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Certaines propositions nous entrainent dans de longues explorations, comme on visiterait une maison aux recoins obscurs et peuplée d'objets surprenants, une maison dont les habitants eux-mêmes n'auraient pas encore fait le tour. On les accompagne, plus ou moins intéressé en chemin par telle ou telle découverte. Entrée: la danseuse prend ses marques, tourne et retourne sur tout l'espace de la scène. Suggère ainsi un temps circulaire. Car d'une réflexion sur le temps il est question, à en lire les notes d'intentions. On garde l'idée en tête. Sans pouvoir s'empécher d'être sceptique, car l'étude du temps est forcement présente dans toute création ...Mais on persiste à suivre cette piste. En vain, perdu on doit l'abandonner. On regarde au fil de l'eau. Et on trouve à regarder. Danse: les mouvements se font saccadés, contraints, en lutte contre quelque chose. La musique suggère le sens: poids de la pluie, tension induite par un sifflement. Les humeurs changent, surprennent. Le solo s'est transformé en duo, d'abord tourmenté par une même recherche, ou une même opposition. Puis les deux interprêtes évoluent plus en complicité ou confrontation. S'installent et prennent la pose, avec exagération, y introduisent de l'humour et de la distance... On apprécie la performance, en subtilités, suggestions et sensations... mais par épisodes. Frustré de ne pas toucher le lien qui les tient.
C'était So Long, de Sophie Daviet, avec Mélanie Cholet et Sandrine Bonnet, au Théâtre de l'Etoile du Nord, dans le cadre du cycle "avis de turbulence #3. Jusqu'à samedi.
Tout commence sans heurts et hors champ, notre regard déplacé. Les bruits d'eau, de pas, de conversations ont une étonnante consistance, mais laissée à notre imagination. Sur la scène préservée du quotidien, que de l'apaisement. A voir tout au plus une ombre. Et d'autant plus éclairée qu'ironiquement dénuée de sens: une casserole blanche.
Sur l'écran l'eau bout et le temps se dissout. Par contraste devant se définit la présence humaine, en mouvement. Ce n'est pas tant sa lente danse qui capte notre attention, mais les rapports qui demandent à naitre entre tous ces objets. Pas de chronologie ni déroulement, plutôt des états qui frémissent en suspens. En un fragile équilibre, que ne rompt pas l'éclatement des bulles. On flotte, amusé ou hypnotisé. Tout autant, voire plus que So Long, vu juste avant, cette proposition se prête à vivre une expérience étrange du temps. Puis-évenement- c'est la casserole qui bout, c'est la fumée qui se trouve comme aspirée par une colonne de lumière, alors que le corps plonge dans l'image projetée sur l'écran. Avant que tout ne s'efface pour se laisser entendre ailleurs et autrement . En vingt minutes d'incrédulité, c'est d'un laconisme réjouissant, qui nous ouvre le regard sur un univers de possibilités
...ce n'est pas parce qu'ils étaient mauvais, c'est parce que quelques blocages s'y sont opposés, et qu'il nous fallait garder aussi un peu de temps pour gagner de l'argent, réver, aimer... Ces spectacles on les évoquera quand même, histoire de laisser derrière nous mourir tous les regrets.
L'Ecole des maris et le Malade Imaginaire de Molière, mis en scène par J.L. Jeener: parce que les mises en scène de Jeener sont d'une si parfaite humilité, qu'on chercherait en vain à raconter sans tomber dans l'explication de texte. Comme on suppose que tout le monde connaît les pièces... Et comme on ne surprendra personne en révélant que Philippe Desboeuf est un parfait Argan... A voir au Théatre du Nord Ouest en alternance jusqu'à debut mars.
