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theatre - Page 18

  • Fury hard à Vitry

    Chaque mois de Juillet on reste à Paris, exprès pour "Nous n'irons pas à Avignon" à Gare au Theatre, et on va donc à Vitry. Des spectacles toute la journée, des chaises longues le long de la voie ferrée, mais pas un train qui ne passe et rien dans l'air pour nous presser.

    On s'est quand même levé pour aller voir "MurMurs" de la compagnie Furymoon, dirigée par Miguel-Angel Ganiko. On voit l'homme et l'on croit deviner plus qu'un grain de folie. Folie buto, c'est une belle promesse. Mais on voit le spectacle, et la folie en reste là. Perdue sur un plateau immense. De beaux moments mais qui se dissipent dans l'instant qui suit, sans que l'on puisse vraiment imaginer bouts après bouts quelle histoire peut être racontée. Danse et "théâtre ultra-baroque", selon la feuille de scène? Mais alors, et contrairement aux intentions affichées, un théâtre qui pèche par manque d'excès. 

    On a poursuivi dans un tout autre genre avec "Hard Copy" d'Isabelle Sorente. Quatre femmes qui parlent dans un bureau: on pouvait craindre le pire. Et on a été pris d'un frisson horrifié au soupçon que l'on était peut être en train de regarder du café-théâtre. Mais on a choisi sagement de considérer la situation autrement, et tant mieux. On a pu donc savourer la mise en scène de la cruauté ordinaire, la vision pessismiste et réconfortante de personnages littéralement pensés par leurs répliques, que leur dicte le triste air du temps.

    Après, dans le même esprit, et comme chacun, on a vu la demi-finale.

    Guy

  • Tragedy Médée

    Ce "Médée Matériau" de Sophie Rousseau réussit son pari exactement là où "Europe, Tragedy" avait échoué. En s'essayant à la relecture d'un mythe, riche et complexe, en tentant de l'explorer en plusieurs entrées.

    Mais alors qu'"Europe Tragedy" perdait le public en route, avec une suite en mozaique, laborieuse et heurtée, d'une incohérente horizontalité, dans ce Médée Matériau nous est proposé un récit traité à différents niveaux, déclinés en simultané: parlés, joués, mimés, ou commentés de manière ironique et distanciée. En temps réel, et tout en profondeur de champ. En s'aidant d'une scénographie à surprises.

    Mise en pratique dés l'indispensable prologue: un narrateur nous démêle opportunément l'intrigue de la toison d'or et les origines du drame de Médée. Mais-surprise- façon stand-up avec de gros effets comiques: roulements d'yeux et accents appuyés. Dans le même temps et le même espace, deux actrices jouent l'évocation sanglante et frontale de l'infanticide. ce qui ne donne pas matière à rire, loin de là. Le ton est donné, décalé, tout en contre-pied, dans la force, la densité et l'ambiguité.

    Plus tard, la partition se fait encore plus riche et subtile. Médée déclame sa vengeance en une tirade tragique: raconte que sa rivale revêtira sa propre robe nuptiale, pour s'embraser. Contre-chants multiples: c'est Jason qui grimé enfile la dite robe, et derrière lui la fille du roi de miner à nu en échos les mêmes gestes, comme dans un parfait ensemble de ballet, tandis qu'en quatrième plan la nourrice maquillée en clown remet à distance ce tableau par un commentaire muet et parodique.

    Des quatre acteurs, jamais aucun ne reste passif, et en retrait. Chacun joue sa partie et qui semble s'imposer dés lors- comme l'on a rarement vu sur scène- et sans jamais gêner l'ensemble- ce qui nous semble plus rare encore.

    La phrase d'Henrich Müller est une matière lourde et pâteuse, que les interprètes doivent bien mâcher avant de nous la proposer. On en était un peu dégoûté, cette troupe là nous permet d'y retrouver goût et consistance.

    C'était hier soir, toujours au festival Trans, au Théâtre du Chaudron, et cela est repris jusqu'à dimanche prochain.

    Guy

  • Tragedy Artaud

    Encore sous le charme de Marie Vialle, on retourne dans la salle, et on se console d'abord en s'imaginant enfin assister à un spectacle d'avant-garde d'il y a trente ans. Enfin, d'après l'idée qu'on s'en fait: on était trop jeune alors pour avoir vu ça pour de vrai.

    Sans remonter si loin, pas plus tard qu'en mai dernier on les (La Traversée-Cedric Orain) avait vu jouer "La Mort", de Georges Bataille dans "A court de forme". Hier et ce soir ils investissent  "Trans" pour s'attaquer cette fois à Antonin Artaud (1896-1948): "Ne vous laissez jamais mettre au cercueil".

