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danse - Page 22

  • Lionel Hoche enchante

    Il y aurait au bord de la route des rescapés de la croissance ou de la crise, qui rêveraient en images, pour élaborer/révéler de nouveaux mythes, construits de bric à brac, récupérés de débris, réinventés de gestes dansés.

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    Parasol, canapé, boites de céréales, bouteilles plastiques, rebus de la société de consommation, tout serait détourné. On pourrait oublier hadopi et toute la technologie, se nourrir de la mythologie de ces nouveaux indiens hopis. Tout juste un peu moins bariolés que les black indians du mardi gras, tout autant naïfs et merveilleux. Combinés de ces objets réappropriés, apprivoisés, ré agencés, apparaîtraient hybrides l'homme chiffon, l'homme gazon, l'homme poubelle. Tableau après tableau, le monde pourrait se re-coloriser, les équilibres encore balbutiants et fragiles, les rêves encore en péril. Mais le merveilleux renaîtrait en douceur, pour nous bercer d'une jubilation enfantine. Les cérémoniaux seraient minutieux et solennels, ridicules et bienveillants, drôles et enchantés. La danse n'aurait d'importance que pour lier corps et environnement, le visible et l'invisible, le suggéré. Toute sa maîtrise modestement estompée, oubliée au profit du tout. L'espace concentré serait riche d'objets suspendus et incongrus, de fantaisies et de surprises, les trucages à nu. Un esprit aérien viendrait lentement explorer la salle, ailleurs d'un coup tous les lustres s'illumineraient. Le temps redeviendrait circulaire, il y aurait des télescopages d'errances ivres, d'effusions de rythmes, de danses vives, d'apparitions surnaturelles, d'exubérances hallucinées, de combats de guerriers, et dans l'ombre des sacrifices. Sitôt les rites nés, les raisons en seraient cachées en symboles, déjà des mystères.

    L'imaginaire retrouverait son développement durable, on pourrait réver avec eux.

    C'était Pan! de Lionel Hoche. A L'étoile du nord, dans le cadre d'avis de turbulences 4.

    Guy

    Photo d'Agathe Poupeney avec l'aimable autorisation de Lionel Hoche

     

  • Eléonore Didier

    Solides,Lisboa & laiSSeRVenIR

    Deux solos d’Eléonore Didier

    Production Dépose Incorp.

     12 & 13 mai à 20h30

    Confluences / Festival La Genre Humaine

    190 bd de Charonne 75020 Paris (m° Alexandre Dumas)

    Réservation : 01 40 24 16 34 ou resa@confluences.net

    + dinfo deposeincorp@free.fr / 0175510675 / 0614100774

  • Mildred Rambaud: la femme et l'objet.

    Avant, glaise et peau ne faisaient qu'un, ici ce soir l'objet est de papier, blanc plié, sec, net, extérieur, delimité. Pourtant en continuité avec la robe immaculée, toujours tenu au corps, tout contre, lié. Il semble un prolongement protéiforme: vêtement, fardeau, membre, aile, paravent... 

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    Un objet chéri, précieux, une pensée matérialisée, un double inerte, un être aimé... Qui des deux se fait prisonnier de l'autre? Notre regard avec le corps dans la blancheur confond l'objet, abolit les limites entre eux. Dans ce trouble, peu de mouvements. Sur ce peu d'espace un lent renoncement: le corps inquiet porte l'objet, dans l'inconfort, le regard abandonné le long d'un chemin de croix détaché. De stations en stations, ce transport d'émotions ne dure que dix minutes d'une sourde lenteur, contenue, entretenue dans l'espace sonore par des pulsations engourdies. Le poids du papier s'accroit jusqu'au déséquilibre, la tête penche, dans un vertige contagieux, le corps plie aussi. Jusqu'au sol, toujours portant le papier plié, lui s'ouvre et se déploie en corolle au coeur des jambes nues. C'est d'une simplicité résolue, d'une puissante évocation.

    C'était Porter papier plié de Mildred Rambaud, créé à Point Ephémère, revu dans le cadre du 54e salon d'art contemporain de Montrouge, à la Fabrique.