Shhhd'Abraham Gomez Rosales, adapté et mis en scène par Alexandre Blazy et Valentin Capron vu en juillet à Gare au théatre: parce qu'on était trop en manque de vacances pour réussir à écrire sur une proposition dont l'esthétique était assez éloignée de nos inclinaisons... mais c'était une proposition drôle et politiquement intéressante (et pourtant on ne parlait pas autant d'Edwige à l'époque). A voir actuellement à la Comedia
Omlett (trés librement) adapté d'Hamlet de Shakespeare et mis en scène par Maryline Klein,vu au même endroit. On en parlera pas plus pour des raisons éthiques: la caricature d'adversaires politiques sous la forme d'animaux, avec pour conséquense leur déshumanisation, est une dérive de type pré-fasciste (ou maoiste, c'est selon).
Rosaura de Brigitte Seth et Roser Montlo Guberna: qu'on a vu, revu (cette fois ci avec Artdanthé), et qu'on reverra tant qu'on pourra. En parler, ce serait l'enfermer, on ne peut pas.
Butonic de Yumi Fujitani, à Bertin Poirée, proposition en prise de risque d'une belle artiste en rupture de buto, mais que pour le coup on a eu du mal à suivre.
Bajo, feo y de madera de Luis Basiotto vu en juin à 100 dessus dessous: parce que la proposition, pas inintéressante, s'est trouvée malheureusement eclipsée dans notre espace mental un peu limité, par les créations plus polémisantes d'Allio-Weber et Miet Warlopvues durant la même soirée.
Le Sacre du Printemps par Eddy Maalem... vu en juillet au parc de la Villette. Un rendez vous manqué de l'avoir trop attendu? On a entendu Stravinsky mais on a pas vu l'Afrique... A revoir, une autre année sans doute.
Printemps futile dansé en février par Moeno Wakamatsu à la fond'action Boris Vian: parce qu'on avait deja écrit 7 notes à propos des performances de Moeno, et que Jerôme était plus frais sur ce beau sujet. Moeno danse les 17 et 18 octobre prochain au même endroit.
Il y aurait sur scène deux fous furieux, on aurait vite oublié qui serait censé faire le danseur et qui le musicien, et il y aurait des fils et des machines, des histoires de poulets et de camions poussés avec les fesses, d’hommes peints de blanc dans le noir et leurs corps entremêlés, à cause de ces textes échappés d'un happening dada, on pensera très fort au Be-bop Tango de Franck Zappa ("Jazz is not dead...but it just smells funny") on croirait même reconnaître une ou deux mesures de Dog Breath, les deux individus joueraient à se faire peur tels un savant fou et sa créature déjantée, le second luttant comme un dément pour prendre le contrôle de la console de son, on serait éclaboussé par les débordements suraigus d'un be-bop mutant et orgasmique, par des coïts bruyants de trompette naine et des voix de dessin animé doublés en H.P., des aveux régressifs, drôles, poétiques et douloureux, abandonnés au cours de l'exploration d'une jungle techno pullulante d’animaux bariolés, encombrée de bruitages effleurés et stridents, de bruits venus d'ailleurs, car tout pourrait arriver, des séquences de danses bras croisées ou renversées sur les épaules, des rafales d'onomatopées surchauffées, Colllignon entreprendrait de dresser le fil du micro, laisserait s’échapper des notes dans le micro pour qu'enregistrées elles se battent en boucle, ressusciterait le son d'Herbie Hancock lorsque durant les seventies il se figurait l'an 2000, ou quelque chose apparentée à une World music qui ressemblerait un peu à du Weather Report déglingué, funk, free et suraigu, comme des pièces de beauté tranchée à vif par deux garçons turbulents, d'éternels adolescents, facétieux et excités à s’escalader l’un l'autre, Charmatz disparaîtrait derrière l'écran et les pieds de son corps remueraient encore, il y aurait des gestes morts qui ne voudraient pas mourir vraiment, et des mots toujours dits avant, on se sentirait libre absolument à les voir se refuser toute limite, à nous laisser ressentir quelque chose d’essentiel sur ce que c’est de créer, on serait mort de rire d'un bout à l'autre, émus également, cela pourrait durer longtemps et tant pis pour le spectacle d'après, ils pourraient simplement improviser, ce serait beau, ce serait fou, tendre, et souvent de mauvais goût, et après à jamais disparu.
