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le colombier

  • La violence et la beauté

    D'abord en gros plan les mains de Catherine Meurisse, en poses lentes le corps de DD Dorvillier, ensemble pour un temps d'observation. Ou de stupéfaction. Déjà les expressions de la peur, de la stupeur, de la supplication ou de la résignation. Sur l'image projetée au mur, on voit le pinceau de la dessinatrice esquisser un croquis, mais invisible, sur la feuille blanche, comme retenu par une impossibilité. Il faut qu'ensuite elle irrigue le dessin d'encre rouge, comme le corps d'autant de gouttes de sang, pour lui donner expression, souffrance. Et il faut l'intention de la danseuse pour sur scène en créer le relief, la consistance.
     

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    Les modèles qui inspirent cette performance ne sont pas montrés. Ainsi que l'on s'interdirait de diffuser des images trop violentes. Il s'agit des statues des jardins de la villa Médicis, les enfants de Niobé fuyant en vain la colère des dieux que leur mère a offensés. Et dans notre esprit est présent le massacre de Charlie Hebdo, auquel Catherine Meurisse a échappé(1). Mais de ce sujet omniprésent rien n'est dit ici. Seule la pudeur, la justesse et l'intensité.  
    Avec l'interprétation des deux artistes, une réflexion silencieuse s'approfondit devant nos yeux, telle celle à laquelle nous nous livrons dans un musée face une œuvre qui suscite en nous une émotion profonde, avec le besoin de la questionner longuement pour comprendre en quoi elle nous reconnait, en quoi elle nous transforme. Ici l'indicible. L'encre coule: le sang des victimes percées de flèches, mais aussi le sang qui donne vie à l'inanimé. Pour lutter. Les mouvements persistent en un combat contre la fatalité, les personnages fuient, les perspectives se renversent en recherche du sens, se mêlent et se transforment: têtes, cheveux, bras, jambes. Ni ordre ni hiérarchie entre le dessin et la danse, qui ensemble concourent au geste, mais stimulation dans l'exploration d'une pensée. Ce travail est dense, entrecroisé, avec des moyens esthétiques surprenants.

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    Le matin de ce samedi, un autre fanatique tentait de semer la terreur, la mort. Les artistes peuvent nous aider à survivre à la sidération qui nous foudroie face à l'absurdité, à la violence. Comprendre, surmonter. L’œuvre d'auteur de BD de Catherine Meurisse(2) se nourrit d'un rapport intense, à la fois insolent et respectueux, avec ce que les maitres de toutes époques nous disent de l'humanité. Elle rejoint DD Dorvillier dans son travail de l'observation et de compréhension du corps et de la sensation. Devant les dessins au mur des corps des niobides, les deux artistes partagent avec nous, belle et indispensable, une minute de silence. 
     
    Vois tu celle là qui s'enfuit, duo créé pour le festival Concordan(s)es par DD Dorvilier et Catherine Meurisse, vu au Colombier de Bagnolet le 18 mars. 
     
    Prochaines dates: le 22 mars à la bibliothèque André Malraux des Lilas, le 23 mars au Bal (Paris), le 25 mars à bibliothèque Robert Desnos (Montreuil)
     
    (1) Lire la legereté (éditions dargaud)
    (2) lire Moderne Olympia (futuropolis), Mes hommes de lettres (babelio) , le pont des arts (sarbacane)
    Guy
     
    photos de Delphine Micheli avec l'aimable autorisation du festival.
  • Dissociée