    Dix contre un que l'an prochain on aura droit à Lautréamont.

    Grimaces douloureuses. Déclamations grinçantes. Diction klingon. Chutes sonores. Poses torturées. Stridences distanciées qui prennent à rebrousse poil.

    On regarde et on écoute quand même, dubitatif, et du bout des oreilles. Mais il y a tant de trouvailles et d'idées, medium_Artaud_Jeanne_d_arc.jpgd'énergie maîtrisée, que l'on finit quand même par se demander pourquoi au juste on arrive pas vraiment à aimer. Et dés lors c'est trop tard on s'est laissé prendre au jeu.

    Jusqu'à admettre que ce n'est qu'à coups d'outrances visuelles et vocales qu'il est possible de rendre compte du monde d'Antonin Artaud. Folie, révolte et souffrance, corps et esprit corseté, emprisonné, médicalisé, éprouvé par les institutions. Curetage à vif du fond commun de désespoir de l'humanité.

    Pour évoquer justement la douleur et le dégoût d'Artaud, il faut bien accepter de regarder-on en revient là- un théâtre de la cruauté au fond des yeux. Que ces deux actrices incarnent en se livrant au saccage de la beauté. Avec rage et précision.

    Puis soudain on comprend. Pourquoi on a finit par rentrer dedans. Pourquoi cela nous paraissait en un sens familier. En se souvenant en quelle haute estime Hijikata et les fondateurs de la nouvelle danse japonaise tenaient Antonin Artaud.On est content, on a découvert ce soir un cousin éloigné du Buto.

    La soirée se concluait en nocturne, avec Europe Tragedy. On aurait du prendre au premier degré les fausses-vraies confidences des acteurs au début du spectacle: considérons qu'il s'agissait hier d'un travail en cours.

    Avec, pour un sujet mythologico-biblique si obscur et qui appelait dans la forme un peu de clarté, trop de ruptures de ton et rythme: faux départ, lectures savantes et pédagogiques, fausses sorties, adresses au public, maladresses faussement improvisées, longs récitatifs, corrida de Dieu antique en bovidé, nu douché au baquet, et pour conclure soudain, le viol d'Europe, insoutenable.

    On reviendra les voir quand le travail sera achevé. Pour de vrai ou non.

    Guy

    P.S. Tout cela reprend ce mardi soir, plus surprenant qu'un huitième de finale

  • Marie Vialle - Contes cruels

    Marie Vialle chante clair et haut dans le noir, joue nue du violoncelle tout en récitant le premier conte de Pascal Quignard. Malgré toutes ces actions simultanées, au début il n'y a presque rien, sinon de l'étonnement. C'est qu'il faut laisser le temps au verbe de naître. Puis tombent peu à peu des cintres les vêtements, alors que s'élèvent les mots et les notes qui l'enrobent.
    Plus la conteuse se retrouve vêtue, plus le récit prend chair et couleur, et sa voix de l'assurance.

    Les contes, comme il se doit, sont cruels, nous font re-goûter aux émotions qui accompagnaient nos frayeurs enfantines, nous plongent dans un passé ré-imaginé et imprégné de magie, envahi par les expressions exacerbées des désirs, du dépit, de la culpabilité, et de la jalousie. Perte de l'innocence, meurtre et amour, pactes imprudents.

    Le débit s'accélère. Insensiblement, de récitante, Marie Vialle devient actrice, investit de ses mouvements tout l'espace scénique, s'incarne enfin en protagoniste, bientôt victime de sa narration.

    Le récit s'emballe en boucles, balbutie, s'affole. Comme dans tous les contes de tous temps, la faute originelle contient en elle les germes de sa punition, que nous anticipons malgré nous avec une impatience cruelle. L'heroine gardera-t-elle  "Le Nom sur le bout de la langue"sans parvenir à dire ce mot pour se libérer, sera-t-elle emportée par le diable à jamais? Pour que meure avec elle, dans sa bouche restée muette, toute mémoire, tout récit, toute fiction?

    On ne révélera surtout pas, si l'histoire finit mal, ou pas....

    C'était hier (et ce soir) au festival Trans au Theatre du Chaudron.

    Mais après cela, la soirée était loin d'être terminée...

    Guy

  • Voyage au bout de Copi- La Nuit de Madame Lucienne

    On avait promis, on a tenu: aprés Gabegie, ce soir on a vu "La Nuit de Madame Lucienne". De Copi (1940-1987). Cela change de Jeanne d'Arc. Cela change beaucoup, même. medium_affiche_lucienne.jpg

    Tout dans le ton, dans le visuel est criard, vulgaire, baclé, laid, cruel. A dessein. Façon de plonger dans l'univers de Copi, rats, références seventies, carton-pâte, dégoût et hystérie, travesti. 

