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theatre - Page 16

  • La Tour de la Défense: Daphné est completement pétée

    Hier soir, la Tour de la Défense se dressait à Bobigny. 1 boulevard Lénine, prés du boulevard Jean Jaurès, avant le boulevard Maurice Thorez.

    medium_tour_01.jpgNon, on plaisantait: cela ne se passait pas vraiment à Bobigny, ou géographiquement tout au plus: c'était plutôt à la MC93-Bobigny, qui est une enclave parisienne et bobo au coeur de la Seine Saint Denis, en compagnie d'un public dont la mixité sociale ne sautait pas aux yeux. Et, pour preuve qu'on n'était pas dans lez 9-3 pour de vrai, précisons qu'on avait acheté notre place via le Festival d'Automne à Paris.  "Parking gratuit et surveillé" nous rassurait la brochure. Alternative au Forum culturel du Blanc Mesnil qui affrète des cars pour aller chercher le public parisien place de la Nation. Mais on aurait pu être à Avignon, où n'importe où ailleurs, on était en tout cas en phase avec le contexte de la pièce: un réveillon bobo-homo de nouvel an, de l'an 1977, année disco.

    Représenté dans un décor, un vrai, splendide et sophistiqué, un décor d'appartement seventies, avec tous les accessoires, même les pires. Ce qui fait tout drôle, tant on s'est habitué au minimalisme contemporain. Réalisme plastique, et intrigue linéaire également, quasi-boulevard ou comédie policière, avec entrées, sorties, exclamations, portes qui claquent et évanouissements à répétition, mais tout est décalé. On croit entendre, en écoutant le texte de l'argentin Copi (1940 -1987) une fascination quasi-enfantine pour la langue française, peut être propre à un étranger qui apprend à la maîtriser, comme un nouveau jouet, et manie cependant cette langue avec une insaisissable étrangeté. 

    Les personnages, comme dans une recherche naîve pour appréhender la complexité de l'existence-c'est perdu d'avance-. enfilent les banalités avec medium_tour_02.jpgune drôlerie déconcertante. Presque une pré-figuration parodique des shows de télé-réalité de nos écrans d'aujourd'hui, promesses sexuelles comprises. Mais d'évidences approximatives en fausses évidences, c'est une manière imparable de nous accoutumer à un glissement très progressif d'un trash presque ordinaire vers l'absurde et l'horreur. Qui se manifestent avec les obsessions habituelles à Copi: rat, serpent, frigo et compagnie, mais aussi par de sinistres prémonitions: hélicoptère s'encastrant dans une tour en feu et enfant congelé au frigo. Soudain on ne rit plus.

    Tous les habitants du 13° étage de cette tour de la défonce sont passionnants, et entre autres Jean(Martial Di Fonzo Bo), étonnant de pédanterie et de de candide brutalité. Mais le pire viendra de Daphné, la seule femme présente, interprétée par Marina Fois, sublime et désinhibée. Daphné d'abord en marge de ce club masculin, celle dont chacun cherche à se débarrasser. Revanche morbide, toute l'action se réorganisera peu à peu autour d'elle. 

    Mais de toute manière, à la fin tout le monde meurt, évidemment.

    C'est "La Tour de la Défense" par la compagnie "les Lucioles", mis en scène par Martial di Fonzo Bo, à la MC93 Bobigny, encore pour quelques soirées

    Guy

  • Dona Juana mon amour

    S'agissant de spectacle vivant- autour de Molière, du Buto, du Schubert, de quoique ce soit d'autre- il faut donc tout essayer.

    Essayer par exemple de faire de Don juanune femme. D'inverser le genre sexuel de tous les personnages de la pièce: Don Elvir trahi et éploré, la statue de la Commandeuse, et douze cavalières au loin.

    Contre toute attente, cela fonctionne.

    Et cela fonctionne très bien même: le texte, qu'on ré-ecoute soudain des deux oreilles, se déplace du masculin au féminin, mais revient vite quelque part au milieu, chargé de toute l'électricité des deux pôles. Cette Dona Juana(Christel Willemez) qui veut aimer tous les hommes dégage un charme ambigu, puissant, vénéneux, une autorité inquiète, qui attire et effraye sa bonne et simple Sganarella(Johanne Thibaut).