    Guy

    lire aussi: pot.

    Photo (D.R.) avec l'aimable autorisation de Mildred Rambaud

  • La théorie du 2: une, deux, beaucoup.

    Une apparaît, se dédouble, et encore et plus jusqu'au quintuple. En blanc innocent sur noir de fond, tissus amples et en capuches, pour une promenade insouciante dans une forêt invisible. Et encore s'abandonnent à la répétition, pour les mêmes séquences en boucle, dansent toujours les mêmes figures à l'unisson ou en canon. 

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    Au rythme de cette comptine, notre imagination à partir des ombres autour d'elle(s) dévoile un environnement de contes, la suggestion de mythes. Reste au milieu ce trou noir, une obscure bande de tissu, zone d'ellipses, où elles disparaissent, d'où elles surgissent. Pour réitèrer ces occurrences, circulaires, toutes cinq et indifférentiées. De cette amplification obstinée monte un étourdissement, un vertige entretenu par la musique obsédante, mais au bout de ce chemin vient l'apaisement. Du renoncement au sens vers l'affinement des perceptions. Des différences subtiles sont tissées et dissoutes, se laissent juste deviner. Nous nous tendons à l'affût des évenement, des sens et des signes. Et d'un peu d'ironie. Ainsi sommes nous aussi, bien semblables tous, identités suspendues à une nuance ou deux. Sur la scène des fantômes s'éffondrent, se perdent et se dissolvent. Soudain de plus larges variations s'ouvrent. Il suffit enfin d'une offrande, visages mis à nus- le premier par volonté, le second forcé?- pour que des rôles commencent à exister, que le temps s'écoule. Avec l'ébauche de relations, même de luttes, la naissance de rivalités mimétiques et de victimes, sur un fond de ballade rock. Pour arriver à cette fin, il aura fallu oser une belle maturité, en économisant heureusement le discours pour passer de l'idée à la forme.

    C'était La théorie du 2 (Imago Opus 2) de Frédérike Unger et Jérôme Ferron (Compagnie Etant Donné), Eloïse Deschemin, Solène Hérault, Marie Rual, Nele Suisalu, Aline Braz da Silva. Au théatre de L'étoile du nord avec Avis de Turbulence.

    Guy

    Aprés Pan de Lionel Hoche, Avis de Turbulence se poursuit la semaine prochaine, avec Oups et Opus de la Vouivre.

     photo (DR) avec l'aimable autorisation d'Etant Donné

    Le samedi 16, à Noisy Le Grand, Imago Opus 1 

  • Pernette: mots et miniatures

    Danseurs et écrivain concordent...mais subtilement. Où ? A différents niveaux, mots et corps s'interpénètrent, assis au milieu et heureux d'être arrivé, on essaie de guetter où- c'est un jeu. Les danseurs sont deux- Nathalie Pernette et Arnaud Cabias- un homme, une femme, mais de même asexués et crânes rasés, émotions remises de coté. En noir pénitent, l'humanité engourdie sous des réflexes mécaniques. L'écrivain- Gwenaëlle Stubbe- lit. Les deux danseurs tentent-ils de la contaminer, de gestes lunaires et ampoulés sur elle? Devant, dessus, devant dessous, contre, autour...La diseuse résiste, et même aux assauts sensuels, détourne le naturaliste Cuvier, et évoque impavide les mystères d'espèces disparues. Le sujet de la performance hésite ironiquement entre rencontre, décalage, opposition.

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    Le second round se joue à table, tout aussi énigmatique. L'écrivain y modèle les mots. Les danseurs, en attaques à l'unisson, y modèlent de la pâte. En interlude filmé, les corps impossibles et animés par Philippe Combes évoquent eux aussi des créations de modelage, celles de Bruce Brickford peut-être. L'écrivain Arnaud Cathrine se place en commentateur, ironise sur notre crainte ou notre attente d'un nu sans cesse escamoté. Il s'amuse à retarder l'explication de l'impossible, l'air de ne pas y toucher. Manière de suggérer que la parole n'est jamais qu'un autre moyen d'évoquer. Et non d'objectiviser. L'exercice parait un peu léger en soit... mais tombe juste dans le déroulement de cette soirée drôle et douce.