    Non-histoire: on répète une pièce, et quelqu'un a tué Madame Lucienne. Juste un prétexte pour malmener les conventions du theatre de boulevard et de la pièce policière, étirées, mises à mal, retournées, distendues. On rit au premier degré-un peu, ou on rit jaune, ou on ne rit pas du tout, car comme souvent la parodie menace toujours de trop ressembler à son modèle. La machine ricane et tourne sur elle-même jusqu'à s'épuiser, mécanismes mis à nu. Seules quelques parenthèses musicales et moqueuses ré-enchantent la scène. 

    Jusqu'à ce que, de mise en abîmes en variations piradeliennes, nos derniers repères soient perdus. Et que Madame Lucienne surgisse, pour tuer le théâtre, d'un faux coup de revolver.

    Ce coup là, qui laisse un goût amer, trop dangereux, trop désespère, trop cynique, on n'a le droit de nous le faire qu'une fois.

    Mais la représentation était unique, c'était juste pour ce soir là.

    Soit.

    Guy

  • Jeanne d'Arc (de Maeterlinck)- l'épisode final

    Il est temps que le cycle "Jeanne d'Arc et d'autres femmes" (au T.N.O.) s'achève. C'est passionnant mais à la 4° Jeanne on s'y perd un peu, on commençe à croire voir des pucelles qui dansent du Buto.

    medium_jeanne_dreyer_1.3.jpgC'est sans doute par cette Jeanne là (version Pierre Pirol) qu'on aurait du commencer.

    Qui nous emmene droit au coeur de la thématique, sans s'égarer. Un théâtre intense mais stylisé qui ne perd pas un temps trop précieux à rechercher le réalisme. Parti pris dés l'introduction, quasi plasmodiée par un frere Martin saississant, puis à la première rencontre entre Jeanne et le Dauphin, confrontation traitée comme une scène d'amour sublimée. Un théâtre à hauteur d'homme, où la stricte narration s'assume en tant que telle, où l'émotion n'est jamais galvaudée, où la voix ne s'élève vraiment que quand il est temps. Mais alors elle porte vraiment.

    Et enfin un theatre servi par un vrai texte, depuis le temps qu'on attendait ça.

    Un vrai texte de scène, dont les répliques vont à l'essentiel: "Mon roi, il ne faut pas pendre les hommes: ils peuvent en mourir". 

    Un texte adapté de Maurice Maeterlinck(1862-1949), poète, dramaturge symboliste, ami de Rodin, Verlaine et Oscar Wilde, nègre de Salazar, prix Nobel de littérature, et belge aussi (Si,si ! On vous entend penser d'ici mais on confirme, il était tout ça à la fois).

    Mais Maeterlinck procède à de larges emprunts à une autre version: celle de Jeanne elle même, selon ses dépositions.  Ceux qui auront la chance d'assister cette semaine aux dernières du "Procés de Jeanne d'Arc" directement tiré par J.L. Jeener des minutes authentiques, pourront le confirmer.

    Extraits: - Question du juge: "Saint Michel vous est -il apparu nu ?" Réponse de Jeanne "Pensez vous que Dieu n'ait pas medium_jeanne_anais_ancel.gifde quoi le vêtir?" Le Juge"Etes vous en état de grâce?" Jeanne "Si je n'y suis, Dieu m'y mette. Si j'y suis, Dieu m'y tienne."

    Le bûcher nous a privé, à l'âge de 19 ans, d'un grand auteur de théâtre. De quoi rendre tout adaptateur modeste!

    Mais hier, le dernier prodige de Jeanne d'Arc était de rassembler, pour écouter un texte trés loin de toute mode, prés d'une centaine de personnes, des étudiants aux retraités, un lundi soir dans une salle exiguë et surchauffée.

    Guy

    P.S. : on avait pas de visuel, sauf de Mr Maeterlinck, beaucoup moins photogénique que Rénée Falconetti ( dans "La passion de Jeanne d'Arc" Dreyer, 1928, mais vous avez complété de vous même).

    P.P.S. Cela donne envie d'aller voir "Alladine et Palomides" du même Maeterlinck, cette semaine au Theatre de l'Opprimé. En tout cas on va essayer, rien que pour le titre.