    Dépoussiérage, éclairage inédit, judicieux à une époque où les stéréotypes masculins et féminins sont moins figés que jamais (Myra Breckinridge, es tu là ?). La comédienne, après la représentation, confiait pourtant au public toute la difficulté qu'elle avait eu à jouer, en tant que Dona Juana, une scène de séduction très "active". Et à lutter contre un atavisme plutôt féminin: inciter l'autre à venir séduit vers elle.

    De notre point de vue, elle jouait des deux cotés à la fois, et c'était délicieux.

    Mais plus encore que le "don-juanisme", ce sont les thèmes premiers de la pièce qui profitent de cette cure de jouvence: le rationalisme du "un et un font deux" opposé à la religion, le libertinage au sens philosophique du terme. Thèmes qui brûlent de toute la modernité du texte de Molière (1622-1673), dèja en avance de prés d'un siècle sur l'idéologie des lumières, thèmes plus qu'encore d'actualité, évidemment.

    Le résultat est drôle et nerveux, et malgré le surprenant postulat de départ, trés respectueux du texte dans l'esprit et la lettre. Le tout reste plus sage et classique à tout prendre, que le Don Juande Montherlant que l'on peut encore voir au T.N.O.

    Sage, mais un peu coquin quand même, pimenté par ces intermèdes dansés en fond de scène, voilé d'un onirique très à propos, contrepoints mi-sados mi-technos aux scènes à texte. Pas explicites vraiment, comparés par exemple aux exercices récents d'Ann liv Young, et artistiquement c'est tant mieux. Assez implicites quand même pour recaptiver l'attention des lycéens franchement dissipés: au moins reviendront-ils peut-être un jour écouter Molière.

    C'est Don(a) Juan(a), par le Theatre ephéméride, mis en scène par Patrick Verschueren, au Théatre du Lierrejusqu'à mi-decembre.

    Guy

  • Salut les filles

    D'un malabar rose géant émerge une femme nue, qui se transforme en Jeanne d'Arc un peu plus tard, mais telle qu'on ne la verra surement jamais au T.N.O., puis encore des signaux qui clignotent violemment, une esclave enchainée, un drapeau qu'on agite, du feu, une épée, une tête qui gonfle, des personnages menaçants, un homme coiffé d'un haut de forme....

    medium_file_47_heygirl2.jpg

    Images chic et choc, trés plastiques. Plutôt metalliques à la réflèxion. 

    Mais que met-on en jeu au juste, ce soir, sous nos yeux? La lecture du livret ne nous sera d'aucune aide pour trouver un début de réponse. On y apprendra quand même que les hotesses d'accueil sont habillées par Agnes B.

    C'est brumeux, au sens propre d'abord, et lent, trés lent, et même plus lent encore, mais pourquoi pas.

    Oublions le sens: pas le choix. Au moins comprend on qu'au delà des images, c'est le regard sur ces images même qui est mis en scène. Mais l'on ne garde que cette question en mémoire, le théâtre a-t -il encore besoin de sens pour exister? Alors qu'il y a bien longtemps que l'on a dispensé la danse du devoir de narration.

    Reste la manière: Romeo Castelllucciest un illusionniste doué, ni plus ni moins que cela. Et un fieffé menteur, bien sur,lorsqu'il prétend que sa création part "d'une amnésie essentielle du théâtre".

    Tout est trés professionnel au contraire, bien construit et réglé, avec beaucoup de moyens et de budget, maitrisé, savamment dosé, avec de l'attente et des surprises, impeccablement technique, des lumières aux effets spéciaux, des explosions aux pleurs. 

    Ce n'est pas rien alors que d'autres- tels Vera Mantero- deconstruisent jusqu'à la forme.

    Beaucoup de savoir-faire, mais au service de quoi?

     Hey Girl ! c'est au Theatre de l' Odeon Ateliers Berthier, jusqu'à fin novembre.

    Avec le festival d'automne encore

    Guy 

  • Sans Dieu ni Maitre

    On ecoute: on est surpris.

    medium_mort.jpgEt l'on doute. Est-ce vraiment Montherlant qui est l'auteur de ce "Don Juan"? Ou alors un Montherlant qui aurait renoncé à sa manière, à ce style brillant, trés entre-deux-guerres. Pour s'aventurer du coté de la dérision, de l'ellipse, du second degré, de l'urgence. Pour sonner très contemporain, soudain.