La rencontre que suggère l'affiche n'aura pas lieu, au sens strict, entre le saxophoniste Archie Shepp et la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker. Il importe peu, ce sont d'autres fils qui tout au long de la soirée se tissent, plus subtilement, entre les gestes et les musiques, les époques, les cultures, les continents.
C'est un vieil homme noir et élégant, borsalino et soprano, qui n'a plus rien à prouver, et tout à explorer encore. A ses cotés deux musiciens indiens rompent l'immobilité à sons de clochettes. Archie Shepp regarde un temps, écoute. Puis le souffle nait avant la note. C'est un gage d'humanité avant que la beauté ne devienne abstraite. Un son clair et brillant. Aérien. D'un lyrisme tranquille. Sans effets. Détaché de tous les genres. Le danseur Salva Sanchis cherche des yeux la musique. Sa danse se developpe, droite, pivote. Humble sous le regard du saxophoniste, attentif. Qui quant à lui va à l'essentiel, phrase des séquences courtes et repétées, s'élance vers l'épure, tend vers une transe apaisée. Pas loin du rève offert par Coltrane dans A Love Supreme. L'Inde et le Continent Afro-américain se rapprochent. Nous sommes entrainés dans ce mouvement, d'où que l'on vienne. Le muicien indien chante, authentique, mais avec l'énergie et les intonations d'un blues shouter. Ses doigts arrachent des cordes d'un instrument traditionnel des riffs de guitare funky. Le dialogue continue dans des langages inédits, Archie Shepp, attentif au danseur comme aux instrumentistes, sait s'interrompre, reprendre, répondre, essayer, prendre tous les risques. Salva Sanchis, félin (dit ma voisine), ouvre les bras pour offrir aussi, et gagne sa liberté, bondit.
Aprés se présente Anne Teresa de Keersmaeker. Seule. Qui dicte d'abord les gestes d'une grammaire austère, d'un bras tendu, d'une jambe pliée. La musique l'environne, indienne et inconnue, le rythme incertain à nos oreilles. La chorégraphe fait le choix heureux de ne pas danser le rythme, danse l'harmonie plutôt. Semble sans cesse balancer entre abandon et retenue, toujours au bord de l'ivresse, sans jamais s'y livrer. Blanche immaculée, ose un sourire, juste esquissé. La danse part des bras, tourne et semble vouloir se saisir de volutes de fumées ou d'instants de bonheur. Reste aussi sobre, mesurée, que Salva Sanchis. Entre Archie Shepp et John Coltrane, mais sans jamais les citer, A.T. de K. fait le trait d'union.
Quatre, ensuite. Les 4 lettres du mot LOVE. Les 4 instrumentistes d'un quatuor (de Jazz encore ?). Les 4 danseurs sur la scène. Les 4 mouvements du disque enregistré... fin 1964. A love Supreme: L'oeuvre de Coltrane est si célébrée que le seul fait de l'adapter constitue une gageure, pour le moins indimiante. La réponse d'A.T de K. et de Salva Sachis à cette presque impossibilité se déploie en toute simplicité, pourtant. Sur un mode spirituel forcement, mais enjoué, ce qui est moins evident.