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    En conclusion, comme par l'invitation des chairs morcelées montrées par Combes, Cabias et Pernette entreprennent de s'extraire du noir de leurs vêtements de deuil en un épluchage méthodique. Ils s'arrachent tissus l'un à autre et un par un, mais sans jamais sembler en venir à bout. Les couches supplémentaires semblent surgir par-dessous. Pourtant les gestes se font de moins en moins neutres, plus francs et désirants. Les regards s'animent et se rencontrent. Le cliquetis des métronomes se ralentit. Sous le noir de l'étoffe surgit enfin le blanc du vivant. Puis ne restent sur la chair que les derniers sous-vêtements, la main s'en saisie aux coutures, et...

    C'était Miniatures de Nathalie Pernette, avec Nathalie Pernette et Arnaud Cabias, avec Gwenaëlle Stubbe, et Mopholab2 de Philippe Combes avec Arnaud Catherine.

    Au Colombier de Bagnolet, avec Concordan(s)e.

    Guy

    Photo de Miniature par Franck Gervais et photo de Morpholab par Agnieszka Podgorska, avec l'aimable autorisation de Concordans(e).
  • On vote à Bertin Poirée

    Tous les ans en mars, on vote à Bertin Poirée. On dépose son bulletin dans l'urne aprés avoir pris son temps pour à regret cocher trois cases pour sept performances. Le taux de participation est de 100 %. La plupart des candidats nous sont jusqu'alors inconnus, ne nous font aucune promesse, plutôt offent déja tout, généreusement. Les applaudissements permettent de dégager des premières tendances, avec plus de fiabilité que des enquêtes d'opinion.

    Chacun a dix minutes pour convaincre. On ne tombe pas amoureux à tous les coups, mais dans l'exécution de cet exercice rigoureux personne ne démérite vraiment. Ni Marisa, nymphe rousse et lactée qui tourne aux sons d'une harpe plutôt new age, ni Sobue Yko qui pourtant n'est pas Moeno. Suprennent plus Volantin, qui juste commence à évoquer un voyage halluciné, nage en slip, se rhabille, mais surement manque de temps. Aussi Miki, qui sans temps mort laisse glisser un duo homme et balle raffraichissant de légerté.

    Tranchant, troublant, refléchi, d'actualité brûlante: le solo de Laurence Pages, qui danse les luttes. Et nous dresse l'inventaire des postures protestataires et politiques. Working class hero en T-shirt et baskett, corps tendu et éprouvé, en déchirements et tension, évoque l'imaginaire social à jusqu'à se se souvenir du Metropolis de Fritz Lang. Aussi grave et troublant, le Collectif des yeux. C'est un duo qui claque en noir, sec et méchant. Deux sombres personnages inspirés de Bekett qui progressent en symétrie vindicative, se rencontrent pour des affrontements cinglants. Belle surprise: c'est bien le discret Takashi Ueno, revenu de Fresque, qui clôt la soirée. On s'attend à des sauts de chat, de la virtuosité, et l'on voit l'inverse: scénarisée, une pièce très personnelle. Qui prend le risque du masque, le risque d'une danse panique, se tourne moins vers l'Asie que vers l'Afrique, instille l'inquiétude de l'indifférentiée...

    C'était la soirée d'ouverture de Danse Box- Version Clip, à l'espace culturel Bertin Poirée, avec Miki, Le Collectif des yeux, Volantan, Takashi Ueno, Marisa, Sobue Yoko et Laurence Pages.

    Guy

  • Le chorégraphe et l'interprête: je t'aime moi non plus!

    Interprètes ou chorégraphes: tous les invités-débatteurs se sont trouvés dans l'une ou l'autre de ces deux positions (ou s'y trouveront). Aujourd'hui pour juger de la relation qui lie ce couple, ils sont donc parties et parties. Et passent d'un point de vu à l'autre, avec agilité. Les discussions tournent un temps autour du sujet... mais vite appuient sur ce qui pose problème plutôt sur ce qui serait motif de satisfaction...

