cette proposition va à l'essentiel mais ainsi laisse toute place à nos propres possibles, comme à partir de quelques traits sur une feuille blanche. Juste le sol plan, seule nudité, autour d'elle des notes tenues d'orgue, économie de mouvements avec l'emploi d'un langage gestuel sobre pour une simple progression en ligne droite. Facilité: le corps de la danseuse est jeune et beau. Mais ce constat cède vite la place à une sensation de gravité. De profondeur donc. Elle est face contre terre: est ce signe de désespoir? De contrition? Ses yeux s'ouvrent graves et se renferment sur la conscience sans révéler, ses postures nous crient l'effort et le ventre danse sa respiration. La traversée s'exprime comme une souffrance- telle un chemin de croix exacerbé par le crescendo de l'orgue- le corps se plaint et se cabre comme un poisson qui se débattrait hors de l'eau. Un suspend, et l'épreuve recommence du temps du début, toutes réponses laissées ouvertes.
     

    Danse,

     
     
    Serpentine de Daïna Ashbee , interprété par Areli Moran, en ouverture des plateaux à la briqueterie  
    le 28 septembre 2017.
     
    Guy
     
    photo d'Adrian Morillo avec l'aimable autorisation des plateaux
     
  • Lacher prise

    Le reproche récurrent fait à la danse contemporaine, est qu'on y comprendrait rien. Étrange procès auquel pourtant échappent la plupart des formes artistiques, musicales ou autres, tant que nos yeux et oreilles y sont habituées. Ou résignées. J'ai relu ce soir plusieurs fois la feuille de salle du Crépuscule des baby dolls. Sans rien n'y comprendre, et ça n'a aucune importance. Ni de déterminer s'il s'agit de danse. Ni de construire, ou non, une interprétation. 
    Plutôt, je me laisse surprendre par les corps à rebours de tous gestes attendus. Je me laisse happer par ces mouvements d'humeurs qui s'expriment autrement. Je me laisse enivrer par ces courses, ces étreintes, ces gestes qui fusent et tremblent. Je me laisse emporter et séduire par ces étoffes et nudités. Je me laisse enthousiasmer par cette énergie du collectif. Je me laisse explorer par toutes ces sensations. je me laisse amuser par les clins d'œils et les refrains. Je me laisse persuader que tout est possible et se déplace encore plus loin. Je me laisse contaminer par cette transe créative, ludique, chaotique exigeante pourtant. Pour finir, je me laisse prendre par la main pour danser.
     

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    Le crépuscule des baby dolls, du Corps Collectif , chorégraphié par Nadia Vadori-Gauthier vu à Mains d'Oeuvres le 14 septembre 2017
     
    Guy
     
    photo par Dominique Sécher avec l'aimable autorisation du corps collectif
     
    PS communiqué de Mains d’œuvres
     
    Comme vous le savez, le bail de Mains d’Œuvres avec la Ville de Saint-Ouen arrivera à son terme le 31 décembre 2017. Depuis plusieurs mois, nous avons proposé un dialogue constructif à la Mairie de Saint-Ouen, pour que Mains d’Œuvres poursuive ses activités auprès des artistes-résidents, des habitants, des associations, des partenaires sociaux-éducatifs dans ses locaux actuels. Nous avons proposé des solutions y compris pour le conservatoire que la Mairie veut installer en lieu et place de Mains d’Œuvres. Sans succès(...)
  • Vinyl nostalgie

    On ne revient jamais en arrière, vraiment. Et il n'existe plus de choses telles les boules de flipper, les hygiaphones, les petits tickets de métro jaunes. Juste des souvenirs de vinyl écoutés 100 fois dans des chambres surpeuplées. Revenir en arrière, on essaie pourtant, c'est peut-être ce qu'on appelle prendre du bon temps. Dans tout ce Rock 'n Roll, c'est plus que jamais une histoire de nostalgie, de réplique. Qui nous amène au stade de France voir des hommes murs jouer à redevenir des adolescents qui eux-même rêvaient d'être les Rolling Stone. Les riffs claquent toujours bien net, Louis Bertignac cultive le mimétisme jusqu'à commencer à ressembler à Keith Richard vieux, tempéré par de drôles de grimaces à la Harpo Marx. La fille du groupe s'est faite virer, on se retrouve tous entre pré-adolescents. Bons Enfants. Notre age mental descend:libération. La voix d'Auber plus que jamais emprunte de naïveté, les paroles toutes autant, chantées à l'unisson par la foule. Téléphone ne prétendait pas refaire un autre monde, tout juste le rêver, avec des rythmes binaires et rimes évidentes. C'est ce qui sauve aujourd'hui l'affaire. Voire les textes n'ont jamais changé, seulement la bombe humaine est redevenue d'actualité. Tout cela n'a plus beaucoup d'importance, on se laisse aller et on chante, et on danse.

