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theatre - Page 15

  • Van Gogh à Téhéran

    On a l'opportunité, pour quelques jours encore, de voir une troupe de théâtre expérimental iranien jouer à Paris. Et c'est medium_Vincent_Willem_van_Gogh_107.jpgau T.N.O.. On s'en serait voulu de manquer cette expérience, même si elle est un peu exigeante, déjà en raison de la barrière de la langue persane. Obstacle que ne lève pas la mise en oeuvre d'un sur-titrage déroutant. Mais à l'oeil et au timbre, il s'agit bien de théâtre contemporain, guère de doutes à ce sujet. Dans une version radicale et austère: voix blanches, stylisation extrême, dépersonnalisation des rôles, mouvements trés chorégraphiés, actions déroutantes et usage de divers objets et substances répandus sur scène.

    La matière première est occidentale: la correspondance de Vincent Van Gogh,un sujet universel il est vrai. Van Gogh aux portes de la mort, en proie aux tourments métaphysiques. Mais digne, dure, tendue, déroulée sur un rythme funèbre, l'évocation du peintre manque ainsi cruellement de couleurs. Sauf à deux occasions, quand du safran est éparpillé à terre, quand les actrices déploient des rubans multicolores. Car les actrices restent vêtues de noir et leurs cheveux cachés sous des pièces de tissus. Ce qui, à en rester à l'expérience de cette seule performance, marque une première singularité du théâtre expérimental iranien.

    C'est "Le Joug et le Papillon" de Mohammad Charmshir par la Cie virgule Performing Arts (Téhéran) et la cie du théatre de l'Epi d'or, au T.N.O. dans le cadre du festival "Le Coeur et l'Esprit"

    Guy

  • Baudelaire: l'éternel procés

    medium_baudelaire2.jpg

    Baudelaire est à terre. A genoux, défait, prostré, il fouille sa plaie du tranchant de ses mots, pendant que de l’ombre, émerge une future mariée. Sans visage, inaccessible. Sa montée silencieuse répond à l’implacable descente au cœur de l’âme dévastée de Baudelaire, dont la litanie déchire un silence devenu palpable. La blancheur virginale de sa robe est portée par l’acquiescement muet du fond noir. Le noir neutre de l’institutionnel, de la morale, celui de la décence. Derrière des paravents, les ombres jetées de la bêtise et de l’hypocrisie, sur fond gris. Au premier plan, Baudelaire lumineux se détache de l’obscurité qui emprunte ici au noir de l’exigence. Celui de l’absolu, de la solitude et du dépouillement. A ses côtés, juste une petite table,  pour l’élégance. Entre ces deux conceptions du noir, deux cubes de scène pour le décalage permanent des niveaux de discours, car on ne s’adresse au poète que de haut. La justice d’abord, par le biais du procureur Pinard, puis les institutions, à travers « la jeune file assassin de l’art », celée sous son voile nuptial. La société, ses pairs, en groupes de vautours, toujours de biais. La pièce, emportée par un texte implacable prend toutes les allures d’une mise à mort. Le dialogue entre le procureur et le poète, celles d’un duel impossible, entre création et morale. Jeté hors la loi, hors le monde dans sa solitude et son isolement, le poète expie, vulnérable, presque enfantin dans sa souffrance.

    C'était Le Procés des Fleurs du Mal de Philippe Blondeau, mis en scène par Georges Zaragoza, avec les Compagnons d’Eleusis au Théâtre Municipal d’Epinal, vendredi 9 mars, dans le cadre du printemps des poètes, 150 ans après les faits.

    Isabelle Viéville Degeorges

  • Le Songe d'une nuit d'été: Un Shakespeare qui peine à faire réver

    Sept erreurs:

    1. Jouer Le Songe d'Une Nuit d'Eté en noir et blanc
    2. Utiliser un caddie de supermarché sur scène (c'est éliminatoire)
    3. Commencer trés trés lent et en trop lourdes convinences.
    4. Laisser (la remarquable) Claude Degliameen faire beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Dans le genre "je refais Blaise Cendrard. Alors que Marie Vialle (non moins remarquable) se laisse oublier et redécouvrir.
    5. Moderniser la langue de Shakespeare(1564-1616)-de peur de sinon ne être compris?- mais ainsi la banaliser, en vocabulaire de discothèque et de reality show.
    6. Adopter un parti pris de travestissement et d'inversion systématique des sexes. Choix assez laborieux à l'usage. Sur Don Juana, celà fonctionnait meux.
    7. Annoncer du rire, de l'Eros, du  rêve, de la jubilation, de l'ivresse dans la note d'intention... et sur scène commencer exactement à faire l'inverse, dans le décalage et la distanciation. La chair est chic, la chair est triste.