    Des composantes ou des déclinaisons de cette relation on évoque donc bientôt ce qui est violence plutôt que ce qui est amour. Ou l'on suggère que l'un n'irait pas sans l'autre! Le débat est dés lors impossible et passionnant, nourri avec un peu de gêne et un certain courage de la part des intervenants, comme on se décide à évoquer des secrets de famille ("Je peux en parler maintenant parcequ'il est mort, mais untel nous jetait des chaises à la figure"). Les non-dits pesent autant que les aveux et les réflexions. Certains, parlant en interprètes, avouent leur désir de soumission, le besoin de s'abandonner. A l'inverse, Olivia Grandville se satisfait qu'avec le temps l'on reconnaisse de plus en plus la part de création qu'apporte le danseur. Reconnaît que la liaison reste toujours dangereuse, sans objet interposé entre les deux partenaires, tel le texte pour l'acteur, la partition pour le musicien. Cette liaison ne peut s'affranchir de la séduction, jusqu'à l'explicite entre sexes opposés ou inclinaisons compatibles....Jusqu'où? Quelqu'un rappelle bien à propos une évidence: cette relation de travail si particulière porte sur le corps et sur l'esprit de l'interprête, l'exige donc entier. Olivier Dubois, Gael Depauw, racontent les exigences du travail avec Jan Fabre, l'engagement exigé, mais pour affirmer avoir consenti à tout et ne rien regretter. Assurent en avoir retiré un grand enrichissement, en étant contraint de repousser leurs limites. Sans remettre en cause leur sincérité, doit on les croire objectifs? N'idéalisent-ils pas l'expérience? Gael Depauw revendique, positivement, d'avoir été "traumatisée". Kataline Patkai, elle aussi, assume tout en tant qu'interprête. En tant que chorégraphe, fait son autocritique, regrette ne pas avoir su exiger assez de ses interpretes en certaines circonstances... ou en avoir trop demandé à d'autres occasions, mais sans en avoir eu l'intention!

    Echange aprés échange se dévoile un implicite majoritairement partagé. Qu'il ne peut y avoir de création artistique sans dépassement. Derrière cette assertion se profile une autre, plus contreversée: ce dépassement ne saurait être obtenu sans une dose de contrainte et de violence. J'en doute, mais ma propre expérience de témoin  est bien limitée. On en vient à avancer, un degré au dessus, que la création, trangressive par essence, devrait donc s'affranchir des règles du droit commun pour trouver les moyens de sa réalisation... Un autre débat à venir?

    C'était le débat Chorégraphe - interprète : une relation particulière. (Comment se module la relation entre le chorégraphe et l’interprète ? Jusqu’où le chorégraphe peut-il pousser l’interprète, physiquement et psychiquement ? Qu’en pense l’interprète? )  avec les danseurs et chorégraphes Olivier Dubois, Olivia Grandville (les Carnets Bagouet…), Thierry Malandain(CCN/Ballet de Biarritz), Kataline Patkaï, sans Loïc Touzé (excusé) et avec la performeuse Gaël Depauw, précédé par la projection de Véronique Doisneau de Jérôme Bel et Pierre Dupouey. Dans le cadre des rendez-vous du Dansoir Karine Saporta, animés par Sabrina Weldman.

    Guy

    Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L 1152-1).

  • Ouramdane/Rambert: vers l'identité.

    Solo, soli: deux propositions où fusionnent les expressions du théâtre et de la danse, entre autres. Mais d'un exercice à l'autre l'efficacité fluctue. 

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    De la vision De mes propres mains le strict texte tend à s'estomper, même peine à exister. Manque-il de force, en deçà de l'évidence des mots du Début de l'A  ? Le texte est repoussé en périphérie du jeu, de la voix, des lumières, qui pour leur part captivent ensemble d'une main ferme. Nous tiennent, du récitatif ambulant et aveugle du début, au troublant dévoilement hermaphrodite du milieu, jusqu'au chant doux amer de la ballade qui clot. Mais on peine à retenir, en narration, de quoi il était question. Si le méta projet est de prouver qu'un texte créé il y a 15 ans pour un comédien homme pouvait se prêter à une autre identité sexuelle, voire rester d'un genre indifférencié, la demonstration est vite faite, et laisse en suspend. Le sujet en tant que texte même s'en retrouve plutôt sacrifié.