    P.P.P.S du 26 février 2007: on s'est découvert un peu recopié mais pas cité ici. On est trés mal placé pour donner des leçons de propriété intellectuelle, ayant soi -même pillé tout plein d'images un peu partout avant de s'assagir un peu. Mais en représailles, on prend en otage une photo d'Anais Ancel, ravissante Jeanne. Na! Et on profite de l'occasion pour nommer Claude-Henri Rocquet , dont on ignorait jusqu'àlors le rôle d'adaptateur.

  • Jehanne, Une Fille en Prison: la Chair, le Sang et l'Esprit- beaucoup de verbe aussi

    On est retourné voir Jeanne d'Arc.

    Après déjà deux belles pièces, on n'allait tout de même pas lâchement l'abandonner. Jeanne est toujours en prison, et même plus que jamais. Cette fois ci les nuits, seule avec ses gardiens. Va-t-on assister à l'envers du procès?

    Non, car les gardiens bien sûr n'ont rien à dire, hormis ce que leur inspire de plus évident leur promiscuité avec la pucelle. Comme cela ne prend pas 2 heures à expliquer, ils se mettent donc bientôt à parler, entre deux visites aux latrines, comme parlent les juges et les théologiens. Et Jeanne leur répond. Admettons.

    Résultat: tout en brutalisant Jeanne, on refait le procès. Sur un texte contemporain, défendu par la troupe (Habaquq)avec fougue et conviction. De la Chair et du Sang, il est beaucoup question. De l'Esprit également, avec des préoccupations évidemment contemporaines, telles les droits de Jeanne en tant que "chrétienne et citoyenne". On concédera que l'anachronisme, disons la relecture du sujet, est un exercice imposé. Encore que cela sonne plus étrangement que d'entendre par exemple un texte du début XX° plaqué sur ce contexte moyenâgeux. Ce texte là nous réserve de belles envolées, peut être est-ce la fraîcheur de l'actrice qui nous convainc. Mais des lourdeurs aussi, on se surprend parfois même à regretter Thierry Maulnier.

    Le nouveau théâtre chrétien, qu'on se le dise, n'a pas peur des mots crus et des situations scabreuses. Surement pour ne pas paraître en reste par rapport au théâtre contemporain. Ou pour nous rappeler que l'esprit n'est rien sans la chair, et que c'est de la chair maltraitée dont on parle ici. Mais rien de nouveau sous le soleil: souvenons nous des peintures renaissance qui détaillent avec complaisance le martyre de Sainte Agathe dénudée.

    Et tout cela est très violent, plus violent même que "Jeanne et les juges"de Maulnier. Et à la différence de la "Jeanne"chantée de Jeener, définitivement pas pour les enfants. Les insultes fusent, les coups volent au son des ricanements. Oppressés avec Jeanne par cette atmosphère de virilité menaçante, on respire un peu lors de la visite de la duchesse anglaise. Une brise de féminité, la pièce y retrouve un nouvel intérêt. Mais la duchesse repart, nous restons avec les gardiens. Entrainés dans la surenchère, jusqu'à la fin nous abîmer tous ensemble dans le grotesque absolu: l'homme au masque de fer et au sexe d'acier s'est trompé de siècle et de pièce. Soyons bienveillants, oublions. Sans avoir compris pourquoi et comment Jeanne reprit l'habit d'homme après l'abjuration.

    Le nouveau théâtre chrétien a encore du chemin à faire. Tant mieux, car ils y croient, ils sont jeunes et ont tout le temps du monde, ils sont beaux, et on les applaudit à la fin.

    Cela se joue encore un peu jusqu'à mi-juin, au Theatre du nord ouest,c'est un festival, on vous l'a déja dit.

    Guy

  • Jeanne: mais ils vont la bruler!

    On a revu Jeanne ce dimanche, cette fois en version chantée. Celle de Jean Luc JeenerOn a réussi à ne pas pleurer, il est vrai qu'on connaissait déjà la fin, ayant vu "Jeanne et les juges"avant. Mais les petits, auxquels cette pièce était plutôt destinée, avaient les yeux embués. Les enfants ont de la chance: le chant d'une bergère suffit à les faire rêver. Mais ils sont exigeants aussi: ils n'auraient supporté ni fausse note, ni temps morts, ni rien de bêtifiant. 

    C'était toujours au Théatre du Nord Ouest.

    Guy

    P.S. : On a trouvé le site de la troupe de la "Torche Ardente", qui a monté "Jeanne et les Juges"de Maulnier . Avec entre autres choses des photos de la pièce, comme ci-contre.