    Sans doute les erreurs types que risque un théâtre qui affiche le nom du metteur en scène en aussi gros caractères que celui de Shakespeare.  Heureusement, à la mi-temps, Shakespeare reprend l'avantage. On pourrait dire, pour être polémique, malgré tout. Au bout d'un temps avec, car en couleurs enfin, une Puck toute rousse et un Ane plus que truculent, on s'intéresse. Soyons juste: en prêchant le factice, J.M. Rabeuxfinit par toucher au vrai. L'exagération paye à la longue, le caddie finit par s'envoler aux cintres, le rimmel couler, la pièce dans la pièce se jouer en bouquet final, le grotesque se muer en poétique, comme suivant les intentions, mais in extremis.

    C'était Le Songe d'Une Nuit d'Eté de Shakespeare, mis en scène par Jean Michel Rabeux à la MC 93 Bobigny. Jusqu'à début avril.

    Guy

    On a relu après l'interview de J.M. Rabeux dans La Terrasse. Grave erreur. Plus on lit, moins on comprend. "J'ai monté cette pièce pour des raisons politiques. Je suis effrayé par ce qui se passe aujourd'hui sur le plan des moeurs"? De quoi parle-t-il ? Si quelqu'un a compris, qu'il nous écrive d'urgence. Ou on va peut être ouvrir un débat sur Scènes 2.0. Mais la réponse est peut être contenue dans la question suivante de l'interview.  "Votre relecture du Songe souffre-t-elle d'être en avance sur son temps?" Avec des questions d'une telle impertinence, tout les metteurs en scène doivent rêver d'être interrogé sur la Terrasse...

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  • Les Jumelles: Copi A 4

    Ca flingue pire que chez Tarantino, et on a bientôt renoncé à comprendre qui flingue qui et pourquoi. Aucune importance d'ailleurs, avant tout une manière pour Copi (1939-1987), à force d'outrances et de répétitions, d'épuiser jusqu'à la trame et medium_les_quatre_jumelles.jpgjusqu'à l'absurde les mécanismes du policier d'action: dollars, revolver, mensonges, trahison, meurtres, cadavres, cavales, compte en suisse, lingots d'or et cocaïne à gogo. De même que l'auteur fou furieux a dépecé sans pitié d'autres genres "mineurs": boulevard, whodonit, space opéra... (voir nos quelques soirs Copi d'avant).

    Qui dit répétitions en crescendo signifie un sacré défi en terme de mise en scène. il faut varier pour ne pas lasser tout en restant cohérent. Un cas d'école. Ici c'est gagné, avec un juste peu d'effets de lumière et beaucoup d'idées et d'énergie. Et des voix étonnantes dés les premiers instants. Copi est peut-être l'un des auteurs les plus exigeants qui soit pour les acteurs qui s'y frottent, qui leur demande un engagement physique de danseur. Oserait on être impitoyable et demander à nos quatre jumellesde grimper encore un degré plus loin dans la folie? Mais elles se démènent déja très généreusement pour essayer de fuir de ce lieu plus clos que la scène- une cabane en Alaska-  et ne jamais y réussir. On n'échappe pas à ses crimes. Ne leur reste qu'à régler leurs comptes sanglants- Je te tue, tu me tues..-en famille(s). Comme toujours chez Copi, cela commence en blessures et finit en agonies. Heureusement loufoques.

    C'était Les Quatre Jumelles  -♥-de Copi, mis en scène par Pierre Pirol, avec  Justine Assaf, Daphné Barbin, Alexandra Cahen et Eléonor Weiss , au theo theatre, et ça continue jusqu'à fin mars.

    Guy

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  • Equus: mais qui a donc déshabillé Harry?