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    A l'inverse, le sujet de Loin..., de Rachid Ouramdane s'impose d'emblée. Essentiel et émouvant: la quête par l'interprète de son identité. Individuelle, familiale, collective, historique... Pour remplir les vides lancinants, tous les moyens sont bons ici, et jamais faux. En vidéo, Les images de pays d'aujourd'hui laissent deviner en flou les images des origines. Quant les images ont disparus, sont recueillis les témoignages des témoins survivants, en un français hésitant, pudique. Leurs souvenirs blessés, broyés par les enjeux politiques. Toujours restent des espaces béants, dans les angles morts de l'histoire sacrifiée, en Algérie, en Indochine. Quant il le faut, masqué, démasqué, Ouramdane tente de combler ces absences d'un monologue inquiet. Quand les mots font défaut, danse et gestes prennent le relais, révoltés mais et s'apaisent peu à peu, s'ouvrent sur des dimensions plus personnelles. Quand la mémoire individuelle s'épuise, les souvenirs survivent collectifs restitués par une omniprésente musique. Avec les Stranglers, Ouramdane recherche les héros disparus. Quand le monde mute, le théâtre comble en profondeurs nos amnésies, nous permet de nous reconstruire.

    C'était De mes propres mains/solo de Pascal Rambert avec Kate Moran, et Loin... de Rachid Ouramdane. Au théatre2genevilliers. Portrait/Portrait continue jusqu'au 22 mars, avec Les morts pudiques et Un Garçon debout.

    Guy

    Photos de Cybille Walter (De mes propres mains) et de Patrick Imbert (Loin...) avec l'aimable autorisation du théatre2genevilliers

     

  • Cecile Saint Paul: tout est ailleurs

    Tout survient ailleurs, décentré. Dans notre angle mort. D'abord les personnages présentés de dos à ne pas regarder un film, qui d'ailleurs n'est pas projeté- juste des inter-titres elliptiques- à écouter une bande son évocatrice. De quoi déja nous faire savourer notre frustration. 

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    Les interprètes cherchent leur place, se bousculent un peu, comme par accidents, glissent sur leur chaises, décalés. Un récit au micro s'embrouille avec une inintelligibilité travaillée. Des pas de danse se posent à l'unisson, sur des musiques désuettes, semblent echappés d'ailleurs. Les images paressent, se bloquent, se dissolvent. Des blancs surviennent, des poses, d'une jubilation sidérée. Du presque rien, ce qui fait déja beaucoup, pour sans relache nous ramener à l'ironique question de quoi regarder... Des entrées, des sorties? Vers deux écrans au murs qui montrent ce qui se passe dehors, ou nulle part peut-être, par gags et glissements, ce qui ne s'y passe ou non. Telle la feinte et spectaculaire disparition de l'artiste, on se gardera d'éventer la surprise du comment. A ce moment, on n'avait pas vu le lieu aussi intelligement utilisé, depuis le passage Eléonore Didier. Les personnages apparaissent et disparaissent en video, flottent entrainés dans une danse revée qui évoque le cinema de David Lynch, sur un mode ironique et poétique. C'est une belle leçon d'allusions, d'absurde, de non finalité.

    Un belle leçon C'était Anomalies et Perspectives, de Cecile Saint Paul, présenté en ouverture de résidence à Point Ephémère.

    Guy

    Image avec l'aimable autorisation de Point Ephémère

     

  • Kataline à la ferme

    Ardanthé finit la saison en beautés, en audaces qui nous sourient. En début Sylvain Prunenec a dansé comme on pose un rébus, en un parcours drolatique et accidenté: toréador fou ou danseur de flamenco, cow-boy ou chanteur de blues... C'était court en juste un quart d'heure, mais assez pour annoncer le thême: connivences et jubilation. Et laisser Delgado et Fuchs enchaîner, irrésistibles et pinces sans rire.