    Elle est là, sans vouloir, sans pouvoir y être. Ce soir le personnage féminin, de retour dans une maison de son passé, est en fuite, dissocié, lesté par des secrets douloureux qui ne seront pas révélés. Ses lèvres semblent suivre une voix off, comme pour se faire l'écho d'une intériorité à vif qui ne peut s'incarner ici ni communiquer avec les autres. Avec rigueur et cohérence, la mise en scène est sans pitié, le jeu engagé, le texte tranchant et blême. Les décors de banlieue grise me piègent dans une impression de réalité poisseuse, images d'une vie triste figée dans un passé à l'arrêt. Tempête, accident, rupture. Le récit bascule. Nous nous échappons avec elle vers vers la possibilité d'un ailleurs, une remise à zéro, une autre réalité. Dans un no man's land nocturne, la sensation fugace de la présence de l'océan, de la liberté. La pièce reste douloureuse et ouverte, sans résolution quant à la réconciliation entre l'esprit et le corps blessés, à nu.
     

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    Anticorps, adapté et mise en scène par Maxime Contrepois, d'après Dina de Magali Mougel, vu au Colombier le 25 janvier.
    jusqu'au 29 janvier.
     
     Guy
     
    Photo de Nocolas Joubert avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Danse entravée

    Le pari est risqué que de pratiquer une danse sous contrainte, ici littéralement: c'est-à-dire jambes, ou bras, liés. Oui, je distingue bien un effort vers des gestes nouveaux. Mais la danse me semble rester prisonnière, comme si la créativité ne parvenait pas à totalement se libérer de ces chaînes volontaires. Pour commencer, une sirène se meut par bond de carpes. Surprend. Se trouve de nouveaux chemins, mais qui toujours ressemblent à d’impossibles évasions, jusqu’à s’épuiser. Son regard prend le relais, son corps ruse, tronc, joue avec nos perceptions, va nous faire puiser dans nos banques d’images sociales. La danseuse commence à nous attirer jusqu’à nous faire accepter de nouvelles anormalités, aussi tendres que des images de Freaks, apprivoisées par l’acte artistique. Mais l’idée s’enlise peu à peu, frustration. La deuxième femme a les bras entravés, ses talons hauts et sa cambrure font glisser notre perception d’elle vers un archétype de femme objet. Là encore, dans l’inconnu des gestes, mais rassemblées autour des repères plus convenus- symboliques, vestimentaires- s’impose une image possible, celle- quelque part entre vulnérabilité et séduction -d’une prisonnière. Puis je la perds.

    C’était Inedito de Luigia Riva, au colombier de Bagnolet.

    Guy

  • Elle et le vide

    Mon ami François a vu barbara Fuchs, il m'écrit:

    Organisation du temps et de l'espace ? La trame des post-it, évidente, pour l'espace ; l'organisation du temps suggérée par la voix-off qui au début égrène les nombres comme une horloge scande les secondes et les minutes, et ensuite lit les messages des post-it, supports de souvenirs, repères du passé et de l'avenir.

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    Sortir de la trame imposée ? Le quadrillage impose ses repères orthonormés, des règles pour les déplacements mais la danseuse y crée un trou, une aberration dans le bel ordonnancement géométrique, où son mouvement sera peu à peu plus libre. Elle se retire même hors de la matrice pendant un moment mais pour y rencontrer un autre obstacle, le mur, vertical celui-là. Une zone libérée au sein de la trame sera le point de départ d'un mouvement devenu horizontal, moins heurté, créé par un corps devenu nu, plus malléable, plus courbe, ignorant les post-its auparavant repoussoirs.

    Identité ? Virtuel ? Qui est cette femme devant nous ?  Barbara, un personnage robotisé au regard d'un bleu lointain, un body-builder, un personnage aux multiples parures, une femme soumise au cycle menstruel, un être asexué au corps contorsionné comme dans un tableau de Bacon, une créature animale à l'enveloppe-jupe se muant en une infinité de formes ?

    Les éléments naturels ? Le vent, l'eau des rivières , le piaillement des oiseaux que l'on imagine dans une campagne idéale n'ont pas disparu. Peut-être qu'un souvenir finalement. Peut-être un ailleurs. Peut-être là vraiment. Peut-être une perturbation.