    On est surpris, on est pas déçu. On avait écrit icique Montherlant ne savait pas faire rire. On se trompait. C'est un jeu de massacre, très méchant. Montherlant prend le mythe à contre-pied, tire sur la statue du commandeur à boulets rouges, secoue la thématique en tous sens. Pourtant on se se refait pas: Montherlant et Don Juan étaient fait pour se rencontrer. Le thème central reste la foi, et donc son absence, sa négation plutôt, l'instant terrible où l'on blasphème mais pourtant rien ne se passe. Ni foudre ni tremblement de terre. Juste libération ou désolation.

    Ne reste à Don Juan qu'à se livrer à une course effrénée de conquêtes, pour habiter le présent et nier le néant.

    Dom Juan éructe donc, cours, tombe, rie, sue, s'enivre- Le "Baal" de Brechta trouvé un sérieux concurrent, un peu plus propre sur lui quand même- insulte le ciel en vain. Et il ne se trouve pas un personnage pour lui apporter la contradiction, la statue du commandeur n'est que l'effet d'une plaisanterie douteuse. Comme si Montherlant avait enfin cessé de faire semblant de croire en Dieu.

    C'est "La Mort qui fait le trottoir (Don juan)" m.e.s. par Sylvain Ledda, toujours jusqu'à fin décembre, toujours au T.N.O.

    Guy

  • La Ville des Enfants Perdus

    Il faut ouvrir les portes de "La Ville dont le Prince est un Enfant", entrer sur la pointe des pieds dans cet espace clos, aujourd’hui disparu, une institution catholique d'avant guerre. Un lieu confiné, masculin des maîtres aux élèves, un lieu codifié, les règles y sont dites, ou seulement implicites. Lieu d’abnégations, de devoir, de dévouement, de pouvoir, et d'abus de pouvoir. medium_Montherlant.3.jpg

    Un lieu où l'on forge les âmes, où l'on contrôle les cœurs, et les amitiés. Les enfants sont insouciants parfois, terriblement graves le plus souvent, presque autant que leurs maîtres. Ces amitiés naissent et s’enflamment, particulières parfois, tout est dans la litote, mais rien ne porte ici à ricaner. Car quelle est la vraie nature de l'amour ? Et qui sera autorisé à dire, qui sera autorisé à décider, si cet amour est pur, ou condamnable? Celui qui en juge sera appelé plus tard à lui-même être jugé.

    Il faudra toute la pièce pour que cette réflexion- à chaque réplique sous-jacente, s'exprime au grand jour. Mais de manière assez subtile et ambiguë alors, pour que chacun puisse en tirer sa propre morale.

    Pourtant, comme toujours chez Montherlant, l'amour- qu’il soit filial, ou presque, ou non- se vit en terme de pouvoir. Cet amour est emprunt de dureté, toujours dangereusement proche de la déception et du mépris. Les personnages de Montherlant, décidément, ne savent aimer sans vaincre, ou sinon tout perdre, muets, meurtris, foudroyés. La religion est ici tout sauf une consolation, bien au contraire. Plutôt une manière de vivre le sacrifice que l’on fait ou que l’on vous impose, dans le dépassement de soi, sinon dans l'amertume et le regret.

    La construction est rigoureuse, linéaire, acétique. Le texte est joué sans affectation, au plus prés de la vérité, et en oubliant tout le reste, par trois générations de comédiens qui s'affrontent ici en duels successifs, jusqu'au final. Trois âges de l’acteur: de tout jeunes gens fougueux qui incarnent les élèves, Pascal Parsat(l'abbé de Pradts), dans la force de l’art et de l’age, technique, physique, hallucinant, enfin Robert Marcy (le père supérieur) imposant de retenue et d'intensité, à qui il suffit d’un regard pour jouer une situation.

    Au T.N.O. encore, et toujours dans le cadre de l’intégrale Montherlant, mis en scène par Jean-Luc Jeener.

    Guy

  • Lisbeth, Hermione et Winifred sont dans un bateau...

    Ces trois filles là font toutes jeunes encore, mais elles ont déjà tout des grandes, et le quatrième -le jardinier- essaie brievement de danser Buto, un très bon point; on pourra tout lui pardonner ensuite. C'est au final sans reproche et sincère, juste encore un peu trop d'impatience medium_flyerlisbeth.jpgpeut-être, péché vertueux, l'envie de tout dire tout de suite, et fort, il manque juste encore un peu de silence ici et là.