Acknowledgement: au comencement l'appel à la prière lancé par le saxophone, puis s'installe l'obstinato de 4 notes à la contrebasse. C'est un mantra qu'aprés son solo Coltrane reprend sur son instrument à différentes hauteurs de ton. Jusqu'à ce qu'il soit temps qu'il y renonce, pour juste chantonner les 4 syllabes de sa voix nue. La danse ne copie pas, exprime plutôt ce cheminement vers la simplicité. Les exposés et reprises des thèmes sont dansés en ensembles, de même que les musiciens sont à l'unisson. Le reste est libéré, on devine une grand part d'improvisation dans cette transposition du moment de l'histoire où le jazz change de nature. Avant que le saxophoniste ne s'aventure vers d'autres territoires, où il sera moins suivi. Pour l'Ascension de Coltrane qui viendra ensuite, où l'accompagnera Archie Shepp, il y aura moins de disciples à ses cotés. Dans l'adaptation de A Love Supreme, d'une forme artistique à l'autre, A.T. de K. échappe au risque de trop de gravité. L'enjeu ne se pose pas en terme de modernisme ou de classicisme de la danse, mais dans ses relations à sa source d'inspiration. Déja les danseurs sont délivrés de la mesure: 3 ou 4 rythmes se superposent dans le drumming d'Elvin Jones, pour ouvrir bien des possibles. Resolution: il y dans les mouvements, même exacerbés, beaucoup de joie et de la légereté. Les corps courent et se rencontrent, se portent dans des élans de sensualité. Dans cette sincérité, plaisir et spiritualité se rejoignent sans se contredire. Des souvenirs reviennent des deux performances précedentes, à nos oreilles l'Inde est présente, comme souvent chez Coltrane. Mais entremélée avec d'autres influences, dans un syncrétisme musical et religieux. Pursuance s'ouvre sur un chorus de batterie. Un grand jeune homme offre un solo spectaculaire et eclaboussé de sueur, à la mesure de la performance physique que la musique suggère. Là comme lors d'autres échappées instrumentales, les individualités des danseurs reprennent leurs droits. Parenthèses individuelles, émouvantes et nécéssaires. Avec autant d'énergie que de tension. Psalm: dernière prière crépusculaire et funêbre. Rassemblement sur un tempo lent. C'est le temps du don et du renoncement, de la Passion. Une danseuse s'effondre, les autres la soutiennent. Quatre font un. Sur le mur les ombres s'allongent. La suite fait écho dans les âmes, pour ceux pour qui tout s'est arreté le 17 juillet 1967, pour les plus fervents à la Saint John Coltrane Church de San Francisco.
Epilogue: Archie Shepp revient saluer avec A.T. de K. et les danseurs. Pour retisser avec eux les fils du temps, lui qui en 1964 participa, même si le vinyle n'en conserva pas le témoignage, aux sessions d'enregistrement de A love Supreme.
C'étaient les improvisations de Salva Sanchis et Archie Shepp, accompagnés par Mimlu Sen et Paban das Baul. Raag Khamaj dansé par Anna Teresa De Keermaeker et co-chorégraphié par Salva Sanchis. A Love Supreme, chorégraphié par Anna Teresa De Keermaeker et Salva Sanchis, avec Salva Sanchis, Cynthia Loemij, Moya Michael, Igor Shyshko, sur la musique originale de John Coltrane, interprétée par John Coltrane (Saxophone ténor), Elvin Jones(Drums), Mac Coy Tyner (Piano), Jimmy Garrison(Bass).
Il était une fois, dans un tout petit royaume nippon mais pas si lointain que cela, une belle princesse butô. Mais qui était condamnée par quelque méchante fée à passer courbée et fourbue la serpillière sur le sol poussiéreux d'une cave. Devant une assemblée de spectateurs silencieux, mystérieusement pétrifiés comme par magie eux aussi.
Peut être même, victime d'un sort, la princesse avait-elle oublié jusqu'à qui elle était. Méconnaissable, en effet, cheveux en bataille, à faire peur, le visage noirci d'une folle, douce cependant. S'effondrant à terre sans raison, membres mus par de mystérieuses pensées, se mourant de solitude ou de la douleur d'un amour perdu. Comme égarée dans une noire forêt, elle étreignait contre son sein une lourde bûche, à l'écorce rugueuse. Ses souvenirs de bonheur pourtant l'agitaient, elle dansait en rêvant de valse et de bal dans une grande salle illuminée, jusqu'à ce que résonnent les douze coups.