    François

    Je dirais aussi: ....Au sol mille cinq cent post-it, inévitablement pour se souvenir de quelque chose, mais de quoi au juste? De consignes inutiles, de résolutions oubliables... Elle me semble régressive, en dérive d'identitée, caractères sexuels effacés, remplacés par des signes muets. Elle effacée jusqu'à une enfance incertaine, à tenir sa jupe et marcher en évitant de à chaque pas de marcher sur ces post-it.,  A terre elle dessine un espace vierge, dans une mémoire trouée. ne subsiste que le corps dépouillé, qui joue à cache cache avec la nudité. Cette danse est assez oppressante et honnête. Où est elle enfermée? 

    C'était It de Barbara Fuchs au Colombier dans le cadre du festival "Jamai(s) vu!

    Le festival continue mardi et mercredi avec Julien Monty et Michael Pomero au Colombier à Bagnolet (reservations 01 43 60 72 81) 

    Guy 

  • Pernette: mots et miniatures

    Danseurs et écrivain concordent...mais subtilement. Où ? A différents niveaux, mots et corps s'interpénètrent, assis au milieu et heureux d'être arrivé, on essaie de guetter où- c'est un jeu. Les danseurs sont deux- Nathalie Pernette et Arnaud Cabias- un homme, une femme, mais de même asexués et crânes rasés, émotions remises de coté. En noir pénitent, l'humanité engourdie sous des réflexes mécaniques. L'écrivain- Gwenaëlle Stubbe- lit. Les deux danseurs tentent-ils de la contaminer, de gestes lunaires et ampoulés sur elle? Devant, dessus, devant dessous, contre, autour...La diseuse résiste, et même aux assauts sensuels, détourne le naturaliste Cuvier, et évoque impavide les mystères d'espèces disparues. Le sujet de la performance hésite ironiquement entre rencontre, décalage, opposition.

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    Le second round se joue à table, tout aussi énigmatique. L'écrivain y modèle les mots. Les danseurs, en attaques à l'unisson, y modèlent de la pâte. En interlude filmé, les corps impossibles et animés par Philippe Combes évoquent eux aussi des créations de modelage, celles de Bruce Brickford peut-être. L'écrivain Arnaud Cathrine se place en commentateur, ironise sur notre crainte ou notre attente d'un nu sans cesse escamoté. Il s'amuse à retarder l'explication de l'impossible, l'air de ne pas y toucher. Manière de suggérer que la parole n'est jamais qu'un autre moyen d'évoquer. Et non d'objectiviser. L'exercice parait un peu léger en soit... mais tombe juste dans le déroulement de cette soirée drôle et douce.

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    En conclusion, comme par l'invitation des chairs morcelées montrées par Combes, Cabias et Pernette entreprennent de s'extraire du noir de leurs vêtements de deuil en un épluchage méthodique. Ils s'arrachent tissus l'un à autre et un par un, mais sans jamais sembler en venir à bout. Les couches supplémentaires semblent surgir par-dessous. Pourtant les gestes se font de moins en moins neutres, plus francs et désirants. Les regards s'animent et se rencontrent. Le cliquetis des métronomes se ralentit. Sous le noir de l'étoffe surgit enfin le blanc du vivant. Puis ne restent sur la chair que les derniers sous-vêtements, la main s'en saisie aux coutures, et...

    C'était Miniatures de Nathalie Pernette, avec Nathalie Pernette et Arnaud Cabias, avec Gwenaëlle Stubbe, et Mopholab2 de Philippe Combes avec Arnaud Catherine.

    Au Colombier de Bagnolet, avec Concordan(s)e.