    Pourtant qui va les voir chaque soir, pas loin derrière la place du Colonel Fabien? Qui va donc les voir, quand ce n'est pas l'anniversaire du technicien lumière? Les passants? C'est bien Winifred qui hier dans la rue nous a abordé pour venir voir le spectacle, trop tard on avait déjà réservé, attiré par le titre peut-être- " Lisbeth est completement pétée" -et par les yeux sur l'affiche aussi. 

    Quoiqu'il en soit, on entre et on écoute le texte d'Armando Llamas (1950-2003), une écriture excessive, violente, innocemment provocatrice, et l'on pense à Copi,en plus adulte -pourquoi? Les mêmes origines argentines? Une proximité partagée avec la mort en tout cas, qui ronge un monde gagné par une entropie croissante, ivre d'un trop plein de biens matériels et de références culturelles. Ici plus contemporaines que seventies. Mais la chanson reste la même.

    Guy

     

  • Incompris et tant mieux

    Depuis un peu trop longtemps, on avait négligé Montherlant. Et l'intégrale qui lui est consacrée, au T.N.O.

    Mais l'inconvenient des intégrales, c'est qu'il y faut tout jouer, justement. Y compris les pièces que sinon on aurait volontiers oubliées.

    medium_thumb_sp_9977_p.jpg"Un Incompris"appartient à cette catégorie. Jugeons-en d'après l'argument: un jeune maniaque de la ponctualité quitte sa bien aimée, coupable de retards répétés... Sujet surprenant, et même pas une fausse bonne idée, Question texte on reste très très en dessous de "La Reine Morte"-est-il besoin de le préciser? - et question interprétation également. Mais pour les acteurs c'est une gageure. On admire par ailleurs les drames de Montherlant, et encore ailleurs son humour désespéré et grinçant. Mais quand l'auteur s'essaie à faire dans le léger, on découvre que cela ne sonne pas très convaincant. Avec- on ne se refait pas- au détour du texte quelques dérapages plus graves et misanthropes. Les jeunes acteurs, désorientés, sur-jouent un peu pour le coup. Au mieux bravo à eux d'avoir osé.

    Mais l'avantage des intégrales, c'est de nous amener à mettre en perspective ce que l'on aurait ignoré sinon. Ce protagoniste intransigeant, qui devant son entourage exaspéré sacrifie son bonheur-et celui des autres- sur l'autel de ses principes, nous est familier.

    Prenons le personnage, reculons de quelques siècles, rajoutons lui trente ans et un peu de religion. Révélation: C'est Don Alvaro version sitcom d'avant le J.T. - trois quart d'heures, c'est exactement le format.

    Pour ceux qui aiment les curiosités....

    Guy

  • Carnet de Baal

    Et si le meilleur de Bertolt Brecht (1898-1956), c'était Kurt Weil? Même si Baal (1919) montré ici est une oeuvre de jeunesse, avant l'Opéra de Quatre Sous.Mais ici déjà, ou rajoutés après, beaucoup de chansons tristes, des complaintes de cabaret medium_file_155_big_gaff_baal.jpgque Kurt Weilaurait pu composer, style spreech-gesang décadent, des histoires de filles perdues mais pieuses et de marins. 

    Mais qui est Baal? Cela serait trop long, trop fastidieux à expliquer. Disons seulement que sur scène il y avait une douzaine d'acteurs, et deux musiciens, un dispositif scénique impressionnant: à gauche de la scène, enchevêtrés, un bistrot et son comptoir, une chambre, un grand mur tagé- pas celui de Berlin-, une cabine téléphonique, un piano, une batterie, une baignoire, un lit, un banc public, un salle à manger, à droite un grand espace vide où errer, bref beaucoup de moyens et de budget pour du théâtre social. Mais un théâtre- de quelle couleur, celui là ?- qui a le bon goût ce soir de ne pas trop se prendre au sérieux, le jeune Bertolt n'était pas encore devenu tout à fait Brecht en 1919, et le metteur en scène -  Sylvain CREUZEVAULT- a refusé de prendre en compte les versions postérieures de la pièce.