    Au moment des saluts une petite dizaine de teenager trés rousses, échappées à la surveillance de leurs parents avec cinquante £ en poche, bondissent sur leurs petits pieds pour applaudir et crier des bravos à leur jeune héros, vu ce soir de plus prêt que jamais revé. La femme de notre vie fait preuve de plus de retenue...

    medium_acdgequusaffiche.jpgSi on avait eu le choix, qu'aurait on pu voir d'autre ce soir, de l'autre coté de l'Eurostar, sur la scène londonienne? Sur la face visible, celle du West End, s'affichent en trés grand et clignotant: The Lion King, Stomp, The Little Shop of Horrors, Evita, Boeing-Boeing, Chicago, Porgy and Bess, Cabaret, Marry Poppins, Les Misérables, The Phantom of the Opera- quand même The Tempestde Shakespeare (avec Patrick Stewart, ressucité de X-men 3)-, The Glass Menagerie aussi, et Equus, par Peter Shaffer avec Daniel Radcliffe... Soit, à plus ou moins 70%, les mêmes "musicals" que ceux donnés en ce moment sur Broadway. Est ce à dire qu'il n'y aurait à voir (hors des perles si discretes que l'on a pas eu le temps de les trouver) que des blockbuster efficaces? 

    Pas si simple, car cet Equusressemble beaucoup à du théâtre contemporain. On pourrait imaginer de voir ça au Theâtre de la Ville ou à l'Odéon. Avec des codes familiers: de l'argument morbide- la confrontation entre un psy en crise et un ado qui vient de crever les yeux à 6 chevaux- aux choix scéniques trés noir et blanc-elliptiques, en finissant par le nu tragique. Du contemporain bien grisonnant quand même: Shaffer a écrit sa pièce il y a plus de 30 ans, et c'est John Napier, scénographe à la création en 1973 qui s'y colle à nouveau. Et coté visuel rien à redire, tout est beau à voir et surtout les masques des chevaux du titre, qui interprétés par des danseurs, s'animent magnifiquement. 

    Mais pour le reste, c'est un peu raide et statique. Lesté par un texte psychologisant lourd, du Tenesse Williams au ralenti: adolescence-perte de sens-Dieu-souffrance-psy angoissés- impuissance-et chevaux indomptables, mais on entend déja certains insinuer que quelques subtilités du texte anglais nous auraient échappées. Le jeune Daniel Radcliffe, jouant apre et révolté, se tire quand même la tête haute de quelques situations à risques. Mais évidemment, d'autres auraient fait aussi bien. Le remplaçant de Daniel Griffiths, titulaire du rôle principal, et ce soir làmedium_equus_bw1.2.jpg indisposé, se contente lui de lire le texte plus ou moins bien.

    Mais parlons du scandale, quand même. Pas que l'on(?) fasse jouer, à l'interprète de qui-vous-savez-au-cinema agé de 17 ans, une scène de nu, qui plus est une scène d'amour avec sa partenaire. C'était d'ailleurs spécifié dans les didascalies, et puis après tout il tenait à faire du théâtre.

    Non l'horrible vérité, c'est qu'il fume un clope sur scène.

    C'était Equus de Peter Shaffer, mis en scène par Thea Sharrock, mis en décors et costumes par John Napier, avec Daniel Radcliffe et sans Daniel Griffiths, au John Gielgud Theatre(London, UK)

    Guy

    Plus haut: affiche et photo de presse présenté sur le site Equus 

  • Les Ombres de Pinter

    La ravissante metteur en scène, toute fière de sa première création au T.N.O. nous avait quand même prevenu au guichet que ça ne serait pas gai du tout. C'était peu dire. Et vu la dureté de cette matière artistique, on ne pourra lui reprocher sa fierté.

    Autant entend-t-on encore dans "l'Amant'", du même Harold Pinter- (1930-) Nobel 2005-, une petite musique de vaudeville grinçant, autant ici, toute chair disparue, il ne reste du drame que le cassant des os.

    Et dans le cadre ici oppressant du T.N.O., trois spectres -mère, père, fils- qui se parlent, s'écrivent sans s'écouter ni se répondre. 3 monologues étranglés de rancoeurs, de bouffées d'angoisse, de regrets inutiles, d'amour qui s'assèche en haine, et de culpabilité infectieuse. Autour de situations non dites, que l'on ne pourra appréhender que par allusions douloureuses. Le père semble lui mort pour de bon, et parle peut-être juste son ombre, qui conclue avec une cruelle indifférence pour les vivants en évoquant ce qui ne sera jamais dit et qui de toute manière n'a plus d'importance. Avant de disparaître (à jamais)? Cet instant poignant porte en lui-même toute la pièce, qui meurt bientôt, peut être un peu trop résignée, trop respectueuse. Mais d'une terrible efficacité: ils resteront longtemps plongés dans de sombres méditations, ceux qui à la sortie n'iront pas tout de suite se pendre,

    C'était "Voix du sang (Family Voices)" d'Harold Pinter, mise en sçène par Elise Rouby, au T.N.O. dans le cadre du cycle (?) "Le coeur et l'esprit".