    Guy

    Photo de Miniature par Franck Gervais et photo de Morpholab par Agnieszka Podgorska, avec l'aimable autorisation de Concordans(e).
  • Au Colombier, les mots dansent

    Mais comment nommer cet objet? Un objet tel que jamais vu avant, une croix sphérique à sept branches, imposante, aux fonctions manifestement spectaculaires, sur/autour de laquelle évolue Guillaume Bertrand. On cherche, mais juste pour vite toucher au coeur de la difficulté. Car ce soir au Colombier, on fait danser les mots. Ou tente-t-on de mettre la danse en paroles? En tout cas on essaie de rapprocher écrivains et chorégraphes. Riche idée: bien souvent les chorégraphes s'essaient au texte...mais rarement avec autant de force ou de légereté qu'ils en usent avec le mouvement. Naïvetés et portes ouvertes, on tombe généralement de haut. De là à penser que les chorégraphes ont besoin d'aide sur ce terrain, et que les écrivains pourraient bien trouver matière à se mesurer à la corporalité...

    1571692296.jpgCe soir, pourtant, le premier regard fait douter. Ils semblent d'abord très loin tous deux l'un de l'autre, presque en concurrence: l'écrivain Anne Luthaud, discrète, confinée devant son Mac, qui dans son micro dit "je ne suis pas là"  et l'acrobate qui utilise entier l'espace, à faire rouler de son corps la machine qu'on arrive pas à nommer. Il s'accroche aux branches, expressif et puissant, fait basculer l'engin, qui tourne encore et encore, comme la planète en pleine évolution. Tous deux toujours s'ignorent, mais on commence à comprendre qu'il y a un rapport. On entend l'écrivain dire de son coté une autre exploration, qui l'emmène vers des origines rêvées, partant de pays ensoleillés pour arriver jusqu'aux pôles. L'acrobate descend de son arbre-monde, tombe lourd, encore singe, au sol. Notre attention s'aiguise, doublement stimulée, sur chacun d'eux et sur ce qui de plus en plus les relie. Les deux recits peu à peu à peu se complètent, convergent à l'unisson vers le même sens....On a toujours pas trouvé de nom au truc à sept branches, mais il est au moins sur que l'expérience est inédite, et excitante.

    Seconde performance: Fabrice Melquiot en reste plutôt absent, tout juste enregistré. Au moins pose-t-il pour commencer une intéressante question: faut-il dormir nu, ou habillé? Surtout pour qui  faut il dormir nu ou habillé? Mais l'écrivain laisse ensuite 350912949.jpgquasi champ libre à Marion Levy, qui s'essaie à un bel et juste exercice sur le sommeil. Tout en intelligence et légéreté, dans l'allusion, évitant les pièges de l'imitation. Dans un autre contexte, on serait plus qu'heureux de sa performance. On reste ce soir un peu frustré de la voir évoluer en solitaire, sans que la rencontre ecriture/chorégraphie promise ne soit poussée plus avant. Mais on lit qu'il ne s'agit encore que d'une equisse (pour nous donner envie de voir plus du projet de Marion Levy l'an prochain à Chaillot?). D'ici là, au vu de juste deux propositions parmi sept de ce Concordan(s)e 2008, on garde le sentiment d'avoir mis le pied sur un vrai terrain de jeu et de recherche. Juste à peine encore exploré.

    C'était Comment Dire de et avec Guillaume Bertrand et Anne Luthaud, puis En Somme! de et avec Marion Levy et Fabrice Melquiot. au Colombier, avec le festival Concordan(s)e

    Guy

    P.S. du 25/2: Guillaume Bertrand nous écrit pour nous éclairer:

    "Quel est le nom du Truc à 8 branches ?" Elle s'appelle : MATHILDE (en liens avec le retour au désert de BM Koltes, monologue d'Adrien p 41-42, pour les curieux!)

    Et nous annonce que La pièce "Comment dire..." sera visible à nouveau à Bagnolet, le 24 Mai à 20h30, dans la semaine de la danse, en première partie de "Récréation Primitive" de Merlin NYAKAM, au Gymnase Maurice Baquet 12 rue Julian Grimau 93170 Bagnolet -Réservation : 01 49 93 60 81