    Il reste aujourd'hui de l'essai un peu incohérent- juxtaposition de scènes- juste ce qu'il fautd'outrance, de provocation-tant pis pour le premier rang-, de grincements, de sauvagerie, de confusion, de grotesque et de débraillé. On rit beaucoup, potentiellement, enfin pour peu qu'on puisse en juger au vu d'une première partie seulement (non pas qu'on se soit vraiment ennuyé, mais trois heures et demi c'était beaucoup trop long, biologiquement, et il y a a nouveau demain Moeno).

    A voir encore beaucoup de soirs au Theatre de l'Odeon - Ateliers Berthier. Pas la vraie salle dans le quartier de l'Odéon mais l'atelier réformé, boulevard Berthier. C'est à dire la salle où le théâtre de l'Odéon s'était réfugié les années quand l'Odéon- le vrai- était en travaux. Et qu'ils n'ont pas voulu ou osé fermer quand l'Odéon a rouvert à nouveau. On en parle, c'est Baal au Festival d'Automneet c'est plein à craquer, évidemment.

    Guy 

  • Emmène moi...

    C'etait ce soir la seconde reprise du spectacle, après le Théâtre de la Bastille , et "Trans"au théâtre du Chaudron après.

    medium_claude-degliame.jpg Autant dire que tout le monde a déjà tout écrit. Alors...

    "Emmène moi au bout du monde", au Théatre de la Bastille,d'aprés Blaise Cendrars (1887-1961), m.e.s. de Jean Michel Rabeux, avec Claude Degliame

    Soir après soir jusqu'au 22 octobre

    Guy

  • Les histoires d'amour finissent mal (finissent mal, mal, al..)

    Les histoires d'amour finissent mal, en général, et ce depuis que le Monde est Monde. En tout cas depuis bien avant la chanson, depuis les Métamorphoses d'Ovide (43 avant J.C - 17 aprés J.C.) , au moins.

    medium_fond_echo.jpgSurtout quand l'histoire est unilatérale, telle la passion d'Echo pour Narcisse.

    Echo: "La nymphe qui ne sait ni se taire quand on lui parle, ni parler la première, la nymphe qui répète les sons".Echo, brûlée de désir, qui répète les paroles de Narcisse. Echo qui, rejetée par l'être aimé, se laisse dessécher, jusqu'à ce qu'il ne reste d'elle que la voix, et les os sous la forme d'un rocher.

    Clémentine Baert joue Echo, elle chante et danse le rôle aussi. C'est beaucoup à la fois, et c'est peut-être trop pour ne pas toujours éviter de sembler, techniquement, maladroit.

    Mais au final elle est Echo, larmes aux yeux et émotion à fleur de peau. A cause de cela sans doute on se laisse attendrir, comme à chaque fois quand on écoute une telle histoire, même si l'histoire, surtout celle là, est un peu usée. Mais la ruse du théatre est de toujours nous faire croire à sa nouveauté.

    On se laisse donc attendrir malgré tous les partis pris esthétiques caractéristiques de ce théatre blanc, ce genre de medium_02-echo.jpgthéâtre qui considère dangereusement les mécanismes transparents de sa propre abolition. Le théâtre etait blanc ce soir. Mais malgré cela, Clementine Baert etait Echo.  

    Il existe un théâtre rose bonbon, robe de chambre de mousseline, escaliers roccoco, et répliques appuyées, pour les vieilles et les théâtres à l'italienne. Un théâtre rouge, teinté des obsessions scato-hémorragiques des nouveaux maitres flamands. Un théâtre gris, verbeux, qui montrent ceux qui attendent, qui rassemble tout le monde dans les brumes de l'ennui. Un théâtre noir aussi, des costumes aux rideaux, tragique, intransigeant, acéré, intense, acétique, tranchant, émacié, un théâtre de moines soldats.

    Ce soir le théâtre était blanc. Comme la scénographie, comme le fond d'écran et le tapis de scène. Aussi immaculés qu'un restaurant de Philippe Stark, ou un loft de Madonna. Avec quelques accessoires post modernes: torches-néons, guitariste live, panneau de plexiglass, voix off et projection video. On pourra en juger en video ici. Autant de signes censés tenir à distance l'émotion?

    Mais pas ce soir pourtant.

    A Mains d'oeuvres, et encore pour quelques soirs.

    Guy