    Guy

  • Coriolan 22.04: plus lourd que la légende

    Contexte antique, mais allusions appuyées à l'actualité politique. Style Rome et ses banlieues bétonnées. Et les peuples vaincus parqués comme des esclaves. Bonnes "racailles" et vilains-méchants politiciens cyniques. Que d'originalité!  Belle scénographie. Des moments medium_coriolan.jpgemportés. De la provocation, mais si peu. Un peu de drôlerie dans la charge. Sur un texte sonnant à peine plus travaillé que pour Gabegie.Mais en moins la fraîcheur et l'urgence. Si lourd. De l'emphase avant tout. Et tout plein de bon sentiments. Perdus les acteurs, comme en roue libre, pas vraiment raccords, grandiloquence plus au moins dosée, chacun sur sa partition, sous employés, sans enjeux, un peu en répétition machinale des tics de la pièce d'avant. Et finalement, bien peu d'interactions entre eux. Surtout, chacun son tour, de la déclamation. Quelques beaux éclats, pourtant.

    Trés dommage. Surtout après un Maldororincandescent. Après un Claudel sur-vitaminé. Vivement Gabegie 8. Vivement surtout 2008. 

    C'était Coriolan 22.04 de et par J.F. Marrioti- compagnie Heautontimorouménos au Théâtre des Déchargeurs, jusqu'à fin mars.

    Guy

    P.S. En début de soirée, on a vu Moeno Wakamatsudanser un travail en cours à la fondation Boris Vian, Cité Veron. Ce soir elle recommence et ça promet. Et elle revient finir tout ça en mai, et au même endroit.

  • Le 3° coup de minuit

    Il y eu les Récitatifs Toxiques.  Et après Epilogos, confessions sans importances. Et hier soir - mais il y avait-il un ordre? -  "Je te tue, tu me tues,  le premier de nous deux qui rira".

    Où l'on voyait pour une troisième fois Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna(Toujours aprés minuit) danser leurs crimes ordinaires.

    C'est une vraie prise de risque: à la troisième variation autour du thème, on commence à connaîitre son Max Aub sur le bout des doigts. Aucune facilité ici d'ailleurs, d'aucune sorte: rien de spectaculaire, aucun jeu primaire de séduction, pas de démonstration virtuose, et pas de bons sentiments. Pas de structure narrative qui s'imposerait à l'esprit non plus: mais des contrastes, des ruptures, un collage bout à bout de mots et de gestes. De quoi s'interroger dangereusement, dans le même temps qu'on y assiste, sur la nature même du spectacle. Sur sa propre situation de spectateur, et l'exigence que l'on se doit à soi-même. Mais le très modeste risque que l'on prend, coté public, on l'accepte bien volontiers: c'est en assistant un soir presque par hasard à l'extraordinaire "Rosaura" qu'on fût, brusquement, désormais, convaincu qu'on pouvait être plus que récompensé de sortir de chez soi. Pour découvrir des objets artistiques non identifiés dans ce non-genres là.

    Doute. Pour autant, est on devenu complaisant? Prêt à applaudir si ces deux là font du Mantero? Non, lorsque ce texte est dansé, il nous surprend encore, même à rebrousse-poil. S'expose en un déchaînement subtile et efficace, teinté plus de noir que d'humour. Du sérieux, et de l'imprévisible.

    Pour évoquer quand même un peu l'objet en lui-même, cette folie furieuse prend place dans une salle de classe- qui remplace le tribunal des Récitatifs Toxiques. Encore un lieu de répression et de normes, pour qu'elles soient bien sur transgressées, et le bel ordonnancement symétrique du lieu menacé. Sous le regard de ce personnage du fond, qui note scrupuleusement dits et gestes.

    On a rangera cela dans la catégorie théâtre, parcequ'on en a assez d'appeler cela de la danse. Et qu'on a assez des catégories.

  • Pirandello est un géant

    Le texte est inachevée, et se suspend ainsi sur un instant si beau- un très surprenant tombé de rideau-qu'on en reste le souffle coupé.

    Pièce inachevée à la mort de Pirandello(1867-1936), et de la mort il est beaucoup question: la mort du poète, qui s'est tué par amour pour l'actrice, comme il avait écrit la pièce par amour pour elle, la mort du comédien qui se rêve en train de se pendre- ou rêve-t-il le rôle du poète?-, la mort qui guette la vieille guidée par les anges- mais peut-être est elle déjà morte, en tout cas elle le croit. Et les personnages encore un peu vivants ne sont pas très en forme, presque déjà des âmes en peine, comédiens dans la pièce, comédiens déclassés dans une société qui ne s'interesse plus à voir jouer, qui errent en poussant une charrette à bras jusqu'à cet endroit tout à l'écart du monde. 