     

     

  • Jeanne et les juges- l'éternel procés

    C’est bien en prison que nous pénétrons, conduit par un garde, pour y rejoindre Jeanne et les juges. Une prison intemporelle. L'interrogatoire a déja commencé. Celui de Jeanne d’Arc, prisonnière politique, aveuglée par une lumière crue, questionnée, rudoyée, maltraitée, chaînes aux pieds. 

    medium_Jeanne_et_les_juges.jpgC’est bien en prison que nous sommes: Jeanne n'échappe que de très peu à la torture, puis au viol, mais non aux brutalités infligées à son corps par les geôliers. Ni, plus encore, à toute la violence que l'on fait à son esprit. Mais elle résiste.

    Rien dans le texte n’est anachronique, mais ce sont pourtant les juges des procès staliniens que nous voyons à l'oeuvre, ceux aussi de toutes les dictatures et des démocraties qui renient leurs principes, les mêmes juges de tous les procès politiques, acharnés à briser l'âme de l'ennemie.

    Possédés par la même logique pervertie, usant de toutes les mêmes et terribles stratégies. Il ne s’agit pas de faire avouer, ni même de punir. Il s’agit d'amener la rebelle à rejoindre le troupeau. En échange de la vie sauve. Publiquement, pour en permettre l'exploitation politique. Mais surtout qu'elle soit convaincue de ses fautes, le cœur vaincu. Et qu'elle renonce à sa relation personnelle avec Dieu.

    Dieu, à chaque instant présent dans la bouche de Jeanne. Qui en termes premiers, répète sa foi, son innocence, son bon droit. Mais les anges n’apparaissent désormais qu’au public, et sans jamais venir en aide à la pucelle. Pour nous expliquer que le temps est venu pour la sainte de vivre seule l'épreuve, de souffrir et de douter. Elle doute donc. Et souffre. Et doute tant qu'elle abjure.

    Mais après cette défaite qui la laisse humiliée, dépossédée de tout sauf de la vie, une apparition permet à Jeanne de retrouver sa dignité, de se réconcilier tragiquement avec elle-même. Jusqu'au bûcher. Mais non pas l’apparition d’un ange: celle du double de Jeanne, de son image idéale, rêvée. Une fois encore, le ciel est resté muet.

    Le sujet est donc terrible, l’interprétation, évidemment enflammée, en est presque digne. L'espace contemporain et sobrement maîtrisé, le traitement dur et dramatique, on l'a bien compris. Avec alternances d’audaces bienvenues et de regrettables lourdeurs. La faute au texte de l’académicien Thierry Maulnier (1908-1988), justement par moments trop académique et explicatif. N’est pas Montherlant qui veut.

    Guy

    P.S. : Jeanne d’Arc est déclinée sous la forme de plus d'une dizaine de pièces jusqu’au 18 juin au Théâtre du Nord Ouest. C’est incroyable et pourtant vrai. On y reviendra.

  • Quand le texte est parti, reste Gabegie

    L'accroche de Gabegie(7° édition) etait prometteuse: "3 jours d'écriture, 4 jours de répétitions, une représentation unique". 

    Un petit reve de liberté, tant mieux.
    Pari gagné? Oui, du moins s'il fallait démontrer, que même-surtout- quand il ne reste presque rien de préparé, le spectacle est toujours vivant.

    Et pourtant... le texte enfonce les portes ouvertes en enfilades à coup de lieux communs. Avec l'obsession évidente de bien montrer qu'on est dans le camps des gentils, tout en s'accordant le droit d'être un peu méchant. L'éclairage est basique, les déplacements quasi-inexistants, la direction d'acteurs minimale et chacun(e) sur scène en profite pour un peu nous jouer son fantasme préféré.

    Mais on connaissait la règle du jeu, le résultat est gore et très déluré, réjouissant pour les yeux, d'un mauvais goût assumé. Sous le ketchup, affleure un peu d'originalité et des souvenirs de Shakespeare surgissent au gré des répliques. On leur pardonne de brocarder Villepin-bien trop évident!- puisque, faute de poulet cru à se mettre sous la dent, ils dévorent le 1er ministre à la fin. C'est déjà plus inattendu.

    Bref, il vaut toujours mieux une improvisation baclée, qu'une piece d'Eric Emmanuel Schmidt proprement répétée. De plus la troupe s'est baptisée heautontimoroumenos, cela vaut bien un bonus.

    Et avec un texte, un vrai, qu'est ce que cela peut donner? On les avait déjà vu s'attaquer à Lautreamont. A la gorge, férocement, et on avait aimé. Le 19 juin prochain au même endroit, ils récidivent avec Copi. Trés intriguant, ils ne jouent pas "Eva Peron" ou "Loretta Strong" comme tout le monde. Mais "La Nuit de Madame Lucienne"(?). Bon, on verra....