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    Plus tard, Yves-Noël Genod raconte. Qu'il est tombé amoureux d'un homme mais que les femmes lui manquent. Ensuite bien d'autres choses. Est ce sa vie ou fiction? On ne sait. Et on renonce vite à se poser la question. Ainsi qu' à catégoriser la chose en danse ou théatre. De même qu'on avait admis voir Y.N.G. arpenter la salle avant le début de la pièce, poser, avec superbe et affabilité. Quant au texte, il est avéré et en version intégrale sur son blog , où il ne détonne en rien avec les autres mots jetés au même endroit depuis des mois ou des années, avec une intarissable régularité. Autant de pièces en devenir? Ce monologue là est joliment désinvolte. Le disant Y.N.G. se balade, deguinguandé et décoloré, avec ce qu'il faut d'hésitation. Offre et force l'acception, en douceur et empathie, avant même de poser le sujet. Séduit en évoquant le poète vierge(1)- Baudelaire- qui allait au bordel sans consommer. Question scénographie, le bordel est plus étudié qu'à première vue. Factice assumé et scène sur tréteaux, neige artificielle comme juste échappée d'une boule de noël, en fond d'écran images de paysages hivernaux, fagots. L'ensemble aussi kitsch qu'une créche de noël, d'un état naturel et révé. Justement, Y.N.G. cite Jean Jacques Rousseau. L'utopie s'installe doucement devant nos yeux-peut-être même tient on là le sujet. Kataline Patkai dialogue en ingénue, apporte des lapins, puis un chat, puis un chevreau. Lui donne le biberon d'une main assurée, et parvient plus ou moins à se faire respecter par ses amis à poils. C'est la douce image de l'harmonie retrouvée. Y.N.G. poursuit sa promenade d'aphorismes de Tolstoi à Pompidou. Fait du name-droping. On lui pardonne. Du début jusqu'à la fin on passe du cop à l'âne, mais en beauté. La belle entourée des petites bêtes se dévet par morceaux: habits de fermière mais sous-vêtements sophistiqués. Puis en tenue de nature: telle Eve rejointe par un Adam pour quelques exercices de paradis terrestre. On y repensera l'heure d'aprés en voyant Cecilia Bengolea et François Chagneau délivrer leur propre version de l'innocence decomplexée. Le pianiste- nu lui aussi- se perd en arpèges, les lumières caressent, Y.N.G. ponctue le tout d'interventions épicées, installe le flou, et une pudeur imprévue. Des moments de rires et d'émerveillements, pas de regrets. L'ensemble a trouvé son tendre équilibre, decousu et sans leçons à donner. Un peu de gravité tempérée par beaucoup de dérision, du dandysme. Une grâce plane, inaccessible à l'analyse. On fond, tout autant qu'Hamlet nous avait crispé. Moralité énoncée au cours d'un déjeuner sur la neige: "L'art c'est la décadence". Voire: tout celà n'aurait il pas été trop gentil (quand le nu ne compte plus)? Il faut bien un peu de vraie provocation: Kataline découpe à cru un civet et quelques spectatrices détournent les yeux. A bas les tabous!

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    C'était C'est pas pour les cochons! de Kataline Patkai et Yves Noël Genod, avec aussi Yvonnick Muller et Pierre Courcelle au piano. Ainsi que Love me, love me, love me de Sylvain Prunenec. Et à nouveau Manteau Long en laine marine... de Delago Fuchs et Paquerette de François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Pour la soirée de cloture d'Artdanthé.

    Guy

    La saison d'Ardanthé n'est pas finie : épilogue avec Boris Charmatz et Médéric Collignon le 5 mars.

    (1) ainsi surnommé par Nadar

    photos de Jérome Delatour, les autres sur le flick'r d'Images de danse.

    lire l'article de Jérome Delatour. et celui de M.C Vernay dans Libération, repris par Y.N.G.