Elle s'effaça dans l'ombre lorsqu'un prince apparu. C'était certes un prince mais on eut dit un enfant. Ou un fou; il en portait les habits. Un fou qui croyait chevaucher une monture. Ses pas imprévisibles et irraisonnés changeaient autour de lui la réalité, ou plutôt il croyait voir un monde qui n'était pas. Ce prince, donc, méprenait la bûche pour une femme, puis se l'appropriait en un prolongement démesuré de lui-même.
Ses gestes étaient d'une grâce crue. C'était bien un prince improvisé, drôle et effrayant, et jamais un roi, tant mieux. Un prince fou qui ne ressemblait à rien sauf à l'innocence, lisse, glabre, cruelle, blanche. Il aperçut une pantoufle, en huma le parfum. Ivre, il fit essayer la pantoufle à toutes les belles dames dans la cave, à la recherche de sa bien aimée. Jusqu'à retrouver la princesse, au terme d'une longue quête. C'était très beau, à pleurer. Ils furent heureux, et ils dansèrent longtemps.
C'était Ciel de Cendre et Emerveillement et Ciel de Cendre, de Gyohei Zaitsu, avec Gyohei Zaitsu et Maki Watanabe, au butô festival, à l'Espace Culturel Bertin Poirée.
Au sol rôdent des félines toutes griffes dehors, qui jouent à faire peur sous les éclairs de néons. Il y a sept filles, deux garçons, donc ces derniers objets de sourdes convoitises. Et des duos amoureux, des disputes, des courses, des jeux de quatre coins, des réconciliations. Mais l'essentiel se joue en soli, dans les échappées verticales. Chacun à son tour a droit à son moment d'ascension.
L'acrobatie est alors la danse faite impossible. Sans emphase ni dramatisation, tout en fluidité et révêrie, cette succession d'évasions réussit à ne presque jamais lasser. Ambiances: les rêves se balancent aux échos d'un soprano, deux flutistes charment des femmes-cordes: une évocation elliptique d'Indes exotiques. Legers, legers comme l'imaginaire, les bras tendus font lignes avec le fil, l'équilibre prend des apparences désinvoltes de facilité. La verticalité est libérée. Enivrée par les accords d'une guitare poisseuse, une vamp en guépière et manteau fait se dresser droit un mat chinois. Au son de carrillons de minuit des désirs inexprimés flottent entre deux airs, entravés de cordes, et se laissent retomber, comme par abandons. Vu par ceux qui, lampe au poing, veillent d'en bas: des fantômes. Au sol une femme en robe de dentelle regarde et danse avec une feinte maladresse. C'est un vilain petit canard qui fait le lien entre nous et eux.
Qui font leurs preuves, comme pour une épreuve d'initation, se rassemblent enfin pour le grand saut. Et assemblent une machinale infernale pour être projetés à travers le portail, vers le rêve ou la vie.
C'était La Part du Loup, mis en piste et chorégraphié par Fatou Traoré avec les étudiants de la 19e promotion de l’Ecole nationale supérieure des arts du cirque (Ensac), à l'espace chapiteaux du parc de la Villette. Avec Paris Quartier d'été.
Résolue et corporelle, sans rien s'épargner. Acharnée. Seule contre elle même, Etcha Dvornik fait le choix du solo, juste soutenu d’extraits vidéo. Quoiqu’on puisse après en penser, on doit reconnaître qu'à la différence de l’épisode précédent et autour des mêmes thèmes, son propos s’en retrouve méchamment concentré. L'étrangère, déplacée. Aveugle pour commencer, puis qui existe à force d'une répétition obstinée des mêmes gestes, frottements névrotiques ou mouvements amples à respirer, entre grâce et grotesque. Quelques moments d'absence succombent à une sur-présence charnelle, qui touche à l’obscénité gesticulatoire, obsessionnelle. Pendant ce temps sur l'écran du fond, irréelle et éthérée, la jeune Daphnée Favreliere parle en images comme dans un film français des années 70. C'est délicieusement désuet et ça sonne justement faux. Sur scène Etcha Dvornik en rajoute à l'inverse dans le trivial et le vrai, manie les bottes de paille, bêle à s'humilier, casse assiettes et oeufs crus, et re-danse du début. Toujours encore pourtant en code de représentation. Le corps est à la fois cruellement concret et cruement incorrect, matière vive frottée d'oignons, jusqu’à l'exposition cynique. Pour un résultat embarrassant et singulier.