     

    Les Insus (portables) au Stade de France le 15 septembre 2017

    Guy

  • Anges au delà de l'Amérique

    Les années Reagan, les années sida... la pièce de Tony Kushner se date là, millésimée, mais s'en évade. C'est l'un des points forts de cette mise en scène, de s'arracher à cette temporalité, aux lieux, au final de parler plus des anges que d'une Amérique. Sur un fond de crises: de souffrance, de justice, de spiritualité. Ces personnages, surtout des hommes, essentiellement des homosexuels, sont essentiellement interprétés par des actrices, ce décalage laisse du jeu dès le départ. Une fois solidement caractérisés, le ton juste, ils échappent pourtant à des contours trop nets. Au fil du texte-fleuve, généreux, les lieux surgissent et s'effacent d'un coup de projecteur, éphémères, sans que la clarté des multiples lignes narratives n'en soit troublée. Tant que reste éclairé le plus important: le chemin-assez onirique- que les personnages font vers eux-mêmes, autant vers l'intime que le politique. Et le reste autour bouge sans cesse, tout particulièrement me grisent ces moments où je peux m'égarer entre ce qui tient de la convention scénique et des hallucinations qui guident les protagonistes: de l'apparition du fantôme d'Ethel Rosenberg au diorama mormon. L'un des enjeux majeurs du théâtre est de nous faire accepter de nous déplacer, et tout autant de laisser libres, même ivres, dans ce déplacement.

     

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    Angels in America de Tony Kushner; m.e.s. par Marcus Garzon, vu au Théatre de l'Ecole Normale Supérieure le 24 juin 2017

    Guy

     

  • Signaux forts

    Évoquer l'autisme et d'autres troubles mentaux, c'est le projet du solo de Sophie Blet. Le savoir change tout de mon regard, me guide dans ce que je perçois de cette danse, des apparents désordres qui s'y manifestent. L'être ici semble multiple, ses mouvements singuliers. Mais, au rebours des premières apparences, je peux y lire une cohérence. Le corps s'exprime fulgurant, en expressions de nécessités, autant de tentatives à vif de communiquer une souffrance réprimée. Intentions tenues: le langage articulé ici avec pudeur, en équilibre délicat entre l'étrangeté et la justesse, évite les pièges de la sensiblerie. Esquisse le dessin de l'hypersensibilité, renforcée par la  musique et vidéo: sur des surfaces blanches et froissées, comme tourmentées, sont projetées des sensations de fournaise. Ces murs de papiers seront fait pour être déchirés et franchis.

    ©Pauline Pénelon.jpg

     
    Cette expérience particulière me renvoie à la constante difficulté de percevoir ce que, non verbalement, la danse exprime, et ce qu'elle seule exprime. Rester en état d'écoute, pour recevoir, faiblement ou de plein fouet, ces signaux, les traduire, les reconstituer, se les approprier. Ou hélas s'agacer des redites dans le vocabulaire, échouer dans les malentendus, même dans une froide incompréhension. Comment jamais la danse réussit elle à communiquer avec nous?
     
    A-tique de Sophie Blet vu en fin de résidence le 23 juin à Micadanses
     
    Guy
     
    photo de Pauline Pénelon avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Harmonies

    Vernissage? Je n'aime pas ce mot sage qui fige et limite, tant ici la peinture vit et déborde, libre. Les toiles de Bernard Bousquet vibrent de couleurs et de générosité. En très grand format, avec des ondes qui se prolongent tout autour. Les performeurs font se matérialiser cette énergie, sans rien en retenir. Jean François Pauvros peint l'espace sonore de teintes élémentaires sans temporalité qui contrastent avant de se mélanger, il soulage soudain la tension d'une toute simple mélodie. Éléonore Didier est à la fois corps et support, raccord, juste toile moins nue que bariolée, en retenue, sans plus besoin d'agir mais plutôt d'être ici en belle harmonie. Simplement tout rend heureux.
     

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    Performance de Bernard Bousquet (peintures), Jean François Pauvros (Guitare) Eléonore Didier (danse) au Générateur de Gentillly le 27 juin. L'exposition de Bernard Bousquet est visible jusqu'au 9 juillet
     
    Guy
     
    Plus de photos ici, qui rendent mieux justice aux couleurs : Album flickr du Générateur