    Un lieu de l'entre-deux, un refuge où éclosent les rêves. Y Règne sur sa cours des miracles un magicien pouilleux: Coltrone- Hervé Pierre- personnage surnaturel, charnel et enfantin à la fois. Mais qu'est ce qui est dehors, qu'est ce qui est dedans? Où est le foyer et où est l'exil? Car peut-être les acteurs sont ils arrivés là dans le dernier endroit où ils peuvent jouer et être? Eux en qui s'incarnent les esprits d'autres, alors que le magicien fait des corps émerger les spectres, et imagine la réalité.

    De cet endroit la nuit on ne peut s'échapper alors que les rêves prennent forme. Où n'est ce que procédés et illusions? Qu'importe de le savoir, il faut rester tel un enfant et croire. C'est à ce moment de la pièce dans la pièce qu'est mis joyeusement en oeuvre toute l'arsenal des artifices: mime, masques, pantin, fumées, substitutions, lumières, décors en trompe-l'oeil. Ce qui était une réflexion sur l'agonie du théâtre se transforme ainsi en la plus belle démonstration de sa vitalité.

    Dans l'ombre intimidante des Géants de la Montagne, qui incarnent le matérialisme et la stupidité du monde de demain, ces bâtisseurs de murailles, dont les comédiens devraient peut-être flatter l'orgueil, pour ne pas mourir de faim. Nous sommes en Italie peut-être, en 1936. Mais ces géants là sur scène on ne les verra pas. Pour cause propice d'inachèvement. Seul sur la scène le théâtre se représentant lui même en abîme aura droit de cité.

    C'étaient "Les Geants de la montagne"  m.e.s. par Laurent Laffargues au Théatre de la Ville jusqu'à fin janvier.

    Guy

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  • Schwab: l'amour tache

    C'est autrichien, c'est décadent: jusque là tout va bien.

    Surtout si l'auteur est Werner Schwab (1958-1994), surtout si la compagnie s'appelle "Dekadent".

    medium_sp_11724_g.jpgHistoire: La putain rencontre l'employé, qui rencontre la coiffeuse, qui rencontre le propriétaire, qui rencontre la secrétaire, qui rencontre le poète, qui rencontre la comédienne, qui rencontre le député, qui rencontre la putain, pour que la ronde soit bouclée. Rencontres au sens sexuel du terme.

    On a reconnu la Ronde de Schnitzler, que Max Olphusporta autrefois à l'écran. Mais ici réadaptée en radicale opposition. déclinée en un inventaire jusqu'à l'écoeurement des rapprochements physiques et sentimentaux, la déclinaison déniaisée des hypocrisies amoureuses, crues et poisseuses, entre des personnages figées dans des postures inconfortables et obligées par les rapports sociaux. 

    L'original de Schnitzler était trouble et cruel, mais d'une subversion si subtile qu'elle pouvait passer pour un acquiescement complice, presque bon enfant. La version Schwab grince de révolte devant tout l'insupportable mis à nu. Pas de pitié pour la laideur de l'amour, qui toujours s'achète et qui se vend, pour les sentiments forcement nauséeux-le poète égocentrique est pire à tout prendre que le propriétaire libidineux-, nulle tolérance comme celle vis à vis des maisons du même nom.

    C'est monté et montré trash-difficile de faire autrement!- mais plutôt gentiment à tout prendre. La langue enfle et s'écoule, pâteuse, parodique et maniérée, manière de mettre en lumière l'absurdité de ce qui est dit et la violence de ce qui est fait. et les rapports de toutes natures. Ceux-ci représentés en allégories drôles et surprenantes, avec des idées et de l'intelligence- mention spéciale pour l'usage systématique dont la coiffeuse fait en second plan du savon à raser.

    C'est d'autant plus dommage que l'ensemble manque un peu de recul, de budget, de maturité, de cohésion, de décors, de lumières, en un mot de mise en scène, pour exister au delà de la suite de numéros d'acteurs. Dommage que cela manque peut-être d'audace encore, comme arrêtée au milieu de l'effort.

    C'est La Ravissante Ronde d'après la Ronde du Ravissant Monsieur Arthur Schnitzler, au théâtre de Nesle, jusqu'à la fin de l'année.

    Guy