C'était, en juillet dernier, Alpe! Alpe ! ou le cri du cochon dans la nuit d'hiver III: l'absence, de et avec Etcha Dvornik, Daphné Favreliere et vidéo, à Gare au théatre, pour Nous n'irons pas à Avignon.
Première performance: un jeune homme projette un film sur un écran blanc. Il est assis à une table. Il utilise un vieux projecteur. Les couleurs sont délavées. On voit des paysages. On voit une voie de chemin de fer. On voit des ruines. On voit des personnages. On voit l'image du jeune homme. L'image du jeune homme danse sur l'écran. Le vrai jeune homme danse devant son image sur l'écran. Il y a une musique. La musique est emphatique. L'image est fixe. L'image est l'image d'une pellicule brûlée. Le jeune homme colle une bande de papier sur l'écran. Il n'y a plus rien sur l'écran.
Seconde performance: La performeuse sort dans la rue. Elle met un truc avec des plumes. Elle est très maquillée. Elle enlève son jean. Elle porte des collants et un string. Elle est habillée en danseuse de revue. Elle met en marche un lecteur de cd. La musique est exotique. la performeuse fait des pas de danse. Elle sourit d'une manière forcée. Elle part dans les rues de la Goutte d'Or. Elle danse en marchant. Les spectateurs accidentels sont noirs. Ils sont jeunes. Ils sont bruyants. Ils sont excités. Ils sont étonnés. Les spectateurs intentionnels sont blancs. Ils sont silencieux. Ils sont plus vieux. Ils semblent calmes. Ils ne semblent pas étonnés. La performeuse s'arrête sur un chantier de voirie. Elle met en marche des voitures de police-jouets. Elle plonge sa tête dans le sable. Elle ne bouge plus. Elle sort la tête du sable. Les spectateurs intentionels applaudissent. Elle revient à l'Olympic café.
Troisième performance: il y a quatre performeuses. Elles performent au sous-sol. Elles sont habillées de noir. La première performeuse est devant une table. Elle ne peut pas s'asseoir. Elle est attachée par son chignon à une corde. La corde est attachée au plafond. Elle lit à voix haute un dictionnaire franco-japonais. La seconde performeuse savonne son costume noir avec du savon blanc. Elle enlève son costume. Elle est en sous-vêtements. Elle savonne son corps blanc avec du savon noir. Elle met du typex sur ses ongles. Elle noircit son visage. Elle remet son costume. Elle met une perruque. la perruque cache son visage. Elle quitte la salle. Elle fait un tour au bar du haut. La troisième performeuse est devant une table. Elle peigne une peau de mouton. Elle parfume la peau. Elle utilise différents accessoires. Elle fait des tresses à la peau. Elle porte des tresses noires aux joues et au menton. La quatrième performeuse porte des salades. Elle monte sur un bar. Elle s'allonge face au bar. Elle se couvre de salades. Elle pose des escargot sur la salade. Elle pose des escargots sur son costume. Elle pose des escargots sur sa tête. Elle plonge sa tête au bord d'une boite de plastique. La boite est remplie d'eau et d'escargots. Elle ne bouge plus. Les quatre performeuses performent en même temps. Les spectateurs bougent d'une pièce à l'autre. Les spectateurs ne parlent pas.
Quatrième performance: une femme danse.
C'étaient les performances d' Art_tuilage 6 du C.R.A.N.E. à l'Olympic Café. Avec (1) Yoshitsugu Tsukamoto. Avec (2) Edwige Mandrou. Avec (3) quatre performeuses dont on a pas noté le nom sauf celui de Lea Le Bricomte qui figurait au programme. Avec (4) Isako Wakao